Cecile's Blog

  • Autant vous le dire, c’est le deuxième billet que je fais sur cette très courte nouvelle parce que je viens de fermer accidentellement la fenêtre où j’avais écrit l’autre (bien évidemment sans enregistrer). L’idée c’était de continuer l’exploration des nouvelles de Poe par cette donc très courte nouvelle, cinq pages dans l’édition Bouquins (conseillé par une fan de Poe), intitulée Morella. Elle a été publié dans une première version aux États-Unis en 1835 et en France dans la traduction de Charles Baudelaire en 1853. Son sujet principal pourrait se résumer en la vie après la mort.

    Ce prénom étrange de Morella est celui d’une feme qui a tous les savoirs. Il aurait été inspiré à l’auteur par Juliana Morella, petite fille née en 1595 en Catalogne et à l’érudition immense (je n’ai pas trouvé dans Wikipédia. Un sujet qu’ils n’ont pas traité, c’est assez exceptionnel.) Ici, Morella n’est pas une petite fille mais une femme, elle aussi pleine de savoir et qui se passionne pour les « écrits mystiques qui sont généralement considérés comme l’écume de la première littérature allemande« . Notre narrateur, anonyme, devient son ami puis son mari même si

    mon âme, dès notre première rencontre, brûla de feux qu’elle n’avait jamais connus ; mais ces feux n’étaient point ceux d’Éros.

    Le narrateur voue en réalité une sorte d’admiration sans borne et cherche à se familiariser avec le sujet d’étude de sa femme, les écrits mystiques. Au fur et à mesure de son étude, le narrateur et Morella en viennent à discuter essentiellement de ce sujet. En même temps, il n’arrive toujours pas à comprendre le « mystère » et la « nature » de sa femme ; ils agissent sur lui comme un « charme ». Le narrateur va de plus en plus abhorrer sa femme.  L’ »attouchement de ses doigts pâles », « le timbre profond de sa parole musicale », « l’éclat de ses yeux mélancoliques » lui tapent sur le système ; il en vient à souhaiter la disparition de sa femme. Le pire c’est que Morella s’en rend compte. Alors, quand celle-ci meurt en donnant naissance à une petite fille, ces dernières paroles sont les suivantes :

    Je répète que je vais mourir. Mais en moi est un gage de cette affection. Ah ! quelle mince affection que tu as éprouvée pour moi, Morella. Et quand mon esprit partira, l’enfant vivra, ton enfant, mon enfant à moi, Morella. Mais tes jours seront des jours plein de chagrin, de ce chagrin qui est la plus durable des impressions, comme le cyprès est le plus vivace des arbres. Car les heures de ton bonheur sont passées, et la joie ne se cueille pas deux fois dans une vie

    Le nouveau père va adorer son enfant. Cependant il va observer que de jour en jour, la petite fille va ressembler physiquement et intellectuellement de plus en plus à sa mère. Il va même jusqu’à la priver du regard des autres et surtout ne pas la nommer de peur de ce qui pourrait arriver. Parce que chez Poe, il n’y a rien de simple dans le fait qu’une fille ressemble à sa mère…

    Dans l’édition Bouquins, on nous explique qu’un critique a vu dans cette nouvelle la vie de Poe. Morella serait la mère de Poe et la petite fille la femme de Poe, Virginia, dont il est tombé amoureux quand elle n’était encore qu’une enfant. Il y a des gens qui vont vraiment chercher très loin !

    Mon avis pas forcément éclairé. J’ai été un peu déçue par cette nouvelle (même si la fin rattrappe le début) parce que elle m’a paru moins fouillée et plus brouillon, même si il y a tout un raisonnement qui oppose les gens qui croient en la vie après la mort et les autres, notamment Locke dont Poe détourne le raisonnement de manière habile. Je pense que j’ai eu cette impression parce que la nouvelle n’est pas situé dans l’espace ni dans le temps. Il n’y a donc pas l’impression d’horreur qui pourtant est si bonne dans d’autres de ses nouvelles.

    En conclusion, il faut enregistrer ses billets au fur et à mesure.

    Références

    Morella (traduction de Charles Baudelaire) dans Contes-Essais-Poèmes de Edgar Allan POE (Bouquins, 1989)

  • À la suite de ma lecture du livre d’Andrés Trapiello Les amis du crime parfait, j’ai pris ce livre, qui y était abondamment commenté, à la librairie (toute petite mais même pas besoin de le commander : la libraire l’avait en rayon. N’est-elle pas parfaite ?) Alors me direz vous de quoi ça parle.

