Cecile's Blog

  • Présentation de l’éditeur (d’un éditeur mais je ne sais pas qui)

    En haut, en bas… Voilà deux expressions qui n’ont pas cours à Flatland. À les employer, on risque de perdre la tête, au propre comme au figuré. Car si les habitants de cet univers qui ne connaît que deux dimensions n’ont pas à craindre que le ciel leur tombe sur la tête, ils détestent les illuminés et les faux prophètes qui prêchent l’évangile de la troisième dimension. Pourtant, le narrateur de cette étrange aventure, un très raisonnable Carré, est certain d’avoir été visité par une Sphère, chose impossible pour ses concitoyens qui ne peuvent y voir qu’un Cercle… Mais ne riez pas de leur aveuglement. Comment réagissez-vous quand on vous parle de la quatrième dimension ?

    Une citation

    Cela doit vous apprendre que la satisfaction de soi-même trahit un être vil et ignorant, et que mieux vaut aspirer à quelque chose qu’être heureux aveuglément et dans l’impuissance.

    Mon avis

    Ce livre est extraordinaire. Fascinant, intelligent, drôle … Parfait quoi !

    Imaginez que vous êtes dans un monde en deux dimensions. Vous êtes une forme géométrique, un carré, un triangle équilatéral, un triangle isocèle, un triangle tout court, un polygone, un cercle … Vous pouvez être qui vous vous voulez mais l’ensemble de ces figures géométriques forment une société, celle de Flatland. Comme dans toute société, il y a des modes de vie, des conventions, une échelle pour classer les gens. L’important à Flatland est la régularité. Quand vous êtes un triangle tout biscornu, vous êtes au bas de l’échelle, brigand ou militaire. Quand vous êtes isocèle, c’est mieux et le top du top c’est le triangle équilatéral mais comment faire pour être progressé acquérir des côtés supplémentaires, être un carré, un pentagone, un hexagone … l’important étant d’être régulier. Le haut du gratin c’est le cercle car il a un nombre infini de côté. Ce qui est intéressant c’est que dans cette société vous progressez au fur et à mesure par la naissance (on acquiert de plus en plus de côtés mais de manière très lente) ; on ne progresse pas grâce aux mérites. Vous allez me dire mais où est la femme et je vous répondrais qu’à Flatland, la femme est une ligne ! Si vous avez suivi ce que j’ai dit précédemment, vous comprendrez facilement où la femme se situe dans cette société … Cela donne lieu à des chapitres bien machistes sur l’ondulation de l’arrière de cette ligne qui peut tuer mais qui est préférable à attendre le bourdonnement incessant provenant de l’avant de cette ligne. Dans un monde en deux dimensions, les figures géométriques sont indiscernables car on ne voit qu’une ligne. L’auteur décrit les modes de reconnaissance : le toucher mais aussi la connaissance visuelle (si j’ai bien compris la chose, il y a une notion d’éclat qui permet de reconnaître mais uniquement si on est éduqué ; le toucher est réservé aux classes inférieures). Cette première partie en elle-même est intéressante car c’est la description d’un monde créé uniquement par l’esprit.

    La deuxième partie est plus moralisatrice. Elle commence par le fait que le narrateur, un Carré, rêve sa visite dans un monde à une dimension, où il va se moquer du fait que ses habitants n’arrive pas à envisager une deuxième dimension qui, il le sait pourtant existe. Peu après, une Sphère vient rendre visite au Carré et le schéma se reproduit mais inversement. Une fois que le Carré s’est décillé, il envisage la quatrième dimension que la Sphère, habitant de la troisième dimension, n’arrive pas à voir. Cependant, la Sphère s’inclinera devant la logique de l’Allégorie qui veut qu’il existe une règle logique pour envisager des mondes avec des dimensions supérieures. Le Carré qui est chargé d’évangéliser Flatland au monde en trois dimension (c’est une révélation qui se fait tous les 1000 ans) sera emprisonné car on le croit fou.

    J’ai lu que l’on pouvait interpréter ce livre de deux manières : une critique de la société victorienne mais aussi un livre avec des vues théologiques (qui va avec le métier de l’auteur). Je crois que c’est un peu des deux dans la rédaction. La première partie du livre, où il y a la description de la société de Flatland, critique la société très codifiée, immuable qui empêche d’évoluer et qui semble empêcher toute ascension sociale mais quand la Sphère, être à trois dimensions, se range au fait qu’il existe un monde à quatre dimensions, qui permet de voir l’ensemble du monde à trois dimensions et même l’intérieur, les viscères de la Sphère, il est évident que Abbott parle d’un être supérieur qui ne peut être pour lui que Dieu.

