Cecile's Blog

  • PetitsMeurtresEntreMathematiciens

    Encore une idée de lecture que j’ai trouvé dans les Défis du CEA (l’abonnement est gratuit si vous êtes intéressés). Bien sûr, c’est le titre qui m’a interpellé de suite. Après lecture, je dirais qu’il est un petit peu racoleur tout de même car ce n’est pas le sujet principal du livre. Le sous-titre s’avère lui beaucoup plus juste : « comment deux amis débattent de maths et d’amour dans le Paris de la Belle Époque ».

    On est en 1929, à Athènes. Michael Igerinos est appelé pour reconnaître le corps de son ami de trente ans, Stefanos Kantartzis, qui vient juste d’être assassiné, empoisonné plus exactement. Cela ramène Michael trente ans en arrière. Pour arriver à l’explication du meurtre, il va remonter très longtemps jusqu’à nous (c’est à peu près 80 % du livre). Les deux mais se sont rencontrés en 1900 à Paris, au deuxième Congrès international de mathématiques qui s’est tenu à la Sorbonne. C’est là où Hilbert a présenté ses fameux 23 problèmes qui allaient guider tout le développement des mathématiques durant le 20ième siècle. Ils se sont rencontrés par le plus grand des hasards mais se sont tout de suite plut. Penzez, tous les deux sont animés par les mathématiques ! Pendant ce séjour, Stefanos présentera à Michael la vie parisienne, et entre autre Picasso (apparemment, l’auteur a pris quelques libertés et avancée le séjour à Paris de quelques mois). C’est à mon avis la partie la plus intéressante du livre car l’auteur présente les différents courants qui traversent les mathématiques mais aussi les personnages qui animent le domaine. On apprend notamment que Hilbert était connu pour êtres un bon vivant dans la ville médiévale de Göttingen.

    Ensuite, j’ai trouvé qu’on perdait un peu de vue les mathématiques car Michael est obligé d’arrêter pour cause de raisons familiales. On rentre alors plus dans la description d’une époque très troublée, ainsi que dans la description du fil d’un vie (mariage, divorce, maîtresse …) Même quand Michael retrouve Stefanos, par hasard toujours, ils parlent moins de maths car Stefanos a gardé la passion de la recherche (dans le sens résolution de problème) tandis que Michael ne fait que se tenir au courant. Le livre perd alors un peu d’intérêt.

    Comme je le disais, la résolution du meurtre ne casse pas trois pattes à un canard. Il n’y pas d’enquêtes car il n’y a pas de suspect. Le livre est donc plus sur l’histoire des maths que sur les maths elles-mêmes.

    Je dirais que c’est un bon livre dans les 150 premières pages, mais qui s’essouffle dans la suite. Je précise qu’il faut tout de même être un tout peu intéressé par le sujet …

    P.S. Je suis sûre que vous vous êtes toujours poser la question de comment retenir les décimales de pi. Ce livre donne la réponse : il suffit de compter les lettres de chacun des mots de ce poème :

    Que j’aime à faire apprendre un nombre utile aux sages !

    Immortel Archimède, artiste ingénieur,

    Qui de ton jugement peut priser la valeur ?

    Pour moi, ton problème eut de pareils avantages.

    Qui a dit que les mathématiciens n’étaient pas capables de poésie ?

    Références

    Petits meurtres entre mathématiciens de Tefcros MICHAELIDES (Plumes de science / Le Pommier, 2012)

  • JoursBlancsJeroenBrouwers

    Le narrateur est un homme de soixante-cinq ans, professeur de littérature à la retraite, qui vit isolé dans les bois, aux Pays-Bas. Au cours d’une promenade en forêt où il compte les arbres, ils nous racontent des moments de sa vie, tous liés à la filiation et à la mort. Plus exactement, il va se concentrer sur quatre moments.

    Il s’est marié jeune, pendant ses études avec Mirjam. Il n’a jamais voulu d’enfants ; elle non plus car elle voulait lui faire plaisir. Pourtant quand leur couple commence à se déliter, elle lui propose d’avoir un enfant pour arranger leurs problèmes (très mauvais plan à mon avis). Le narrateur continue à refuser. Mirjam organise un voyage à Venise avec les gains aux jeux que son père lui donne ; ce sera l’occasion de se faire faire un enfant. Mis devant le fait accompli, le narrateur ne cède pas. Il assumera sans enthousiasme ce qu’il n’a jamais souhaité. Par exemple, il ne dormira plus jamais avec sa femme, prendra une maîtresse. À la naissance, il essaiera de faire la connaissance de son enfant mais il le regardera comme un être extérieur à lui, pas comme la chair de sa chair. Les six années suivantes seront éludées. On retrouve notre famille en situation critique. Le narrateur n’a jamais cessé de coucher avec d’autres femmes. Sa femme en a marre et lui somme de partir. Il part donc (je n’ai pas compris mais après sa femme lui en voudra beaucoup pour cela alors que c’est elle qui a demandé), cherche à se réfugier chez sa maîtresse qui refuse. Il ne verra plus que deux fois son fils, Nathan.

