Cecile's Blog

  • J’ai choisi de lire le livre après l’avoir vu plébiscité à la librairie (je trouve que c’est une raison amplement suffisante).

    L’histoire est celle d’un barman, Pierre Hunter, dans une petite ville du Midwest. Il y a grandi et y est revenu après ses études, et ce même si ses parents étaient morts et qu’il n’y avait que peu d’attache. La vie semble un peu suivre son cours, sans rien qu’il s’y passe d’extraordinaire. C’est d’ailleurs ce que Pierre Hunter semble faire de mieux, se laisser vivre.

    Pourtant, un jour, une jeune femme le sauve de la noyade après que la glace se soit cassée quand il patinait. Ils tombent amoureux pas tout de suite. L’auteur laisse entendre que cette rencontre n’est pas du au hasard.

    Un jour, en rentrant, en auto-stop, de vacances de chez sa cousine, Pierre Hunter se fait voler son sac par un automobiliste. Il l’assomme avec un caillou. La voiture pare dans le fossé. Pierre récupère ses affaires et beaucoup d’argent. Commence alors un western en plein Midwest.

    Je ne sais pas si c’était le but recherché mais j’ai beaucoup souri en lisant ce livre. Les dialogues sont complètement décalés par rapport à l’action. Ils sont lents quand l’action est rapide et vice versa. Ce sont toujours (pratiquement toujours) des tête à tête, du genre je te sors une réplique bien profonde sur le sens de la vie mais on a l’impression, parfois, qu’elle tombe complètement à plat.

    De manière générale, alors que d’après le résumé, il semble se passer quelque chose dans ce livre, il ne se passe en réalité rien du tout tellement le livre est imprégné de la torpeur des personnages, des paysages et des lieux (c’est ce qui explique le titre du livre à mon avis). Pourtant, je ne me suis jamais ennuyé et j’ai même apprécié ma lecture.

    Beaucoup de critiques ont dit que la référence aux frères Coen étaient évident. Comme je je n’ai jamais rien vu d’eux, je ne peux pas vous dire.

    L’avis de Clara, qui elle n’a clairement pas aimé.

     Références

    La Contrée Immobile de Tom DRURY – traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard (Cambourakis, 2012)

    Première parution aux États-Unis en 2006

  • Présentation de l’éditeur

    On ne franchit pas impunément le grand portail de l’hôpital. Dans un institut situé aux confins d’une ville, un homme se trouve brutalement plongé dans un espace-temps indéfini, en marge de la réalité et de la conscience.
    Il décrit la vie quotidienne de ce microcosme où s’invente une mythologie de la survie. L’Hôpital est le tableau sidérant d’un enfermement que trouent le vol des mouettes dans le ciel, l’écoute du ressac de l’océan, les bruits des radios voisines, les rires et les jeux des pensionnaires, l’affabulation et la convocation de la mémoire. C’est aussi l’odyssée d’une communauté et d’un homme qui ne vont nulle part lorsqu’il n’y a plus rien à dire.
    Publié une première fois au Maroc en 1990, introuvable à ce jour, L’Hôpital est un livre essentiel de la littérature maghrébine. A l’instar du Passé simple de Driss Chraïbi, de Nedjma de Kateb Yacine, de L’Institut Benjamenta de Robert Walser ou des récits de Kafka, il est de ces textes rares qui à la fois affirment leur autonomie littéraire absolue et expriment en profondeur la société de leur temps. Habité par un désespoir et une révolte qui lui donnent son intensité tragique, L’Hôpital est un texte universel et un acte de liberté qui résonne ici et maintenant.

    Cinéaste et écrivain, Ahmed Bouanani (1938-2011) est une figure majeure de la vie intellectuelle et artistique marocaine.

    Mon avis

    Ahmed Bouanani et plutôt cinéaste qu’écrivain. L’Hôpital est son seul texte publié et est basé sur son expérience en tant que tuberculeux et non en tant que malade psychiatrique.

