Cecile's Blog

  • Quatrième de couverture

    « Vous devriez écrire quelque chose sur ceci. » Notre protagoniste se retourne et regarde l’inconnu qui lui a adressé la parole. La tension est palpable. Un incendie vient d’interrompre abruptement la célébration du quatre-vingt-huitième anniversaire du patriarche local, don Guido Carrión, et l’exhibition des plus beaux chevaux andalous de son haras annoncée dans les cartons d’invitation. Visiblement inquiets, les hommes de la sécurité ne tardent pas à se déployer autour du domaine, comme pour rassurer les quelque trois cents personnes qui ont fait le déplacement jusqu’à Palo Verde, l’une des plus belles propriétés du Guatemala, dans l’arrière-pays de la côte Pacifique.

    « Vous devriez écrire quelque chose sur ceci », insiste l’inconnu alors que la nouvelle devient le principal sujet de conversation parmi les invités : le corps de Douro II, l’étalon aux cent mille dollars, l’un des animaux préférés de don Guido, a été retrouvé carbonisé au fond des écuries. Derrière cette découverte macabre, il n’est pas difficile d’imaginer en effet une histoire, mais notre protagoniste comprend aussitôt qu’elle ne sera pas facile à raconter. Car nul n’ignore qu’en Amérique latine, aujourd’hui, le prix à payer pour s’engager dans ce type d’aventures littéraires peut être à la fois très élevé et extrêmement cruel.

    Rodrigo Rey Rosa nous offre ici un thriller passionnant que le lecteur dévore d’une traite, en essayant de suivre les méandres d’une affaire dont les multiples tiroirs dévoilent graduellement la face cachée d’une famille et d’un pays rongés par la violence et le mal.

    Mon avis

    Le monsieur qui écrit les quatrièmes de couverture chez Gallimard a un réel talent : il arrive en deux paragraphes serrés à délayer dix pages de livres. Vous avez l’impression à lire son texte qu’il vous raconte tout le livre mais en fait non, il ne raconte pas grand chose et en plus il transforme un peu ce qui est dit dans le livre (son métier secret doit être écrivain).

    Vous aimerez peut-être ce livre car cela parle un peu de chevaux, que la couverture vous fait penser à une série télé avec un cheval noir. Je ne crois pas pourtant que c’est ce que j’en retiendrais. Comme le dit la quatrième de couverture, le livre se lit d’une traite. La preuve, je l’ai fait hier soir et je pense que j’ai eu raison de faire comme cela car cela aurait gâché l’état d’esprit dans lequel le livre m’avait plongé.

    Le narrateur est un écrivain qui accompagne son père, très connu dans le milieu hippique du Guatemala, a une fête pour les 88 ans d’un éleveur de chevaux. Cela se passe dans une grande propriété. Seuls les hommes y sont admis (il y a une femme dans l’histoire, une allemande qui monte le cheval qui va périr dans l’incendie). Il y a clairement beaucoup d’argent réuni là ; les hommes ont tous des gardes du corps. Déjà, on prend peur. L’ambiance n’est pas des plus joyeuses pour un anniversaire mais ressemble plutôt à une démonstration de force du vieux monsieur. Clairement, notre narrateur semble déplacé et est plutôt observateur (rôle de l’écrivain dans ce cas-là) plutôt qu’acteur. On est plongé dès le début dans une écriture très froide, descriptive plutôt que sentimentale, où il y a clairement une économie de moyen (pas d’adjectifs superflus).

    Dans cette ambiance des plus sympathiques, un accident. Le feu prend dans les écuries. Bilan :  un mort, le cheval le plus cher et le plus beau. C’est un réel drame d’autant plus que c’est un meurtre. On a voulu blesser le propriétaire des lieux. Notre narrateur continue à observer mais l’avocat qui lui dit « vous devriez écrire quelque chose sur ceci » va le forcer à devenir acteur en l’aidant à mener une pseudo-enquête et en l’introduisant dans la famille du vieux monsieur.

    À partir de là, la lectrice que je suis a eu l’impression d’être sur des sables mouvants, de ne pas savoir sur quel pied danser. Le narrateur semble se faire mener en bateau par l’avocat puis par la famille tout en jouant le rôle important d’élément extérieur à la situation. Pourtant, le lecteur a l’impression de se faire mener en bateau par le narrateur dans le sens où le récit, à travers son écriture, semble maîtrisé par lui. Tout le long des 150 pages, c’est ce qui se passe.

    La fin n’en ai que plus stupéfiante parce que ce jeu du chat et de la souris va se conclure entre l’avocat, le narrateur et la famille mais le lecteur lui ne pourra que deviner comme si il y avait un pacte entre les trois parties et que le lecteur était exclu. C’est en tout cas ce que j’ai ressenti.

