Suis-je le gardien de mon frère ? de John Edgar Wideman

Note de l’auteur

Ce livre, sa langue, ses mots, les voix qui le composent, sont nés de la tentative que j’ai faite de capter ce qui s’est amorcé entre mon frère et moi il y a quatre ans : le désir nous est venu de parler de nos vies.

Pour connaître l’histoire de mon frère Robby, je suis allé le voir en prison et j’ai écouté ce qu’il avait à dire. J’ai pris des notes – des noms, des dates, des bribes d’événements – puis, quelque temps plus tard, après avoir digéré ses paroles, mais avant qu’elles ne s’effacent, je me suis attelé à coucher sur le papier ce que j’avais appris. À chacune de mes visites, je laissais les pages de mon manuscrit à Robby qui me livrait alors son commentaire sur ce que j’avais déposé la fois d’avant. Il arrivait aussi qu’il me réponde par écrit. Ses suggestions et ses corrections portaient le plus souvent sur des faits, mais là n’était pas le plus important. Son sens de la vérité et de l’exactitude, son esprit d’analyse, sa compréhension instinctive du ton et du rythme de la narration ainsi que les précieuses citations que j’ai pu extraire de ses lettres et de ses poèmes ont largement contribué au résultat final. En tant que romancier, j’ai l’habitude de retrouver la langue parlée par le biais de l’écriture ; il m’a donc été plus facile d’utiliser les techniques narratives de la fiction que d’avoir recours au magnétophone.

J’ai lu de nombreux livres sur les prisons et les détenus, j’ai bavardé pendant de longues heures avec les nombres de ma famille – surtout avec ma mère -, j’ai étudié les minutes du procès, les coupures de presse et les rapports de police afin de m’informer et d’étayer les faits. Sans nier l’apport de ces sources, j’assume la pleine responsabilité de ce récit où se mêlent la mémoire, l’imagination, les émotions et la réalité. Reconstituer le tragique enchaînement de circonstances qui causa la mort d’un jeune homme et en jeta trois en prison pour la vie, fut une expérience déchirante. Dans l’espoir qu’il y a une leçon à tirer de cette histoire et quelque chose à sauver du chagrin et du gâchis, je me suis efforcée d’être rigoureux et honnête. Certains noms propres ont été changés afin de respecter la vie privée des personnes concernées.

Mon avis

J’ai mis trois semaines à lire ce livre. En fait, il est décomposé en trois parties et c’est la première partie qui m’a fait très peur. J’ai toujours vécu dans un monde où toutes les agressions extérieures étaient rendues moins significatives dans ma vie par rapport au calme et à la paix que l’on pouvait ressentir à la maison. La colère des gens je ne connais pas. Les disputes oui mais pas la colère au niveau de celle qu’exprime John Edgar Wideman. Cet un auteur noir-américain très connu d’après ce que j’ai pu lire sur Internet. Il a été élevé dans le ghetto noir de Pittsburgh. Il « s’en est sorti ». Aujourd’hui il est professeur dans une université, vit avec sa femme blanche (c’est un détail qui nous paraît inutile aujourd’hui mais au début des années soixante dix il y avait très peu de couples mixtes : John Edgar Wideman en fait un élément de sa réussite personnelle), a deux enfants (un au moment des faits). Il reste en contact avec sa mère.

Au milieu des années soixante dix, il apprend par un coup de téléphone, il apprend que son frère Robby, de dix ans son cadet et dont il a choisi le prénom, vient de tuer un homme avec deux de ses copains et qu’il est en cavale. Trois mois plus tard, Robby arrive chez lui pour une dernière nuit de repos. Il sera arrêté le lendemain, son frère avec lui et ce même si il est professeur et très respectable. Lui sera libéré très rapidement, ce n’était qu’une garde à vue. Robby restera toute sa vie en prison. C’est ce que raconte cette première partie mais c’est surtout la colère d’un homme qui s’exprime : qu’est ce qui a fait que Robby est le seul enfant de la famille a avoir dérapé ? Est ce que c’est de sa faute à lui qui l’a tout bonnement laissé tomber pour ce construire sa vie pépère ? Est-ce que c’est e la faut de la société ? Pour nous dire cela, John Edgar ne prend pas un ton professoral mais celle d’un homme qui vient de loin et qui voit que finalement il pourra se donner tout le mal qui veut, il restera toujours le petit gars du ghetto. Et pourtant, il se rend compte qu’il a perdu le contact avec sa famille. Il n’est ni là ni ailleurs. D’où cette position ambiguë.

Après ce choc, j’ai laissé passer une semaine et attaqué la deuxième partie. Il y a alternance entre la voix de Robby qui nous décrit comment il en est arrivé là avec le langage d’un gars des rues et la voix de John Edgar Wideman qui nous livre ces reflexions sur le récit de son frère, sur la nature de la société, sur sa propre personne et sa propre vie. C’est une partie passionnante parce qu’elle décrit très bien comment les noirs-américains étaient traités dans les années soixante-soixante dix : toutes les vexations, petites ou grandes, le fait de ne pas avoir de bon travail parce qu’on ne pouvait pas faire d’études convenables, la drogue pour oublier. C’est une partie très instructive à mon avis.

La troisième partie est apaisée. On sent que les deux frères ont commencé à se comprendre, qu’il renoue des liens. C’est là où on voit, si on en avait besoin, que Robby est un gars bien. Finalement, c’est la vie qui ne lui a pas donné sa chance.

En conclusion, c’est un roman aux modes narratifs très divers. Cela peut parfois dérouter. J’ai plusieurs fois voulu abandonner parce que ce n’était pas mon monde mais je me suis accrochée et j’ai bien fait parce que c’est un livre nécessaire.

Références

Suis-je le gardien de mon frère ? de John Edgar WIDEMAN – traduit de láméricain par Marianne Guénot (Folio, 1999)


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