Cecile's Blog

  • Quatrième de couverture

    Le 13 avril 1759, après avoir assisté à une ultime exécution du Messie à Covent Garden, George Frédéric Haendel mourait à Londres, au comble des honneurs et de la gloire. Dix-sept ans auparavant jour pour jour, avait eu lieu à Dublin la création de ce même oratorio ; et c’est encore un 13 avril, vingt-deux ans plus tôt, qu’une attaque avait terrassé le musicien, alors en proie aux pires difficultés financières, privé des faveurs du public et considéré pendant plusieurs années comme un homme fini.

    Ces trois dates, à l’heure de la mort, semblent se concentrer en un seul et même instant dans le bref récit de Gert Jonke, avec une érudition teintée d’humour et une virtuosité hautement musicale, consacre aux derniers instants de la vie du compositeur.

    Une citation

    Même devenu aveugle, à un âge très avancé, il ne cessa de voir – mais il voyait avec son immense oreille et il entendait tout par la fenêtre de son œil intérieur. [p. 54]

    Mon avis

    Je ne connaissais pas cet auteur avant vendredi dernier, avant mes errements dans les rayons de la bibliothèque à la recherche des lettres de l’alphabet. Il y a plein de monde dans cette bibliothèque mais paradoxalement, le rayon littérature est le plus calme alors on peut errer comme on veut et même faire tourner les sièges. Quand j’allais à la bibliothèque de ma ville, il y avait toujours plein de monde, comme dans le tram, et en plus ils étaient tous fans des mêmes livres que moi qui n’étaient donc jamais en rayon. C’est peut être cela quand ils disent que les gens n’aiment plus les romans, la littérature …

    J’ai lu toutes les quatrièmes de couvertures des trois livres disponibles de l’auteur … et tous parlent de musique. Quand on lit la biographie sur la quatrième de couverture, c’est confirmé. Cet auteur puise son inspiration dans la musique. Je ne sais pas ce que vous en pensez mais j’ai toujours pensé qu’un artiste, c’était quelqu’un qui avait un regard très très particulier sur le monde et tout son travail c’est de le sortir au mieux de lui (peut être pour nous permettre de comprendre aussi un peu mieux le monde) car c’est un besoin impérieux. J’ai toujours pensé que c’était un métier difficile parce qu’il fallait sortir ce que vous aviez dans la tête.

    Gert Jonke essaye de faire ressentir avec son art à lui, la littérature, ce qu’un autre artiste, un compositeur, peut ressentir à l’intérieur. Personnellement, j’ai ressenti la solitude de Haendel. Pendant les 56 pages de son récit, l’auteur se concentre particulièrement sur l’attaque qui a fait perdre à Haendel pendant plusieurs mois l’usage du côté droit de sa personne. Jonke nous décrit la musique qui défile dans sa tête, la musique qu’il n’arrive pas à écrire sur un papier. L’auteur nous raconte comment Haendel a revécu après avoir suivi une cure thermale. Tout le récit est donc marqué par cet événement et on lit tous les autres événements qui nous sont racontés par ce prisme-là.

    J’ai trouvé que ce livre était très beau. Même moi qui ne comprend pas grand chose à la musique, j’ai eu l’impression d’approcher cet univers et surtout ce qui se passe dans la tête d’un compositeur.

    Références

    La tête de George Frédéric Haendel de Gert JONKE (1946 – 2009) – traduit de l’allemand par Uta Müller et Denis Denjean (Verdier, 1995).

    Première parution en allemand en 1988.

  • Quatrième de couverture

    Un émigrant revient au village après une très longue absence, et se rappelle la vie quotidienne en Vieille Castille au début du siècle.

    Combinant distanciation ironique et sympathie profonde, Delibes évoque avec un art dépouillé et sensible ce monde où règnent l’immobilisme, la routine, la superstition, l’arriération et la pauvreté, mais que sauvent les relations communautaires, le contact sans médiations avec les forces élémentaires, et une fierté jamais déclarée d’appartenir à cette terre si riche d’une archaïque beauté.