    Références

    Manège de Rodrigo REY ROSA – traduit de l’espagnol (Guatemala) par Claude Nathalie Thomas (Du Monde Entier / Gallimard, 2012)

  • Quatrième de couverture

    Soit un gosse de douze ans, misérable, surnommé le Nopal, qui inhale de la colle et lave les pare-brise aux feux rouges, et sa petite bande de copains aussi fêlés et mal lotis que lui. Soit le riche propriétaire d’une station de radio qui organise un concours d’ »enfants héros » – lesquels, pour être sélectionnés et gagner un million de pesos, doivent s’être distingués par un comportement héroïque lors de circonstances dangereuses ou tragiques. Soit encore Marquitos, le fils du directeur de la station radio, adolescent abruti qui s’amuse, avec le fusil paternel, à descendre les pauvres qui passent dans la rue et finit par en tuer un. D’autres encore, dont les flics pourris jusqu’à la moelle, des intellectuels déchirés entre leur foi révolutionnaire et leur carte de crédit. On agite le tout et on a un extraordinaire roman carnavalesque, grimaçant et féroce, sur la société mexicaine – et universelle – contemporaine. Toutes les variations de la méchanceté humaine sont au rendez-vous dès lors que l’argent pointe son nez. Personne n’est épargné, l’humour est grinçant, la charge féroce, l’horreur et le rire sont de la partie. Le tout dans un style brillant, pour faire de la réalité sociale une matière romanesque puissante, sans jamais tomber dans un réalisme édifiant.

    Mon avis

    Je ne connaissais pas du tout cet auteur mais il était dans la liste des 12 d’Ys (catégorie auteurs latino-américains) et en plus, il était à la bibliothèque. Je me suis dit que cela ne coutait rien de tenter et j’ai eu une très agréable surprise (j’ai un peu moins peur de la littérature mexicaine depuis quelques temps ; les souvenirs de Carlos Fuentes se sont estompés un petit peu).

    Ce livre a tous les avantages d’un pavé sans en être un (cela enlève un des inconvénients du pavé par conséquent) puisqu’il ne fait que 260 pages. Il y a une foultitude de personnages. J’ai un peu du mal à dire principaux et secondaires car ils semblent tous importants au moment où on lit le roman tellement ils sont des rouages de l’histoire. Enrique Serna passe de l’un à l’autre sans souci, les transitions entre chaque chapitre étant très fluides. Il a un ton orignal ; l’auteur a en effet un ton plein d’humour et de tendresse, avec un soupçon de dénonciation pour nous raconter son histoire. À cette narration qui saute d’un personnage à un autre, Enrique Serna utilise différentes techniques : des scènes de film par exemple mais aussi un rembobinage de l’histoire (comme avec le magnétoscope).

    Il y a tout l’aspect « sociologique » qui ressort du roman. Apparemment, il a l’air de décrire assez bien le pays (en tout cas, pour les trois critiques que j’ai lu et qui si cela se trouve ne sont jamais allés au Mexique). Le portrait que dresse Enrique Serna est sans concession : celui d’une société divisée en deux, les riches d’un côté, les pauvres de l’autre (il ne parle pas de classes moyennes)(d’un autre côté, je n’ai pas l’impression que l’on fasse beaucoup mieux). Les riches ont les moyens de cacher leur argent aux États-Unis où ils vont très régulièrement en vacances, d’avoir des discussions d’une futilité à faire peur et surtout de corrompre pour pouvoir échapper à tous les inconvénients que peuvent leur apporter leur malversation. Les pauvres sont condamnés à sniffer de la colle, à ne pas aller à l’école, à avoir des boulots abrutissants, à entreprendre tout et n’importe quoi pour gagner de l’argent (souvent  des choses complètement stupides puisqu’ils ne sont pas allés à l’école, genre brûler le dos de ton gamin en le faisant sauver un gamin du feu que tu as toi-même allumé) et surtout à être victime de l’obscurantisme religieux (la mère de Jorge qui se faisait rabrouer par le curé car elle ne faisait pas l’amour avec son mari dans un lit et qu’elle y prenait du plaisir est l’exemple le plus frappant). Vous allez me dire que cela ne donne pas franchement envie d’y aller. Mais en fait non, les personnages sont très attachants et semblent prendre la vie comme elle vient. Ils semblent toujours en ébullition pour trouver un moyen de survivre, un peu comme vous le feriez vous. Je ne sais pas comment Enrique Serna s’y est pris mais ces personnages sont vivants et non pas seulement incarnés.

    Le seul gros inconvénient du livre, c’est la mise en page très peu aérée qui rend le livre peu attrayant visuellement et peut même faire peur mais à mon avis, il ne faut pas se décourager et juste se laisser porter.

    Références

    Quand je serai roi de Enrique SERNA – traduit de l’espagnol (Mexique) par François Gaudry (éditions Métailié, 2009)

  • Présentation de l’éditeur

    Un pilote d’hélicoptère a disparu avec son appareil et ses deux passagers dans le désert aux abord de Mexicali. C’est un gringo, un ex de la Navy, dont la femme, Cecilia, a été le premier amour du plus privé des privés Miguel Ángel Morgado – lequel ne va évidemment pas résister à la prière de Cecilia, qui voudrait bien savoir si elle est veuve ou pas. Les indications disponibles se révèlent fausses ; aucun de ceux que Morgado rencontre en y laissant des plumes n’est ce qu’il prétend être ; tout est faux-semblants et mise en scène, les acteurs sont des pantins manipulés de très loin. Pas étonnant que Morgado ne cesse de rêver qu’il tombe en haut.

