Autant Barbara Pym m’a enthousiasmé, autant Elizabeth Bowen me laisse perplexe (voire un peu froide). Je m’attendais à un peu de sulfureux avec un titre pareil (après j’ai regardé le titre en anglais cela ne correspondait pas trop : Friends and Relations, titre qui correspond beaucoup plus au livre). Avec mes yeux d’aujourd’hui le mot sulfureux a un autre sens que celui qu’il avait en 1931, date de publication du livre.
Voilà l’histoire : Elfrida, mère d’Edward, a quitté son mari, alors que son fils n’avait que cinq ans, pour aller avec Considine, une sorte de fougueux aventurier qui voyage un peu partout dans le monde surtout en Afrique. Vous allez me dire : « mais le voilà l’adultère ! » Sachez que je ne l’ai compris qu’à la page 150 car le roman ne commence pas par là et même que ses événements ne seront jamais décrits, il n’y aura que des allusions.
Donc, comme je le disais, le roman commence vingt ans plus tard lors du mariage d’Edward avec Laurel. On comprend rapidement que le marié aurait préféré épouser la soeur de la mariée Janet, ou est-ce le contraire Janet aurait beaucoup aimé épouser Edward je ne sais pas. Mais en tout cas le couple Edward/Laurel c’est un couple de second choix. À ce mariage, on rencontre Theodora, une fille de quinze ans qui revient de Suisse et est un peu perturbée. Elle découvre cette ambivalence et va chercher à s’en servir pour rentrer dans le cercle familial. Cela ne marchera pas. Pour se « venger », Janet part à la recherche d’un mari 1) parce que tout le monde dit qu’elle va finir vielle fille. 2) parce qu’elle a déjà une idée sur qui elle va mettre le grapin : le neveu de Considine, Rodney (qui est charmant je doit dire). Tout le monde est extrêmement choqué (moi j’avoue que je ne l’étais pas trop) mais le mariage se fera quand même.
Nous voilà dix ans plus tard. Edward et Laurel ont eu deux enfants : Anna et Simon. Janet et Rodney ont eu une fille Hermione. Considine habite de temps en temps avec ces derniers, dans un magnifique domaine à la campagne, quand il revient d’Afrique. Pour ce séjour ci, il y a exceptionnellement les enfants d’Edward et Laurel qui sortent tous les deux de maladie. Là dessus arrive Elfrida qui a fait je ne me rappelle plus quoi dans son appartement. Et re là-dessus arrive Théodora pour foutre la m**** en écrivant à Laurel que Elfrida et Considine débauche ses enfants car ils auraient repris leurs relations (parce que j’ai peut être oubliée de le dire mais ils l’avaient arrêtés. Edward arrive pour reprendre ses enfants. On comprend alors qu’Edward, outre d’avoir un comportement passablement agité, n’est peut être pas aussi clair que ça. Il ne serait pas seulement l’enfant traumatisé par le divorce de ses parents et les infidélités de sa mère …
Déjà l’histoire est un peu compliquée, mais Elizabeth Bowen ne facilite pas notre vie de lecteur. Ces personnages sont plus qu’étranges : il n’y en a pas un qui ne le soit pas (peut être les parents de Janet et Laurel mais c’est tout). Ils font des répliques complètement décousues. Tout se passe comme si je vous disais que le steack était bon au marché ce matin et que vous me répondiez que vous avez mangé du riz hier. Vous êtes bien dans la thématique mais alors le rapport reste assez mystérieux. C’étaient comme si ils étaient tous au bord du falaise et qu’ils se regardaient mutuellement pour savoir qui va tomber le premier : il y a une atmosphère de défi, de non-dits que l’on ne peut pas comprendre car tout nous est décrit de manière très distanciée par Elizabeth Bowen.
De plus son écriture a vieilli je pense que l’on pourrait dire. Les images employées tombent comme un cheveu sur la soupe. Par exemple, pour l’auteur, il fait noir comme dans l’intérieur d’un appareil photo ou bien encore
Tandis que l’histoire de Mrs Bowles se poursuivait, rassemblant des années de bavardages sur une solide base d’ennui, comme sur une quenouille, Laurel fut gagnée par une nostalgie aiguë de son adolescence.
Les paroles de Mrs Bowles glissaient sans fin, comme un vieux poisson hébété au bord d’une charette à bras.
Il me reste Emmeline dans ma PAL ; j’espère être plus convaincue ou au moins savoir si c’est l’auteur qui ne me convient pas (je comprends que cela puisse plaire à d’autres) ou si c’est quelque chose dans la traduction … J’en reparlerai sûrement.
Livre lu dans le cadre du The portrait of a Lady swap de Lou et Titine.
Références
L’adultère d’Elizabeth BOWEN – traduit de l’anglais par Anne Rabinovitch (Rivages poche, 2002)