    Il y a deux films qui se sont inspirés de ce livre, une sequel , Flatterland de Ian Stewart (très connu pour ses ouvrages de vulgarisation mathématiques), un ouvrage qui essaye de nous décrire la quatrième dimension de la même manière que Abbott décrit la troisième dimension à notre carré (c’est le livre de Rudy Rucker intitulé sobrement La quatrième dimension).

    C’est tout un monde qui s’ouvre à moi ! et à vous ?

    Références

    Flatland de Edwin Abbott ABBOTT

    J’ai lu ce livre en format ebook sur mon reader. J’ai trouvé le fichier ici.

    Première parution en 1884.

  • Quatrième de couverture

    Regroupant, par ordre chronologique, trois recueils de textes qui se situent à la frontière des genres littéraires, Trois révèle des aspects moins connus de l’univers de Roberto Bolaño et jette une lumière parfois surprenante sur son œuvre narrative. Daté de 1981, Prose de l’automne à Gérone offre une série de fragments kaléidoscopiques et hallucinés. Les Néo-Chiliens (1993) retrace l’épopée d’un groupe de jeunes musiciens chiliens en route pour l’Équateur en passant par le Pérou et reflète les désillusions de toute une génération. Un tour dans la littérature (1994) propose enfin, en 57 fragments, une promenade onirique en compagnie de fantômes, hommage mélancolique au écrivains, aux lieux et au passé du grand lecteur qu’était Bolaño.

    Mon avis

    Il s’agit donc de trois textes très différents les uns les autres par le fond comme par la forme. Le premier est un recueil de petits textes qui forme un plus grand texte ; le deuxième a la mise en page d’un poème (je serais bien incapable de vous dire si s’en est vraiment ou même comment il est construit si c’était le cas) et le troisième c’est donc 57 fragments qui commence tous par « J’ai rêvé » qui parle de littérature.

    J’ai beaucoup aimé le premier texte car Roberto Bolaño entretient le flou de manière magistral. On ne s’est jamais si on est dans la réalité ou dans la fiction car dans les deux, il y a un écrivain : un écrivain amoureux ou un écrivain solitaire (seuls ses personnage sont ses amis). Dans cette nouvelle, l’auteur cite à un moment Fichte et je peux vous dire que rien que pour cela je ne regrette pas d’avoir lu ce livre.

    Le découragement et l’angoisse consument mon cœur. La venue du jour me répugne, qui m’invite à une vie, dont la vérité et la signification sont douteuses pour moi. Je passe les nuits agités d’incessants cauchemars.

    Le deuxième texte raconte donc le voyage de jeunes musiciens. Moi qui n’aime pas les poèmes (cela vient de la mise en page peut être), j’ai trouvé que c’était plutôt pas mal. Je ne sais pas si c’est pas parce que je l’ai lu dans le bus mais le texte m’a donné l’impression d’avancer en même temps que les musiciens, d’entendre de la musique, en fait de participer.

    Le troisième texte m’a moins plu (certains fragments oui et d’autres non). Cela vient du fait que je ne m’y connais pas assez en littérature car Bolaño parle d’auteurs dont je connais le nom mais pas l’œuvre ou même la biographie. Alors cela limite un peu la discussion de suite.

    En conclusion, je dirais que je suis fasciné qui est capable de trouver la forme qui convient au fond. On ne peut pas s’imaginer comment ce qui est raconté aurait pu être dit autrement. Ce que je retiendrais aussi, c’est la poésie qui se dégage des textes de Bolaño.

    Références

    Trois de Roberto BOLAÑO – traduit de l’espagnol (Chili) par Robert Amutio (Christian Bourgois, 2012)

  • Quatrième de couverture (en anglais)

    In turn-of-the century England, a lone ship arrives from the Black Sea beached and crewless, save her captain, dead and tethered to the wheel. With nine men missing and a very curious cargo aboard, only one man is fit to unravel the mystery – London’s brilliant consulting detective, Sherlock Holmes !

    With the assistance of the faithful Doctor Watson, Holmes uncovers a plot against Her Majesty Queen Victoria to overthrow her kingdom through a plague-like corruption of her bloodline. And the evidence suggests that at the epicenter of this gruesome conspiracy is none other than the ancient and abhorrent Count Dracula !

