Cecile's Blog

  •  

    Je continue mon exploration des romans de Fabienne Swiatly. Après Une femme allemande, voici Boire. Comme le titre l'indique, cela parle de gens qui boivent. Plus spécifiquement d'une famille : les parents et deux filles. Chacun boit mais à sa manière : le père fait la tournée des bars, la mère boit tranquillement chez elle (ils en mourront tous les deux), la soeur tient un bar (et diminuera sa consommation : elle perdra le contact avec la narratrice) parce que dans cette famille, il faut boire pour en être membre :

    "À 13 ans, je bois ma première bière, une Kronenbourg en bouteille de verre 33 centilitres. Je bois au goulot comme cela se fait chez nous. Les verres, c'est pour les invités. Je n'aime pas particulièrement le goût amer de la bière, mais très vite je prends conscience de l'effet que cela produit dans mon corps. Surtout dans ma tête. Pour la première fois, je ne m'ennuie pas en famille, j'ai envie de rester avec eux, de parler avec aux. J'entre dans la bulle.Je suis en lien et l'ennui a disparu." (p. 43)

    Quand la narratrice tente d'arrêter, elle ne trouve pas vraiment de soutien auprès de son docteur. Elle se demande même ce qu'elle va perdre d'elle parce qu'elle pense que l'alcool la définit en tant que personne. Tout ça est dit avec une sensibilité froide : sans pathos, la narratrice dit les faits et ses sentiments. Fabienne Swiatly confirme un grand talent pour décrire des vies noires où le destin n'est pas très favorable. En conclusion, à lire !

    Références

    Boire de Fabienne SWIATLY (Ego comme X, 2008)

  •  

    Enfin, je suis réconciliée avec la littérature autrichienne !!! Et ce, grâce à ce recueil de neuf nouvelles qui est plutôt agréable à lire. Comme il est écrit sur la quatrième de couverture, ce sont des situations de la vie quotidienne qui dérape. Il faut quand même l'avouer c'est plutôt de la vie quotidienne de psychopathe dont on parle. Jugez par vous-même :

    Le même silence, les mêmes cris : un homme observe ses voisins jusqu'à en faire une obsession parce qu'il ne comprend pas ce qu'ils font de leur journée (c'est ma préférée).

    Deux façons de marcher : un homme suit une femme dans la rue et va même plus loin.

    Ensuite une porte s'ouvre et claque : un homme rentre par erreur chez une femme et aperçoit une poupée qui lui ressemble traits pour traits. Il ne s'enfuit pas en courant ; c'est personnellement ce que j'aurais fait… C'est de loin la nouvelle la plus inquiétante.

    Peut-être cette fois, peut-être maintenant : toute une famille (au sens large du terme) attend un oncle que seuls les parents ont déjà vu (cela dure depuis une vingtaine d'années visiblement).

    Le début de quelque chose : "un homme n'arrive pas à échapper à son rêve".

    Rencontre : le récit d'un combat entre animaux.

    Dans ma chambre la lumière est allumée : un homme en regarde un autre naviguer sur un lac.

    Midi, soir et matin : un homme ne trouvant plus sa maison se croit partout chez lui.

    L'écriture est plus simple que dans les autres romans et nouvelles autrichiens que j'ai pu lire, mais n'est pas pour autant simple. Cela permet de se concentrer sur l'histoire, qui souvent part dans l'étrange, sans se demander si on a bien compris la phrase qu'on vient de lire. 

    En conclusion, une lecture agréable et sympathique dans un univers bien étrange.

    Références

    Midi, soir et matin de Alois HOTSCHNIG – traduit de l'allemand (Autriche) par Nicole Bary (Libella – Maren Sell, 2009)

  •  

    Présentation de l'éditeur

    Au dix-neuvième siècle en Italie, Fosca, une femme maladive et d'une
    terrible laideur, voue au bel officier Giorgio Bacchetti un amour
    ardent, obsessionnel et possessif, qui finira par envoûter ce dernier.
    Publié en 1869, peu après la mort de son auteur,
    Fosca est un récit passionné à propos duquel Umberto Eco écrivait il y a peu : « Il faudrait rééditer Fosca
    en français, l'histoire d'un homme qui tombe amoureux d'une femme
    laide, non par masochisme, mais malgré sa laideur, que pourtant il ne
    peut supporter. »

    Fosca a été adapté au cinéma en 1981 par Ettore Scola sous le titre de Passion d'amour.