    Mon avis

    J’ai découvert ce livre grâce à Dominique. J’ai beaucoup beaucoup aimé. Le livre est structuré en très courts chapitres, 17 au total (pour un livre de 56 pages). Chacun des chapitres fait trois pages. Chacun correspond à un souvenir, à une tradition, à un lieu. Le narrateur revient après 45 ans. On ne saura jamais ce qu’il pense vraiment de maintenant, sauf au 17ième chapitre. Il y a une impression de nostalgie sur le temps passé, sur un monde qui ne change pas et qui ne peut pas changer.

    C’est typiquement le type de livre, à mon avis, où l’histoire ne compte pas (personne ne pourrait retenir précisément tous les souvenirs) mais par contre, quand vous refermez le livre, il vous reste une toute petite musique de nostalgie, un petit air de paradis perdu, isolé du monde. On emporte en refermant le livre un petit bout de Castille et ces impressions, je crois que c’est ce qui reste de ce tout petit livre .

    Mon avis est court parce que le livre est court. C’est le deuxième livre de Miguel Delibes que je lis et chaque fois j’en retire la même chose. On a l’impression d’entendre une voix qui nous parle et de « sentir » le fond de l’âme de l’orateur. J’aime beaucoup cela.

    Références

    Vieilles histoires de Castille de Miguel DELIBES – traduit de l’espagnol par Rudy Chaulet (Verdier, 2000)(première parution en espagnol en 1981)

  • C’est un album tout en jeu d’ombres et lumières, tout de sensations et d’impressions plus que d’actions. La couverture donne le ton. On va parler de guerre, de la Première Guerre Mondiale, et de peinture.

    Un homme, qui vient de perdre sa femme, écrit une biographie d’un poète pour essayer de réapprendre à vivre. Un jour, il reçoit la lettre d’une vieille femme qui lui envoie les lettres de son frère avec ce célèbre poète. C’est un peintre qui a été célèbre dans les années 10 à Paris. Il n’en a jamais entendu parler. Celui-ci est mort pendant la Première Guerre. Commence alors une enquête.

    En fait il lit les carnets, journaux intimes, laissés par le peintre : il vit la joie de la peinture, la peur au front … Il ne comprend pas comment ce peintre, qui semble si adulé, a pu être envoyé au combat. Il découvrira la solution. Elle sera étonnante mais il restera le seul à la connaître, selon sa volonté.

    C’est une bande dessinée sans bulle (il y en a cinq peut être). Le texte est écrit dans la vignette. Il n’y a tout simplement pas ou peu de dialogue. C’est un album de deux solitudes : celle du peintre et celle du biographe. On différencie qui parle … par la couleur du texte. Finalement, on s’habitue vite et cela donne une lecture différente, faite d’introspection. Au contraire de l’album d’hier, les couleurs ne sont pas toute sombre même si le scénario est dépressif. Le champ de bataille est sombre bien évidemment mais le biographe est peint dans des vignettes très claires, comme si il était dans un autre monde. Ses traits sont brouillés, jamais très définis. Cela donne un côté aérien à sa présence dans l’album.

    Une belle découverte.

    Références

    Le Carnet Rouge de Teddy Kristiansen (scénario, dessin et couleurs) – traduit du danois par Céric Perdereau (Soleil, 2007)

  • Il faut que j’arrête de prendre des bd au hasard. Je me fais peur toute seule. Vous allez voir c’est une bande dessinée très gaie (je vais aller prendre la deuxième qu’il y a à la bibliothèque des mêmes auteurs même si cela me semblait bizarre : des gens habillés en rouge dans la neige). Près ? Commençons.

    On est dans un pays qui n’est pas le nôtre (plus exactement, dans la ville de Butanie en Patagonie) et j’espère que cela ne deviendra jamais. Imaginez qu’à chaque délit, on vous coupe un membre (je vous sens moins chaud tout de suite). Bertold est accusé de terrorisme et donc d’avoir tué des gens, douze personnes exactement. En plus, il est le rouage qui veut gripper la machine. On lui coupe donc les deux bras et les deux jambes. Heureusement, il y a une « organisation charitable » qui s’occupe de lui jusqu’au jour où le directeur du théâtre pneumatique et son acolyte (le programmeur) l’engage. Pour quoi faire ? Pour jouer des pièces de théâtre bien évidemment. Les acteurs sont tous des troncs humains. On leur donne des nouvelles jambes et de nouveaux bras, gérés par un ordinateur et donc le programmeur. Vous allez me dire que cela sent l’esclavagisme. Et vous aurez raison mais Bertold va essayer de changer le théâtre mais aussi la cité de Butanie, en utilisant son talent, le programmeur. C’est ça l’histoire.

