Cecile's Blog

  • Cette bande-dessinée reprend les grandes étapes de la vie de Nietzche et énonce quelques idée du philosophe.

    Ainsi, on voit défiler la jeunesse de Nietsche: la maladie et la mort du père (qui était pasteur), la mort du petit-frère vue dans un rêve prémonitoire, l’éducation religieuse dans laquelle il croit de manière absolue car il se destine à devenir pasteur comme son père (tout comme son père, il commence à l’adolescence à souffrir de violent maux de tête), la passion de la musique qui le fera renoncer à sa vocation religieuse. En effet, il veut devenir compositeur. Il finit tout de même ses études sur les ordres de sa mère. Il part étudier à Bonn où il se bat en duel avec un ami pour devenir un homme. Il y attrape aussi la syphilis. Il découvre avec enthousiasme Schopenhauer, rencontre le couple Wagner.

    Il est nommé professeur de philologie en Suisse. Commence à naître le philosophe Nietzche. Une première idée : « j’ai envie d’une communauté philosophique, avec quelques amis. Une université libre dans laquelle s’éduqueraient des éducateurs. Chacun travaillerait dans son coin, mais tous mettraient en commun le fruit de leurs trouvailles. Puis ils s’en iraient porter cette pensée inédite ! […] Si l’on veut résoudre le problème de la civilisation de demain, cela passera par la création de petites communautés… Et grâce à leur essaimage, elles seront les vecteurs de l’éducation du monde à venir…

    Ensuite il fait la guerre de 1870 en tant que brancardier. Il garde l’envie de fonder ces petites communautés. Son anti-christianisme est de plus en plus violent (il est d’autant plus choqué quand un de ses meilleurs amis se convertit pour embrasser la foi catholique).

    À Venise, on apprend en 1880, qu’il ne fréquente plus Wagner (et son antisémitisme). Il a des visions de plus en plus horribles (dus à la syphilis ou aux maux de tête ?) Il rencontre, grâce à Paul Rée, Lou Salomée en 1882 à Rome. Il l’aime mais ne veut pas se marier avec elle . Les auteurs lui font même dire : « Vous connaissez mon aversion pour le mariage… Dans pareille affaire, il me faudrait devenir menteur, et je ne m’y trouverais pas bien… Mais un genre de mariage pour deux ans renouvelables, est-ce que ça ne vous semble pas une bonne idée ? » Elle refuse. C’est à cette époque que naît Zarathoustra. Au même moment à Naumburg a lieu une violente dispute entre lui et sa sœur au sujet de l’antisémitisme de celle-ci et de son mari, antisémitisme violent (Hitler assistera aux funérailles de la sœur de Nietzche en 1935 car elle était son amie !) Pendant tout ce temps, il écrit quinze livres (il a quarante trois ans quand il nous dit tout ça) mais n’en vend aucun, ce qui ne facilite pas la publication.

    Il devient alors dépressif (si ce n’était pas déjà le cas). Il devient amorphe et ne communique plus avec les personnes autour de lui. Cela dure dix ans et il est soigné par sa mère, puis sa sœur. Il ne comprendra même pas que ses œuvres commencent à avoir du succès. Son enterrement se fera selon les rites chrétiens, contrairement à sa volonté, et ce grâce à sa sœur. Celle-ci détournera par la suite ses thèse pour qu’elle colle avec son antisémitisme à elle.

    Sur le coup, j’ai énormément apprécié cette BD que j’ai trouvé très claire, et qui montre bien les idées principales de Nietzche. Les dessins sont de facture classique. Ils montrent (et je n’aimerais pas vivre avec Nietzche : cela n’a pas l’air d’être un type sympa), plus qu’ils ne complètent le texte.