    Mon avis

    J’ai les quatre tomes de cette série d’enquête mexicaine dans ma Pile À Lire et bien évidemment, j’ai commencé par le tome 3 car c’était celui qui était à portée de ma main et que le lire a été une envie soudaine.

    L’enquêteur est donc Miguel Ángel Morgado, avocat à Mexico (je n’ai pas compris pourquoi il disait qu’il était privé dans la quatrième de couverture mais je pense que c’est un mystère qui s’élucidera quand je lirais les tomes précédents). Il est originaire de Mexicali, en Basse-Californie (comme l’auteur du livre qui y est né en 1958). C’est la ville qui est de l’autre côté de la frontière américaine juste en face de Calexico (je ne me rappelle plus comment le prof de géographie appelait ces villes jumelles à cheval sur la frontière). Pour situer, c’est aussi près de Tijuana. Il est inutile de vous préciser que le thème principal est le trafic de drogues et les moyens qui sont mis de part et d’autre pour lutter contre (ce n’est pas les mêmes et ce n’est pas forcément fait par la police en plus).

    Il n’y a pas d’enquête et il est impossible de comprendre comment on va d’un chapitre à un autre. On est plongé dans un milieu qu’on ne comprend pas forcément (le héros non plus d’ailleurs). L’histoire est racontée sous la forme d’une suite de péripéties. on ne perd pas de temps (c’est pour cela que le livre ne fait que 90 pages) à décrire les personnages, à décrire les enjeux de ce qui se passe ou bien à essayer de faire comprendre la réalité des choses. C’est juste une histoire point bas.

    C’est pour cela que ce n’est pas noir du tout. C’est même plutôt enlevé, voire décalé. Il y a un certain humour qui se dégage du texte.

    C’est une lecture courte et sympa qui ne peut pas faire de mal.

    Références

    Mexicali City Blues de Gabriel TRUJILLO MUÑOZ – traduit de l’espagnol (Mexique) par Gabriel Iaculli (Les Allusifs, 2009)

    Première parution en 2006.

  • Présentation de l’éditeur

    Entre 1973 et 1974, dans une minable bourgade proche de Buenos Aires, des rumeurs d’infiltration marxiste sèment la zizanie chez les petits chefs péronistes. Cela tourne au western absurde, les fantoches de Soriano ne mégotant ni sur la bouteille ni sur le choix des armes (dynamite, camionnette, bulldozer, épandage de matière fécale…) pour arriver à leurs fins. Une tranche subversive, bouffonne, sanglante, de l’histoire argentine, servie par l’un des plus mordants romanciers sud-américains. Italo Calvino ne comparait pas pour rien Soriano à un « Hemingway héroï-comique ».

    Mon avis

    Le titre anglais est beaucoup plus parlant que le français : A Funny Dirty Little War. Osvaldo Soriano place son histoire dans une bourgade de campagne où il y a énormément de notables, le reste de la population est en arrière plan dans le livre. Il y a le maire, le secrétaire du maire, le maire de la grande ville de la circonscription, les policiers du villages, ceux au-dessus, ceux de la grande ville.

    Il y a un moment dans la ville des rumeurs qui insinuent que le maire et son secrétaire ne sont pas des vrais péronistes mais plutôt des sales communistes. Bien sûr, les autres notables veulent les chasser mais c’est sans compter sur la résistance des deux hommes. Chaque camp va réunir une petite armée de partisans autour de lui (civil ou non) et la guerre des tranchées peut commencer : les uns devant la mairie, les autres à l’extérieur.

    Au début de la lecture, on se dit que c’est bien ridicule de se lancer dans une guerre alors que la veille, on était encore très amis (c’est un peu le principe de la guerre civile mais c’est quand même ridicule). Les situations sont burlesques, les moyens pour se combattre aussi (un avion qui balance de la merde, il fallait quand même l’inventer), les plans pour se défendre idem. J’ai eu un peu de mal à retenir les prénoms. Je me demandais parfois si tel personnage n’était pas dans le camp adverse avant, et n’était pas juste venu se promener et repartir ensuite.

    À un moment, dans la farce, s’infiltre le tragique. Tout le monde meurt, tuer par son voisin, de manière toujours stupide. J’ai trouvé que Osvaldo Soriano avait tendance à décrire la mort comme au cinéma, comme si c’était pour de faux. Quand il y a des scènes de mitraille au cinéma, ceux qui sont touchés, on les voit volés mais on ne s’attarde pas sur eux. C’est exactement cela ; on a l’impression que ce qui se passe est fantoche. La fin a contribue à renforcer mon opinion car personne ne tire de conséquences des dégâts matériaux et humains. Tout le monde part chercher un autre terrain de jeu.