    On ne peut dénier l’originalité du scénario. Les dessins sont très beaux aussi. Chaque image est une petite peinture ; les coups de pinceaux sont apparents. Les visages sont théâtraux dans le sens où les expressions sont surjoués. Les couleurs sont évidemment très sombres pour marquer une société proche de l’apocalypse (il ne connaisse pas trop le soleil là bas).

    J’ai donc beaucoup aimé (comme en général toutes les bandes dessinées qui nous envoient ailleurs) même si cela fait peur. Ce qui est drôle c’est qu’en ce moment j’ai l’impression de faire un cycle de lecture sur la société dirigée par des intelligences artificielles ou non. Le point commun de tout cela est que l’homme décide de l’avenir des intelligences artificielles et pas le contraire.

    Références

    La Bulle de Bertold de AGRIMBAU et IPPÓLITI – traduction de l’italien par Jean-Michel Boschet (Albin Michel, 2005)

  • Quatrième de couverture

    Une ville, avec des caméras de surveillance à tous les coins de rue. Tristan, ancien élu fatigué de politique, décide de partir à la recherche du Présent. Le Présent se trouve peut-être dans les mots de ces réfugiés climatiques avec qui il partage sa maison, sous la protection du Sous-Commandant, un chat pas très domestique. Ou bien dans cet hypermarché où une Inconnue règle l’unique achat de Tristan : une boîte de petits pois.

    Comment retrouver l’Inconnue ? Combien y a-t-il de petits pois dans la boîte ? Qui est Argus, l’internaute qui voit tout et sait tout ? Les questions se multiplient dans une ville en effervescence. D’étranges tribus urbaines s’agitent et la révolte gronde dans un univers « où nos existences mêmes sont en garde à vue, où tout ce que nous vivrons pourra être retenu contre nous ». Comme courir tout nu sur la place aux Autres.

    Mon avis

    Ce livre est très agréable à lire et très amusante. On sent tout le plaisir que l’auteur a eu à l’écrire. Ce qui m’a moins plu c’est que finalement, on sent plus le plaisir que la réflexion que l’auteur a voulu y mettre car Philippe Mouche aborde une multitude de thèmes qui sont d’actualité dans notre société.

    Tristan a toute sa vie défendu ses idées de manière traditionnelle (en utilisant la politique) en espérant changer un tout petit peu les choses. Il abandonne tout cela pour se concentrer sur une autre quête (celle du Présent absolu) et c’est justement comme cela qu’il va devenir le héros de la Révolution pacifique qui va renverser le modèle de société existante. En ne faisant rien (ou plus exactement en se battant avec les moyens de la société civile : internet …), il va faire ce qu’il a toujours voulu faire. Quand je dis internet, en fait, ce n’est pas internet, c’est le Nuage, l’enfant d’internet. C’est une sorte d’internet qui n’est pas dans la vie réelle, qui est comme une seconde vie que l’on ne rencontre pas dans la vie réelle (ou rarement)(c’est un peu le but aussi).

    Un des autres thèmes est la recherche du présent absolu. Il s’agit de vivre dans le moment présent pas dans un présent où on est déjà en train d’anticiper le futur proche (je vous conseille de lire le livre d’Éric Sadin La société de l’anticipation sur le sujet, c’est passionnant). Je ne sais pas si vous avez déjà remarqué mais par exemple, on ne peut plus juste marcher dans la rue, on utilise un téléphone pour savoir où est notre ami, où on va manger. On ne profite plus.

    C’est aussi un thème abordé : l’omniprésence de l’intelligence artificielle dans nos vies. L’intelligence artificielle est un système qui apprend au fur et à mesure et qui s’adapte aux données qu’on lui donne à manger. La question qui se pose est : est-ce que nous pourrons revenir en arrière ou la machine peut-elle prendre le contrôle et avoir sa vie propre (et notamment avoir la conscience de sa destruction programmée et agir avec instinct, pour se sauver)(c’est un thème important et ancien dans la littérature).