    Iginio Ugo Tarchetti (1839-1869), par sa vie de bohême, son engagement
    politique et littéraire, est l'une des figures de proue du romantisme
    et de la Scapigliatura. Influencé par de nombreux écrivains étrangers –
    Hoffmann, Poe, Baudelaire, Heine… -, il aspire à un art engagé,
    suscitant de nombreuses polémiques. Il s'essaie à plusieurs formes –
    romans, récits, poésie, pamphlets (dont Une noble folie, dans lequel il attaque l'armée et l'autorité). Il meurt de phtisie à l'âge de 30 ans.

    Mon avis

    Quand j'ai lu le résumé de ce livre, je me suis dit "c'est l'histoire d'un trio amoureux, un homme pris entre deux femmes. Ça doit être sympa à lire." J'étais toujours dans la même librairie. Après avoir demandé Le perce-oreille du Luxembourg, je demande au libraire Fosca (parce que bien sûr je ne l'avais pas trouvé). Il l'avait lu aussi !!! Il m'a conforté dans mon idée : "c'est très bien mais il y a des passages qui trainent en longueur (mais peut-être parce que je lis beaucoup)." J'avais envie de l'interroger sur tous les livres de sa librairie pour savoir combien il en avait lu exactement parce que j'étais vraiment impressionnée (je me suis aussi demandée si ce n'était pas un homme parfait pour moi : on lit les mêmes livres). Néanmoins, je suis repartie uniquement avec mes livres…

    C'est un livre qui n'est pas seulement sympa : il est juste génial !!!! Je me suis surprise à tourner maladivement les pages pour savoir ce qui allait arriver et pourtant ce sont des alternances de lettres, de scènes à un ou deux personnages, les personnages étant Giorgio (le militaire à la santé fragile qui se rétablit dès qu'il y a une femme qui l'aime et qu'il aime), Clara (la jolie, joyeuse amoureuse mais mariée) et Fosca (la moche, à la limite de l'hystérie, égoïste autre amoureuse qui a absolument besoin qu'on l'aime). Au début, on se dit que Giorgio est un pauvre garçon qui se fourre dans des histoires pas possibles, que le mari de Clara devrait ouvrir les yeux (elle le trompe juste au dessus de chez lui), que Fosca après les désillusions qu'elle a vécu devrait renoncer à l'amour. Puis après vous changez d'idée: Giorgio se persuade qu'il aide Fosca en l'aimant par pitié (mais oui avoir deux amoureuses, c'est normal: les deux ont besoin de lui !!!), Fosca, elle, détruit son amour par son hystérie (on a un peu pitié même s'il elle exagère un peu). Et finalement j'en suis arrivée à détester Giorgio qui est pire que Fosca (il a besoin qu'on l'aime ce petit), Clara qui devient triste (et oui être triste et malheureuse et laide, ça peut venir des aléas de la vie aussi !!!) Ça c'est mon ressenti au cours de la lecture. Après j'ai lu la postface et Olivier Favier a une toute autre opinion que la mienne. Il explique cependant qu'il a lu Fosca deux fois et qu'à chaque fois, il a eu une vision différente du roman.

    En conclusion, c'est un roman qui a l'air innocent mais qui finalement est fascinant. Il nous livre une réflexion intéressante sur la beauté et la "laideur" d'une femme (tout en ne définissant ni la beauté ni la laideur). On peut le lire de plein de manières différentes… Il faut le lire rien que pour vous faire votre propre idée (j'espère qu'alors vous me la direz…) En plus, il est particulièrement bien écrit et traduit. Un petit extrait pour finir de vous persuader…

    La première page

    "J'ai été maintes fois sur le point d'écrire mes souvenirs, mais un étrange sentiment, fait de terreur et d'angoisse, m'en a toujours empêché. Un profond découragement s'est emparé de moi. Je crains d'appauvrir la valeur et l'aspect de mes passions en essayant de les exprimer ; je crains de les oublier en les taisant. Car c'est une chose presque facile que de dire ce que les autres ont éprouvé – l'écho des sentiments d'autrui se répercute dans notre pauvre coeur sans le troubler -, mais dire ce que nous avons éprouvé nous-mêmes, nos fièvres, nos douleurs, est une tâche qui dépasse les possibilités de la parole. Nous avons l'impression de ne pas pouvoir rester dans le vrai.