    Le livre est divisé en trois parties : Conférence, Mémoire supplémentaire sur l’assassinat considéré comme un des Beaux-Arts, Post-Scriptum. Les deux premières parties ont été écrites respectivement  en 1827 et en 1839 parce que de Quincey avait besoin d’argent pour payer ses créanciers (et son dealer si j’ai bien compris l’introduction de Pierre Leyris). Ces deux premières parties correspondent au titre exactement : un homme vante les mérites de l’assassinat comme étant un art et non un truc sordide. Bien sûr c’est à prendre au second degré … Dans la Conférence, de Quincey énumère tous les grands assassinats de l’Histoire et surtout ceux qu’il juge vraiment très forts. C’est un partie difficile à suivre même si il y a plein d’humour. En effet, il y a beaucoup de notes de bas de pages pour expliquer les meurtres car de Quincey est un Anglais du 19ième siècle qui avait une culture nettement plus impressionnante qu’une fille française du 21ième sicècle. Cela rend donc la lecture difficile à suivre. Mais il y a l’humour diabolique ! Exemple :

    Fi de ces marchands de poison : ne pouvaient-ils s’en tenir au vieux procédé honnête du coupage de gorge, sans introduire ces abominables innovations d’Italie ? […] Mais si nous écartons tout cela, il reste mainte excellente oeuvre d’art de pure style, dont nul n’aurait lieu de rougir, comme tout connaisseur sincère le reconnaîtra. Je dis sincère, notez-le bien ; car il faut faire de grandes concessions en de pareils cas ; aucun artiste ne peut jamais être sûr d’accomplir dans toute sa beauté ce qu’il a conçu. De malencontreux empêchements surgissent ; les gens n’acceptent pas qu’on leur coupe tranquillement la gorge ; ils s’enfuient ; ils se débattent, ils mordent ; et alors que le portraitiste a souvent à se plaindre d’un excès de torpeur chez son sujet, l’artiste qui nous concerne est généralement embarrassé par un excès d’animation. D’autre part, quelque désagréable qu’elle soit pour l’artiste, cette propension qu’a l’assassinat à exciter et à irriter le sujet est certainement un de ses attraits aux yeux du monde en général, et l’on ne doit pas négliger, car il favorise le développement des dons latents. Jérémie Taylor remarque avec admiration les bonds extraordinaires que l’on peut faire sous l’influence de la peur. (p. 62-63)

    La deuxième partie marque à mon avis le besoin d’argent. Elle n’apporte rien par rapport à la première partie même si elle entend répondre aux critiques. De Quincey décrit un club qui s’est fondé sur cette id »e d’assassinat comme Beaux-Arts. L’humour est moins second degré et donc à mon goût moins bon. Ce qui est bien c’est que cette partie ne fait que trente pages. Il est à noter que d’après une note de traducteur de tels clubs ont existé dans l’Angleterre de de Quincey.

    La troisième partie est absolument excellente. De Quincey l’a rajouté en 1854 en pensant qu’il n’avait pas assez détaillé le meurtre qu’il considéré dans la COnférence comme le must : les meurtres perpétrés des familles Mar et Williamson par Williams (dont P.D. James a parlé dans Les meurtres dans la tamise). On reconnaît là en de Quincey le chroniqueur de faits divers et de procès. Vous avez le droit à tous les détails ; vous y êtes. Je pense qu’aujourd’hui aucun auteur ne pourrait se permettre cela parce que cela serait considéré comme trop glauque et surtout les auteurs d’aujourd’hui nous demanderait de nous identifier soit à la victime soit au meurtrier mais de Quincey sait décrire tout en nous laissant à distance. C’est comme si on lisait un article du journal dans notre fauteuil. On plaint mais on se dit « heureusement, ce n’était pas moi ». On retrouve aussi quelques touches du second degré de de Quincey.

    En conclusion, c’est une lecture en dent de scie parce qu’à mon avis le style est excellent mais les références ont un peu vieilli. Il m’en reste l’impression que de Quincey est un écrivain original et qui sait jongler entre plusieurs types de récits. Si vous vous voulez en savoir plus, allez voir le blog d’Alcapone qui en a lu plusieurs déjà.

    Références

    De l’assassinat considéré comme un des Beaux-Arts de Thomas de QUINCEY – traduit de l’anglais et préfacé par Pierre Leyris (Gallimard – L’imaginaire, 1995)

  • J’ai lu ce livre à cause d’Amanda qui nous a dit dans je ne sais plus quel billet qu’elle conseillait ce livre à des gens qu’elle ne connaissait pas dans les librairies. Je me suis dis qu’elle me le conseillerait à moi aussi du coup. Je ne la remercie pas bien évidemment parce que je ne l’ai pas lâché pendant deux jours (du coup rien d’autre n’a avancé !)

    Si le nom de Kellerman vous dit quelque chose, c’est le fils de Jonathan et Faye, eux aussi auteurs de romans policiers. C’est son premier livre traduit en français mais pas son premier.