    Borrowing from both Sir Arthur Conan Doyle and Bram Stoker, writer Ian Edginton faithfully weaves together an artful tale of intellect and horror in this epic face-off between two literary icons.

    Mon avis

    Ce deuxième m’a beaucoup plus plu que le premier. Le comics est divisé en cinq chapitres. Le premier n’a rien à faire avec l’histoire puisque Sherlock Holmes « affronte » Docteur Jekyll et Mister Hyde. C’est pour se mettre en jambe.

    L’histoire commence donc au deuxième chapitre. Un bateau arrive mais il y a un seul homme à mort ; tous les autres sont morts. On appelle Sherlock Holmes pour résoudre ce mystère car l’homme qui reste n’est pas capable de le faire. Il s’avère que c’est le bateau sur lequel est arrivé Dracula et ses femmes. Commence alors une course poursuite pour le neutraliser avec l’aide des héros du roman de Bram Stoker. Watson, Sherlock Holmes, Mycroft … y arriveront juste devant la Reine Victoria.

    Je disais donc que ce volume m’a paru intéressant car il y a moins de scènes de bataille malgré du sang qui gicle un peu sur les pages. Il y a plus de places pour des dessins classiques, avec la vie du Londres de l’époque … Même les dessins m’ont paru moins taillés à la hache (que d’habitude dans les comics), les couleurs moins factices. Je ne dirais pas que c’est un coup de cœur mais c’est une bonne surprise.

    Bien sûr, ma scène préférée est le retournement de situation à la fin. Mais je vous laisse lire avant que nous en reparlions.

    Références

    Victorian Undead II – Sherlock Holmes vs Dracula de Ian EDGINTON (scénario), Davide FABBRI, Horacio DOMINGUES avec la collaboration de Tom Mandrake et Mario Guevara (dessins) (DCComics, 2011)

  • Quatrième de couverture

    Publié au Liban en 2005, ce livre a d’abord circulé sous le manteau en Arabie Saoudite. Pour la première fois, une romancière aborde le sujet tabou des relations des filles avc leur fiancé, leur mari, la façon dont elles peuvent vivre leur(s) amour(s) sans transgresser la loi.

    Témoignage d’une culture d’extrêmes contradictions, Les Filles de Riyad permet au lecteur de pénétrer le plus secret des univers. En brisant le silence, Sadim, michelle, Gamra et Lamis nous éclairent sur un mode de vie stupéfiant et parfois choquant.

    Mon avis

    C’est de la chick-lit mais comme cela se passe en Arabie Saoudite, il y a en plus un petit côté découverte du pays. C’est l’histoire de quatre filles dans leurs vingtaines, qui croient en l’Amour (oui, celui avec un grand A) mais alors très très fort. Elles en ont des malheurs : il y a celle dont le mari demande le divorce entre la signature du contrat de mariage et le mariage car ils ont couché ensemble, il y a celle qui épouse un mari qui en aime une autre aux États-Unis et qui lui fait un enfant dans le dos et qui quand il l’apprend la répudie, il y a celle qui devra laisser son premier amour car la famille désapprouve l’union, il y a celle qui aura une relation pendant quatre ans avec un homme qui en épousera une autre, il y a celle qui croit qu’elle est amoureuse de son cousin américain. Il y a des fois où c’est la même fille. Finalement, il n’y a que Lamis qui trouvera le bonheur complet sans s’être autant pris la tête. Les Saoudiens (les hommes) ne ressortent pas franchement grandis de ce « récit ». Vous avez le choix entre lâche, encore dans les jupes de sa mère ou menteur. Il n’y en a qu’un qui est doux mais il ne vient pas de Riyad.

    Ce que l’on ressent surtout c’est le poids des traditions. C’est représenté par le changement de comportement des Saoudiens dès qu’ils quittent leurs pays pour travailler ou faire des études. Cela se voit aussi au comportement des familles. Le plus frappant est quand la police intervient dans un café pour arrêter une des filles qui boit un café avec un garçon toute seule. C’est inconvenant ! Le plus frappant c’est qu’il est évident que c’est une société qui est en train de changer (on peut le penser rien qu’aux préoccupations des filles) mais on sent cette société tiraillée entre cette modernité et la préservation de ces traditions.