    Le narrateur rentre à l’hôpital psychiatrique mais on ne saura jamais pour quelle raison, seulement qu’il y a encore espoir de guérison et donc de sortie plus ou moins définitive. Dans le livre, il est écrit plusieurs fois qu’il va écrire un livre mais d’autres fois, on voit bien qu’il est malade car il part dans ses rêves/cauchemars à partir de la réalité qu’il vit.

    Le texte alterne donc, de manière très rapide, des croquis  de la vie de l’hôpital, où les soignants sont plutôt du genre absent, les moments d’introspection (où il y a des phrases qui vont dire toute la société tout en étant très lapidaire) et les moments de « folie ».

    Ce que j’ai préféré, ce sont les petites scènes de la vie de l’hôpital où le narrateur décrit les malades, leurs réactions, leurs vies avec ou sans lui (il est plus observateur que participant). Tous les habitants de l’hôpital semblent trop « sains » pour vivre à l’extérieur. Le pourquoi ils sont là est très peu abordé. Ils semblent aussi trop honnêtes, trop francs dans leurs propos. C’est peut être cela qui fait que l’on a l’impression que Ahmed Bouanani a réussi à décrire la société marocaine de l’époque, en parlant de ses exclus (les scènes du ramadan sont très intéressantes). Parce qu’il ne pouvait tout simplement pas faire mentir ses personnages.

    Le style est impeccable. J’ai relu plein de phrases plusieurs fois pour m’en imprégner car dans une même phrase, on peut avoir plein d’images justes ensemble. Dans une phrase, l’auteur arrive à incorporer tout un univers. Il arrive à faire comprendre la complexité des sentiments de ses personnages. C’est un style que j’aime toujours et cela n’a pas loupé encore cette fois-ci.

    Une très, très belle découverte !

    Des citations

    (que j’ai piqué dans le Transfuge de ce mois-ci parce que moi j’ai tout souligné en fait)

    Je suis comme un cheval sauvage prisonnier dans un corps serein où la vie bat malgré la peur, malgré la menace d’être un jour dilué comme un vulgaire soluté dans l’atmosphère meurtrière de l’hôpital.

    Des types comme nous ne guérissent pas !! (…) On tente de reprendre le train en marche, on glisse, on se casse la gueule sur l’asphalte, il est toujours trop tard pour vivre, toujours…

    Références

    L’Hôpital – récit en noir et blanc de Ahmed BOUANANI (Verdier, 2012)

  • Quatrième de couverture

    Depuis que sa mère est malade, Conor redoute la nuit et ses cauchemars. Quelques minutes après minuit, un monstre apparaît, qui apporte avec lui l’obscurité, le vent et les cris. C’est quelque chose de très ancien, et de sauvage. Le monstre vient chercher la vérité.

    Mon avis

    J’ai piqué cette idée de lecture chez De Litteris (Theoma en avait aussi parlé ici).

    Le livre est basée sur une idée de Siobhan Dowd, auteur jeunesse dont j’ai bien envie de lire La parole de Fergus maintenant, décédée d’un cancer à l’âge de 47 ans en 2007. Elle n’a pas eu le temps de commencer à rédiger ce livre même si le schéma était là. Patrick Ness explique dans sa préface-hommage qu’il a repris le tout, non pas pour écrire un livre à la place de Siobhan mais écrire son livre à lui en hommage à Siobhan Dowd. Rien que pour cela, le livre prend une résonance peu commune. L’a-t-elle pensé pour ses enfants ? pour des gens qui vivaient la même situation qu’elle ? Le livre en lui-même est magnifique et particulièrement soigné dans la mise en page, qui met en valeur les magnifiques illustrations de Jim Kay, très propos car elles permettent de mieux appréhender la dimension « fantastique » du livre.