    Écrire ce que nous avons souffert et les joies que nous avons goûtées, c'est donner à nos souvenirs la durée de notre existence. Écrire pour moi, pour me relire, pour me souvenir et pour pleurer en secret, voilà pourquoi j'écris."

    P.S. Après cette lecture, j'ai une folle envie de découvrir la littérature italienne du 19ième siècle. J'ai déjà repéré plein de titres !

    Références

    Fosca de Iginio Ugo TARCHETTI – traduit de l'italien par Bernard Guyader – postface d'Olivier Favier – traduction révisée par l'éditeur (Les éditions du Sonneur, 2009)

  •  

    Quatrième de couverture

    Le Perce-oreille du Luxembourg est l'autobiographie d'un jeune homme qu'on vient d'enfermer dans un asile. Comment démêler l'entrelacs des angoisses, des scrupules, des vertiges qui l'ont mené où il se trouve ? Est-il sans signification qu'un des symptômes de son mal consiste à s'enfoncer volontairement le doigt dans l'oeil, au risque de se blesser ? Émotions adolescentes, études avortées, premières amours, amitiés ambivalentes, tout semble peu à peu s'organiser pour rendre inévitable le naufrage, en dépit de la lucidité et de l'ironie dont il peut faire preuve.

    Né à Anvers en 1875, André Baillon se lance dans une carrière chaotique de journaliste et d'écrivain après avoir dissipé l'héritage paternel. Une vie sentimentale complexe, des difficultés matérielles, des années de surmenage et une lutte permanente contre la folie auront raison de ses nerfs ; il se donne la mort en 1932.

    Mon avis

    Je tiens dans un premier temps à remercier le gentil libraire (c'est celui qui avait plein de Thomas Hardy) qui ne m'a pas pris pour une folle quand je lui ai demandé si par hasard il n'aurait pas Le perce-oreille du Luxembourg. Il m'a dit oui et en plus, il l'avait lu et a pu m'en dire quelques mots.

    Je voulais lire ce livre parce que la folie dans la littérature est un thème que j'affectionne tout particulièrement. Dans la vie réélle, on me dit folle, schizophrène, paranoïaque, incohérente. On me dit que je lis des livres bizarres que personne ne lit (je lisais Millenium à ce moment là ; je peux vous dire que je me suis sentie très seule). C'est bien connu : on imprime les livres que pour moi et on les met dans une libraire où on est sûr que je vais les trouver (parce que personne ne me les envoie jamais à la maison). Or je n'ai pas l'impression d'être si bizarre que ça. Je cherche à avoir une réponse à cette question dans les livres.

    J'ai cru avoir trouvé un maître dans ce roman (d'après la biographie, il avait l'air un peu bizarre et a fait plusieurs séjours en HP). Pas du tout, en réalité. C'est la chronique de l'enfance au début de la vie d'adulte d'un jeune homme, timide, plein d'imagination mais atteint de TOC et inquiet de nature, qui dans un premier temps est tiraillé par son éducation religieuse (il est jusqu'au-boutiste dans ses raisonnements, du coup il a quelques problèmes), a ses premiers émois amoureux (avec sa tante) tyrannisé à l'école par un garçon nommé Dupéché (il écrase le perce-oreille que le narrateur était en train de regarder au jardin du Luxembourg). Devenu adulte, il est très timide avec les femmes, son meilleur ami meurt (ce meilleur ami croyait avoir une relation avec une femme. En réalité ce n'était pas vrai ; alors quand le héros se retrouve à être aimé de cette même femme il se sent un peu coupable). Il retrouve Dupéché qui continue à se moquer de lui… Il y a un enchaînement de circonstances qui font qu'il va craquer et se retrouver en hôpital psychiatrique parce qu'il est peut-être un peu plus fragile que les autres. Ce n'est donc pas vraiment un roman sur la folie mais plutôt les années de jeunesse d'un gentil garçon pas vraiment aidé par son entourage.