    Le mode de narration est un peu celui de Gossip Girl puisqu’il se présente sous forme de mails envoyés aux internautes d’Arabie Saoudite. Le plus souvent, on a à faire à un langage plutôt parlé (j’ai cru entendre des copines à moi parler ; cela m’a fait bien sourire) et très alerte. La narration est du coup très vivante et permet de lire très facilement ce livre malgré des maladresses de traduction et des naïvetés dans le langage. Chaque début de mail commence par une citation d’un auteur arabe ou occidental. J’en ai noté certaine qui m’ont beaucoup plu :

    « Il n’est pas facile de trouver le bonheur en nous, mais il est impossible de le trouver en tout autre endroit. » Agnes REPPLIER

    « Seuls ceux qui partent à l’aventure peuvent découvrir jusqu’où ils peuvent aller. » T.S. ELIOT

    « Un seul homme suffit à la femme pour les comprendre tous, mais cent femmes ne suffisent pas à l’homme pour en comprendre une seule. » George Bernard SHAW

    « Il est facile de se mettre en colère contre quelqu’un, ce qui est difficile, c’est de se mettre en colère contre la bonne personne, dans la juste mesure, au moment opportun, pour une bonne raison et de la bonne façon. » ARISTOTE

    En conclusion, une lecture qui donne du peps !

    Références

    Les filles de Riyad de Rajaa ALSANEA – récit traduit de l’arabe (Arabie Saoudite) par Simon Corthay et Charlotte Woillez (PLON, 2007)

    Première parution en arabe en 2005.

    J’ai pris ce livre à la bibliothèque et la personne qui l’a lu avant moi a corrigé deux fautes dont une sur comptabilité et compatibilité mais a surtout écrit « l’édition anglaise de cet ouvrage est bien plus complète et intéressante ». Vous voilà prévenu ! Ce livre sort en poche chez Pocket le 22 mars 2012.

  • Quatrième de couverture

    Il est question ici du triangle qui unit celui qui écrit, celui qui lit et le troisième – qui aux deux autres donne existence -, le mot. Entre les trois coule l’encre, sang noir de l’écriture.

    Tout écrivain « professionnel » est un dresseur de mots. Les « tueurs de lettres » ont été de ces dresseurs ; ils ont formé ce club, étrange petite société secrète, et chaque samedi, comme d’autres jouent aux cartes, fuyant un public de lecteurs de plus en plus décérébrés et voraces, ils se réunissent dans une chambre, bibliothèque ascétique, aux rayons vides. Chacun des tueurs de lettres va dérouler son récit dont aucune trace ne doit subsister …

    Et cependant un texte est là. Qui l’a écrit ? Pour témoigner de quoi ? Peut-on tuer les lettres sans effusion d’encre, sans qu’en épilogue le sang ne se mette à couler ?

    Mon avis

    J’ai eu envie de découvrir cet auteur après avoir vu que la traductrice, Anne-Marie Tatsis-Botton, du dernier titre de cet auteur paru chez Verdier, Souvenir du futur, avait reçu le prix de la Russophonie 2012.

    C’est une bonne découverte même si je n’ai pas eu l’impression d’avoir saisi tout ce que l’auteur a voulu dire.

    Ce qui m’a plu, c’est bien sûr le thème des livres. Le maître des rencontres de cette « secte » a une histoire particulière avec le livre (voir l’extrait) et a réussi sa carrière en se rappelant des phrases qu’il avait lu et qu’il a ré-agencé pour faire ses propres livres. À partir du moment où il a eu trop de livre à portée de main, il n’a plus pu écrire. C’est déjà très intéressant puisque cela revient à se poser une question courante : pour écrire, doit-on avoir beaucoup lu ? À mon avis, oui mais ce n’est que mon avis.

    Là-dessus arrive les histoires racontées au fil des semaines par les membres de la secte. Chaque histoire est fascinante car elle semble raconter une phase des romans, d’une manière d’écrire les livres. Cela m’a rappelé Trahisons de Charles Palliser. Là ou je n’ai pas compris, c’est que j’ai attendu le lien et quand il est apparu, il m’a semblé ténu. Ce n’est pas que la fin m’a déçu mais elle m’a paru cocasse par rapport à ce que j’attendais.

     La très belle surprise est sans aucun doute le style. Dans une phrase, l’auteur arrive à passer deux, trois images. Il y a une concision impressionnante ainsi qu’une écriture qui rend tout sensible.