    L’histoire, c’est donc celle de Conor dont la mère souffre d’un cancer depuis le début de l’année. Il s’accroche car il vit tout seul avec elle. Il se débrouille pour sa vie quotidienne et soutient sa mère le mieux qu’il peut. Pas très loin, il y a la grand-mère (une grand-mère trop moderne à son goût) et beaucoup plus loin, un père absent en Amérique (qui s’occupe de sa nouvelle famille). Conor a depuis avril peut être un cauchemar récurrent dont il ne parle à personne (même pas à nous). Au moment où nous arrivons, l’état de la mère de Conor empire, il reçoit la vit de l’if de son jardin, qui s’anime pour devenir un monstre, quelques minutes après minuit. Un gentil monstre, qui peut devenir méchant. Il va raconter trois histoires à Conor, des histoires pas forcément compréhensibles pour lui, mais il attend en retour de Conor, la quatrième. On comprend de suite que ce sera l’histoire de son cauchemar.

    Attention, je vais spoiler très légèrement (même beaucoup mais c’est ce que j’ai aimé dans le livre). Ce que j’ai aimé dans ce livre, c’est qu’on ne cède pas à la facilité. Il n’y a pas de beaux sentiments, de leçons de moral. Dans les histoires de l’if, les gens ne sont ni bons, ni méchants. Dans la vraie vie, des enfants se retrouvent sans un de leurs parents à cause de la maladie. C’est une épreuve difficile. Et oui, personne n’est parfait, enfants comme adultes, et on peut avoir des « mauvaises »pensées mais comme le dit l’if, c’est les actes qui comptent et non les pensées. Elles, elles peuvent être contradictoires, insensées, mauvaises. Il y en a des millions qui traversent notre tête chaque jour, formulées clairement ou non. Le tout est de ne pas en avoir honte, de se dire la vérité et d’agir correctement car c’est cela qui va rester finalement.

    Ce livre est un véritable coup de cœur et va trouver une place de choix dans ma bibliothèque personnelle. La preuve en est que même si le livre est court (215 pages), je retenais le moment de finir ma lecture (qui s’est faite les larmes aux yeux) pour faire comme Conor, et me dire que non tout n’est pas fini pour eux.

    Références

    Quelques minutes après minuit de Patrick NESS – d’après une idée originale de Siobhan Dowd – illustrations de Jim Kay – traduit de l’anglais par Bruno Krebs (Gallimard Jeunesse, 2012)

  • Ceci est une histoire vraie. Nìkos Kokàntzis décide en 1975 de raconter sa première histoire d’amour, un amour véritable, fou, rêvé pourrait-on dire, avec une jeune voisine juive, Gioconda. Le problème est que l’on est en 1943, que la Grèce est occupée par les Allemands. Le problème est qu’ils sont deux jeunes adolescents et qu’ils ont autre chose à penser qu’à la guerre.

    C’est un livre magnifique. On oscille tout le temps entre la guerre et une sorte des parenthèses rêvées que sont les moments d’intimité entre Gioconda et Nìkos. Nìkos Kokàntzis n’écrira qu’un livre et cela sera celui-ci, pour que Gioconda ne meurt pas une seconde fois avec lui. On peut regretter le fait que son talent d’écrivain ne s’exerce que sur d’autre livre car la langue est précis dans les descriptions et les sentiments, sensuelle aussi. L’auteur arrive à faire passer toute son émotion présente mais aussi passée. C’est un des meilleurs livres que j’ai lu sur la description des sentiments du premier amour (et même de l’amour en général)(j’espère que j’ai bien expliqué qu’il ne s’agit pas d’un flirt mais vraiment d’amour, celui qui vous chamboule entièrement) ; on comprend toute la profondeur du sentiment, tous les bouleversements engendrés.

    Une très belle lecture, pleine d’émotions.