    Quand j’ai commencé à vouloir rédiger ce billet, j’ai commencé à m’interroger sur les noms, les dates, les lieux, pourquoi s’est-il retrouvé à tel endroit à tel moment, à vouloir remettre dans le contexte les citations (et surtout de savoir de quel livre elles proviennent). La bande dessinée ne m’a pas aidé. Je me suis rendue compte que finalement les auteurs ont mis beaucoup trop d’informations en peu de pages. Ainsi, ils s’adressent à des gens qui connaissent déjà la vie de Nietzche et ont quelques connaissances sur ses livres. Comme le dit Dominique, c’est une manière de réviser le cours de « contre-philosophie » de l’été dernier.  C’est quelque chose que j’ai déjà remarqué avec ces cours d’été. Je comprends sur le coup mais finalement, il ne m’en reste plus grand chose le mois d’après. Il faudrait que je prenne des notes puis que je regarde sur internet pour bien tout comprendre. Je n’ai malheureusement pas le temps. Je crois que c’est mon côté universitaire qui ressort : l’idée que pour saisir « complètement » une idée, il faut étudier longtemps. Cela me fait la même chose avec des émissions ou des séminaires de vulgarisation scientifique, c’est pour dire.

    En conclusion, si vous appréciez les cours de Michel Onfray, vous apprécierez cette BD comme je l’ai apprécié. Si vous retirez quelques choses de ses cours, vous retirerez quelques choses de cette BD. Mais pour moi cette partie-là n’était pas gagnée.

    Références

    Nietzche – Se créer liberté de Maximilien LE ROY, d’après « L’innocence du devenir, La vie de Frédéric Nietzche » de Nichel Onfray (Le Lombard, 2010)

  • Après l’euphorie holmésienne d’hier, la déprime pymesque aujourd’hui. Barbara Pym décrit, sans juger, avec un peu d’ironie et de moquerie quand même, ce que nous vivons pratiquement tous, tous les jours. Finalement, nos collègues de travail ne sont que des collègues de travail ! On ne les connaît pas et on fait très rarement l’effort de s’intéresser réellement à eux.

    Ici, elle illustre son propos sur une catégorie de personnes qui lui tient à cœur puisque d’après ce que j’ai compris c’était un peu la sienne quand même : les femmes d’une cinquantaine-soixantaine d’années, célibataires et sans famille. L’histoire est la suivante : quatre personnes travaillent ensemble dans un bureau : Marcia, Letty, Norman et Edwin.

    Les deux femmes sont depuis longtemps seules. Marcia vient de subir une grave opération au sein (on pense tout de suite à un cancer). Elle vivait avant avec sa mère et son chat mais tous les deux sont morts. Depuis elle entasse les bouteilles de lait (au cas où il y ait la guerre : plus de bouteille en verre alors) et les boîtes de conserve (elle mange même celle qui lui reste du chat), les chemises de nuit neuves (au cas où). De plus, elle voue une véritable admiration au docteur qui l’a opérée (elle va notamment l’espionner devant chez lui). Letty elle a une seule amie, Marjorie, qui la prend un peu beaucoup pour la troisième roue du carosse. Edwin est un fervent pratiquant, veuf, qui a enfant et petits-enfants. Norman aussi veuf n’a plus que son beau-frère qui a pitié de lui et il lui rend bien. Edwin et Marcia vivent dans des maisons alors que Norman et Letty vivent dans des meublés chez l’habitant.

    La première partie du livre décrit leurs vies au travail, comment ils partagent leur journée sans jamais parler de leurs vies, de leurs manières de voir les choses, de rien. Ils ne savent même pas si ils ont la télé les uns les autres. Ils ne passent pas leur pause déjeuner ensemble.

    La deuxième partie du livre suit l’évolution de leurs relations respectives après la retraite des deux femmes. Ils se voient pour déjeuner un jour, se promettent de se revoir mais tout le monde a plus intéressant à faire. Ils voient Marcia mal en point, se disent qu’ils vont faire quelque chose mais ils n’ont pas le temps, se trouvent des excusent (Marcia n’aimerait pas par exemple). Tout ça se termine mal.

    En conclusion, ce livre décrit comment on peut passer notre vie à côté de parfait étranger. C’est très réaliste et donc forcément très dérangeant.

    Livre lu sur les conseils de Dominique et de Méa, dans le cadre du swap « the portrait of a lady » de Lou et Titine (que je remercie pour la palme du mérite ladyesque).