    Dix ans plus tard. Le narrateur est en poste à New York. Il observe un musicien des rues, accompagné d’une très belle jeune femme (qui fait toute l’admiration du narrateur). Il s’avère que ce musicien des rues est son fils, qu’il ne reconnaît même pas. Les retrouvailles ne sont pas enthousiasmantes ; elles ne diront qu’une nuit. Par contre, il prend conscience des talents hors normes pour la musique de son fils.

    Re-dix ans plus tard. Des retrouvailles lors d’un congrès. Le père drague ouvertement une collègue. Il est observé de manière éhontée par un homme. Au lieu de s’intéresser à cet homme, il ne suit que son désir pour la femme. L’homme est son fils, qu’il n’a encore une fois pas reconnu. Cette rencontre ratée sera suivie d’une entrevue, qui marquera une rupture définitive.

    Nathan deviendra auteur de comédie musicale et suivra la voie de son père : il aura énormément de femmes dans sa vie. Il ne suivra que son plaisir pour vivre, et pas seulement survivre. C’est ce qu’il le perdra puisqu’au cours d’un voyage, il attrapera une grave maladie. C’est cette maladie qui le fera appeler son père à son chevet.

    Tout le livre porte donc sur une relation père-fils manqué, vu par les yeux du père. Ce qui est très intéressant, c’est que le récit est très ramassé autour de cette thématique (il n’y a pas de hors sujet, les jours entre n’existent pas). Surtout, le narrateur ne change pas les sentiments qu’il a ressenti aux différentes époques. D’autres auteurs auraient mis des bons sentiments rétrospectivement les faits ; Jeroen Brouwers ne le fait pas du tout.

    Le défaut est que cela donne un livre un peu froid car le narrateur ne s’attache pas à comprendre ses sentiments (bons ou mauvais). Il n’explique pas l’absence de sentiment pour son fils. Il ne dit pas l’attachement qu’il peu ressentir, à défaut d’amour. Cela n’interviendra qu’à la toute fin où il se demandera vraiment ce qu’est être père, et surtout le père d’un fils que l’on a pratiquement pas vu (il ne s’était visiblement pas interrogé sur le sujet avant se contentant d’oublier son fils après chaque rencontre).

    Je n’avais jamais lu aucun livre sur ce thème (le fils qui ne connaît pas son père car parti à la naissance par exemple mais je n’avais lu un enfant qui avait vécu avec son père, qui était parti et jamais lu avec le point de vue du père). Pourtant cette lecture m’a laissé très froide à cause de la froideur des personnages. Il n’a suscité ni sentiments (donc) ni réflexions de ma part. Il m’a paru que l’histoire était une sorte de cas particulier, qu’il n’y avait pas le côté universel de la littérature.

    Je ne sais pas si c’est très clair. Si vous pouviez poser des questions pour que je clarifie, cela m’arrangerait.

    Références

    Jours blancs de Jeroen BROUWERS – traduit du néerlandais par Daniel Cunin (Du Monde Entier / Galimard, 2013)

  • SherlockHolmesAndTheSwedishEnigmaBarryGrant

    Quatrième de couverture

     A corpse in a sarcophagus, a headless macaw, and a stolen slice of Black Forest gateau alert Sherlock Holmes to a macabre international crime in progress, and lead him through London’s backstreets to the gloomy moors of Cornwall. People vanish, Greek statues vanish. Even Holmes vanishes – to the distress of his companion, James Wilson, whose emails and text messages go unanswered. But Holmes is in top form, fully recovered from his journey through ice to the twenty-first century and ready to reveal a multitude of secrets . . .

    Mon avis

    Je ne sais pas si vous vous rappelez mais j’avais lu les deux premiers tomes de cette série, mettant un Sherlock Holmes ressuscité par la médecine moderne et accompagné d’un James Wilson, ressemblant étrangement à notre Watson, ainsi que par un descendant de notre Lestrade.

    J’avais adoré les deux premiers tomes mais celui-ci a été une déception. L’histoire a quelques similitudes avec le Chien des Baskerville et donc on ne voit pratiquement pas Holmes de tout le livre (alors que dans le cas précis de cette série, c’est lui qui en fait l’intérêt).