    Une fois terminée le livre, il y a une postface. Et là, j’ai compris que tout ce que je venais le lire pouvait être interprété dans le contexte du péronisme. Puisque suivant les époques, il a été à gauche puis à droite. Il a gouverné avec les ouvriers (sans les partis de gauche qu’ils réprimaient), puis sans. De ce que j’ai compris, il y avait ceux qui croyaient dans le nouveau Perón, les autres qui étaient restés à celui d’avant. Tout le monde était péroniste mais d’une manière bien différente. Cela créait des tensions forcément et c’est aussi ce qui est décrit dans le livre. Je me suis demandée à quel point l’auteur était dans le vrai et à quel point il avait exagéré.

    C’est pourquoi j’ai déduit de cette lecture qu’il fallait que je revois mon histoire de l’Argentine très fortement pour combler toutes ces lacunes.

    Références

    Jamais plus de peine ni d’oubli de Osvaldo SORIANO – traduit de l’espagnol (Argentine) par Marie-France de Paloméra – postface de Miguel Angel García (Les Cahiers Rouges / Grasset, 2003)

  • Cela fait un mois que je n’arrête pas de voir le nom de Frida Kahlo un peu partout (surtout dans les livres et magazines que je lis en fait) alors qu’avant je n’avais jamais entendu ce nom avant. Je me suis dit que c’était un signe pour commencer à m’y intéresser. Je ne comprends pas grand chose à l’art car je ne sais pas où il faut regarder. La seule chose que j’arrive à dire c’est après une longue observation si cela me plaît ou pas et impossible de vous expliquer pourquoi. Dans les peintures que j’ai pu regarder sur internet, ce que je trouve fascinant chez Frida Kahlo ce sont ses yeux (puisqu’elle a peint principalement des autoportraits).

    Je me suis dit que pour commencer mon exploration il fallait que je commence par un album (une trentaine de pages) destiné à un plus jeune public (ou à un public de novice comme moi). Je suis p

    lutôt bien tombée pour le coup car le livre reprend la vie de Frida Kahlo à travers ses peintures et des extraits de son journal intime (avec à la fin une page entière de biographie).

    Frida Kahlo a eu un très grave accident de car quand elle a eu 18 ans. Elle a eu, entre autre, la colonne vertébrale brisée. Cela lui a causé des douleurs toute sa vie, vie qu’elle a d’ailleurs terminée en fauteuil roulant. Cependant, elle ne s’est jamais laissée abattre. L’ouvrage insiste particulièrement sur ce point car il est très présent sur les peintures de Frida Kahlo (vu qu’elle réalisait des autoportraits et que les douleurs étaient quand même une grosse partie de sa vie. La peinture qui m’a le plus marquée est celle intitulée La Colonne brisée (1944).

    L’ouvrage insiste sur le fait qu’elle a en plus été un peintre avec des idées notamment sur l’influence du grand voisin américain sur le Mexique. Elle était en effet très attachée à son pays, à ses origines, à nature luxuriante. La civilisation industrielle des États-Unis lui faisait peur.

    L’auteur précise que sur la toile intitulée Autoportrait à la frontière entre le Mexique et les États-Unis (1932), on a

    un fort symbole de la modernité américaine – la puissance électricité – relie les deux mondes et se connecte aux racines du monde mexicain … Ces deux mondes entretiennent une relation ambiguë : le Mexique est un pays indépendant, mais ses ressources sont en grande partie contrôlées par les États-Unis ; de nombreux conflits ont opposés les deux États. Frida Kahlo supportait mal la mainmise américaine sur son pays. Il y a dans son œuvre la volonté d’un retour aux sources, de revenir aux valeurs et à l’identité mexicaine.

    Le livre parle aussi de la relation très forte qu’elle a entretenu avec son marie, Diego Rivera, célèbre peintre mexicain de vingt ans son aîné (je ne connaissais pas non plus et depuis j’ai regardé et c’est intéressant aussi ; on en reparlera ensemble à mon avis). C’est avec lui qu’elle a été aux États-Unis car en 1930 il a reçu une « importante commande de peintures murales pour les villes de San Francisco et de Detroit. Il était à la fois mentor, admirateur, mari, amant, père, frère, ami, complice … Le relation a parfois été tumultueuse (ils ont divorcé pour mieux se remarier) mais elle a toujours été très forte.

    C’est donc un ouvrage pour un public non averti (jeune ou moins jeune) présentant à ce que j’ai pu en juger les principales éléments de biographie de Frida Kahlo mais aussi ses toiles les plus connus. Il ne parle pas de tout non plus puisqu’il n’ai fait mention de Trotski que dans un titre de tableau (cela aussi on en reparle bientôt j’espère).

    Références

    Frida Kahlo – Une peinture de combat de Magdalena HOLZHEY (texte et sélection des images) – édition française adaptée pour les Éditions Palette… par Christian Demilly (Éditions Palette, 2005)

  • Quatrième de couverture

    Dans la grande maison où l’amiral vient de mourir, le silence est tombé, lourd, pesant, comme l’atmosphère de ces années de dictature militaire en Argentine. Pour Tánsito, la vieille bonne, au service depuis toujours de cette classe dominante complice de la terreur, l’heure des comptes a sonné. Tout paraît en ordre, mais tout a changé : l’occasion, enfin, de partir, de rentrer chez elle, dans le Delta.