    Références

    Gioconda de Nìkos KOKÀNTZIS – récit traduit du grec par Michel Volkovitch (Éditions de l’Aube, 2012)

    Un siècle de littérature européenne : 3/100 (année 1975)
  • Présentation de l’éditeur

    Toni Morrison nous plonge dans l’Amérique des années 1950.

    Mon avis

    Je n’avais jamais lu Toni Morrison et comme beaucoup, j’étais curieuse. Alors dans les choix proposés par PriceMinister, j’ai pris ce livre. Comme il est court, c’était plus facile pour découvrir cet auteur.

    C’est la première chose qui frappe. Comment a-t-elle réussi en 150 pages à faire tenir tout cela ? Je l’avais entendu vanté à la radio mais à la lecture c’est saisissant. Quand je suis arrivée à la page 100, je n’en revenais pas d’être si familière avec les personnages, de me rendre compte de toutes les « péripéties » décrites mais aussi de tout le pan de l’histoire des États-Unis évoqué. Cela ne vous aide pas beaucoup quand je vous dis cela car vous ne savez sûrement pas ce qui se passe dans ce roman au vu de la présentation de l’éditeur.

    On est donc dans les années 50 aux États-Unis. Franck vient de rentrer de Corée. Cela fait en réalité plusieurs mois mais il n’est toujours pas rentré chez lui. Il vit très mal son retour, sans deux amis d’enfance avec qui il s’était engagé car eux sont morts à la guerre. Il essaye tout doucement de se reconstruire auprès d’une femme avec une très grande ambition, celle d’acquérir une maison, mais qui a de plus en plus de mal à comprendre la douleur psychologique de Franck.

    Parallèlement, il y a Cee, sa sœur, qui s’est enfui de son bled de Géorgie après l’engagement de son frère et ce pour deux raisons : elle ne pouvait pas vivre sans son frère, qui était le seul à la protéger du monde, et surtout elle s’est fait séduire par un joli cœur qui n’en voulait qu’à la voiture de son grand-père. Bien sûr, arrivé à Atlanta, il l’a largue au bout d’un mois et elle se retrouve sans rien. C’est à partie de ce moment-là que le monde va pouvoir l’attaquer pour essayer de la briser.

    Le roman, c’est donc l’histoire de ce frère et de cette sœur qui vont converger vers leur ville, Lotus, Géorgie, pour pouvoir se reconstruire et essayer de vivre en échappant au maximum aux blessures de la vie.

    Et donc, Toni Morrison arrive à faire rentrer tout cela en 150 pages. J’espère que vous êtes aussi impressionnés que moi.

    Une autre chose importante pour ce livre, c’est que tout est suggéré. Il n’est dit nulle part dans le livre que Franck et Cee sont noirs. On le comprend au fur et à mesure car les traitement qu’ils subissent ne semblent pas être autrement possible dans les années 50 aux États-Unis (l’eugénisme, la partie spéciale du train où Franck s’assoit …) J’aime l’idée que Toni Morrison a plutôt cherché à nous présenter des personnes que des porte-paroles emblématiques. Il y aussi tout le contexte historique qui est effleuré au niveau de la narration pourtant on a cette impression de vivre le maccarthisme, le retour des soldats de Corée, la ségrégation. On retrouve toute l’ambivalence des États-Unis : une nation unie pour l’extérieur mais désunie et inégale à l’intérieur.

    En conclusion, c’est un très beau roman car il y a une histoire puissante, une écriture directe, forcément très précise et maîtrisée. Je retenterai Toni Morrison.

    Livre lu dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire organisés par PriceMinister. Je mets une note de 16/20 à ce livre. Je fais tout le temps cela complètement au hasard car je ne sais pas comment il faut faire. Un barème peut-être ?