    Ce qui est bien, c’est qu’il paraît que ce n’est pas son meilleur livre.

    Un extrait

    Outre le bureau qui faisait office de cimetière des fictions, ma chambre était meublée d’un lit, d’une chaise et d’une étagère à livres – quatre longues planches occupant tout un mur et qui ployaient sous le fait des lettres. Ordinairement, le poêle n’avait rien à brûler et moi rien à manger. Mais j’avais pour ces livres une vénération quasi religieuse, comme d’autres pour des icônes. Les vendre … cette idée ne m’effleurait pas jusqu’au jour où elle me fut imposée par un télégramme : « Mère décédée samedi. Présence indispensable. Venez. » Le télégramme s’était abattu sur mes livres dans la matinée ; le soir même, les rayonnages étaient vides et je fourrais dans ma poche la bibliothèque métamorphosée en trois ou quatre billets de banque. La mort de celle qui vous a donné la vie est un évènement grave, très grave. C’est toujours, et pour chacun, un coin noir enfoncé dans la vie. Une fois acquittées les obligations funèbres, je m’en suis retourné vers mon misérable logis à mille verstes de là. Le jour du départ, je ne voyais rien de ce qui m’entourait, et c’est seulement à mon retour que l’effet produit par les rayonnages vides a pénétré mon esprit. Après m’être déshabillé et installé à la table, j’ai tourné les yeux vers le vide suspendu aux quatre planches noires. Quoique délivrées du poids des livres, les planches avaient conservé leur courbure, comme ployées sous la charge du vide. J’ai bien essayé de regarder ailleurs, mais, comme je l’ai déjà dit, il n’y avait dans la chambre que les rayonnages et le lit. Je me suis déshabillé et couché dans l’espoir que le sommeil chasserait la dépression. Eh bien non, après un bref répit, la même sensation m’a réveillé. J’étais couché le visage tourné vers les rayonnages et je voyais un reflet de lune tressauter le long des planches dénudées, comme si une vie à peine perceptible était en train de naître – à touches timides – là-bas, dans l’absence des livres. Bien sûr, tout cela n’était que coup d’archet sur des nerfs trop tendus, et quand le jour les eut relâchés, j’ai tranquillement examiné la béance des planches baignées de soleil et je me suis installé à mon bureau pour reprendre ma besogne habituelle. J’eus besoin d’un renseignement et ma main gauche, d’un geste quasi automatique, alla vers les rangées de livres pour ne rencontrer que le vide. Et puis encore une fois, et encore. Dépité, j’ai scruté la non-bibliothèque envahie d’un essaim de poussières de soleil, en faisant un effort de mémoire pour revoir la page et la ligne requises. Mais les lettres imaginaires que renfermait la reliure imaginaire bondissaient dans tous les sens, et au lieu de la ligne que je cherchais, j’obtenais un papillotement bigarré de mots, les lignes se brisaient et formaient des dizaines de combinaisons nouvelles. J’en ai choisi une que j’ai précautionneusement insérée dans mon texte.

    Références

    Le club des tueurs de lettres de Sigismund KRZYZANOWSKI (1887 – 1950) – traduit du russe par Claude Secharel (Verdier, 1993)

  • C’est le premier roman que je lis de Roberto Bolaño et pourtant, il s’agit ici du dernier roman publié du vivant de l’auteur. J’ai choisi ce livre, sûrement peu représentatif du style de Bolaño (c’est ce que j’ai cru comprendre de ce que j’ai lu), en me disant que cela pouvait être un bon moyen de ne pas me décourager pour rentrer dans l’œuvre de cet auteur.

    Ce roman est donc court, moins de 100 pages et raconte l’histoire d’une fille, Bianca, qui vient de perdre ses parents subitement dans un accident de voiture. Elle se retrouve seule avec son frère. Ils abandonnent le lycée par nécessité après avoir essayé de s’accrocher. Elle trouve un travail dans un salon de coiffure et lui, dans une salle de sport. Commence une vie d’habitude, lancinante. Un jour, le frère ramène deux « amis » à la maison. Ils s’installent. C’est le début de la fin. Ils sont biens mais entraînent le frère et la sœur vers le fond, lui vers la délinquance et elle vers la prostitution. Cela n’ira jamais jusqu’au bout mais tout de même. Elle va être d’accord pour se prostituer. La fin du roman verra la renaissance du frère et de la sœur ; ils reprennent leurs destins en main.