    Tránsito vit dans un monde intérieur et, par le monologue, Perla Suez nous plonge dans son esprit : cinquante années de service, la fatigue, le rapport ambigu aux maîtres, les rancœurs accumulés et, surtout, sa quête d’identité. Une lente prise de conscience plus efficace que l’évocation directe des morts, des disparus, des plaies encore ouvertes en Argentine.

    Perla Suez est née en 1947 dans la province de Córdoba, a grandi à Entre Ríos, au bord des rivières Paraná et Uruguay, dans le fameux delta argentin, décor du roman. Auteur prolifique, tant pour enfants que pour adultes, elle a reçu de nombreuses bourses et distinctions, en Argentine comme à l’étranger.

    Mon avis

    J’ai découvert ce livre à la librairie. Il m’a attiré car je ne connaissais pas cette maison d’édition (maintenant, je l’ai découverte et je l’aime beaucoup).

    L’histoire est exactement celle de la couverture. Ce qui est intéressant, à mon avis, dans ce livre, c’est l’évolution du point de vue du lecteur ainsi que la manière dont l’histoire est raconter.

    On commence l’histoire avec la vieille servante et uniquement à partir de son point de vue à elle. On suit son monologue intérieur après qu’elle ait étouffé avec un oreiller sa vieille maîtresse, le jour de l’enterrement du maître. On se dit rapidement qu’elle a bien eu raison vu qu’elle avait l’air d’avoir martyrisé son mari malade, qu’elle ne s’en est pas vraiment occupé, qu’elle s’est reposée sur sa servante mais qu’elle s’est fait plaindre. On voit que la servante a un fort caractère (elle s’est occupé de sa sœur après le décès de leurs parents), qu’elle a été tentée plusieurs fois de répondre. Puis apparaît dans l’histoire deux autres personnages : la sœur de Tránsito qui travaille dans la maison comme cuisinière et le chauffeur / homme à tout faire (qui est l’amant de la cuisinière accessoirement). On comprend alors que tout n’est pas si simple, entre autre l’histoire familiale mais aussi le comportement de Tránsito avec sa patronne. Visiblement, la vieille servante s’est un peu perdue en route, comme si sa vie s’était arrêtée en arrivant si jeune dans cette maison.

    L’histoire est racontée en utilisant des scènes d’une page. Cela rend le livre assez rapide et donne une impression de théâtre car les décors semblent immuables (ils n’ont pas bougé depuis des années) mais on ne suit pas les relations entre les personnages à travers la parole mais plutôt à travers leurs pensées. Il y a des dialogues parfois mais ils sont un peu comme dans Les vestiges du jour (le film car je n’ai pas encore lu le livre), plein de sous-entendus. Ces sous-entendu sont expliqués par les monologues intérieurs de tous les personnages.

    En conclusion, une lecture intéressante, une découverte d’un nouvel auteur et d’une nouvelle maison d’édition qui semble être à suivre.

    Références

    La Passagère de Perla SUEZ – roman traduit de l’espagnol (Argentine) par Mathias de Breyne (Rouge Inside, 2012)

  • Quatrième de couverture

    « … Dieu est le diable. Les deux sont un, la thèse est son antithèse. Bien sûr que Dieu existe, partout je trouve des signes de sa méchanceté. Devant le Salón Versalles qui est une cafétéria, il y avait l’autre soir un gamin en train de renifler du sacol, une colle de cordonnier hallucinogène. Et d’hallucination en hallucination elle finit par t’empoisser les poumons jusqu’à te débarrasser de l’agitation et des déboires de cette vie et t’éviter de continuer à respirer le smog. Pour ça le sacol est très bien. Quand j’ai vu le petit humer le flacon je l’ai salué d’un sourire. Ses yeux, terribles, se sont plantés dans les miens, et j’ai vu qu’il me voyait jusqu’à l’âme. Sûr que Dieu existe.« 

    Sans équivalent dans la littérature contemporaine, La Vierge des tueurs est sans doute l’un des romans les plus singuliers publiés ces dernières années. Une œuvre scandaleuse, dévastatrice, qui a consacré son auteur comme le principal représentant d’une nouvelle littérature, aux antipodes du « réalisme magique ». L’histoire d’un amour halluciné dans Medellín, la capitale de haine, qui entraîne le lecteur au fil d’une vertigineuse descente aux enfers, dans la turbulence d’une prose extraordinairement évocatrice, marquée du sceau de l’urgence et de la nécessité.

    Mon avis

    Après ma lecture de L’autre visage de Rock Hudson de Guillermo Fadanelli parlant des violences actuelles au Mexique, il était intéressant pour moi de lire un livre sur les violences qu’a connu la Colombie il y a quelques années (pour honnête, je ne sais même pas si c’est terminé) car on lit souvent dans les journaux que c’est comparable. Après quelques petites recherches internet, j’ai pris ce livre à la bibliothèque (il paraît qu’il y a même un film qui a été adapté du livre).