    Références

    Home de Toni MORRISON – traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Laferrière (Christian Bourgois, 2012)

  • Présentation

    Depuis soixante ans, Traude Krüger enseigne le piano à des détenues. Quand elle rencontre Jenny, jeune femme incarcérée pour meurtre, elle comprend immédiatement qu’elle a affaire à une musicienne prodige. Passionnée par le talent de la jeune fille, Traude veut la préparer pour le Concours d’entrée du Conservatoire. Mais la jeune femme, violente et suicidaire, est réfractaire à la moindre discipline. Obstinée, la vieille Traude Krüger ne désarme pourtant pas.

    Mon avis

    J’apprends l’allemand depuis le mois de janvier. La prof nous a conseillé de regarder des films pour nous familiariser l’oreille. J’ai des doutes que cela marche mais je n’ai rien contre regardé des films en allemand. Après quelques recherches amazon et conseils auprès de collègues, je suis tombée entre autre sur celui-ci.

    Le scénario est très original et comme tous les films où on parle musique, je me suis dis que la bande originale serait très soignée.

    Je voulais en parler car rien que les quatre dernières minutes sont éblouissantes. C’est un morceau composée par Annette Focks. Dans l’histoire, c’est le morceau que joue Jenny pour la phase finale du concours. Sur YouTube, on trouve tout mais je le mets ici pour que vous puissiez en profiter sans chercher.

    Sur le film lui-même, j’aurais mieux fait d’écouter la prof et de regarder le tout en VO sous-titré français. L’histoire n’est pas du tout comme dans Billy Elliot par exemple : cela ne va pas bien se terminer. Jenny ne va pas sortir de prison. Il ne va pas y avoir une très grande relation de complicité entre Traude Krüger (jouée par Monica Nleibtreu) et Jenny (Hannah Hersprung).

    Les deux femmes au contraire sont l’opposé l’une de l’autre et chercheront à s’apprivoiser plutôt qu’à se comprendre. Traude Krüger est vieille, recroquevillée sur elle-même (tant physiquement que moralement) et sur sa musique et ce à la suite d’une histoire amoureuse qui s’est mal terminée pendant la Seconde Guerre mondiale. Jenny est jeune, meurtrière (enfin on suppose), talentueuse (elle a appris à jouer dans sa jeunesse, rassurez-vous). Elle a des gestes amples (très violents parfois). Elle remplie l’espace laissé vacant par Traude.

    Pendant tout le film, je n’ai ressenti aucune empathie, pour aucune des deux. Le jeu des actrices ne correspond pas à leurs voix. Elles sont peu modulées dans la version française. C’est surtout Jenny qui m’a gênée. Par exemple, elle rentre comme en transe quand elle joue du piano et cela ne s’entend pas à sa voix. Tout le monde fait comme si c’était normal.

    C’est pour cela que je dis que j’aurais du le regarder en VO. Je le saurais pour la prochaine fois.

    Références

    Quatre minutes – un film de Chris Kraus (2006)

  • Présentation de l’éditeur

    Un soir où il s’apprête à étudier une affaire de dénonciation qu’il doit plaider le lendemain, l’avocat Karl Hecht reçoit de l’hôpital où vient de mourir son frère les carnets intimes de celui-ci. Dès lors, le récit se construit par bribes, et le passé que le narrateur avait tenté d’occulter affleure petit à petit. Ce qu’il pensait avoir évacué remonte à la surface par pans entiers et comme malgré lui : le souvenir de la disparition, pendant la guerre, de ses voisins demi-juifs, et celle de ses propres parents, dans les deux cas après une dénonciation.

    Ce souvenir lancinant, à l’origine de la folie et de la mort de son frère, Hecht va tenter de s’en défaire tout au long du récit, qui apparaît comme une interrogation douloureuse sur les pièges de la mémoire et de la culpabilité.

    Mon avis

    Ce n’est pas le Gert Hofmann que je voulais lire initialement mais il n’avait que celui-là à la librairie (c’est déjà pas mal vu que le livre date de 1994). La présentation de l’éditeur ne laisse absolument pas présager de ce que l’on va trouver dans ce livre.

