Présentation de l’éditeur
Jadis, ils chantaient les exploits de Pancho Villa et d’autres généraux de la Révolution mexicaine dans les fêtes populaires des villages du Nord. Aujourd’hui, ils parcourent encore avec leurs accordéons les routes poussiéreuses de Chihuahua et de Sonora, mais ils ont su s’adapter au changement et ils célèbrent désormais les hauts faits de nouveaux héros du peuple : les chefs de grands cartels de la drogue.
Notre protagoniste, Lobo, est l’un de ces chanteurs traditionnels, qui sont en réalité les derniers survivants des troubadours débarqués avec les Espagnols cinq siècles auparavant. Ce n’est donc pas un hasard si, dans une taverne perdue, il croise un soir le chemin d’un Roi dot l’autorité et la puissance l’éblouissent au point de changer le cours de son existence. Suivre le Roi, le servir et l’honorer, voilà ce que Lobo veut désormais. Si le trafic de drogue n’est jamais nommé, on devine immédiatement que l’on est quelque part à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, et que ce Roi fabuleux n’est bien évidemment qu’un sanguinaire narcotrafiquant.
C’est le début d’une aventure furieuse et sans âge, qui mélange les imaginaires, les discours et les époques. Lobo découvre le Palais, la Cour et le Royaume ; il y rencontre la Sorcière, la Fillette et l’Héritier. Ce qui lui arrive relève parfois du rêve et parfois du cauchemar, comme dans un conte de féés constamment réécrit par un auteur de romans noirs.
Pour Elena Poniatowska, avec Les Travaux du Royaume, déjà couronné par plusieurs prix internationaux, Yuri Herrera est entré dans la littérature mexicaine « par la porte d’or ». Il signe ici un premier roman aussi incisif que fulgurant.
Mon avis
La littérature mexicaine et moi, ce n’est pas forcément cela (Carlos Fuentes a laissé des traces mais je vais retenter). Pourtant, ce livre m’a plutôt plu. Pour être plus exacte, je trouve que c’est une jolie découverte.
J’ai lu ce livre sur le reader et donc je n’avais lu qu’en diagonale la présentation de l’éditeur en achetant le livre. Or, dans un livre numérique, la présentation de l’éditeur est à la fin, en tout cas, chez Gallimard. J’ai donc ouvert ce livre sans aucun a priori. Dès le début, ce qui frappe c’est intemporalité du récit, ainsi que son absence de situation géographique. On ne situe ni le lieu (si on ne savait pas que l’auteur était mexicain, on ne serait pas tenter de penser que l’on est à la frontière entre les États-Unis et le Mexique), ni le temps (même si on est à l’époque moderne : il y a des téléphones portables). Tout cela est poussé à fond puisque les personnages ne sont pas nommés par leur prénom (le prénom du narrateur n’est utilisé que peu de fois et toujours hors du Royaume). L’écriture elle aussi est adaptée puisque c’est celle d’un conte. Il y a un côté irréel. Pour donner une idée, je vous livre un petit extrait :
Le palais ressemblai à ce qu’il avait toujours imaginé. Soutenu par des colonnes, avec des statues et des tableaux dans chaque pièce, des sofas recouverts de fourrures, des boutons de porte dorés, un plafond si haut qu’on ne pouvait même pas le frôler. Et, surtout, des gens. Tant de gens sillonnant les galeries à grandes enjambées. De-ci, de-là, affairés, ou désireux de se montrer. Des gens de partout, originaires de chaque recoin du monde connu, des gens venus de l’autre côté du désert. Il y en avait même quelques-uns, vrai de vrai, qui avaient vu la mer. Et des femmes qui se déplaçaient tels des léopards, des hommes de guerre immenses et dont le visage était orné de cicatrices, il y avait des Indiens et des Noirs, il avait même vu un nain. Il s’approcha de différents cercles et il tendit l’oreille, désireux de savoir. Il entendit parler de cordillères, de forêts, de golfes, de montagnes, et tout ça était dit d’une manière qu’il n’avait jamais entendue auparavant.
Je n’avais jamais lu ce type d’écriture. On se demande où l’auteur veut en venir mais on le suit avec plaisir en se demandant si Lobo va se sortir de cette situation où il est l’Artiste au service du Roi. L’Artiste est un bien grand nom car il est à la botte de son mécène (il dit qu’il y prend plaisir car le Roi est grand).
Au milieu du livre, j’ai cherché sur internet la quatrième de couverture et du coup, j’ai lu que le Roi était le chef d’un réseau de trafic de drogue. Cela m’a aidé à comprendre où l’auteur voulait en venir (tout ce qui était sur les guerres entre royaumes, les alliances, les filles que le Roi vous donne …) mais cela m’a aussi parfois perdu car je cherchais trop à interpréter le livre en pensant à comment il pouvait se comprendre dans ce contexte.
J’ai aimé la conclusion du livre : le Roi n’est pas aussi fort que l’Artiste car le Roi dépend du pouvoir qu’autrui lui donne tandis que l’Artiste a le pouvoir (créateur) en lui.
Comme je disais, une jolie découverte !
Références
Les Travaux du Royaume de Yuri HERRERA – traduit de l’espagnol (Mexique) par Laura Alcoba (Gallimard, 2012)
P.S. Happy Birthday Sherlock si tu me lis 🙂