    Un autre thème est l’impact de la vidéosurveillance dans nos vies et notamment à quoi elle peut servir.

    Le livre est très agréable à lire mais il manque d’ampleurs tant au niveau des thèmes abordés (l’auteur a envisagé énormément de thèmes mais n’en développe vraiment aucun. Il n’y a ni cause, ni description détaillée du thème, ni de conséquences détaillées, ni de solutions envisagées) que des personnages qui ne sont pas assez décrits à mon goût (dans le sens où ils sont moins importants que les péripéties).

    En conclusion, il faut plus chercher dans ce livre une lecture détente qu’un livre réflexion sur notre société. Je ne l’aurais pas lu dans le cadre du prix, j’aurais aimé sans aucune réserve mais là, il y a le prix qui dit que les livres sélectionnés sont les suivants :

    Pourquoi « Une Autre Terre » ?

    Le roman d’anticipation représente la société humaine dans un avenir plus ou moins lointain en présentant aussi bien des utopies, comme dans L’An 2440, rêve s’il en fut jamais de Louis-Sébastien Mercier (1777), ou des dystopies comme Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1932). Parmi tous ces futurs, certains mettent l’accent sur des évolutions du contexte de la vie humaine, de l’environnement. Ils mettent en avant un monde qui n’est plus le nôtre ; c’est à présent une autre terre.

    Quelles œuvres sont concernées ?

    Le Prix « Une Autre Terre » récompense une roman d’anticipation (nouveauté ou réédition) pour sa prise en compte du contexte environnemental actuel et présagé. Par roman d’anticipation, on entend un texte décrivant le monde tel qu’il pourrait être dans le futur.

    Références

    La place aux Autres de Philippe MOUCHE (Gaïa, 2011)

    Livre dans le cadre du prix Une Autre Terre.

  • Quatrième de couverture

    La stagiaire entre dans le bureau de Robert Dubois, l’éditeur, et lui tend une tablette électronique, une liseuse. Il la regarde, il la soupèse, l’allume et sa vie bascule. Pour la première fois depuis Gutenberg, le texte et le papier se séparent et c’est comme si son cœur se fendait en deux.

    Une citation

    Nous avons vidé les livres de ce qu’il y avait dedans pour en vendre davantage et nous n’en vendons plus. Tout est notre faute. (p. 40)

    Mon avis

    Ce livre m’a fait sourire car j’ai eu l’impression de ressentir le plaisir que l’auteur a eu à l’écrire.

    Robert Dubois est un éditeur de la vieille école. Sacoche de cuir où on range les manuscrits le week-end pour les lire (parce qu’il est évident que l’éditeur lit tous les manuscrits et c’est ce qu’il l’oblige à en prendre pour les jours de repos). Il y a quelques années, lui qui était le seul à bord de sa maison d’édition, a du accepter qu’on lui colle un jeune loup obsédé par les chiffres (il est persuadé que l’on peut savoir combien un livre peut vendre avant de l’avoir même mis sur le marché … c’est comme cela je pense que l’on réfléchit pour nous vendre certains livres). Après avoir accepté le principe, le jeune loup décide qu’il peut très bien se mettre à l’édition. Cela donne le pire bien évidemment. Robert accepte dès lors des compromis : publier des gros et des petits, des nouveaux et des anciens. Il s’adapte.

    Il est dubitatif pour la liseuse au début. Puis après, il s’habitue et s’adapte encore. enfin, plus exactement, il forme la nouvelle génération à s’adapter comme si lui n’avait plus l’âge de penser le futur. Il apprend à la jeune génération à aimer le texte, à penser que la liseuse (sa liseuse c’est plus une tablette mais bon) amène vers le texte mais ne le remplace pas.

    Le style de Paul Fournel est fourmillant. On tourne les pages en ressentant la passion de Paul,, l’enthousiasme de la nouvelle génération au projet qu’on lui propose.