    L’histoire est assez simple. Elle se passe au milieu des années 90. Un écrivain revient après une longue absence dans sa ville natale de Medellín. Il la trouve bien changé car les gens sont devenus vulgaires à son goût. En plus, elle est à feu et à sang (il est à deux doigts de penser que ce n’est que ce que les gens méritent). On comprend très vite que la seule manière dont peut parler cet écrivain est la diatribe. Il ne fait que cela comme dans le livre de Horacio Castellanos Moya Le dégoût. Mais là où ce dernier était violent sans porter atteinte à l’intégrité de la personne humaine, Fernando Vallejo lui n’hésite pas. Je continue l’histoire. L’auteur rencontre chez un ami un jeune garçon dont il tombe amoureux de suite. Son nom est Alexis. Sa profession sicaire. Il est donc tueur à gage. Il tue comme vous allez faire les courses, sur commande ou bien juste comme cela (quand les deux hommes se promènent dans la rue et que l’écrivain formule une critique ou un agacement face à quelqu’un, Alexis le tue d’une balle entre les deux yeux et continue son chemin). C’est cela l’histoire du livre : les promenades en ville des deux hommes qui se soldent par énormément de morts. Forcément, Alexis finit par se faire tuer. Fernando veut le venger. Il rencontre un garçon dans la rue et le ramène chez lui.

    Dans le livre, on voit le glissement de Fernando : de la haine, il passe à l’action. Du doute et de l’incompréhension sur le bien-fondé des actions d’Alexis, il passe à une approbation totale et à une certaine admiration.

    Si j’ai bien lu, le ton est caractéristique de Vallejo. Il ne fait pas dans le sentiment. Il ne cherche pas à vous faire ressentir de l’empathie pour ses personnages, ni à ce que vous vous y identifiez, il ne cherche pas non plus la compréhension des événements. Ce qu’à mon avis, il cherche à vous faire sentir, c’est un rythme qu’il imprime par sa narration (il y a un mort toutes les pages tout de même) mais surtout par son style. En une phrase, il peut développer plusieurs idées avec son sens de la formule incroyable. Par exemple, quand il parle des sicaires, promis à une mort précoce, il dit que ce sont

    de jeunes assassins assassinés, exemptés de l’ignominie de vieillir par le scandale d’un poignard ou la miséricorde d’une balle.

    Pour le premier livre que je lis de lui, je dirais que c’est clairement une voix à découvrir car elle ne ressemble à aucune autre. Cela pourra vous choquer ou vous faire peur mais c’est un peu aussi le but de la littérature.

    Remarques

    Dans le numéro de XXI de cet été (le numéro 19 donc) dont le dossier est consacré à l’Amérique Latine, il y a un article intitulé La confession d’un prêtre tueur qui raconte l’histoire de Jorge.

    Jorge a été tueur professionnel pendant dix ans. En Colombie et à l’étranger, il remplit ses « contrats » sans états d’âme. Fiché par Interpol, il décide de se recycler dans la drogue et flambe sa deuxième vie. La troisième commence : il devient pasteur et sillonne son quartier en 4L. Une balle manque de le tuer. « Miraculé », il croit en sa rédemption.

    À la fin de l’article, ils mettent en bibliographie ce livre de Fernando Vallejo.

    De même, vous pouvez lire dans le numéro de cet été du Matricule des Anges consacré à la littérature mexicaine (soit dit en passant le dossier est vraiment intéressant et permet pas mal de découvertes), un entretien avec l’auteur (car maintenant il a un passeport mexicain) où on se rend bien compte que l’auteur dont parle le roman ressemble étrangement à l’auteur du livre.

    Un autre avis

    Celui de Wodka.

    Références

    La Vierge des Tueurs de Fernando VALLEJO – traduit de l’espagnol (Colombie) par Michel Bibard (Belfond, 1997)

  • Quatrième de couverture

    Julio rencontre un vieil écrivain qui cherche un assistant pour dactylographier son dernier roman, mais il n’est pas retenu.

    Pour donner le change à María, sa maîtresse occasionnelle, il décide d’écrire un manuscrit qu’il fait passer auprès d’elle pour celui du romancier. Il s’inspire de son histoire d’amour passionnelle avec Emilia, huit ans plus tôt, lorsqu’ils étaient tous deux étudiants en littérature et que chacun prétendait avoir lu Proust…

    Où commence la fiction, où s’arrêtent les souvenirs ? Dans ce va-et-vient entre littérature et réalité, les sentiments deviennent aussi complexes et fragiles que l’architecture délicate du bonsaï.

    Bonsaï a été porté à l’écran par Cristián Jiménez.

