Quatrième de couverture
Élevée par son père, Marie Henrietta Urquhart ne s’est jamais intéressée au monde ni à ses plaisirs. Elle a trente-huit ans quand son père meurt. Elle quitte alors son Angleterre natale et voyage jusqu’au Nouveau-Mexique. Au rancho del Cerro Gordo, elle rencontre Domingo : dans les yeux noirs du guide mexicain, la Princesse perçoit une étincelle étrange. Sa puissance virile et son charme brutal la troublent … On retrouve dans La Princesse tous les thèmes chers à D.H. Lawrence, et la sensualité animale de Romero annonce celle de l’ »amant » de lady Chatterley.
Mon avis
La princesse c’est donc Marie Henrietta Urquhart que son père appelait comme cela quand elle était petite et même quand elle est devenue grande. Suite à la mort de sa mère, la Princesse s’est retrouvée seule avec son père, un peu complètement fou. À eux deux, ils ont formé une sorte de société un peu à part auquel aucun autre membre n’a été admis. Vous vous imaginez le choc pour la Princesse quand son père meurt. Elle est alors âgée de trente huit ans et se retrouve toute seule après avoir vécu uniquement par, pour et avec son père. Cependant se produit un changement dans sa personne :
Maintenant que son père était mort, elle se trouvait à la lisière de la foule vulgaire, particpant à sa nécessité de fare quelque chose. C’était un peu humiliant. Elle se sentait en chemin d’être vulgarisée. En même temps, elle constata qu’elle regardait les hommes avec des yeux plus perçants : des yeux qui cherchaient le mariage. Non qu’elle ressentît un intérêt soudain pour les hommes, ou de l’attrait. Non. Elle n’était encore ni intéressée par eux ni attirée vers eux de façon vitale. Mais le mariage, cette abstraction particulière, avait jeté une sorte de charme sur elle. Elle considérait le mariage, tout à fait in abstracto, comme le parti qu’elle devait prendre. Elle savait aussi que le mariage impliquait la présence d’un homme. Elle n’ignorait rien des réalités. Mais l’homme semblait être une propriété de son propre esprit plutôt qu’un être en soi, qu’un autre être.
N’est-elle pas intelligente cette princesse ? Vous ai-je dis que la Princesse était un être quand même assez particulier (voire un chouia narcissique, pimbêche …). Tout ça reste donc dans l’abstraction pour l’instant. Il faut donc passer à la pratique maintenant. Pour cela, elle part au Nouveau-Mexique où là c’est le choc de la rencontre avec le beau Romero :
Les touristes vont et viennent, mais il est rare qu’ils voient quoi que ce soit du dedans. Aucun d’eux ne voyait jamais l’étincelle qui brillait dans la pupille de Romero ; ils n’étaient pas assez vivants pour la voir. La Princesse la saisit un jour qu’elle avait Romero pour guide. Elle pêchait la truite dans le cañon ; Miss Cummins [la dame de compagnie] lisait un livre, les chevaux étaient attachés sous les arbres, Romero montait la mouche et lui tendit la ligne en levant les yeux vers elle. Et à cet instant, elle saisit l’étincelle de sa pupille. Et aussitôt elle comprit que c’était un gentilhomme, que son « démon », comme aurait dit son père, était un beau démon. Et instantanément, elle changea de manière à son égard.
[…]
Elle comprit qu’il l’aidait. Et elle sentit dans sa présence une subtile bienveillance insidieuse et mâle dont jamais encore elle n’avait eu l’expérience. Sa joue s’empourpra et ses yeux bleus prirent une nuance plus foncée.
[…]
Et pourtant sa présence ne faisait que chasser loin d’elle l’idée fixe du mariage. Pour une raison ou une autre, l’idée de se marier avec lui ne pouvait pas entrer dans son étrange petite cervelle. Pour aucune raison définie. C’était en soi un gentilhomme, et elle avait bien assez d’argent pour deux. Il n’y avait pas de véritable obstacle. Et elle n’était pas conventionnelle. Non, maintenant qu’elle allait au fond des choses, c’était comme si leurs deux « démons » pouvaient se marier, comme s’ils étaient peut-être mariés. Seulement, leurs deux moi, Miss Urquhart et Señor Domingo Romero, étaient pour une raison ou pour une autre, incompatibles. Il y avait entre eux une intimité particulière, subtile, faite d’entente réciproque. Mais elle ne voyait pas le moins du monde comment cela les mènerait au mariage. Elle aurait presque pu épouser plus facilemet l’un de ces gentils garçons de Harvard ou de Yale.
Vous l’aurez compris : elle veut coucher mais pas se marier. Reste plus qu’à maintenant ! Et comme la vie n’est jamais aussi simple que dans les Harlequins, cela va se faire mais pas comme elle le croit.
J’avais choisi ce livre l’année dernière année au salon du livre parce que je voulais lire D.H. Lawrence et que je n’ai jamais osé acheté L’amant de Lady Chatterley. Je l’avoue je n’aurais jamais pu faire les Harlequinades l’année dernière parce qu’à chaque fois que je passe en caisse en librairie, je tombe toujours sur quelqu’un qui me parle des livres que j’achète et ce même pour un livre totalement inconnu d’un allemand que j’avais mis plein de temps à trouver (nous avons eu un débat en caisse pour savoir si l’auteur était allemand ou hongrois suivant l’accent sur son nom de famille). Et que même mon frère qui ne lit pas sait que L’amant de Lady Chatterley c’est un livre un peu sulfureux, donc je n’ai pour l’instant jamais osé le prendre en librairie. Je rémédierai à ça un jour, c’est promis parce que j’aime beaucoup l’écriture de D.H. Lawrence.
C’est comme un peintre ou un sculpteur qui étudie les corps. En effet, dans une peinture ou une sculpture, vous vous imaginez le mouvement grâce à l’instantané du muscle (je suis sûre que vous voyez ce que je veux dire). C’est exactement ça qui se passe chez D.H. Lawrence : c’est la description du mouvement qui donne l’action. C’est la première fois que j’avais cette impression et cela m’a charmé. Visiblement, c’est ce que l’on appelle une écriture sensuelle (j’ai lu ça dans wiki je crois).
Une belle découverte. Mention spéciale au traducteur qui fait parler Marie Henrietta de son « moi intérieur de Princesse ». Cela m’a fait (et me fait encore) beaucoup rire.
Livre lu dans le cadre du The Portrait of a Lady Swap de Lou et Titine.
Références
La Princesse de D.H. LAWRENCE – traduit de l’anglais par Pierre Leyris (Le petit Mercure – Mercure de France, 2008)