Angela Thirkell (1890-1960) est apparemment « très » connue en Angleterre (elle a même deux sociétés littéraires pour elle toute seule : une en Angleterre et une aux États-Unis). Elle a écrit une série de 29 livres se passant dans le Barsetsire, région créée par Anthony Trollope pour situer ses fameuses chroniques. J’ai voulu lire ce livre après avoir lu le billet de Heavenali et surtout après avoir vu que c’était préfacé par Alexander McCall Smith (et que cela avait de grosses chances de ressembler à la série des Isabel Dalhousie qui me plaît tant).
Ici, on est au XXième siècle, dans les années 30. Laura Morland est veuve depuis des années et a dû assumé seule ses quatre fils. Deux ont maintenant pris leur envol définitif, un est entre deux et le dernier Tony est toujours dans le nid. La seule solution qu’elle a trouvé est d’écrire des romances dans le milieu de la haute-couture. Cela marche du feu de dieu car elle peut assumer les frais de scolarité de son fils, aider son avant-dernier, entretenir un appartement à Londres et une maison dans le village de High Rising, proche de Low Rising, les deux formant les Risings. Elle fait le bonheur de son éditeur, Adrian.
Quand son fils est à l’école, elle est plutôt à Londres et lorsque son fils revient, elle habite dans son cottage à High Rising. C’est à ce moment là qu’on suit ses aventures (c’est normal puisque seul High Rising est dans le Barsetshire). Comme tous les petits villages anglais, High Rising est peuplé de gens plus excentriques les uns que les autres. ã High Rising, il y a Anne Todd, qui vit avec sa mère mais qui sert de secrétaire à Laura, tellement celle-ci a du travail (quitte à ce qu’elle écrive des petites choses si j’ai bien compris). Anne vit avec sa très vieille mère (qui semble avoir au moins 90 ans) et qui meurt depuis au moins peut être 30 ans. Anne ne veut pas l’abandonner, refuse le Dr Ford qui se meurt d’amour pour elle (il n’est pas le seul car elle semble être la tombeuse du coin à 50 ans) mais elle ne veut dépendre de personne (et surtout pas du Dr Ford apparemment). Laura est un peu un modèle pour elle (j’ai oublié de dire que Laura aussi ne veut pas se retrouver de mari parce que visiblement, celui qu’elle avait l’avait plutôt encombré qu’autre chose). Il y a donc le Dr Ford qui joue le rôle d’amoureux transi. Il ne semble avoir comme patiente que la mère d’Anne tellement il est dans leur maison (et en plus, il ne fait même pas payer ses consultations). Il y aussi Tony, le plus jeune fils de Laura, qui est une pipelette que tout le monde souhaite faire taire tellement il est soûlant à parler de trains toute la journée.
À Low Rising, il y a les Knox, George et Sibyl. George, veuf aussi (c’est à se demander qui est marié dans ce livre), est auteur de biographies historiques (qui semblent plutôt ennuyeuses) et Sibyl, jeune femme de 20 ans qui semble être restée dans l’adolescence sous l’influence de son père (elle se cherche et préfère s’occuper de ses chiens). Laura joue auprès d’elle le rôle de mère, d’amie et donc de conseillère. Un événement vient perturber tout le village : l’arrivée de Miss Grey comme secrétaire de George Knox.
Bien évidemment, il y a les domestiques qui sont une source de propagation de l’information toujours aussi impressionnante. Ils semblent voguer de maison en maison pour servir les gens (comme s’ils n’avaient pas d’employeurs fixes).
Deux personnages feront aussi leurs apparitions décisives de temps en temps : Adrian, l’éditeur de Laura, et Amy, la femme du directeur de l’école de Tony.
Le scénario du livre repose sur très peu de choses. Miss Grey, surnommé « the Incubus » par toutes les femmes de la région (j’ai déjà précisé qu’elles étaient toutes célibataires), va-t-elle réussir à mettre le grappin sur George malgré ce que tout le monde va faire pour éviter cela ? Est-ce que la pétillante et sémillante Laura va se marier avec Adrian ? avec George ? Anne va-t-elle se marier avec le Dr Ford finalement ? avec George elle aussi ? Sibyl est-elle écrivain comme son père ? Adrian va-t-il la publier ? Vont-ils se marier ?