    L’histoire : Ethan Muller, enfant riche d’une riche famille qui s’est construite elle-même à partir d’un immigré (c’est le mythe américain, quoi), dirige une galerie d’art. Il a rompu les ponts avec sa famille (c’est toujours le cas dans les familles riches ; il y a toujours un mouton noir). Mais parfois Tony Wexler, homme des basses besognes de son père, prend contact avec lui pour lui parler … de son père. Un jour, il insiste au téléphone pour montrer à Ethan quelques choses de très important dans un appartement qui se situe dans des appartements à son père. Ethan accepte avec réticence. Il se retrouve dans un appartement miteux remplis de dessins très bizarres parce qu’ils sont l’oeuvre d’un génie ou d’un fou (comme un fou), de Victor Cracke. Celui-ci a disparu en laissant tout son fatras derrière lui. Comme tout est bon pour faire de l’argent et sa réputation, Ethan pique les dessins, les assemble (parce qu’ils forment une sorte de carte), les expose et les vend une fortune. Le hic, c’est qu’un jour il reçoit le coup de fil d’u ancien flic, obsédé par une affaire : le viol et le meurtre de cinq garçons d’une dizaine d’années dans les années soixante. Or, celui-ci reconnaît les cinq visages dans la carte de Victor Cracke.De là, Ethan, quittant son milieu factice de l’art, s’engage une enquête pour retrouver Victor et surtout savoir si il est coupable.

    Comme je le disais, c’est un bon livre : les personnages sont bien campés, c’est bien écrit. On ne le lâche pas. Mais, si on réfléchit un peu, il y a quand même des éléments qui n’en font pas un excellent « thriller » (comme le dit la couverture). Un : vous ne frissonnez jamais, vous n’avez jamais peur, vous ne vous posez jamais de question. Pour un « thriller » je trouve ça bizarre. Deux : la construction qui au début vous paraît intellegente vous paraît bien factice ensuite. Je m’explique : à la page 50, arrive un premier interlude. L’auteur décrit le début de la saga des Muller. Quand vous l’avez fini, vous remarquez que cela n’a rien à voir avec l’histoire principale (même si c’est un chapitre très instructif : les plus grandes familles se sont toujours construites à partir de multiples secrets) et vous comprenez alors que Ethan ne sera pas le seul Muller à intervenir dans l’histoire principale (je pourrais aller plus loin dans le raisonnement mais ça dévoile un peu beaucoup l’histoire). Mais vous continuez à lire parce que vous êtes pris dans l’histoire. Mais dans l’interlude de la page 330, ce que vous vouliez savoir vous est dévoilé. Le problème c’est que le livre en fait 470 de pages. Vous avez donc une révélation de l’histoire sur 130 pages. C’est un peu long à mon avis pour un thriller.

    En conclusion, c’est un bon roman pour se détendre et lire une histoire originale bien écrite mais ce n’est pas le chef d’oeuvre annoncé quand même.

    D’autres avis

    sur blog-o-book

    Références

    Les visages de Jesse KELLERMAN – traduit de l’anglais (États-Unis) par Julie Sibony (Sonatine éditions, 2009)

  • L’auteur, Benjamin Black, est le pseudonyme de John Banville, celui de La mer. Personnellement, j’avais adoré ce livre, si ce n’est adulé (en simplifié pour moi c’est un chef d’oeuvre). J’ai aussi adoré ce livre mais par contre dans ma tête, il est bien clair que Les disparus de Dublin ne joue pas au même niveau. Ici, on a plutôt affaire à un très bon diverstissement.

    Le personnage principal, c’est Quirke (apparemment il sera récurrent dans les livres de Benjamin Black). Il est médecin légiste à Dublin dans les années cinquante. Il est grand, bourru, alcoolique, fumeur … Irlandais quoi (je suis une fille pleine de préjugés 🙂 ). Niveau famille : il est orphelin, recueillie par Grant Griffin, juge de son état, qui lui-même a un fils Malachy, qui lui même a une femme Sarah. Les deux derniers ont ensemble une fille Phoebe. Quirke est veud de Delia, morte en couche, vingt ans plus tôt. Détail non négligeable c’est la soeur de Sarah.

    Ces histoires amoureuses ont commencé comme ça : Quirke et Malachy sont partis aux Etats-Unis il y a vingt ans pour une année chez un grand amis de Grant : Crawford (le prénom m’échappe, désolée). Celui-ci a deux filles : Sarah et Delia. Quirke veut Sarah mais couche avec Delia (comme quoi les hommes …)

    Je pense vous avoir situé tous les personnages à part Rose, Andy et Claire et aussi les membres de l’Église irlandaise et bostonienne. Je vous en dévoilerai un peu beaucoup alors.