    J’ai beaucoup aimé l’empathie dont fait preuve Bolaño. Il arrive à se mettre dans la tête de cette adolescence, à nous faire saisir ses rêves, ses envies mais aussi ses contradictions. Il arrive même à nous les faire comprendre, à faire que l’on soit d’accord.

    Ce qui m’a aussi interpellé, c’est le fait que Bolaño ne dit pas la descente mais pourtant on ne réfléchit pas pour s’en rendre compte ; c’est évident. J’aime qu’il y ait un sens accessible au lecteur lambda.

    Le style est normal ; en tout cas pas compliqué comme je l’imaginais(c’est que j’imagine pour tous les livres que l’on dit difficile d’accès).

    Je vais donc continuer ma découverte de Bolaño.

    Une critique.

    Références

    Un petit roman lumpen de Roberto BOLAÑO – traduit de l’espagnol (Chili) par Robert Amutio (Christian Bourgois, 2012)

    Livre lu dans le cadre des 12 d’Ys dans la catégorie Auteurs latino-américains (je l’avais déjà fait mais bon …)

  • Bon, je suis sûre que vous avez compris que les histoires avec la mer cela me fait rêver parce que c’est toujours triste et que cela donne toujours envie d’aller ailleurs.

    Ce n’a pas loupé, encore une fois, avec cette bande dessinée. L’histoire est plus ou moins séparée en deux parties reliées par le narrateur. Il rencontre une vieille bretonne, solitaire, avec une histoire tragique. Orpheline de mère, son père mort, elle épouse un américain, part avec lui. Ils ont ensemble un garçon. La Bretagne lui manquera trop, elle reviendra avec son fils dans sa maison d’enfance. Seulement, il partira en Amérique car son père lui promet monts et merveilles. Elle ne s’en remettra jamais. Après sa mort tragique (c’est une scène magnifique), le narrateur part à la recherche d’un ailleurs qu’il trouvera dans les bras d’une femme (elle aussi solitaire avec un enfant), près de la mer. C’est la deuxième partie.

    Ce qui est beau dans ce volume c’est la poésie du texte et les dessins très ciselés (comme si on avait sculpté les visages au scalpel). Il n’y a pas beaucoup de dialogues mais beaucoup de textes. Cela donne l’impression d’une litanie ou d’une confession. Ce qui a renforcé ce sentiment chez moi c’est le retour continu du chiffre trois (comme un refrain en fait).

    Ce qui manque : la couleur (cette collection chez Casterman est en noir et blanc. Snif, snif) et le bruit de la mer.

    Références

    Mâle de mer de Laëtitia VILLEMIN et de Guillaume SOREL (Casterman / Écritures, 2009)

  • Quatrième de couverture

    Indonésie, 1960. Quand son père adoptif est enlevé par les soldats de Soekarno dans le cadre des purges anticolonialistes, Adam entreprend de partir à sa recherche. À seize ans, il a été abandonné à deux reprises déjà : par sa mère, dans la petite enfance, puis par un frère aîné qui lui a été arraché au temps de l’orphelinat et dont le souvenir le hante. Guidé par quelques vieilles photos et d’anciennes lettres d’une dénommée Margaret, amour de jeunesse de son père adoptif, il quitte la petite île de NusaPerdo pour rejoindre Jakarta, où règne un climat fébrile…

    Au sein d’un contexte politique mouvementé – la fameuse « Année de tous les dangers » indonésienne -, l’histoire de quête familiale et de quête identitaire que Tash Aw nous conte avec un intense suspense psychologique sait faire la part belle à la poésie des lieux. L’île imaginaire de Nusa Perdo, les biens réelles villes de Jakarta et de Kuala Lumpur ne sont pas de simples décors. Aussi marquées par le passé et incertaines de l’avenir que les acteurs du roman, elles conduisent le lecteur, curieux et ému, à explorer les captivants tréfonds de ce monde invisible.

    Mon avis

    J’ai lu ce livre en partenariat avec Newsbook. Je remercie donc Ys qui s’occupe si bien de ce site et les éditions Robert Laffont.

    Ce livre mêle deux histoire en alternance et pratiquement en parallèle. Adam cherche à la fois son frère et son père mais sa recherche se fait de manière totalement parallèle et surtout très différemment.