    Références

    Quatuor d’automne de Barbara PYM – traduit de l’anglais par Martine Béquié avec la collaboration de Anne-Marie Augustyniak (10/18, 1990)


  • Je ne vais pas jouer ma midinette mais un peu quand même « Ah ! Sherloooooooooooooock Holmes ! » Il faut dire que je guettais la sortie de cette BD depuis janvier (quand je l’ai vu la première fois sur Amazon). Aujourd’hui, j’ai été à la librairie et je l’ai vu. Ma libraire qui est tout aussi folle que moi de Sherlock Holmes m’a dit : « oui, oui. Il est sorti. » On était toutes les deux aux bords de l’euphorie (pas besoin de drogues illicites monsieur Holmes). Je l’adore elle aussi ! Parce que figurez-vous qu’elle aime Jane Austen (je lui ai fait découvrir l’adaptation de 1995 et du coup, on n’arrête pas d’en parler), et donc Sherlock Holmes et elle veut aussi lire Virginia Woolf, et qu’elle m’offre des livres gratuits, qu’elle m’a dit que Les Vampires de Londres c’était pour moi, et que quand je lui ai dit que je n’avais pas trop envie de venir demain pour la fête des libraires mais que j’aurais quand même bien aimé avoir le livre sur Adrienne Monnier, elle me l’a donné. Tout ça pour vous dire que les libraires c’est important (pensez à leur fête demain) mais qu’en plus la mienne est juste trop !

    Trêve de plaisanterie ! Il s’agit donc ici d’une adaptation du livre de Michael Dibdin L’ultime défi de Sherlock Holmes paru chez Rivages. Je n’ai pas lu ce livre (et ma PAL ne le contient pas !) Pour vous résumer l’histoire en quelques mots, il s’agit toujours, comme dans beaucoup de pastiche de Holmes, du trio Holmes/Moriarty/Jack l’éventreur et ici plus particulièrement de qui sont-ils les uns par rapport aux autres. Déjà l’histoire est plutôt très bonne car sur un thème éculé, Dibdin et Olivier Cotte (qui a fait l’adaptation) arrive à faire original.

    Mais l’originalité suprême de cet album c’est la colorisation. Les dessins sont eux aussi parfaits parce que Jules Stromboni a dessiné Sherlock Holmes sous les traits de Jeremy Brett ! Rien que ça devrait vous suffire. Sinon, je peux vous dire que les traits des visages (tous très anguleux) sont marqués, les yeux expressifs, les miséreux ont vraiment l’air miséreux … Mais revenons à la coloration. Déjà, les pages ne sont pas blanches déjà. Elles sont beige-gris, un peu de la couleur de certains papiers recyclés. La colorisation se fait sur deux trames. En fait, cela m’a fait penser aux cravates de mon frère que j’ai été acheté l’autre jour pour son anniversaire. Elles sont à double tissage et chacun des tissages à une couleur différente. Cela donne comme un damier. Les images de cette BD sont pareilles. Cela déconcerte un peu au début mais au fur et à mesure, ça installe une impression onirique, mais plutôt version cauchemardesque.

    En conclusion, ouvrez l’album avant de l’acheter ou de le prendre à la bibliothèque. Si les dessins ne vous rebutent pas, vous passerez un excellent moment.

    P.S. On a l’impression que j’ai fumé un truc en rédigeant le billet, mais ce n’est pas vrai. C’est peut être le week-end qui me rend légèrement euphorique !

    Références

    L’utlime défi de Sherlock Holmes – adapté du roman de Michael Dibdin par Jules Stromboni (dessin) et Olivier Cotte (scénario) (Rivages/Casterman/Noir, 2010)


  • Quatrième de couverture

    Michael Newman, architecte londonien renommé, a vécu une relation passionnelle avec madeleine, une femme fragile et mystérieuse, de quinze ans son aînée, dont il ne connaissait rien, ni son histoire ni son passé. Sans doute était-elle la femme de sa vie, mais il l’a compris trop tard : Madeleine a été assassinée dans d’étranges circonstances.