    Pour ce qui est de l’intrigue : Quirke arrive un jour dans son bureau et trouve Malachy, gynécologue de son état, en train de falsifier un rapport de décès. Celui de Christine Falls, morte d’un embolie pulmonaire. Quirke ne dit trop rien mais s’aperçoit rapidement que cette fille est en réalité morte en accouchant d’une petite fille. La question qu’il se pose est où est la petite fille ? Est-elle morte ou vivante ? Il met alors le doigt dans une histoire glauque d’enlèvements d’enfants (de trafic en réalité avec les États-Unis) par des membres de l’Église irlandais, dont plusieurs membres de sa famille.

    Comme je vous le disais, j’ai passé un excellent moment de lecture. C’est un page-turner si on reprend l’expression de la quatrième de couverture . Il y a plein d’intrigues, de rebondissements. Par contre c’est un roman noir (d’où le pseudo de l’auteur) mais pas un roman policier. Il n’y a pas d’enquête à proprement dit. Par contre, on peut reprocher au livre les défauts des premiers volumes de série ; l’auteur essaye de garder du suspense sur la vie du personnage principal et prend du temps à décrire les personnages qui seront récurrents. Par contre il faut noter le soucis du détail dans les descriptions des personnages (récurrents ou pas) que vous pouvez pratiquement visualiser. Mais là c’est l’auteur de romans et non de romans noirs qui écrit à mon avis.

    Je dois cette lecture aux dames de Blog-o-book. Merci beaucoup !!!

     

    Deux autres avis

    Ceux de Mango (je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer les infichus) et de Madame Charlotte.

    Références

    Les disparus de Dublin de Benjamin BLACK – traduit de l’anglais (Irlande) par Michèle Albaret-Maatsch (Nil, 2010)

  • Note de l’auteur

    Ce livre, sa langue, ses mots, les voix qui le composent, sont nés de la tentative que j’ai faite de capter ce qui s’est amorcé entre mon frère et moi il y a quatre ans : le désir nous est venu de parler de nos vies.

    Pour connaître l’histoire de mon frère Robby, je suis allé le voir en prison et j’ai écouté ce qu’il avait à dire. J’ai pris des notes – des noms, des dates, des bribes d’événements – puis, quelque temps plus tard, après avoir digéré ses paroles, mais avant qu’elles ne s’effacent, je me suis attelé à coucher sur le papier ce que j’avais appris. À chacune de mes visites, je laissais les pages de mon manuscrit à Robby qui me livrait alors son commentaire sur ce que j’avais déposé la fois d’avant. Il arrivait aussi qu’il me réponde par écrit. Ses suggestions et ses corrections portaient le plus souvent sur des faits, mais là n’était pas le plus important. Son sens de la vérité et de l’exactitude, son esprit d’analyse, sa compréhension instinctive du ton et du rythme de la narration ainsi que les précieuses citations que j’ai pu extraire de ses lettres et de ses poèmes ont largement contribué au résultat final. En tant que romancier, j’ai l’habitude de retrouver la langue parlée par le biais de l’écriture ; il m’a donc été plus facile d’utiliser les techniques narratives de la fiction que d’avoir recours au magnétophone.

    J’ai lu de nombreux livres sur les prisons et les détenus, j’ai bavardé pendant de longues heures avec les nombres de ma famille – surtout avec ma mère -, j’ai étudié les minutes du procès, les coupures de presse et les rapports de police afin de m’informer et d’étayer les faits. Sans nier l’apport de ces sources, j’assume la pleine responsabilité de ce récit où se mêlent la mémoire, l’imagination, les émotions et la réalité. Reconstituer le tragique enchaînement de circonstances qui causa la mort d’un jeune homme et en jeta trois en prison pour la vie, fut une expérience déchirante. Dans l’espoir qu’il y a une leçon à tirer de cette histoire et quelque chose à sauver du chagrin et du gâchis, je me suis efforcée d’être rigoureux et honnête. Certains noms propres ont été changés afin de respecter la vie privée des personnes concernées.

    Mon avis

    J’ai mis trois semaines à lire ce livre. En fait, il est décomposé en trois parties et c’est la première partie qui m’a fait très peur. J’ai toujours vécu dans un monde où toutes les agressions extérieures étaient rendues moins significatives dans ma vie par rapport au calme et à la paix que l’on pouvait ressentir à la maison. La colère des gens je ne connais pas. Les disputes oui mais pas la colère au niveau de celle qu’exprime John Edgar Wideman. Cet un auteur noir-américain très connu d’après ce que j’ai pu lire sur Internet. Il a été élevé dans le ghetto noir de Pittsburgh. Il « s’en est sorti ». Aujourd’hui il est professeur dans une université, vit avec sa femme blanche (c’est un détail qui nous paraît inutile aujourd’hui mais au début des années soixante dix il y avait très peu de couples mixtes : John Edgar Wideman en fait un élément de sa réussite personnelle), a deux enfants (un au moment des faits). Il reste en contact avec sa mère.