    Mon avis

    Cela ne se passe pas du tout dans l’ordre décrit par la quatrième de couverture. Celle-ci raconte la deuxième partie du livre sans raconter la première. On commence par suivre l’histoire d’amour avec Emilia. On nous « ellipse » la rupture dans ses détails tout en nous disant quand elle a eu lieu. Puis on retrouve Julio plus tard dans les bras de María, sa voisine. Il cherche à l’impressionner en expliquant qu’il retranscrit le manuscrit d’un très grand écrivain. Quand il n’est pas retenu pour ce travail, il s’enferre dans un mensonge en écrivant son propre manuscrit qui s’inspire de l’histoire qu’il a eu plus tôt avec Emilia.

    Alejandro Zambra ne se soucie pas franchement de nous faire comprendre la chronologie de son histoire (je n’ai pas compris combien de temps passait entre chaque histoire). Le caractère des personnages n’est pas très fouillé. Il est comme évanescent. On le sent à travers la manière de raconter mais il ne nous est pas décrit par le menu. Dans le deuxième livre que j’ai de l’auteur dans ma Pile À Lire, il est écrit que l’écriture de Alejandro Zambra  se rapproche de celle de Jean Echenoz (il n’a quand même pas son talent d’après moi). C’est exactement cela : il y a un narrateur extérieur qui a regard tendre et ironique sur ses personnages.

    Ce qui est intéressant dans le livre, c’est aussi la mise en abîme. Vous ne savez plus si les personnages des livres dont on parle se comportent comme les personnages de notre roman ou si c’est l’inverse. C’est particulièrement bien fait à deux reprises. La première fois quand Emilia et Julio se conduisent comme les personnages de la nouvelle de Macedonio Fernández Tantalia. La deuxième est quand Julio écrit le livre qui va s’appeler bonsaï et qu’il s’achète un bonsaï pour faire comme son personnage (pas pour se documenter mais pour réellement l’imiter).

    Par contre, je suis déçue de l’édition : il y a des fautes dans les prénoms, dans la quatrième de couverture et dans le livre, ainsi que quelques coquilles. Sur un livre de 90 pages, je trouve cela assez dommage.

    Une lecture sympathique mais pas franchement inoubliable.

    Références

    Bonsái de Alejandro ZAMBRA – traduit de l’espagnol (Chili) par Denise Laroutis (Rivages, 2008)

  • Présentation de l’éditeur

    Mexico, ville labyrinthe, ville décadence, ville violence, ville sordidité ; ville : piège fermé. La ville et ses miasmes comme destin inéluctable. Johnny, Rebecca, Carrillo sont les personnages d’une tragédie qui est une et se répète à l’infini en un cruel jeu de miroirs. L’Autre Visage de Rock Hudson est un livre dépouillé, à la frontière du roman de mœurs, du roman policier et du roman noir. Guillermo Fadanelli, l’un des écrivains mexicains les plus prometteurs de sa génération, dépeint les expériences d’une jeunesse désenchantée au bord des abîmes de la drogue et l’abandon. Sans concession, ni fausse pudeur.

    Mon avis

    Autant je n’avais été que moyennement convaincu par Guillermo Fadanelli, auteur de Éduquer les Taupes, autant la lecture de ce livre n’est certes pas agréable mais est intéressante à suivre.

    Plusieurs points contribuent à cela.

    La construction du roman est très intéressante. Elle alterne de manière assez irrégulière le point de vue du narrateur, jeune adolescent habitant donc à Mexico avec sa sœur aînée Elena (avec qui il est très proche) et ses deux parents, et Juan Ramírez dit Johnny. Ce dernier a à peine plus de trente ans. Il est déjà très usé par la vie : il deale de la drogue et est un tueur à gages assez recherché (dès qu’on a une rancœur contre un patron, la maitresse de son mari, on vient le trouver et il vous arrange tout cela). Pendant tout le roman, on se dit c’est facile : Johnny va attirer le narrateur dans la drogue en le faisant revendeur car le narrateur traîne beaucoup dans la rue depuis la séparation de ses parents (il en est de même pour Elena). Pas du tout en fait. On va se rendre compte que la pensée de Johnny est beaucoup plus complexe qu’on ne pourrait le penser et que le lien est caché mais est autre. De même, il est souligné dans la quatrième de couverture que le livre présente « une tragédie qui est une et se répète à l’infini en un cruel jeu de miroirs ». Les éléments, qui font le pourquoi le narrateur est une sorte de mini-moi de Johnny, ne nous sont livrés qu’à la fin du roman. On se rend compte que Guillermo Fadanelli vient de nous raconter l’enfance de Juan à travers celle du narrateur et comment il est devenu tel qu’il est aujourd’hui.

    Le deuxième point très intéressant du livre, c’est les personnages qui sont particulièrement bien travaillés. L’auteur arrive à nous faire sentir leurs modes de raisonnement ainsi que certains de leurs sentiments. C’est une écriture assez froide qui renforce l’idée d’inéluctabilité que voulait donner l’auteur (si on avait su qu’à ce moment-là, le narrateur n’aurait pas fait ce choix car il avait pensé que … cela aurait clairement gâché cet effet).