    À sa lecture, j’avais en effet pensé qu’il s’agissait plutôt de se remémorer au coin du feu les souvenirs de la guerre que le narrateur a voulu oublier et qui lui reviennent au fur et à mesure. Le narrateur est un vieil avocat bougon, en désaccord avec son fils (désaccord d’ordre politique mais qui dégénère en désaccord familial), s’occupe d’une affaire dont il ne voulait absolument pas entendre parler et lui arrive sur le coin de la tête la nouvelle du décès de son frère qu’il n’a pas vu depuis belle lurette :

    Je viens d’apprendre le décès subit (le 8 septembre) suivi de l’incinération immédiate (le 9) à l’âge de quarante-cinq ans de Wilhelm, le frère jumeau dont j’étais sans nouvelles depuis une quinzaine d’années, vous vous souvenez, écrit l’avocat Karl Hecht ; j’en ai été avisé en anglais par l’administration du Bellevue Hospital de New York qui ajoute, pieux mensonge, que le défunt s’est éteint « dans la paix et la sérénité »; elle précise en outre que ses cendres, expédiées immédiatement à mon adresse (le 10), selon ses vœux, risquent d’arriver le 12 (par fret aérien, en exprès), c’est-à-dire, si je ne m’abuse, dès demain.

    L’avoct écrit sa nuit au fur et à mesure à un vieil ami et il s’énerve au fur et à mesure, change de sujet brusquement quand son frère lui rappelle l’affaire en cours ou vice-versa, quand son fils rentre à la maison. Les dénonciations de ses parents semblent comme accessoires. Elles ne sont qu’une petite partie de son énervement.

    J’ai plus eu l’impression de lire un monologue de théâtre, un acteur seul sur scène dans un salon, plutôt qu’un roman. Là où je m’attendais à du tragique (et même à une histoire des plus classiques), j’ai plutôt trouvé une histoire originale, légèrement acide et moqueuse, avec donc un ton original.

    Références

    La dénonciation de Gert HOFMANN – roman traduit de l’allemand par Evelyne Brandts (Actes Sud / Babel, 1994)

    Un siècle de littérature européenne : Année 1979
  • Présentation de l’éditeur

    Un homme sur une moto, à laquelle est accrochée une remorque bringuebalante, traverse la campagne ukrainienne. Il veut se rendre dans la zone interdite autour de Tchernobyl. Il a une mission. Le voyage de Gouri est l’occasion pour lui de retrouver ceux qui sont restés là et d’évoquer un monde à jamais disparu où ce qui a survécu au désastre tient à quelques lueurs d’humanité.

    Mon avis

    Je finis aujourd’hui mon cycle « nucléaire » avec ce roman paru pour la rentrée littéraire d’automne 2012. Gouri veut revenir chez lui à Pripyat pour récupérer une porte, la porte où il a noté les tailles de sa fille au fil des ans car sa fille est malade, la porte où il a étendu son père mort pour pouvoir l’approcher du massif de fleurs où il voulait être enterré (ce n’était pas possible évidemment mais c’était une manière de respecter les dernières volontés de son père). C’est l’occasion de revoir ses amis, ceux avec qui il a été sur le toit de la centrale pour aider. C’est l’occasion de se rendre compte de ce monde, son monde, qui s’est écroulé et de comprendre ce qu’il en reste.

    Par rapport aux livres que j’ai lu précédemment, ce roman ne permet pas de bien comprendre le Tchernobyl d’avant ou d’aujourd’hui. Par contre, c’est une variation très forte sur le thème du souvenir et du paradis perdu. L’écriture est très sensible pour dire cela. L’originalité d’Antoine Choplin est d’avoir placé son roman dans le cadre de Tchernobyl et d’avoir su comprendre ce lieu pour dire ce dont il voulait parler. Je ne crois pas que le roman aurait été aussi bon si il l’avait placé dans un monde qui vivait encore, aux États-Unis, en France par exemple.