    Je ne doute pas que cela soit un livre à clef germanopratine mais même si on ne les comprend pas ces clefs, c’est un très agréable moment de lecture. En effet, il donne un aperçu pas forcément morose (ou tout blanc ou tout noir) de ce qui nous attend. Il montre juste que c’est à nous de décider.

    Le billet de Mollat.

    Références

    La liseuse de Paul FOURNEL (POL, 2012)

  • Présentation de l’éditeur

    Au jeune étudiant rentré au pays après un séjour en Europe, Moustafa Saïd entreprend de raconter son histoire : celle d’un destin déchiré entre la vie immémoriale de l’Afrique et le mouvement de l’Occident.

    Moustafa Saïd en effet a passé de nombreuses années en Angleterre, où il a mené des études brillantes, séduit de nombreuses femmes, provoqué le suicide de deux d’entre elles, brisé le mariage d’une autre… Sur sa vie plane une ombre de mystère.

    Peu de temps après son récit, inachevé, il meurt noyé dans le Nil, alors qu’il était excellent nageur : son confident tentera dès lors de remonter le cours d’une vie complexe, de comprendre qui fut réellement le fascinant Moustafa Saïd, et c’est avec une science dramatique extrême que l’auteur distille les éléments de cette envoûtante enquête.

    Mon avis

    Comme en témoigne le sommaire des catégories sur le côté droit, je ne lis pratiquement jamais de littérature africaine et j’ai trouvé que c’était un tort. Du coup, j’ai eu une lubie soudaine : lire un livre d’un auteur soudanais. J’ai fait mes petites recherches sur internet, croisées avec le catalogue de la bibliothèque à côté de mon travail. En est sorti ce livre de Tayeb Salih (il est vraiment culte apparemment en plus). Je peux vous dire que ce roman est admirable.

    Le thème est intéressant, de même que la manière de le traiter. Plus que l’immigration, je crois que le thème développé est comment vivre dans une société quand on est seul et particulier. Bien sûr, la particularité est évidente quand on est dans un pays étranger et donc a fortiori quand on est dans un pays étranger de culture différente. Cependant, Moustafa Saïd était déjà particulier avant de partir du Soudan pour aller en Angleterre. Cette particularité, il l’a devait à sa naissance, à sa mère et à la mort de son père mais aussi à son éducation très poussée (mélange d’intelligence hors norme et de sociopathie). Cette particularité se renforcera en Angleterre. Il ne voudra pas être victime et le plus simple est alors d’être le chasseur (ici, de femmes). Il fera tout pour ne pas se faire manger mais manger. Le thème de l’immigration (et du retour) est plus traité au travers du narrateur, le jeune étudiant qui revient au pays avec son doctorat de poésie en poche. Plus que par le texte (où on nous décrit le Soudan de l’époque), c’est par le point de vue que l’on comprend la différence : l’incompréhension parfois le sentiment de supériorité se perçoit.

    L’histoire sur l’enquête du narrateur pour savoir ce que cachait Mohamed Saïd est très intéressante car elle forme un fil narratif qui n’aurait pas tenu avec uniquement le thème de la particularité dans un pays. On se demande tout au long du roman ce que va découvrir le narrateur.

    L’écriture est poétique à souhait. On a l’impression d’écouter un conteur jumelé avec un poète. Tayeb Salih ne juge jamais. je crois qu’on ne sent pas sa présence, comme si il n’y avait pas l’auteur entre le narrateur et nous. C’est dire que les personnages du roman sont extrêmement vivants.

    Bien sûr, maintenant, je veux lire les autres livres de Tayeb Salih !

    Références

    Saison de la migration vers le Nord de Tayeb SALIH – roman traduit de l’arabe (Soudan) par Abdelwahab Meddeb et Fady Noun (Actes Sud / Babel, 1983)

  • Présentation de l’éditeur

    Ruth et Perry, frère et soeur adolescents, entretiennent des secrets que le commun des mortels ne peut concevoir. Ruth, accumule compulsivement des bocaux remplis d’insectes morts avec lesquels elle communique. Perry est le seul à voir et à entendre un sorcier, qui lui ordonne de dessiner ses prophéties. Sauront-ils s’épanouir malgré tout, ou vont-ils perdre pied dans les ténèbres ?