    Plus que l'histoire, c'est la narration qui m'a particulièrement touché. André Baillon a su retranscrir le regard d'un enfant et d'un jeune adulte. Il utilise un langage simple mais imagé. Il arrive à nous faire resentir l'isolement du héros dans un monde qu'il n'arrive pas à comprendre.

    Un roman très agréable à lire. Je poursuivrai sûrement ma découverte car les éditions Cambourakis vont faire au cours de ces deux prochaines années la réédition des oeuvres d'André Baillon. Un premier volume a déjà paru regroupant Chalet I et Un homme si simple.

    Références

    Le perce-oreille du Luxembourg de André BAILLON (Éditions Sillage, 2009)

  •  

    Quatrième de couverture

    C'est l'histoire d'une organisation secrète international le CFR (Consortium de Falsification du Réel), qui falsifie la réalité mais dont personne ne connaît les motivations. C'est l'histoire de quelques-unes des plus grandes supercheries de notre époque : de Laïka, la première chienne dans l'espace, qui n'a jamais existé ; de Christophe Colomb qui n'a pas découvert l'Amérique ; des fausses archives de la Stasi. C'est l'histoire d'un jaune homme, embauché par le CFR, qui veut comprendre pourquoi et pour qui il travaille. C'est l'histoire d'une bande d'amis qui veulent réussir leur vie, sans trop savoir ce que cela veut dire. C'est d'une certaine façon, l'histoire de notre siècle.

    Mon avis

    Merci à Babelio et aux éditions Gallimard. Bien évidemment, après une telle lecture je vais me précipiter sur la suite : Les éclaireurs et sur Éloge de la pièce manquante (une enquête dans le milieu du puzzle). Comme si j'avais besoin de nouvelles idées de lecture, franchement !

    Pour être honnête, je ne voulais pas lire ce livre, en tout cas pas l'acheter parce que j'étais persuadée que ça ne me plairait pas. Je me suis encore trompée (mais l'erreur est humaine). On y passe un excellent moment de lecture : c'est idéal pour les vacances où on a un peu plus de temps (celui ci fait 500 pages et le deuxième tome 477 mais le premier en tout cas se lit vite). On est bluffé par l'oeuvre d'imagination de monsieur Bello. Qui aurait pensé à une telle invention ? et pourtant tout le monde à un moment ou à un autre s'est posé la question de la véracité de l'information qu'on nous déverse dans les médias. Ici, l'auteur a su exploiter cette idée pour nous soumettre un scénario original, mené d'une main de maître et qui nous donne envie de tourner les pages de plus en vite pour trouver à suivre à la fin. Mais bon…

    Bien sûr, on peut faire des critiques : les personnages sont caricaturaux (c'est des robots embrigadés dans une organisation qu'ils ne comprennent pas même si ils le voulaient vraiment et qui ne quittent pas l'organisation pour autant (ils se posent des questions, mais à chaque fois je me suis dis ils ne la quitteront pas leur organisation et du coup je n'y ai pas cru à leur questionnement )) et peu fouillés. Antoine Bello s'est un peu trop concentré sur le scénario comme son héros Sliv. L'écriture est limpide mais sans réélle finesse.

    On peut aussi se poser la question de ce qui tient de l'imagination et ce qui tient de la vérité (comme pour le Da Vinci Code) mais ce n'est pas la peine de s'encombrer la tête avec de tels questionnements. On peut aussi se demander quelle part de lui l'auteur a mis dans les opinions que défend Sliv. Ça n'en vaut pas le coup : la désinformation et la propagande ne sont pas partout comme on peut le penser après une telle lecture.

    Il faut juste lire ce livre comme un excellent roman sans se poser de questions : il permet de se vider la tête et c'est déjà plutôt pas mal.

    D'autres avis

    Ceux de Hildebald (aussi reçu dans le cadre de masse critique), Guy, Keisha, de Dasola, Ptit Sushi, Emeraude,

    Si je vous ai oublié, mettez-moi un commentaire : je vous rajouterai !