    Au milieu des années soixante dix, il apprend par un coup de téléphone, il apprend que son frère Robby, de dix ans son cadet et dont il a choisi le prénom, vient de tuer un homme avec deux de ses copains et qu’il est en cavale. Trois mois plus tard, Robby arrive chez lui pour une dernière nuit de repos. Il sera arrêté le lendemain, son frère avec lui et ce même si il est professeur et très respectable. Lui sera libéré très rapidement, ce n’était qu’une garde à vue. Robby restera toute sa vie en prison. C’est ce que raconte cette première partie mais c’est surtout la colère d’un homme qui s’exprime : qu’est ce qui a fait que Robby est le seul enfant de la famille a avoir dérapé ? Est ce que c’est de sa faute à lui qui l’a tout bonnement laissé tomber pour ce construire sa vie pépère ? Est-ce que c’est e la faut de la société ? Pour nous dire cela, John Edgar ne prend pas un ton professoral mais celle d’un homme qui vient de loin et qui voit que finalement il pourra se donner tout le mal qui veut, il restera toujours le petit gars du ghetto. Et pourtant, il se rend compte qu’il a perdu le contact avec sa famille. Il n’est ni là ni ailleurs. D’où cette position ambiguë.

    Après ce choc, j’ai laissé passer une semaine et attaqué la deuxième partie. Il y a alternance entre la voix de Robby qui nous décrit comment il en est arrivé là avec le langage d’un gars des rues et la voix de John Edgar Wideman qui nous livre ces reflexions sur le récit de son frère, sur la nature de la société, sur sa propre personne et sa propre vie. C’est une partie passionnante parce qu’elle décrit très bien comment les noirs-américains étaient traités dans les années soixante-soixante dix : toutes les vexations, petites ou grandes, le fait de ne pas avoir de bon travail parce qu’on ne pouvait pas faire d’études convenables, la drogue pour oublier. C’est une partie très instructive à mon avis.

    La troisième partie est apaisée. On sent que les deux frères ont commencé à se comprendre, qu’il renoue des liens. C’est là où on voit, si on en avait besoin, que Robby est un gars bien. Finalement, c’est la vie qui ne lui a pas donné sa chance.

    En conclusion, c’est un roman aux modes narratifs très divers. Cela peut parfois dérouter. J’ai plusieurs fois voulu abandonner parce que ce n’était pas mon monde mais je me suis accrochée et j’ai bien fait parce que c’est un livre nécessaire.

    Références

    Suis-je le gardien de mon frère ? de John Edgar WIDEMAN – traduit de láméricain par Marianne Guénot (Folio, 1999)

  • Quatrième de couverture

    Quatre personnages plongés dans l’apocalypse de la modernité d’une grande cité vont voir leurs destins se croiser. Un chauffeur de taxi veuf qui ne peut pas se consoler de la mort de sa femme, un médecin sans illusions perdu dans les espaces virtuels de Second Life, une prostituée africaine accrochée à la vie que protège son totem, un petit lézard, et une vieille scientifique alccolique et pédagogue sont les héros de ce conte philosophique sur fond d’assassinats en série, de terrorismes et de petits prodiges.

    En raconteuse d’histoires étranges talentueuse, Rosa Montero nous parle des hasards et des coïncidences et écrit une histoire d’espérance, une tragicomédie entre humour et émotion. Un texte captivant qui nous montre que « la vie est belle, folle et douloureuse. Une fable pour adultes qui invite à profiter de la beauté, maîtriser la douleur et rire de cette incroyable folie.

    Mon avis

    C’est un livre voyageur de Keisha qui m’a permis de découvrir ce livre en avance. Il ne sort que le 21 janvier. Bien évidemment je n’avais rien compris au résumé ou à l’avis de Keisha : c’est pour ça que je me suis inscrite au livre voyageur.

    Dès le début, Rosa Montero met en parallèle les deux personnages masculins principaux : Matias le chauffeur de taxi et Daniel le médecin. Elle leur donne le même âge, ils habitent la même ville, n’ont pas d’enfants … Il y en a un qui théoriquement avait tout pour être heureux : il est médecin, a une femme. Le problème c’est que ce n’est que théorique. En réalité il végète : cela fait quinze ans qu’il ne s’est pas plongé dans un article scientifique, sa femme le méprise, il vit une seconde vie devant son ordinateur, dans laquelle il fait ce qu’il n’ose pas faire dans la réalité.