    Nate Powell explore sereinement les coins ténébreux de l’adolescence. Loin des explosions mélodramatiques et des clichés de rebéllion, il dépeint les minuscules moments de folie, les troubles obsessionnels et l’éphémère soulagement médicamenteux, sur fond de rupture familiale et de premier amour. Avec un style graphique trempé dans les ombres, Swallow me whole (Dévorez-moi) est une histoire de spectres des banlieues qui hantera longtemps ses lecteurs …

    Mon avis

    Paradoxalement, c’est l’avis de Mo qui m’a donné envie de lire ce roman graphique. Je l’ai noté puis emprunté sans même me rappeler l’histoire. Quand je commence une BD ou un livre, en général, je ne (re)lis pas la présentation de l’éditeur. C’est pour être plus surprise. J’ai plutôt aimé même si je n’ai pas vraiment tout compris.

    Je n’ai pas du tout compris ce que l’éditeur a mis dans sa présentation. Au début, on a la grand mère qui est sur son lit de mort mais elle va en revenir rassurez-vous. Deux enfants, les petits-enfants, viennent en visite.. C’est Perry et Ruth. Je crois que c’est un peu l’élément fondateur de la « folie » des deux enfants. Il faut dire que la grand-mère fait part de visions qu’elle a à sa petite-fille. Il y a de quoi impressionné. En revenant de la mort, la grand-mère vient habiter avec les enfants et leurs parents (visiblement, il s’agit d’une famille recomposée : le fils est au père et Ruth est à la mère. Les enfants ont le même âge et semblent très proches).

    Au fur et à mesure que les enfants grandissent avec leurs folies/lubies, Ruth entend parler les insectes qu’elle collectionne et qui sont aussi sa passion. Perry, lui, entend parler un sorcier qui le force à dessiner. Les parents s’inquiètent et leurs comportements seront très différents. La mère va emmener Ruth chez le psychiatre qui en une séance va diagnostiquer une maladie mentale et donner des médicaments. Le père va emmener Perry chez le pédiatre qui va dédramatiser et lui expliquer que c’est le stress. Perry va grandir normalement, au fur et à mesure cela lui passera (il aura une petite amie, des amis … s’affranchira au fur et à mesure de sa sœur). Sa sœur, elle, va sombrer malgré toutes les tentatives qu’elle fait pour vivre normalement (le stage, le petit ami, la prise de médicament régulière).

    Le graphisme fait ressentir les angoisses des deux adolescents (présentation de vision cauchemardesque) mais surtout leur solitude (pour Ruth) et leur incompréhension (pour Perry). Les parents sont très peu présents dans la bd comme si ils laissaient les enfants seuls. Quand ils sont présentés, ils sont vieux (alors que leurs enfants font très jeunes). La mère est sourde comme si elle ne voulait pas entendre la douleur de sa fille. La grand-mère fait plus cadavre sur le canapé qu’autre chose. Ce que je reproche au graphisme, c’est que parfois, je n’arrive pas à distinguer les personnages (les décors n’en parlons pas car je crois que c’est fait exprès).

    Il y a, à mon avis, des éléments très intéressants dans cette bd qui aurait sûrement gagner à être plus explicite parfois, en particulier la fin que je n’ai absolument pas comprise. J’aurais bien aimer savoir ce qu’il en était exactement pour Ruth (alors que là cela se termine en métaphore que l’on peut interpréter n’importe comment).

    Références

    Swallow me whole de Nate POWELL – traduit de l’anglais (États-Unis) par Fanny Soubiran (Casterman / Écritures, 2009)

  • Quatrième de couverture

    De la vue d’une reproduction des Sabines de David dans un vieux dictionnaire jusqu’à sa première nuit d’amour, ce livre évoque la croissante fascination d’un jeune garçon pour le corps féminin. L’affiche du film érotique Emmanuelle, telle scène de baignade dans Tarzan et sa compagne, la double page centrale d’un numéro de la revue de charme Penthouse, un strip-tease dans une fête foraine en marqueront quelques étapes. Mais il sera aussi question des jeux troubles de la prime enfance et de certaines expériences propres à l’adolescence.