    Références

    Les falsificateurs de Antoine BELLO (Gallimard, 2007)

    livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.com

  •  

    Ce livre me paraissait très très énigmatique. Pourquoi Emmanuel Kant le philosophe avait écrit sur un aliment qui lui avait cassé une dent. Heureusement le libraire est intervenu pour que je puisse bien comprendre l'histoire (au passage, je me permets de le remercier). D'abord c'est Hermann pas Emmanuel ! Nous voilà donc un peu rassurés. Les brötchens c'est les petits pains allemands que le chien Rex, celui de la série télé (on voit tout de suite à quel niveau de culture général je suis…), s'enfile comme des saucisses. Ici, c'est l'histoire d'un comptable et pas d'un chien qui est accro aux brötchens. Bonheur suprême, il vient d'emménager à côté d'un boulanger psychopathe dont c'est la spécialité (pas comme au Konsum où c'est pas bon du tout). Il faut faire la queue très tôt le matin où on est obligé de subir les commérages et discussions en tout genre. Une fois arrivée dans la boutique, il ne faut pas rendre jaloux le boulanger en faisant les yeux doux à la boulangère : le comptable sachant compter s'invente donc une relation à trois. Le problème de ce type de relation c'est que ça coute vite très cher ! Un jour, le boulanger propose au comptable qu'il croit libraire (les commérages ne sont pas toujours exacts) un marché… Et là ça devient très rocambolesque. C'est drôle, d'une écriture enlevée. On y passe un très bon moment de lecture !

    C'est seulement le deuxième texte de l'auteur qui est traduit en français. Ce récit date de 1981 mais est seulement traduit maintenant "sur les conseils de Leïla Pellissier". Il y aussi L'amphithéâtre paru en 1970 chez Gallimard.

    D'autres avis

    Ceux de Michel Sender, Pages à pages, Le livraire, de Marie-Françoise, Léthée

    Références

    Parfois les brötchen croquent sous la dent de Hermann KANT – traduit de l'allemand par Leïla Pellissier et Frank Sievers (Autrement, 2009)

  •  

    Je sais ce que vous vous dites : "Thomas Hardy, encore !!!" Ma réponse est : Eh oui ! Après avoir regardé sur Place des libraires, j'ai vu qu'il y avait une librairie à Paris où il y avait plein de Thomas Hardy. J'y suis allée et j'ai trouvé cette petite nouvelle d'une soixantaine de pages. Le livre n'était pas découpé. J'ai donc sorti mon coupe-papier et pour une fois je n'ai pas démoli la moitié du bouquin en tentant de l'ouvrir. Je fais des progrès. Après avoir fini toutes ces activités préalables (se procurer le livre, l'ouvrir : la lecture ça se mérite), j'ai enfin pu me lancer dans cette nouvelle.

    Si vous êtes déprimé, ne lisez pas ce Bras flétri : c'est le pire que j'ai lu pour l'instant. Pas de happy end même pour celle qui était innocente. Ici, quatre personnages principaux : Rhoda Brook et son fils, le fermier Lodge et sa toute nouvelle et jolie femme Gertrude. Le secret qu'il y a entre tout ces personnages : le fils de Rhoda est aussi le fils du fermier Lodge. Personne n'a pensé à prévenir la pauvre Gertrude sur qui la rancune de Rhoda va s'exercer. Là aussi quelque chose de nouveau chez Thomas Hardy (en tout cas pour moi) ; sa rancune va s'exercer en rêve : il va y avoir une part de surnaturel dans l'affaire. Gertrude va apparaître dans le rêve de Rhoda. Celle-ci va l'attraper par le bras et faire une marque. Dans la réalité, Gertrude va avoir des marques sur ce bras et il va se flétrir. Son mari va la délaisser (comprenez, elle n'est plus aussi jolie qu'avant) ; Rhoda s'en veut du mal qu'elle a fait à cette femme et du coup s'enfuit.