    En conclusion, je dirais que j’ai plutôt découvert un auteur sensible et intelligent (j’en essaierai bien un autre) plutôt qu’un livre qui me marquera pour longtemps.

    Références

    La nuit tombée de Antoine CHOPLIN (La fosse aux ours, 2012)

  • Deuxième documentaire en bande dessinée de Emmanuel Lepage, après son magnifique Voyage aux îles de la Désolation. Les dessins, ainsi que les couleurs, sont extrêmement différents : les techniques de dessin sont très différentes, le trait semble moins appuyé, les couleurs peuvent aller du très foncé au très clair. Cet album, tout en état très différent, est tout autant une réussite que Voyage aux îles de la Désolation.

    En 2007, Emmanuel Lepage s’engage auprès d’une association à faire un voyage à Tchernobyl pour ramener des dessins qui seront rassemblés, avec ceux de Gildas Chasseboeuf (cet album, Les Fleurs de Tchernobyl, ressort d’ailleurs avec la parution de cette bande dessinée).

    Un printemps à Tchernobyl raconte la préparation de ce voyage qui n’est bien sûr pas évidente car on ne sait pas ce que l’on va trouver, on ne sait pas ce que l’on risque. D’autant qu’Emmanuel Lepage a connu « la crampe de l’écrivain » quelques mois avant le voyage : stress, anxiété face au départ, fatigue. Il ne voulait plus partir mais finalement il ira quand même. Face à ce qu’il verra, il ne pourra s’empêcher de redessiner.

    Emmanuel Lepage se fait le même type de réflexions que Cécilia Colombo dans Pripyat – vert comme l’enfer mais il va y rajouter toute une réflexion personnelle sur les craintes que NOUS pourrions ressentir. Il réalise une véritable introspection personnelle et cela apporte un réel plus à l’histoire. On réalise mieux l’importance de son métier pour nous et pour lui. On voit aussi en quoi l’accident de Tchernobyl plus personnellement que la crainte des retombées du nuage …

    Le billet de Mo qui vous persuadera qu’il faut lire cette bande dessinée de toute urgence (en tout cas, cela a marché avec moi : j’ai lu le billet et le midi, je suis allée l’acheter à la librairie).

    Références

    Un printemps à Tchernobyl de Emmanuel LEPAGE (Futuropolis, 2012)

  • Quatrième de couverture

    En 1980, un an après l’accident du réacteur de la centrale de Three Mile Island, le Comité américain de l’énergie atomique fait pression sur le Congrès pour que tous les déchets nucléaires du pays soient stockés sur un seul site. Ce sera Yucca Mountain, à 140 kilomètres de Las Vegas, Nevada. Ce livre révèle les moindres détails de ce projet d’enfouissement massif : les dizaines de milliards de dollars nécessaires pour aménager la montagne ; le rôle des lobbyistes pro-nucléaires sur le vote des élus corrompus ; l’échec des géologue pour rendre la montagne imperméable ; les 250 camions qui passeront chaque mois par le centre de Las Vegas, remplis de déchets radioactifs ; les manuels scolaires financés par l’État pour convaincre les élèves que le « nucléaire est écologique » ; le comité d’expert chargé d’inventer une enseigne indiquant la dangerosité du site et compréhensible dans 10000 ans ; la visite guidée des entrailles de la montagne… Mais la force du texte ne réside pas seulement dans les cris suscités par la peur du nucléaire. Mêlant avec force détails enquête de terrain et dialogues personnels – où s’invitent Noam Chomsky, Edward Abbey et Edvard Munch -, John D’Agata scrute les néons d’une ville derrière lesquels les suicides se comptent en masse et où la démesure ultime prend la forme d’un hôtel stratosphérique indestructible. Un récit sombre et éblouissant, servi par une écriture cinématographique, qui s’avale aussi vite qu’une pastille d’iode et dont la chute est vertigineuse.