    L’auteur multiplie les « mystères ». Il y a deux défauts à cela : il y en a qui en sont des faux, d’autres qui sont enfantins (le passage secret qui mène d’un endroit à un autre d’un paysage et qui est utilisé par les méchants a déjà été fait dans un club des cinq) ; on ne sait plus quel est le mystère principal. En tout cas, je croyais que le livre se finissait car ils avaient résolu ce qui pour moi était important mais en fait non, il restait quelques questions annexes. Cela m’a donné l’impression d’un livre qui s’étirait en longueur inutilement.

    Cela fait un mois et demi que j’ai lu ce livre et c’est les seules choses qu’il me reste (j’ai fait le billet car j’aime bien ne pas avoir de trous de billets dans les séries). L’histoire ne m’a pas convaincu, la narration non plus : j’espère que Barry Grant va se reprendre dans le quatrième tome !

    Références

    Sherlock Holmes and the Swedish Enigma de Barry GRANT (Severn House, 2012)

    MiniLogoDilettantes

  • UnBlancMikoBiermann

    J’ai découvert ce livre en suivant sur Twitter les éditions Anacharsis. Il s’agit d’une parodie des livres sur les expéditions polaires. On rit beaucoup. Parfois, on est même un peu dégoûté par les détails scabreux donnés par l’auteur. Le curage de l’œil qui vient d’exploser à la petite cuillère restera dans mes annales !

    L’histoire est assez simple. Une expédition scientifique naviguera avec l’Astrofant jusqu’au pôle Sud pour tirer un feu d’artifice, dans le but de fêter le passage au 21ième siècle. Les membres de l’expédition sont tous plus excentriques les uns que les autres : la capitaine semble à peine préparer, le cuisinier est un nain pervers qui rêve de sado-masochisme avec une des deux femmes scientifiques, le premier officier du bateau semble tout droit échapper de l’hôpital psychiatrique, un Sir anglais, malade imaginaire,  qui vient de se faire larguer par sa femme pour un autre homme … C’est à travers les journaux de des trois premiers personnages que je viens de citer, que l’histoire nous est racontée. Dès l’arrivée en Antarctique, l’expédition va se retrouver séparée en trois groupes à la suite de plusieurs incidents : un sur le bateau, un qui se dirige vers le pôle pour tirer le feu d’artifice et un qui dérive sur un iceberg. Ils leur arrivent à tous des aventures plus déjantées les unes que les autres, dans leurs tentatives de survie. L’auteur y mêle les descriptions sur les engelures … pour faire comme les vrais récits.

    Je vous conseille ce livre, court (130 pages), extrêmement drôle et parfois peu ragoutant. L’auteur est d’origine allemande mais parle le français avec l’accent de Marseille où il réside depuis 25 ans.

    Références

    Un Blanc de Mika Biermann (Anacharsis, 2013)

  • LesEffroisDeLaGlaceEtDesTenebresChristophRansmayr

    La première page

     Avant tout

    Que reste-t-il des aventures qui nous ont conduits à passer des cols verglacés, à franchir des dunes et si souvent à longer des highways ? On nous a vus parcourir des mangroves, des paysages de prairies, des steppes battues par les vents, et traverser des glaciers, des océans, puis des bancs de nuages, et nous diriger vers des objectifs toujours plus éloignés, en nous et en dehors de nous. Mais nous ne nous sommes pas contentés de vivre simplement nos aventures, nous en avons fait état dans nos lettres et nos cartes postales, et avant tout, nous les avons présentées au public dans des reportages et des récits confusément illustrés, entretenant ainsi secrètement l’illusion que l’on pouvait accéder aux lieux les plus lointains, les plus reculés, comme l’on accède à un parc d’attractions, à un luna-park scintillant de lumières ; l’illusion que, grâce au développement accéléré des moyens de communication, le monde a rapetissé, et que voyager en longeant l’équateur ou jusqu’aux pôles n’est à présent qu’une question de financement et de coordination des heures de vol, Or, c’est une erreur ! En dernière instance, les lignes aériennes n’ont fait que réduire dans une proportion tout bonnement absurde la durée des voyages, mais non pas l’éloignement qui demeure, aujourd’hui comme hier, inouï. N’oublions pas qu’une ligne aérienne n’est qu’une ligne et non un chemin : physiologiquement parlant, nous sommes des marcheurs, des piétons.

    Mon avis

    J’ai découvert ce livre sur LibraryThing car il était dans les recommandations de livres, pour ceux qui avaient lu Le Cavalier Suédois de Leo Perutz. Les deux livres n’ont absolument aucun rapport à part qu’ils sont tagués « Littérature autrichienne ». Quand j’ai vu que le livre de Christoph Ransmayr parlait d’Arctique, je l’ai emprunté à la bibliothèque de l’institut Goethe. Puis je le suis acheté car je ne l’avais pas fini quand il a fallu le rendre.