    Mon avis

    C’est le livre que m’ont offert son frère et sa copine pour mon anniversaire. Et bien, j’ai trouvé cela très bien. Je l’avais mis dans ma liste car à Noël, pour le best of de l’émission La Dispute, ils avaient insisté sur ce livre.

    Je ne regrette pas. L’histoire est bateau. C’est l’initiation d’un jeune homme, au corps féminin, de l’imagination au réel. Bien sûr, je ne connaissais pas mais bon j’avais des doutes. Éric Laurrent en tant qu’écrivain sait transformer son histoire en roman drôle et intéressant. Ce qui est drôle, c’est bien sûr les péripéties du jeune garçon raconté par les yeux de l’homme avec tout l’humour qui va bien. On sourit beaucoup.

    L’élément marquant du roman est la langue. Les phrases sont à rallonge, très écrites ; le style est « précieux » (on pourrait dire ampoulé mais dans le bon sens du terme si il y en a un). Cela donne un deuxième recul, pas seulement celui de l’âge mais aussi celui de la langue. C’est ce qui est étonnant.

    C’est un peu la caractéristique des éditions de minuit mais je trouve qu’ici c’est encore plus que d’habitude (la langue m’a beaucoup plu, pratiquement autant que celle de Éric Chevillard dans Démolir Nisard, c’est pour dire).

    Références

    Les découvertes de Éric LAURRENT (Les Éditions de Minuit, 2011)

  • Un petit extrait

    Le nom seul fut comme l’étincelle tirant un feu d’artifice d’associations dans mon cerveau. Mycroft est le frère aîné de Sherlock Holmes. C’est un fait – un fait fictionnel, dans la mesure où c’est Arthur Conan Doyle qui l’a inventé, et non Patrick. Mycroft n’est mentionné que dans une poignée de récits de Doyle et son absence a quelque chose de troublant.

    Rien n’explique vraiment Mycroft. Il est superflu dans ces récits. C’est ce qui le rend intéressant. Il n’a pas été créé dans un but précis, il n’a aucune fonction dans l’intrigue. Il est là parce qu’il est là, fringant et inutile – comme les meilleures choses. Il vient en prime, un petit plus offert à l’imagination du lecteur.

    Et pour ce qui est des personnages de fiction, on en sait encore moins sur lui que sur la plupart des autres. Après tout, à quoi tient le personnage d’un livre ?

    Mon avis

    C’est une histoire de frères, de famille et d’héritage dans tous les sens du terme. Damien March, habitant Londres et travaillant pour la BBC, hérite de la maison de son oncle sur une île de la côte est des États-Unis. Il hérite sous des conditions bien particulière. Tout cela amène Damien a quitté son boulot et à partir quelques temps aux États-Unis. Bien sûr, cela aura plus d’effet sur lui. Il passe de « Patrick qui ? » à l’annonce du décès de son oncle à « ah, j’étais son neveu préféré ». Donc toute la première partie du livre, c’est ça : il se rappelle et essaye de s’adapter à sa nouvelle vie (qui devient un peu celle de son oncle), avec des gens un peu particuliers (surtout l’ancienne maîtresse). Ensuite, il trouve un manuscrit de son oncle (qui était écrivain) intitulé Les confessions de Mycroft Holmes. Commence alors le Jeu de Pistes. Qu’est-ce qu’a voulu dire Patrick à son neveu préféré ? Marcel Theroux développe alors tout le parallèle entre les frères : Sherlock et Mycroft, le père du narrateur et Patrick, le narrateur et son frère … Tout cela est très bien mené jusqu’à la révélation finale.

    Dès le départ du livre, on est entraîné, on tourne les pages sans s’en rendre compte. Cela vient du style très alerte qu’à adopter Marcel Theroux. On arrive à sentir Damien, à penser avec lui, à le comprendre. C’est un gars éminemment sympathique et du coup tout se passe très bien.

    Tout est rassemblé dans ce livre pour faire un très bon moment de lecture : l’histoire est bien menée, les personnages sont typés, le style est vif …

    D’autres avis

    Ceux de Keisha, Clara, Cathulu et Cuné.

    Références

    Jeu de pistes de Marcel THEROUX – traduit de l’anglais par Stéphane Roques (Plon / Feux croisés, 2011)