    Mon avis

    C’est un livre conseillé par le libraire (il l’a conseillé juste avant l’été, il a toujours raison et en plus la couverture est fascinante ; voilà pourquoi je l’ai acheté). Il m’a semblé qu’il était temps d’en faire la lecture après l’ouvrage de Cécilia Colombo.

    Cet essai commence par la dénonciation, étayée de faits, du stockage de déchets radioactifs dans la Yucca Mountain, près de Las Vegas : légèreté des études scientifiques, quand il n’y a pas falsifications des résultats, pots de vins en tout genre, mélange des genres dans les explications de la méthode choisie … Si vous êtes antinucléaire, nous trouverez clairement de l’eau à votre moulin et sinon, cela vous fera sûrement réfléchir aussi.

    John D’Agata, si je me fie à l’éditeur, enseigne l’écriture et la littérature à l’université d’Iowa. Clairement, il n’est pas scientifique et cela se ressent dans la manière dont il expose les faits et dans sa partialité à le faire. Par contre, son angle d’attaque est passionnant. Au bureau, nous avons eu tout un « débat », sur l’intérêt de mêler sciences exactes et sciences humaines et sociales pour répondre aux problèmes qui se posent à la société aujourd’hui (je vous épargne les blagues vaseuses sur sciences humaines et inhumaines, sciences dures et sciences molles). Je trouve que ce livre y apporte une belle réponse.

    John D’Agata est choqué par les faits qu’il apprend mais surtout il arrive à rendre compte de l’inconscience humaine. Dans le cas du stockage de déchets, on ne joue tout simplement pas à l’échelle humaine, ni à celle de 10000 ans mais à un ou des millions d’années. L’auteur pointe du doigt le fait que cela n’a pas été compris. Les millions ont été changé en 10000 ans car ce sera déjà pas mal si on arrive à faire cela. Ces 10000 ans c’est plus que ce qui nous sépare de l’invention de l’agriculture, des Égyptiens et on n’est déjà pas capable de tout comprendre de ces époques. Comment peut-on penser que notre civilisation n’évoluera pas pendant ces 10000 prochaines années, sans parler de notre environnement ? Les scientifiques ne sont pas capables de dire « on ne sait pas ». Les sciences « dures » prennent en comptent des hypothèses les pires qu’elles puissent supposer (changement climatique par exemple) mais sans tenir compte de l’évolution de la société et de la civilisation (c’est-à-dire quelles seront les modalités de gestion choisies par les générations futures et est-ce qu’il y aura possibilité de gestion). John D’Agata pointe du doigt que l’Homme n’est pas modeste face au défi qui l’attend. Il semble traité le problème comme pour des déchets normaux, ne pas se rendre compte des conséquences s’Il se trompe.

    John D’Agata termine son essai par le taux de suicide à Las Vegas qui est un des plus importants des États-Unis, un taux qui ne s’explique pas uniquement par les joueurs malheureux. Il explique que ce problème n’a pas été pris en compte par les autorités et qu’en plus, c’est clairement un problème que l’on cache car ce serait nuisible au tourisme et à l’industrie de l’entertainment (vous imaginez un adolescent qui se jette de l’hôtel le plus haut de la ville et bien c’est ce qui se passe là-bas mais personne n’en parle). C’est intéressant de rapprocher cela du stockage des déchets radioactifs mais je n’ai pas su où l’auteur voulait en venir : est-ce que c’est ce qui arrive quand on ne prend pas en compte un problème ou est-ce que c’est dire que déjà à l’échelle humaine, on ne comprend pas alors à l’échelle des déchets radioactifs, que peut-on dire ?

    Un essai qui fait réfléchir longtemps sans aucun doute.

    Références

    Yucca Mountain de John D’AGATA – traduit de l’anglais (États-Unis) par Sophie Renaut (Zones Sensibles, 2012)