    Pour son père, Adam a une attitude active ou pseudo-active. Il va trouver Margaret à Jakarta, lui demande de l’aide. Elle met tout en branle pour retrouver son ancien amant, en exploitant notamment des relations proches du pouvoir. Cette histoire est très intéressante à mon avis car elle explique tout le contexte politique de l’époque, les enjeux … Tash Aw exploite différents points de vue, des blancs aux pauvres, aux orphelins, aux communistes en passant par les riches indonésiens. On apprend énormément de choses. De plus, dans cette partie, l’auteur cherche à comprendre qu’est-ce qu’appartenir à un pays. Il livre une réflexion loin des stéréotypes sur le sentiment d’appartenance, de rejet, de nationalités. Il y a aussi une réflexion intéressante sur le post-colonialisme. Cette histoire du livre, liant à la fois réflexion intérieure et réflexion historique, m’aurait amplement suffit.

    Cependant, Tash Aw a choisit de mêler à tout cela la recherche du frère. Cela m’a ennuyé. Adam a une attitude passive et la recherche de son frère se fait surtout dans le passé et donc dans les souvenirs. Le problème c’est que ses souvenirs sont très peu nombreux et qu’il les ressasse beaucoup je trouve. Là dessus, Tash Aw alterne avec le mal-être du frère, Johan, qui a été adopté et emmené en Malaisie. Tout cela n’apporte rien ou plutôt l’auteur n’apporte rien. Il n’en fait rien. Je n’ai ressenti aucun sentiment, aucune empathie pour les deux garçons et l’auteur n’en tire aucune conclusion sur l’adoption, la séparation de deux frères … Je crois qu’au contraire de la première histoire du livre, celle-ci aurait du s’inscrire dans la durée et ne correspondait pas forcément au cadre temporel du livre. La quête familiale, des origines, est à mon avis, quelque chose qui demande plus d’un ou deux mois. Surtout qu’Adam ne l’avait pas commencé au début de l’histoire. J’ai donc été un peu déçue.

    Sur l’écriture, j’ai été assez déroutée. Elle est souvent assez froide mais il y a aussi des moments de pure beauté, de pure poésie. Ces moments correspondent souvent aux moments où on n’arrive à comprendre les personnages et où on s’approche plus de l’histoire. Ce qui m’a déroutée, c’est le fait que parfois apparaisse des passages sans aucun rapport avec ce qui précède. Il y a une absence de liaisons assez flagrante.

    En conclusion, une lecture intéressante, je dirais.

    D’autres avis

    Ceux de Titine, Lou, Cryssilda, Kathel, Calypso, Will

    Références

    La carte du monde invisible de Tash AW – traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff (Robert Laffont, 2012)

    Première parution en anglais en 2009.

  • Quatrième de couverture

    ‘Vogelstein, célibataire, la cinquantaine, vit à Porto Alegre en compagnie de ses livres et de son chat, Aleph. L’invitation de la Société Israfel à participer à un congrès sur Edgar Allan Poe est pour lui l’occasion inespérée de se rendre à Buenos Aires et de réaliser le rêve de sa vie : rencontrer Jorge Luis Borges. Mais, quelques heures avant l’inauguration, l’un des participants, Joachim Rotkopf, est sauvagement assassiné dans sa chambre d’hôtel dont les fenêtres sont closes et la porte, bien sûr, fermée de l’intérieur. Intrigué, Borges invite Vogelstein, unique témoin du drame, à lui raconter dans quelles circonstances il a découvert le corps, qui gisait à terre dans une mare de sang, appuyé contre un miroir et dans une étrange position. Vogelstein et Borges se livrent alors, dans la bibliothèque du maître argentin, à un jeu de déductions érudites et désopilantes, sous l’invocation de Poe, l’écrivain qui inventa « les histoires de détective, la parodie des histoires de détective et les anti-histoires de détective ».

    Mon avis

    Vous allez avoir le droit à un billet d’hystérique parce que ce livre regroupe tout ce que j’aime et même plus. Bien sûr, j’ai adoré. Qui aurait pu en douter ?

    Il y a d’abord l’enquête. J’avais trouvé avant la fin (c’est sans doute à force de lire des romans à énigmes) mais l’auteur tisse son filet au fur et à mesure avec brio et intelligence. Il mêle des histoires « littéraires », des histoires policières classiques (j’ai trouve que parfois cela rappelait Agatha Christie notamment avec le personnage du narrateur).