    La peur, la vantardise, l’arrogance sont exclus du roman. On a cette impression que les relations sont dictées par un code non écrit et par le respect et les gens qui ne respectent pas cela meurent. C’est peut être cela la conclusion de Guillermo Fadanelli. Les relations que les adolescents nouent dans la rue remplacent l’influence des parents et c’est cela qui décide de leurs destins. Cependant, le Destin semble inévitable à Mexico. C’est ce qui fait le tragique du livre aussi.

    En plus, si vous lisez ce livre, vous apprendrez les conséquences d’un pic à glace planté dans l’œil.

    Références

    L’Autre Visage de Rock Hudson de Guillermo FADANELLI – traduit de l’espagnol (Mexique) par Nelly Lhermillier (Christian Bourgois, 2006)

  • Manuel Chaves Nogales est un célèbre journaliste espagnol de l’avant-guerre (la Seconde Guerre mondiale). Il a réalisé entre autres des reportages sur les Russes réfugiés à Paris. À cette occasion, il a rencontré Juan Martínez, bailarín flamenco, qui a vécu les Révolutions russes de 1917 à Saint-Pétersbourg et à Moscou, et la guerre civile qui a suivi en Ukraine, à Kiev et à Odessa. Andrés Trapiello souligne que dans sa préface que Manuel Chaves Nogales prête sa voix au récit de Juan Martínez, quitte parfois à utiliser des souvenirs et des anecdotes qu’il a entendu d’autres réfugiés. C’est donc bien un travail littéraire qui nous est proposé ici. Ce récit est paru sous la forme d’un feuilleton en 1934 dans le journal Estampa. La traduction qui est proposé par les éditions du Quai Voltaire est issu d’une version publiée en 2007 (est-ce que c’était la première fois que ce récit paraissait en livre ? je n’en sais rien).

    Le récit de Juan Martínez est très intéressant car il permet de voir les évènements d’un œil étranger, de plus complètement apolitique. On comprend mieux comment se sont sont déroulés les Révolutions, et surtout l’entre-deux qui semblent surtout avoir été très calme (le calme avant la tempête me direz-vous). On voit aussi que le bolchévisme ne s’est pas imposé d’un coup à tout le monde, à tout le pays entier (j’ai trouvé intéressant de voir que l’après révolution n’était pas préparé ; il semble qu’il y avait une « volonté de bien faire » et donc d’être organisé et qu’il y a une progression dans le temps, en même temps que la corruption d’ailleurs). On se rend compte des difficultés à trouver de la nourriture, non pas comme le souligne l’auteur parce que la nourriture a disparu d’un coup d’un seul mais à cause de gens qui font de la spéculation.

    Le récit qui prend le plus de place dans le livre est celui de la guerre civile que Juan Martínez a vécu en Ukraine, à Kiev et à Odessa (c’est la première fois que je lis un récit sur ce sujet). La ville de Kiev changeait d’occupants tous les mois ou deux mois suivant les assauts, il fallait s’adapter à chacun car il y avait les Rouges, les Blancs, les Ukrainiens. C’est un fait que je ne connaissais pas d’ailleurs. À ce moment-là, il y avait une armée pour lutter pour l’indépendance de l’Ukraine. Celle-ci était dirigé par Simon Petlioura. Ce qui ressort du récit, c’est qu’il n’y avait pas de différence entre les trois : chacun tuait sans merci, sans beaucoup de distinctions et avec barbarie (la partie sur la Tchéka est assez édifiante d’ailleurs), il y avait de la corruption à tous les niveaux. L’auteur nous permet aussi de voir l’antisémitisme primaire qui régnait à l’époque. C’était le règne de la débrouillardise, du mensonge et du dessous de table si on voulait s’en sortir. Juan Martínez était tout petit et on se demande comment il a fait pour tenir compte à tout ces gens. Je crois que cela vient de son caractère affirmé mais aussi d’un naturel enjoué et qui ne se laisse jamais abattre.

    L’auteur utilise un ton léger pour alléger la portée des souffrances qui sont décrites dans son récit.

    C’est justement ce qui m’a aussi gêné parfois. On ne ressent pas la peur, le désespoir, la faim, les difficultés. Tout est raconté sous forme d’anecdotes et de pirouettes. Il ne s’appesantit sur rien. Il semble que cela reste à la surface des choses, comme si le plus difficile nous était épargné (il ne parle pratiquement pas sa femme Sole ; elle apparaît dans le récit par hasard) ou comme si on parlait des réussites et d’une débrouillardise (admirable au demeurant) mais jamais des échecs.

    En conclusion, j’ai trouvé ce livre intéressant pour ce que j’ai appris grâce à lui mais le ton m’a parfois gêné car il est trop léger. Je suis d’accord que ce n’est pas un livre d’Histoire mais quand même !

    Références

    Le Double Jeu de Juan Martínez de Manuel CHAVES NOGALES – traduit de l’espagnol par Catherine Vasseur – préface d’Andrés Trapiello (Quai Voltaire, 2010)

    Le dans le cadre des 12 d’Ys, catégorie auteurs espagnols contemporains.