    Le narrateur entremêle deux histoires : celle de l’expédition qui découvrit la terre François-Joseph en 1873 et celle d’une de ses connaissances : Joseph Mazzini, qui partit découvrir le Spitzberg au début des années 1980.

    La question qui se pose est pourquoi a-t-il choisi de mettre face à face ces deux histoires car c’est ce qui fait la singularité du livre de Christoph Ransmayr. La partie sur les explorateurs du 19ième siècle est assez classique dans le fond. Le narrateur raconte le départ en fanfare, l’enthousiasme des marins (à cause de l’argent promis mais aussi par la mission qui leur est affectée : découvrir la dernière terre) et des foules (l’admiration pour ses hommes qui vont risquer leur vie pendant plus de deux ans sur des mers très dangereuses), le premier hivernage, le fait qu’après celui-ci le bateau n’a pas pu être libéré des glaces, le deuxième hivernage, la folie qui prend les marins, les désaccords entre Julius von Payer et Karl Weyprecht (commandants sur terre et sur mer de l’expédition), les morts … Le narrateur reconstitue l’histoire à partir des différents journaux qui ont pu être ramenés de l’expédition. Ce qui est héroïque car ils ont tout de même du quitter le bateau pour rentrer dans des canots. La forme est originale donc. Le narrateur insiste sur tout ce qui est caché d’habitude, c’est-à-dire la vie quotidienne. Il n’y a pas de sublimation à mon avis.

    De la même manière, le narrateur reconstitue l’expédition de Joseph Mazzini, descendant d’un des marins de l’expédition austro-hongroise des années 1870, vers le Spitzberg pour voir la terre François-Joseph. On sait dès le départ que Joseph Mazzini est mort là-bas ; ce que l’on ne sait pas, c’est comment et pourquoi. Les papiers, qu’a laissés Joseph Mazzini, n’expliquent pas pourquoi il est parti (ou l’explique superficiellement) ni les circonstances de sa mort. Il a disparu de la terre sans pratiquement laisser de traces. C’est les témoignages des gens du Spitzberg qui éclaireront un peu ses derniers jours.

    Si on compare les deux histoires, on voit que l’expédition de 1873 était guidée par un but, était consciente du voyage qu’il y avait à faire mais aussi des préparations nécessaires. Joseph Mazzini lui aussi a un but : celui de se trouver et de se comprendre, but très personnel s’il en est. Il va assez facilement au Spitzberg, pratiquement sans préparation. Pour découvrir la terre François-Joseph, il va prendre un bateau qui est autrement plus costaud que celui qu’avait pris les marins un siècle auparavant. Cela peut se faire très rapidement. Son espoir sera déçu. Il restera là-haut tout de même. Il souhaitera apprendre à conduire un traîneau alors que tout le monde utilise les motoneiges (il y a plus de bruits, plus de monde qu’un siècle auparavant). Ce que l’on ressent à la lecture, c’est ce décalage entre les aspirations de Mazzini et la facilité avec laquelle tout se fait, les changements qui ne sont pas si dépaysants par rapport à la vie en Autriche. Je crois que ce que l’auteur souligne, c’est la perte de ce qu’est vraiment le voyage vers le pôle.

    Le récit est l’illustration de la première. L’homme n’évolue pas plus vite à cause de l’accélération des moyens de transport. La quête de Mazzini est vouée à l’échec car il n’aura pas une révélation en faisant un aller-retour au Spitzberg. Il ne prête pas assez d’attention à la réflexion qu’il doit mener sur lui-même.

    Ju20Supra

    C’est un tableau de Julius von Payer qui est devenu peintre au retour de son expédition.

    Références

    Les Effrois de la Glace et des Ténèbres de Christoph RANSMAYR – traduction de l’allemand par François Mathieu avec la collaboration de Régine Mathieu (Maren Sell, 1989)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1984
  • MortDuneDameEnEteHeimitoVonDoderer

    C’est une courte nouvelle, moins de trente pages, extraite d’un recueil publié en 1966, écrit par Heimito von Doderer. Je voulais découvrir l’auteur tout simplement et je savais pertinemment que ce ne n’était pas son chef d’œuvre.

    Le texte m’a un peu fait penser à l’été de la canicule. On est en été à Vienne. La ville a été désertée par ses habitants, tous partis en villégiature. Seul reste les personnes isolées et les atypiques. Les personnages de cette nouvelle sont en tout cas des spécimens de cette catégorie : un écrivain, narrateur, un professeur et une veuve.