    Six ans passent… Gertrude va trouver un moyen de se soigner chez un guérisseur qu'elle va voir en secret de son mari. Vous vous en doutez, chez Thomas Hardy, on ne s'en sort pas si facilement. Pour vous permettre de mieux vous rendre compte : trois personnages sur quatre meurt et le quatrième ne termine pas en bon état. 

    Ce qui est intéressant dans cette nouvelle, c'est surtout les aspects maraboutage, croyances populaires … auxquels Thomas Hardy semble accorder une grande importance. Une facette de lui que je ne connaissais pas. C'est donc un texte à lire, si vous savez magner le coupe-papier bien évidemment !

    Références

    Le bras flétri de Thomas HARDY – traduit de l'anglais par Josie Salesse-Lavergne (L'Échoppe, 1993)

  •  

    Quatrième de couverture

    Publié en 1886, Le Maire de Casterbridge s'ouvre sur une des scènes les plus dures de l'oeuvre de Thomas Hardy : au cours d'une beuverie, un jeune ouvrier agricole décide de vendre femme et enfant aux enchères à ses compagnons de hasard. 

    Vingt ans plus tard, le même homme est devenu l'un des notables de Casterbridge – nom romanesque de Dorchester, où s'enracine la vie de Thomas Hardy.

    La rencontre d'un jeune homme va précipiter le destin de celui que l'auteur, sans jamais le juger, décrit comme impulsif, colérique, dominateur, mais aussi capable de droiture et de fidélité, victime d'impulsions irraisonnées qui amèneront sa complète déchéance.

    Mon avis

    Dans ce livre, point de description de nature dans ce livre : Thomas nous raconte la vie d'un gros bourg du Wessex, Casterbridge, du point de vue des marchands de blés. Michael Henchard, le maire du titre, a vendu sa femme Suzanne et sa fille Elizabeth-Jane vingt ans plus tôt à un marin du nom de Newson. Il a bien cherché à les retrouver quand il s'est rendu compte de son erreur mais ça n'a pas marché. Entre temps, il a eu une relation avec une jeune fille nommée Lucetta dont il a terni la réputation. Vingt ans après, Suzanne revient avec sa fille pour se faire épouser (ou plutôt que Henchard la reprenne comme épouse). Au même moment, un Écossais Farfrae arrive en ville. Le maire insiste pour l'embaucher en tant que "régisseur". Il tombe amoureux d'Elizabeth mais Suzanne meurt. Et là commence les ennuis et la descente aux enfers de Michael Henchard (et surtout beaucoup beaucoup de rebondissements). Ces malheurs sont surtout dus à un caractère trop emporté, égoïste et colérique…

    Si on résume de manière grossière l'intrigue, parmi les personnages que nous avons cités (Michael, Suzanne, Elizabeth-Jane (2 filles), Newson, Farfrae, Lucetta), quatre sont morts, deux personnages à qui ils n'arrivent que très rarement des choses positives et un qui a l'air heureux mais qui réussit à se faire tromper par Henchard quand il arrive à Casterbridge. On retrouve donc bien la gaieté et la joie de vivre de Thomas Hardy : des personnages empétrés dans leurs secrets (en général, ils meurent…)

    On retrouve dans ce livre le pouvoir évocateur de l'écriture de Thomas Hardy : on arrive à voir devant nos yeux la ville de Casterbridge. Les personnages sont bien campés ; ils semblent rééls. Je regrette de ne pas bien comprendre l'anglais car il y a des DVD de ce livre (ça doit valoir le coup à mon avis).

    En conclusion, je continuerai à lire Thomas Hardy rien que pour voir la vie du Wessex se dérouler devant mes yeux.

    Références

    Le Maire de Casterbridge de Thomas HARDY – traduit de l'anglais par Philippe Neel (Éditions sillage, 2008)

  •  

    Quatrième de couverture

    "Un modeste employé de banque raconte par bribes, et presque sans comprendre la splndeur de ce qu'il évoque, les souvenirs d'un galérien avec une précision dans le détail proprement stupéfiante pour un flandrin inculte qui n'a vu la mer qu'une fois dans sa vie. Puis viennent par lambeaux que tente de capter le narrateur jaloux – pareilles perles peuvent-elles être laissées aux cochons ? -, les aventures d'un Viking faisant voile vers l'Amérique.