Je pourrais vous la faire sérieuse et vous dire que ce livre est une description intéressante de la condition féminine en Angleterre dans les années 30. Ce livre présente l’entre deux entre les livres de Jane Austen, où le mariage était une nécessité pour les femmes car sinon on n’avait pas de conditions et en plus c’était la pauvreté et on devait vivre de la charité de la famille, et la situation que nous connaissons actuellement, une femme peut espérer exister sans un mari. Dans le livre, le mariage reste une institution importante mais plutôt vu comme un appariement de personnes pour passer une vie plus agréable mais reste tout de même l’état normal d’une femme de plus de vingt ans. La femme peut gagner sa vie, élever ses enfants, affronter la mort … mais tout de même.
Dire cela ne décrit absolument pas le charme du bouquin et ne sert absolument à rien. Ce livre est une romance POINT. On suit avec plaisir les histoires d’amour des protagonistes en gloussant et en faisant des commentaires sur leurs naïvetés, sur le fait que même l’auteur se ment à elle-même (bien sûr que George en pince pour Laura, ce n’est pas la peine de dire le contraire). Laura est une femme ultra-moderne, drôle, dynamique … Elle n’est pas superwoman et elle le dit. Elle est à l’écoute de ses amis, sans qui elle ne serait rien, elle doute de ses capacités, elle en a parfois marre de son fils, travaille d’arrache-pied mais avec le sourire et de la bonne humeur… Tout cela est vraiment très drôle à suivre. Comme dans d’autres romans anglais, je pense notamment à Cranford, les gens semblent passer leurs vies les uns chez les autres à boire du thé … C’est tout cela qui fait que le roman est très plaisant à lire et pas une pseudo-description de l’Angleterre campagnarde des années 30, vu au travers du prisme féminin.
Ce qui me fait rire est que si ce livre était paru en français, je ne l’aurais pas lu parce qu’il serait paru dans une collection qui ne m’aurait pas attirée et où la couverture aurait été toute moche. Là, j’aime bien la couverture, Virago Modern Classic publie des livres intéressants, c’est préfacé par un des mes auteurs adorés (je n’ai lu qu’Isabel Dalhousie mais tout de même) ; comme quoi, l’habillage joue beaucoup pour lutter contre mon snobisme littéraire (il y a aussi le fait qu’en Angleterre, il ne semble pas classer les livres en genres, sous-genres, sous-sous-genres, en-dessous de tous les genres)(avez-vous le même sentiment ? est-ce du plutôt au fait qu’on n’est pas influencé par l’avis des anglophones, vivant dans des pays francophones?). En plus, j’ai l’alibi que c’est en anglais et que cela me fait progresser (comme dit mon père, cela évite aussi que les gens lisent par-dessus ton épaule).
En étant sérieuse, pour le niveau d’anglais, il ne faut pas vous en faire. J’ai été malade toute la semaine, enrhumée (genre je me mouche toutes les deux minutes), avec les yeux d’un lapin atteint de myxomatose, avec de la fièvre (genre j’ai la vue qui se brouille dans le RER, mes yeux se ferment et impossible de les rouvrir parce qu’il me manque des forces) et j’ai réussi à lire à peu près tous les jours 20 pages en 40 minutes dans le RER A (dans le B, on ne peut pas lire), avec des gens qui parlaient autour de moi (l’avantage quand je suis enrhumée est que je suis sourde), et en comprenant absolument tout (à peu près tout)(ou sinon je ne m’en suis pas rendue compte et cela ne m’a pas gênée). Je pense donc qu’au calme, à peu près toute personne ayant les rudiments en anglais d’une huître d’Arcachon peut arriver à comprendre ce livre.
Désolée si ce billet est partie dans tous les sens mais je suis encore un peu malade et du coup j’ai eu la flemme de le travailler à l’écrit (et d’enlever ensuite toutes mes digressions) mais j’avais envie de partager cette lecture rapidement sur le blog.
Références
High Rising de Angela THIRKELL – préfacé par Alexander McCall SMith (Virago Modern Classic, 2012)
Un siècle de littérature européenne – Année 1933