    Celle-ci va jouer le rôle principal puisque sa mort donne son titre à la nouvelle. Elle était veuve depuis un an. Sa famille est partie. Elle décède une nuit. La personne qui s’inquiète le plus pour elle est un homme venu de Berlin pour étudier les travaux qu’a laissés son mari derrière lui. Il la découvre donc inanimée dans son lit. Il appelle la personne la plus proche qu’il connaît, notre écrivain-narrateur, et qui en fait n est pas plus proche de cela. Ce sera lui qui se chargera, avec l’aide minime du professeur, d’organiser les obsèques de la dame. Se pose alors de multiples problèmes : qui prévenir ? quelles dispositions prendre ? comment l’habiller ? Des dispositions d’autant plus difficiles à prendre quand on ne connaît que très peu la personne.

    C’est une nouvelle qui a une fin mais qui n’a pas de chute. C’est un peu décevant car le texte est bien construit, très intéressant à lire. Il y a de très belles images notamment, dont celle de l’inspiration :

    J’avais déraillé ce matin-là, je n’étais pas monté au bon moment dans le train de l’inspiration qui ne marque que de brefs arrêts sur l’une ou l’autre des voies souterraines de notre pensée, pensée tellement riche en correspondances que nous en perdons le fil la plupart du temps. Mais toute faiblesse essaie d’échapper à elle-même, quelle que soit la façon. Je trouvai la mienne.

    J’étais en perte de vitesse et commençais à m’égarer. Cela avait entraîné et consolidé un état que les mécanismes de la vie privilégient particulièrement lorsqu’ils veulent nous prendre en tenaille. À chacun échoit ce qu’il mérite, à un endroit et à un moment donné, et le degré de nos difficultés se mesure toujours de la manière la plus précise, conformément à notre état. Le coup de téléphone de M. von Alsberg m’avait coupé en plein milieu de mes divagations.

    Le problème est que l’on souhaiterait plus de développement car l’auteur nous décrit un univers dans lequel on aimerait se plonger plus. On aimerait s’imprégner plus de ces personnages. C’est pour moi une bonne découverte car c’est un auteur qui m’est accessible mais je le savais dès le départ, cette nouvelle n’est pas son chef d’œuvre.

    Références

    Mort d’une dame en été de Heimito von DODERER – traduction de François Grosso (Éditions Sillage, 2010)

    Titre original : Tod einer Dame im Sommer – paru pour la première fois en 1966 dans le recueil Unter schwarzen Sternen.

    Un siècle de littérature européenne – Année 1966
  • HighRisingAngelaThirkell

    Angela Thirkell (1890-1960) est apparemment « très » connue en Angleterre (elle a même deux sociétés littéraires pour elle toute seule : une en Angleterre et une aux États-Unis). Elle a écrit une série de 29 livres se passant dans le Barsetsire, région créée par Anthony Trollope pour situer ses fameuses chroniques. J’ai voulu lire ce livre après avoir lu le billet de Heavenali et surtout après avoir vu que c’était préfacé par Alexander McCall Smith (et que cela avait de grosses chances de ressembler à la série des Isabel Dalhousie qui me plaît tant).

    Ici, on est au XXième siècle, dans les années 30. Laura Morland est veuve depuis des années et a dû assumé seule ses quatre fils. Deux ont maintenant pris leur envol définitif, un est entre deux et le dernier Tony est toujours dans le nid. La seule solution qu’elle a trouvé est d’écrire des romances dans le milieu de la haute-couture. Cela marche du feu de dieu car elle peut assumer les frais de scolarité de son fils, aider son avant-dernier, entretenir un appartement à Londres et une maison dans le village de High Rising, proche de Low Rising, les deux formant les Risings. Elle fait le bonheur de son éditeur, Adrian.

    Quand son fils est à l’école, elle est plutôt à Londres et lorsque son fils revient, elle habite dans son cottage à High Rising. C’est à ce moment là qu’on suit ses aventures (c’est normal puisque seul High Rising est dans le Barsetshire). Comme tous les petits villages anglais, High Rising est peuplé de gens plus excentriques les uns que les autres. ã High Rising, il y a Anne Todd, qui vit avec sa mère mais qui sert de secrétaire à Laura, tellement celle-ci a du travail (quitte à ce qu’elle écrive des petites choses si j’ai bien compris). Anne vit avec sa très vieille mère (qui semble avoir au moins 90 ans) et qui meurt depuis au moins peut être 30 ans. Anne ne veut pas l’abandonner, refuse le Dr Ford qui se meurt d’amour pour elle (il n’est pas le seul car elle semble être la tombeuse du coin à 50 ans) mais elle ne veut dépendre de personne (et surtout pas du Dr Ford apparemment). Laura est un peu un modèle pour elle (j’ai oublié de dire que Laura aussi ne veut pas se retrouver de mari parce que visiblement, celui qu’elle avait l’avait plutôt encombré qu’autre chose). Il y a donc le Dr Ford qui joue le rôle d’amoureux transi. Il ne semble avoir comme patiente que la mère d’Anne tellement il est dans leur maison (et en plus, il ne fait même pas payer ses consultations). Il y aussi Tony, le plus jeune fils de Laura, qui est une pipelette que tout le monde souhaite faire taire tellement il est soûlant à parler de trains toute la journée.