    D'où vient donc cette inspiration, d'où lui viennent ces visions qui ne peuvent être que celles d'un témoin de l'époque ?

    Je place cette nouvelle de Kipling, aux côtés de L'Homme qui voulut être roi, parmi mes préférées, une fable d'une redoutable ironie sur la création littéraire.

    Il faut lire Kipling !"

    Michel Le Bris

    Mon avis

    C'est le troisième livrede cette collection que je lis et je suis à chaque fois admirative des textes qui y sont présentés. Ici, la préface de Michel Le Bris (j'aime beaucoup quand il présente ses auteurs fétiches de toute manière) et la notice biographique de Véronique Leblanc sont très éclairantes sur la portée et le sens que l'on peut donner à cette nouvelle.

    Ce que j'ai particulièrement aimé, c'est la partie dans laquelle je me suis un peu reconnue. Charlie Mears, le jeune banquier, a toutes les idées d'une très bonne histoire dans sa tête. Tout lui paraît limpide mais  quand il couche ses idées sur le papier c'est fade et insipide. Qui n'a jamais ressenti ça ! Il demande alors à un écrivain confirmé d'écrire ces fameuses idées. Pour ça il les vend et l'écrivain n'hésite qu'un seul instant avant d'accepter le marché. Il ne cherche même pas à inventer les quelques parties de l'histoire que Charlie Mears ne lui raconte pas. Son rôle se borne à écrire.

    Ce qui est aussi intéressant c'est donc la théorie que Rudyard Kipling sur l'écriture, la création et l'inspiration. L'écrivain doit-il inventer une histoire, et donc utiliser un imaginaire quitte à y mettre quelques gouttes de son quotidien, puis l'écrire dans une belle langue ou seulement parler des faits que l'on connaît sans utiliser l'imaginaire ? C'est ces deux visions qui se confrontent dans cette nouvelle : la première étant défendue par Charlie Mears (il a raconté la majeure partie de son histoire et pense que pour les détails l'écrivain peut se débrouiller) et la seconde, pas vraiment défendue mais plutôt utilisée, par l'écrivain confirmé. Rudyard Kipling fait appel, pour expliquer l'inspiration, à la résurgence de vies antérieures (on a donc vécu ce qu'on écrit) qui ne serait possible que quand on n'est jamais tombé amoureux (thème de la métempsychose).

    Beaucoup de choses, donc, dans cette nouvelle très bien écrite : un style limpide où il n'y a pas de détails superflus (normal pour une nouvelle), et traduite (traduction très moderne malgré sa date).

    En conclusion, je pense que je fais suivre le conseil de Michel Le Bris et lire Kipling !

    Un autre avis

    C'est celui qui m'a fait lire le livre : celui de Leiloona. Il y a un billet de Lou moins convaincue que moi mais surtout très bien écrit et argumenté. 

    Références

    La plus belle histoire du monde de Rudyard KIPLING dans une traduction datant de 1900 – proposé par Michel Le Bris – notice ibliographique de Véronique Leblanc (André Versaille éditeur – collection À s'offrir en partage, 2009)

  •  
     

    Quatrième de couverture

    Scandalisés par l’idiot du village, le maire de
    Chester et son adjoint conspirent sa mort. Un matin de printemps, les
    deux hommes l’enlèvent et vont le jeter dans un puits. Or, au bout de
    trois jours, l’idiot se remet à crier du fond de sa fosse.

    « Un
    village comme ici c’est pas une place pour les intrigues », mettent en
    garde les habitants de Chester. Dès les premières pages du Discours sur
    la tombe de l’idiot, le lecteur connaît tous les éléments du crime qui
    vient troubler ce village sans histoire. L’intrigue policière ainsi
    jugulée, le roman repose principalement sur le génie de l’accusation et
    du leurre, c’est-à-dire sur les efforts déployés par le maire afin de
    désigner un coupable et ce, tout en s’assurant le silence de son
    complice qui menace de s’effondrer sous le poids du remords. Parmi les
    divers lièvres lancés afin de faire diversion se trouve le coupable
    idéal — Paul Barabé, un nouvel ouvrier venu se refaire à la campagne
    dont l’arrivée à la ferme des Fouquet coïncide avec la disparition de
    l’idiot et une autre sinistre découverte.