    Le chauffeur lui avait tout pour être malheureux au début de sa vie mais il a rencontré à dix-sept ans Rita, plus âgée, qui a su lui apporter la sérénité et la paix. Sauf qu’à quarante cinq ans, il vient de perdre sa femme d’un cancer. Il a alors besoin de trouver un coupable. Mais qui ? La différence avec le médecin c’est que lui agit et ne subit. Il n’abandonne pas ses amis même si lui a des problèmes.

    Les deux personnages féminins : la prostituée et l’ancien professeur permette de lier le destin des deux hommes, plus précisément c’est la prostituée et le bordel dans lequel elle travaille, ainsi que le bar d’à côté où tous se retrouvent pour picoler à un moment ou à un autre.

    Ce que j’aimerais souligner c’est la manière intelligente dont les personnages s’entrecoisent. Ce n’est pas factice comme parfois, cela s’intègre parfaitement à l’histoire. Autre chose qui m’a beaucoup plu : c’est que ce n’est pas glauque (au contraire de ce que j’aurais pu penser à la lecture de la quatrième de couverture). Les personnages vivent avec des hauts et des bas mais ne tombent jamais dans le fond du trou. Comme dit Keisha c’est « sombre et lumineux » parce que oui c’est lumineux.

    Quand on voit que le titre c’est Instructions pour sauver le monde, c’est plutôt rassurant. Rosa Montero pense que la vie mérite d’être vécue même si c’est parfois difficile, qu’il y a toujours des personnes biens qui vont vous aider même si il y en a des mauvaises (en plus grands nombres) ; c’est comme ça qu’elle fait pour sauver le monde Rosa Montero. Ce n’est pas fait à coup de grands sentiments mais grâce à des vies.

    En conclusion, j’ai particulièrement aimé ce livre et si je peux me permettre un conseil, demandez une escale à Keisha même si comme cela ça ne vous paraît pas extraordinaire : vous serez surpris !

    Références

    Instructions pour sauver le monde de Rosa MONTERO – traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse (Métailié, 2010)

  • Quatrième de couverture

    Sallie Declan, une jeune Américaine venue poursuivre ses études à Londres, se morfond : la vieille Angleterre ne trouve pas grâce à ses yeux, et sa thèse – consacrée au Tour d’écrou de Henry James – est au point mort. Pour se changer les idées, elle se fait engager comme nounou dans une propriété victorienne perdue dans la campagne anglaise, un décor qui rappelle fort celui du Tour d’écrou. Bien vite, la réalité et la fiction se brouillent dans l’esprit de la jeune fille qui subit les moqueries des deux gamins et de leur acariâtre gouvernante. Pourtant Sallie tient bon car elle attend fébrilement le retour de Charles Masters, le veuf et séduisant maître des lieux, dont elle est tombée amoureuse lors de son entretien d’embauche.

    Mais le fantôme de Rosie, l’épouse décédée de Charles, un vrai monstre de jalousie, n’entend pas laisser Sallie la remplacer dans le coeur de son mari et de ses enfants. C’est le début d’une lutte à mort entre les deux femmes. À condition, bien sûr, de croire Sallie sur parole…

    Thriller psychologique mené tambour battant, Un esprit jaloux est aussi un jubilatoire hommage à Henry James, un conte horrifique à l’humour so british qui fera le bonheur des fans de P.D. James et de Ruth Rendell.

    A.N. Wilson, né en 1950, est l’une des plus éminentes figures des lettres et du journalisme britanniques. Ses romans, ses essais et ses biographiques (de Walter Scott, Tolstoï, Iris Murdoch) lui ont valu de nombreux prix et un grand succès auprès de la critique et du public outre-Manche.

    Mon avis

    D’abord un grand merci à Lewerentz pour ce conseil de lecture parce que je n’aurais jamais ouvert le livre sans cela.

    C’est un livre dans un livre. L’intrigue principale se calque sur celle du Tour d’écrou qui elle-même forme l’intrigue secondaire (car A.N. Wilson fait comme si on avait pas lu le Tour d’écrou, ce qui est plutôt intelligent). Ce qui m’a plu c’est la « psychologie » du livre. Je m’explique. Sans en avoir l’air, vous finissez pas transposer ce qui se passe dans l’intrigue principale à l’intrigue secondaire alors que finalement ce n’est jamais écrit noir sur blanc. C’est donc l’aspect des sous-entendus, des non-dits qu’est construit ce livre et sur ce que l’on peut arriver à croire avec ces sous-entendus.

    Il faut quand même parler de l’intrigue principale qui est vraiment excellente grâce à des personnages poussés à l’extrême et l’humour de l’auteur très « british » comme le dit la couverture.

    En conclusion, une lecture qui m’a beaucoup plu surtout après celle du Tour d’écrou !