    À Low Rising, il y a les Knox, George et Sibyl. George, veuf aussi (c’est à se demander qui est marié dans ce livre), est auteur de biographies historiques (qui semblent plutôt ennuyeuses) et Sibyl, jeune femme de 20 ans qui semble être restée dans l’adolescence sous l’influence de son père (elle se cherche et préfère s’occuper de ses chiens). Laura joue auprès d’elle le rôle de mère, d’amie et donc de conseillère. Un événement vient perturber tout le village : l’arrivée de Miss Grey comme secrétaire de George Knox.

    Bien évidemment, il y a les domestiques qui sont une source de propagation de l’information toujours aussi impressionnante. Ils semblent voguer de maison en maison pour servir les gens (comme s’ils n’avaient pas d’employeurs fixes).

    Deux personnages feront aussi leurs apparitions décisives de temps en temps : Adrian, l’éditeur de Laura, et Amy, la femme du directeur de l’école de Tony.

    Le scénario du livre repose sur très peu de choses. Miss Grey, surnommé « the Incubus » par toutes les femmes de la région (j’ai déjà précisé qu’elles étaient toutes célibataires), va-t-elle réussir à mettre le grappin sur George malgré ce que tout le monde va faire pour éviter cela ? Est-ce que la pétillante et sémillante Laura va se marier avec Adrian ? avec George ? Anne va-t-elle se marier avec le Dr Ford finalement ? avec George elle aussi ? Sibyl est-elle écrivain comme son père ? Adrian va-t-il la publier ? Vont-ils se marier ?

    Je pourrais vous la faire sérieuse et vous dire que ce livre est une description intéressante de la condition féminine en Angleterre dans les années 30. Ce livre présente l’entre deux entre les livres de Jane Austen, où le mariage était une nécessité pour les femmes car sinon on n’avait pas de conditions et en plus c’était la pauvreté et on devait vivre de la charité de la famille, et la situation que nous connaissons actuellement, une femme peut espérer exister sans un mari. Dans le livre, le mariage reste une institution importante mais plutôt vu comme un appariement de personnes pour passer une vie plus agréable mais reste tout de même l’état normal d’une femme de plus de vingt ans. La femme peut gagner sa vie, élever ses enfants, affronter la mort … mais tout de même.

    Dire cela ne décrit absolument pas le charme du bouquin et ne sert absolument à rien. Ce livre est une romance POINT. On suit avec plaisir les histoires d’amour des protagonistes en gloussant et en faisant des commentaires sur leurs naïvetés, sur le fait que même l’auteur se ment à elle-même (bien sûr que George en pince pour Laura, ce n’est pas la peine de dire le contraire). Laura est une femme ultra-moderne, drôle, dynamique … Elle n’est pas superwoman et elle le dit. Elle est à l’écoute de ses amis, sans qui elle ne serait rien, elle doute de ses capacités, elle en a parfois marre de son fils, travaille d’arrache-pied mais avec le sourire et de la bonne humeur… Tout cela est vraiment très drôle à suivre. Comme dans d’autres romans anglais, je pense notamment à Cranford, les gens semblent passer leurs vies les uns chez les autres à boire du thé … C’est tout cela qui fait que le roman est très plaisant à lire et pas une pseudo-description de l’Angleterre campagnarde des années 30, vu au travers du prisme féminin.

    Ce qui me fait rire est que si ce livre était paru en français, je ne l’aurais pas lu parce qu’il serait paru dans une collection qui ne m’aurait pas attirée et où la couverture aurait été toute moche. Là, j’aime bien la couverture, Virago Modern Classic publie des livres intéressants, c’est préfacé par un des mes auteurs adorés (je n’ai lu qu’Isabel Dalhousie mais tout de même) ; comme quoi, l’habillage joue beaucoup pour lutter contre mon snobisme littéraire (il y a aussi le fait qu’en Angleterre, il ne semble pas classer les livres en genres, sous-genres, sous-sous-genres, en-dessous de tous les genres)(avez-vous le même sentiment ? est-ce du plutôt au fait qu’on n’est pas influencé par l’avis des anglophones, vivant dans des pays francophones?). En plus, j’ai l’alibi que c’est en anglais et que cela me fait progresser (comme dit mon père, cela évite aussi que les gens lisent par-dessus ton épaule).