    Il y a les personnages qui m’ont plu. Bien sûr Borges est Borges mais donc les autres personnages sont comme dans un roman d’Agatha Christie. On sait tout de suite qui ils sont ; ils sont très typés. Ils ont un côté agaçant et on s’attend au pire (car c’est forcément ce qui se passe quand on met des gens agaçants ensemble)(c’est pareil dans les transports en commun). Vogelstein, notamment, m’a épaté par son côté très admiratif (dans le sens de groupie) envers Borges mais aussi par son côté très sûr de lui lorsqu’il faut prendre des décisions. Pourtant, il a un côté obsessionnel qui fait peur (il a poursuivi Borges pendant vingt-cinq ans à cause d’une histoire de traduction).

    Le pompon, c’est quand même le jeu littéraire entre Borges et Poe. Il me donne envie de lire le premier (comme à chaque fois que je lis un livre sur lui comme le texte de Vargas Llosa mais il me semble être écrivain inaccessible pour mon petit cerveau)(le libraire m’a dit que je me faisais des idées mais bon) et de me replonger dans le second. Il utilise bien sûr Double Assassinat dans la rue Morgue (les orangs-outangs sont très présents dans le livre) mais aussi d’autres nouvelles que je n’ai pas lu. Cela me donne envie. Il y a sûrement des références moins évidentes mais je n’ai pas su décrypter.

    Ce qui est bien avec ce type de livre, c’est qu’on sent que l’auteur s’est amusé à monter son truc mais qu’il a aussi voulu jouer avec le lecteur.

    Voilà, c’est tout. Si vous avez d’autres romans du même genre à me conseiller, n’hésitez pas !

    Références

    Borges et les orangs-outangs éternels de Luis Fernando VERISSIMO – traduit du portugais (Brésil) par Geneviève Leibrich (Seuil, 2004)

    Première parution en portugais en 2000.

    Les orangs-outangs éternels du titre sont des orangs-outangs à qui on aurait donner un moyen d’écrire. Si ils vivaient éternellement, d’après une certaine théorie, ils écriraient tout ce qui a déjà été écrit dans la littérature et même un chef d’œuvre supplémentaire. Je ne sais pas si cette loi asymptotique a déjà été formulée en mathématiques …

  • Le point de vue des éditeurs

    Au cours de la révolution culturelle, Monsieur Xu, professeur de dessin, a connu la déchéance et payé d’exclusion son « droitisme ». Dix ans ont passé. Le narrateur, son ancien élève, est en route vers celui qui demeure, dans sa mémoire, un maître adulé et haï …

    Lorsque parurent ses nouvelles « tibétaines », La Mendiante de Shigatze, Ma Jian avait étonné par l’audace et l’efficacité de ses descriptions. Cette fois, c’est la violence de ses aveux qui fascine. A petites touches furtives, parfois coupables jusqu’à la nausée, une confession prend forme. La trahison, la corruption d’un idéal, la profanation que le temps inflige à la pureté des premiers élans – tel est, sous la critique du régime chinois, le véritable sujet de ce livre. Et c’est ici composé avec un sens de « l’impressionnisme » narratif qui révèle un écrivain dans le plein éclat de son talent.

    Mon avis

    J’ai été un peu déçue par ce court récit de 60 pages. J’ai choisi ce livre à la bibliothèque parce qu’il était court, que cela faisait longtemps que je n’avais pas lu de littérature chinoise et surtout parce que le résumé m’intéressait (je ne choisis pas les livres qu’au hasard) : je voulais savoir ce que c’était exactement que la révolution culturelle (je ne sais déjà pas si il faut des majuscules). Je n’ai pas vu. J’ai surtout comment un garçon, qui avait une certaine sympathie pour son professeur, a pu se laisser entraîner par un effet de groupe à le « dénoncer », à la mépriser et à le brutaliser. Cela a eu des conséquences particulières puisque le professeur a été déporté. Il ne me semble pas que cela soit particulier à la révolution culturelle chinoise et du coup, ma curiosité n’a pas été satisfaite.

    Le deuxième point est que « l’impressionnisme » m’a assez dérouté : j’avais du mal à savoir si on était pendant la jeunesse du narrateur ou pendant sa vie d’adulte, quand il revient voir son professeur.

    C’est donc une rencontre mitigée avec cet auteur mais je vais tenter les nouvelles « tibétaines » tout de même.

    Références

    Chienne de vie ! de MA Jian – récit traduit du chinois par Isabelle Bijon (Actes Sud, 1991)

    Première parution en chinois en 1984.