    Vous savez quoi ; ils viennent d’ouvrir une troisième librairie dans ma ville. La vie n’est-elle pas merveilleuse ? 🙂

    Un autre avis

    Celui de Cathulu

    Références

    Un esprit jaloux de A.N. WILSON – traduit de l’anglais par Pierre Demarty (Fayard, 2007)

  • Quatrième de couverture

    Existe-t-il plus grand plaisir que d’écouter des récits macabres, la veille de Noël, dans une vieille maison isolée ? Qu’il est diabolique le frisson qui glace alors les sangs… Qu’il est divin le cri des femmes épouvantées… Ce ne sont pourtant que des histoires…

    Tandis que celle-ci… Elle a été vécue… Par des enfants encore, deux petits orphelins, si admirablement gracieux, si serviables et si doux… Et leur gouvernante, une jeune fille des plus honnêtes. Ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont enduré et les circonstances extraordinaires des événements qui les ont…

    Mais non ! c’est trop horrible… Ça dépasse tout… En pure terreur ! Car le pire, c’est de savoir que justement, on ne saura jamais tout…

    Mon avis

    Suite de mon billet d’il y a un an. Parce qu’il ne faut jamais désespérer !

    La fin n’est vraiment pas une fin (je reprends l’expression de Mathilda). On sait si oui ou non il y a mort mais on ne sait toujours pas qui a fait mourir : les fantômes des deux anciens domestiques ou la gouvernante qui est à moitié folle. Parce que oui, cette année j’ai changé d’avis et la gouvernante est à moitié folle. Ça c’est de la faute d’Henry James et de son écriture (qui fait que l’histoire m’a fait peur même si il ne faut pas le dire). Maintenant je crois aux fantômes et à la folie de la gouvernante. En étant sérieuse, c’est un livre où vous pouvez écrire le livre vous même ; Henry James donne une trame mais pas son avis (d’ailleurs je m’étonne qu’il n’y ait pas autant de dérivés que pour l’Orgueil et Préjugés de Jane Austen vu comme on peut penser tout et son contraire : il ne dit même pas comment les enfants ont pu être corrompu).

    Heureusement, pour moi il y a des auteurs (et Lewerentz pour conseiller leurs livres) qui tranchent le sujet, je vous en parlerai demain…

    D’autres avis

    Sur blog-o-book, sur Je lis, tu lis, il lit (il y a même une page avec différents titres d’Henry James !)

    mais aussi chez Mathilda (qui a été déçue) …

    Références

    Le tour d’écrou de Henry JAMES – traduit de l’anglais par Jean Pavans (Librio, 1998)

    12 ans dans une PAL : les deux enfants sourient sur la couverture parce que j’ai enfin ouvert le livre !

  • Finissons cette année par un livre réjouissant qui a fait battre mon petit coeur pratiquement autant qu’Orgueil et Préjugés. Ben normal, c’est un peu la même histoire. Mais comme je le disais dans mon billet sur ce même Orgueil et Préjugés, c’est pas toujours gagné. Dans le même genre, j’ai lu le Darcy’s diary d’Amanda Grange et le Darcy’s diary de Maya Slater. Autant le premier a continué à me faire rêver autant le deuxième donne une version très très glauque de l’histoire de Jane Austen.

    Je situerais le Darcy’s Story de Janet Almeyr entre les deux. Il est plus proche du ton d’Amanda Grange mais le début, là où l’auteur s’imagine ce qui s’est passé à Ramsgate, est un petit peu long et manque de charme à mon avis. L’autre partie où l’auteur se détache de l’oeuvre de Jane Austen c’est le moment entre la demande en mariage et la rencontre à Pemberley. Elle ne fait pas non plus preuve d’une imagination monstrueuse en s’imaginant les états d’âme de Darcy.

    Si on résume un peu au niveau de l’histoire, Janet Almeyr est très fidèle à l’histoire d’Orgueil et Préjugés dans l’ensemble, et pour les deux passages qu’elle imagine elle n’est pas forcément très original. Passons à l’aspect anglais du livre c’est à dire au vocabulaire : je n’ai eu besoin de chercher aucun mot ! Et ce n’est pas du à des progrès extraordinaires en anglais. La lecture a été fluide grâce à cela et ce qui permet de conclure en disant que c’est un bon roman pour passer une bonne soirée même si le début est un peu long.

    Je pense que je vais commencer la nouvelle année du challenge Lire en VO en lisant le livre d’Hilary Mantel qui a reçu le Booker Prize. 800 pages rien que ça : il est juste énorme. Qu’est qu’on ferait pas au début d’un année ! J’espère que vous verrez un jour le billet.

    Comme le billet est court, j’en profite pour vous souhaiter un joyeux réveillon et surtout une bonne année pleine de bonheur et de moments heureux, de santé, de lectures et de blogs.