    En étant sérieuse, pour le niveau d’anglais, il ne faut pas vous en faire. J’ai été malade toute la semaine, enrhumée (genre je me mouche toutes les deux minutes), avec les yeux d’un lapin atteint de myxomatose, avec de la fièvre (genre j’ai la vue qui se brouille dans le RER, mes yeux se ferment et impossible de les rouvrir parce qu’il me manque des forces) et j’ai réussi à lire à peu près tous les jours 20 pages en 40 minutes dans le RER A (dans le B, on ne peut pas lire), avec des gens qui parlaient autour de moi (l’avantage quand je suis enrhumée est que je suis sourde), et en comprenant absolument tout (à peu près tout)(ou sinon je ne m’en suis pas rendue compte et cela ne m’a pas gênée). Je pense donc qu’au calme, à peu près toute personne ayant les rudiments en anglais d’une huître d’Arcachon peut arriver à comprendre ce livre.

    Désolée si ce billet est partie dans tous les sens mais je suis encore un peu malade et du coup j’ai eu la flemme de le travailler à l’écrit (et d’enlever ensuite toutes mes digressions) mais j’avais envie de partager cette lecture rapidement sur le blog.

    Références

    High Rising de Angela THIRKELL – préfacé par Alexander McCall SMith (Virago Modern Classic, 2012)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1933
  • lehmann_rosamond_100Ce texte est une lettre d’une trentaine de pages, adressée à une sœur. Je n’ai pas bien compris si le terme de sœur était à prendre au sens filial ou non car le thème principal de ce petit livre est la condition féminine (et accessoirement le temps qui passe). En plus, je ne connais pas du tout le contexte d’écriture de ce livre.

    L’expéditrice revient de vacances d’été qu’elle a passée avec sa sœur dans une grande maison. Elle se remémore les moments d’insouciance, de discussions intéressantes … qu’elles ont eu ensemble. Elle évoque le fait que ce fut une pause agréable dans son quotidien de femme.

    Le passage qui m’a le plus accroché (hormis les deux phrases de fin) et qui se situe au début du texte est celui-ci :

     De retour, encore une fois… nous réinstallant pour passer un nouvel hiver à la campagne. Il n’y avait là, semble-t-il, rien de secrètement émouvant. C’étaient des faits, d’un ordre aussi simple, aussi paisible que le bruit et le mouvement du train poussif, qui par lentes étapes nous ramenait, le long de notre petite ligne, vers notre station. Durant le trajet, je pensais… à des arrangements domestiques : du moins, je me figure que j’y pensais : car ces préoccupations nous sont devenues, à toi et à moi, une seconde nature, au point que la difficulté n’est pas de les avoir mais de les écarter. Hélas ! quel gaspillage de nos belles intelligences, quel émiettement de nos précieuses énergies ! Le devoir, ce moustique irritant, monotone, sempiternel, s’est changé en un vaste et rampant organisme, dont l’appel est fatal comme le champ des sirènes. Ma sœur, nous sombrons, nous coulons ! Et nous aimons cela ! Nous préférons cela ! Oui, si cette voix faiblit, nous nous sentons menacées ; nous sommes prises de panique si elle se fausse. Et le sentiment d’être différentes nous gêne, comme un courant d’air sur la nuque. « Si seulement cela m’était possible »…, disons-nous. « Si je n’étais pas tellement rouillée »… « Si je n’étais pas sûre d’avance que la cuisinière donnera ses huit jours »… « Si je pouvais laisser les enfants »… Tout cela n’est que prétextes ! La sécurité, l’habitude nous sont une nécessité. Nous sommes les esclaves volontaires d’un ogre qui se nomme Train-Train. En un mot, nous ne sommes plus vraiment jeunes.

    L’autre thème du livre est celui du temps qui passe (trop) vite et en toute logique l’auteur parle aussi du thème corollaire le sens de la (sa) vie.

    Ce n’est pas LE chef d’œuvre de Rosamond Lehmann mais j’ai trouvé que le texte était bien mené. Le sentiment de nostalgie mais aussi de regret affleure tout au long du livre. Cela m’a rappelé un tout petit peu Virginia Woolf et sa Promenade au phare.

    En remarque, je souhaitais juste dire que j’ai acheté ce livre sur galaxidion en très bon état. En tellement bon état que pour un livre publié en 1931, il n’était même pas coupé. Cela faisait plus de 80 ans qu’il attendait un lecteur ou une lectrice. C’est ce genre de choses qui me fait de la peine pour mes propres livres. Bien sûr, on ne verra pas que je ne les ai pas lu mais ils n’auront jamais trouvé personne pour les lire et auront vécu une vie de délaissement. Cela me donne envie de m’attaquer plus sérieusement à toutes mes piles à lire.