    Si
    le roman possède une « essence policière » incontestable, il s’agit
    d’abord et avant tout d’un roman de la culpabilité. Tout en s’attachant
    au sort de Paul Barabé, le récit présente l’histoire de Chester
    « saisie du dedans » : une histoire commune non pas appréhendée dans la
    perspective rassurante des intentions et des actes, mais une histoire
    se rapportant plutôt aux faits principaux qui accablent ce village sans
    idiot. Ses tableaux consécutifs adoptent le mode vertigineux de la
    rumeur : leur cohérence surgit du désordre et de la fulgurance des
    images, leur logique interne place les villageois de Chester sous une
    lumière inquiétante. Comme si le narrateur lui-même ne pouvait se
    résoudre à faire du maire et de son adjoint les seuls coupables de leur
    crime.

    Mon avis

    J'ai eu envie de lire ce livre grâce à l'avis de Dominique (que je remercie pour cette lecture) et quelque temps après j'ai vu l'émission Un livre, Un jour consacrée à ce livre : cela m'a remis ce livre en mémoire. Et heureusement ! C'est l'histoire d'un petite village québécois. Il y a un idiot du village qui gêne tout le monde surtout le maire. Celui-ci décide de tuer l'idiot du village pour pouvoir accueillir un ministre de manière sereine lors de la fête populaire du village. Il entraîne son adjoint dans ce meurtre. Chacun des deux protagonistes réagit différemment : le maire n'a aucun remords alors que l'adjoint en est bourré. Il y a des symptômes psychologiques mais aussi physiques. Les autres habitants se demandent qui a bien pu faire disparaître l'idiot. Ce qui est bien, c'est qu'au même moment on retrouve un corps de femme dans un fossé et surtout, il y a un étranger qui vient d'arriver au village, Paul Barabé. En réalité, il y aussi une famille mais eux ce n'est pas pareil parce que c'est une famille. Lui est tout seul. Il n'y a besoin que de ça pour faire partir la rumeur.

    Comme l'auteure le dit dans Un livre, un jour, elle a donné plus à voir qu'à savoir : tout n'est pas éclairci à la fin du livre. Il y a plein de choses que l'on peut interpréter à notre façon. L'écriture de Julie Mazzieri nous met à l'extérieur du roman (nous aussi nous sommes étrangers) : on ne peut pas partager l'émotion des villageois, seulement les observer un par un. Curieusement, les protagonistes sont rarement ensemble à part peut-être Paul Barabé qui joue le moteur du livre. Pour ilustrer son écriture, je vous mets le premier paragraphe :

    "En plein jour. Ils l’ont jeté dans un puits de
    l’autre côté du village. Ils l’ont pris par les jambes et l’ont fait
    basculer comme une poche de blé. En comptant un, deux, trois. Le maire
    et son adjoint. Quelques jours plus tôt, les deux hommes étaient restés
    à la mairie après la levée de l’assemblée. Ils n’avaient pas pris la
    peine de s’asseoir.

    Ils avaient
    défait le noeud de leur cravate et avaient parlé dans l’embrasure de la
    porte. Il n’y avait pas eu de véritable silence. Le cou du maire était
    rouge, presque violacé. Il avait parlé le premier."

    Un très bon premier roman sur la rumeur et les remords. Il m'a fait penser aux Ruptures de Gisèle Fournier pour le thème "les étrangers dans un village ne sont pas forcément bienvenue" et à deux romans récents (que je n'ai pas lu malheureusement mais dont j'ai entendu beaucoup parler) : Un juif pour l'exemple de Jacques Chessex et Mangez-le si vous voulez de Jean Teulé pour le thème "tuons ceux qui nous dérangent".

    D'autres avis

    Les avis de Dominique, de Lousia (qui n'a pas aimé), de Yv, de Benoît Broyart

    La vidéo d'Un livre, un jour consacrée à ce roman.

    Références

    Le discours sur la tombe de l'idiot de Julie MAZZIERI (José Corti, Domaine français)