    Références

    Darcy’s story de Janet Aylmer (Harper, 2006)

  • Présentation de l’éditeur

    Le club des Amis du crime parfait réunit périodiquement, dans un café madrilène, un groupe hétéroclite d’amateurs de romans policiers. À son programme, des discussions animées sur les grandes figures du genre et, surtout, l’élaboration collectivee d’un chef-d’oeuvre, la mise au point d’un crime parfait. Chaque « ami » est désigné par le nom de son héros fétiche : Poe, Maigret, Nero Wolfe, Perry Mason, ou encore Sam Spade, le narrateur de son vrai nom Paco Cortés. Dans cette Espagne de la fin des années 1980, la démocratie est encore fragile, et l’actualité offre de la matière à la littérature noire, à commencer par le coup d’État du 23 février 1981. C’est dans ce contexte que le beau-père de Paco, alias Sam, est assassiné. Il ne reste plus qu’à mener l’enquête sur les raisons de la mort de ce sulfureux personnage …

    Les Amis du crime parfait mêle avec humour un jeu sur les codes littéraires à une réflexion sur l’écriture de la mémoire. Il a été couronné du prix Nadal en 2003.

    Mon avis

    Je dois cette lecture à Frisette qui a su me tenter avec son titre accrocheur : « un roman inclassable à découvrir ». Bien sûr, je la remercie pour cette belle découverte. Vous trouverez d’autres avis sur blog-o-book. Après vous avoir parlé des avis des autres, je vous parle du mien !

    Au départ, ce qui m’intéressait c’était l’aspect policier, pas l’enquête policière (j’ai lu les avis qui disaient qu’il n’y en avait pas vraiment) mais le fait que chaque protagonistes avaient le nom d’un personnages de l’univers policier, film ou livre. Je pensais que l’auteur allait plus jouer là-dessus. Plus clairement, dans mon idée, il leur aurait donné les caractéristiques de chacun des personnages sans pour autant que ce soit eux, et ainsi avoir plus de champ. Ce n’est pas le cas. Par exemple, pour Poe, visiblement le protagoniste a le même physique, la même capacité de raisonnement mais n’a pas vraiment le côté maudit. Maigret a la langueur du personnage mais n’a pas son intelligence. Idem pour Miss Marple. L’auteur ne joue pas assez là-dessus à mon avis. Une fois que j’ai compris ça je me suis concentrée sur deux autres points du livre qui sont vraiment bien.

    Le premier c’est l’aspect crime parfait. Existe-t-il un crime dans la vraie vie ou dans la littérature. Si oui, quels sont ces caractéristiques ? C’est là où on retrouve un des fils rouges de mes lectures : la différence entre fiction et réalité. Pour être plus honnête, c’est là où l’idée de l’auteur d’appeler ces protagonistes comme des personnages célèbres est intéressante. Parce que quand il les appelle par leurs pseudos c’est de la fiction, sinon c’est de la réalité. C’est la seule chose qui permet de distinguer les deux dans le roman. Si on ne fait pas attention à cela, l’impression est justement de vivre dans une sorte d’irréalité construite à partir de la réalité et des romans policiers (je n’ai pas commencé le réveillon avant l’heure). En gros, on flotte. J’ai trouvé cet aspect du livre particulièrement réussi. En plus, cela m’a donné une folle envie de lire le livre de Thomas de Quincey : De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts (je remercie au passage ma libraire de quartier de l’avoir eu en stock). Il y a aussi pages 228 et 229 toute une liste de romans que je me suis empressée de noter parce que je suis en manque de lecture.

    Le deuxième aspect intéressant, qui est plutôt le second plan du livre, c’est le portrait de l’Espagne des années 1980 (je dirais que c’est plutôt première moitié de la décennie, pas la fin comme le dit le livre), quelques années après la mort de Franco, encore très peu stable au niveau politique. C’est aussi une Espagne qui reste marqué par la guerre civile, la guerre mondiale. Il y a les personnages qui ont vécu ces événements mais aussi la génération d’après, qui en marre qu’on lui parle de ça. Si j’ai bien compris c’est un thème récurrent dans l’oeuvre d’Andrés Trapiello. Plus qu’intéressant, j’ai trouvé ce portrait de l’Espagne instructif.

    Pour ce qui est l’aspect enquête policière, il faut être patient. À la page 230 il y a le meurtre, et après une enquête de 100 pages résolu par un Pablo Cortés a qui on a du souffler la solution avant.

    En conclusion, je reprendrais le titre de Frisette : un roman inclassable à découvrir !

    Références

    Les amis du crime parfait de Andrés TRAPIELLO – traduit de l’espagnol par Caroline Lepage (Quai Voltaire, 2009)