    Références

    Lettre à ma soeur (A letter to a sister) de Rosamond LEHMANN – traduit de l’anglais par Jean Talva (L’artisan du livre, 1931)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1931
  • LeMaitreDuJugementDernierPerutz

    L’histoire est une variation autour du meurtre dans une chambre close, à Vienne en 1909. Le narrateur, un certain baron von Yosh, reçoit la visite du docteur Gorski qui lui propose d’aller chez Eugen Bischoff, célèbre acteur, pour jouer de la musique avec Dina, la femme d’Eugen, pour distraire ce dernier. D’autant que le jour même, la banque où il avait placé toutes ses économies a annoncé sa faillite.

    Un fois sur place, deux autres personnes sont aussi présentes : Felix, le frère de Dina, et Waldemar Solgrub, ingénieur très spécial, qui ressemble par ses talents de déduction à Sherlock Holmes.

    Au cours de la soirée, Eugen Bischoff s’isolera et se suicidera (aucun doute là-dessus). Le problème est que tout le monde a entendu deux coups de feu. Felix va très vite accuser le baron von Yosch car il a été l’amant de Dina il y a quelques années et a fait de nombreuses allusions déplaisantes tout au long de l’après-midi. Waldemar Solgrub est moins catégorique et commence son enquête. Le baron von Yosch en fera une en parallèle pour se disculper. La résolution du mystère ne se fera pas facilement entraînera deux suicides dans des circonstances tout aussi incompréhensibles.

    En avançant, on s’oriente vers une explication livresque, irrationnelle et fantastique, à laquelle j’ai totalement adhéré. La fausse postface de l’éditeur est d’autant plus déconcertante.

    J’ai beaucoup aimé de livre pour le côté mystère à résoudre, enquête parodique de Sherlock Holmes. J’ai eu plus de mal à comprendre le passage au fantastique. Une fois passé, j’y ai par contre totalement adhéré.

    Ce qui est déconcertant aussi c’est le fait que le baron von Yosch soit narrateur. Volontairement ou involontairement on adhère à son point de vue. Les accusations dont il est l’objet semblent incompréhensibles par exemple car le baron nous les explique par des maladresses involontaires. Pour simplifier, on a du mal à croire à une quelconque culpabilité. Cela enlève un élément de suspens dirons nous. Un autre désavantage d’avoir le baron comme narrateur est le fait que les autres personnages nous sont inaccessibles, au niveau psychologique, notamment le personnage de l’ingénieur qui me semblait pourtant très intéressant. Cela vient du fait que le baron est peu empathique et a tendance à être manipulateur (en tout cas, c’est ce que le docteur nous dit savoir de lui par oui-dires).

    Si on résume, le livre m’a plu mais moins que Le cavalier suédois. J’ai eu du mal à rester dans le livre quand je l’ouvrais. D’un autre côté, cela s’explique en grosse partie par le fait que ma lecture s’est faites dans les transports en commun et que les gens aiment s’asseoir à côté de moi pour parler avec leurs amis.

    Références

    Le Maître du Jugement dernier de Leo PERUTZ – traduit de l’allemand par Jean-Claude Capèle (Livre de poche, 2001)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1923
  • LeCavalierSuedoisLeoPerutz

     Le roman commence par l’introduction d’un personnage « Maria Christine, née von Tornfeld, veuve von Rantzau et épouse en secondes noces de Reinhold Michael von Blohme, conseiller d’État à la cour de Danemark et ambassadeur extraordinaire ». Cette femme qui vit le jour dans les années 1700, voyagea tout autour du monde et eu une vie bien remplie dans une période très troublée.

    Pourtant une chose l’a poursuivie toute sa vie, un épisode concernant son père, Christian von Tornfeld. Quand elle était très jeune, son père est parti tout à coup faire la guerre au côté du roi de Suède. Pourtant, après son départ, il venait la voir très régulièrement en cachette le soir.

    Un jour, on annonce à Marie Christine la mort de son père au combat, trois semaines auparavant. Elle n’a jamais compris comment ce père mort soi-disant pouvait être venu l’embrasser la veille au soir.

    C’est ce qu’explique tout le roman. Leo Perutz utilise la thématique rebattue de l’usurpation d’identité mais la traite brillamment à l’aide d’une construction brillante – les éléments de l’histoire s’entremêlent de manière cohérente et surtout convaincante, de personnages haut-en-couleurs dignes des meilleurs romans picaresques, d’une écriture et d’une formulation des idées et des phrases qui permet de se situer très facilement dans la période décrite.

    Si vous ne l’avez pas déjà lu, je vous le conseille (rien que pour admirer la manière dont la scène finale est amenée). Il a traîné pendant des années dans ma PAL et je le regrette.

    Références

    Le cavalier suédois de Leo PERUTZ – traduction de Martine Keyser (Phébus Libretto, 1999)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1936