    Trois ans plus tard, Michael, qui ne s’est toujours pas remis de ce drame, prend quelques jours de repos dans un hôtel en Suisse. C’est là qu’il fait la connaissance d’un couple de riches hongrois, qui lui montrent quelques photos de la villa qu’ils sont en train de restaurer en Italie. Sur l’une d’entre elles, Michael reconnaît une tour Eiffel en améthyste, une pièce unique créée pour Madeleine, le seul objet dérobé par l’assassin après le meurtre.

    Dès lors Michael, devenu la proie d’une série d’agressions, décide de lever le voile sur les secrets de Madeleine et de reprendre l’enquête sur sa mort. C’est le début d’un ténébreux voyage qui, de Londres à Venise en passant par New York et Athènes, le conduira au cœur du cauchemar nazi et de ses expériences les plus inhumaines.

    Dans un style à la puissance d’évocation remarquable, Les Enfants de la nuit pose des questions fondamentales sur la relation entre l’Histoire et les destinées individuelles, la nature du mal, les traumatismes et la résilience, sans jamais se départir d’un suspense qui bien vite tourne à l’obsession. Thriller d’exception aux multiples rebondissements, à la tension omniprésente, il est apparu comme un véritable coup de tonnerre dans le paysage éditorial anglo-saxon lors de sa parution.

    Mon avis

    C’est une très jolie quatrième de couverture (ce commentaire est pour Keisha : il n’y a pas de problème avec celle-là, tu peux la lire), qui n’en dévoile ni trop ni pas assez. Le seul problème c’est que le héros c’est Nicholas pas Michael. De là à vous dire que la personne qui l’a rédigée regardait trop la Ferme de notre première chaîne nationale, il n’y a qu’un pas mais je ne le franchirais pas !

    Une fois que vous avez été bien intéressée par la quatrième de couverture, vous ouvrez le livre. Le début est un peu lent. Mais, à la page 50, Nicholas se lave les cheveux à l’acide (on soupçonne les hongrois), se fait vider ses comptes … On se dit : « ah, ouais quand même ». À la page 100, on tente de l’immoler par le feu. Là, j’ai lancé les paris avec toute ma famille pour savoir si Nicholas arriverait entier au bout des 560 pages. Figurez-vous que oui ! À la page 150, rien. À la page 200, on veut l’étouffer avec un sac en plastique rempli de poudre. Après, il y a bien une autre tentative avec des parpaings mais après il se fait peur c’est tout.

    Avec l’acide, Nicholas se doute qu’il a mis le doigt sur un gros truc avec cette histoire de tour Eiffel. Après le feu, il reçoit des explications et là commence vraiment le thriller psychologique. Vous avez envie de savoir la suite, les rebondissements sont intéressants et inattendus. L’histoire est originale et n’aborde pas le régime nazi de manière conventionnelle. Tout cela en fait un fait un bon livre (je ne l’ai pas lâché pendant deux jours).

    Il y a cependant deux choses (en fait trois, mais la troisième est anecdotique et c’est moi qui n’avait pas compris) qui m’ont un peu gênées. La première est le fait que la base historique du roman n’est pas assez exploitée (à mon goût). Finalement, les abominations du régime nazi décrites auraient pu être commises pas d’autres (on ne parle pas de camps de concentration ici). Cela m’a fait notamment penser à la série télé Le Caméléon. La deuxième c’est le fait (aussi à mon goût) que Frank Delaney n’arrive pas à camper ses personnages. Le narrateur est donc Nicholas Newman. Il y a un tel décalage entre ce qu’il dit être (un gigolo qui n’arrive pas à s’engager ni même à aimer) et ses actions et même ses pensées (il passe son temps à s’interroger sur lui-même) que je n’ai pas réussi à y croire. Les personnages secondaires sont décrits par une seule caractéristique, ce qui les rend trop lisses, surtout les policiers ou assimilés : Christian avec l’ironie subtile d’un éléphant conjugué à celle d’un mammouth et d’un hippopotame (aujourd’hui j’ai décidé de parler d’animaux et de ferme africaine), le Dr. Pankratikos digne d’un grand maître zen. La troisième chose c’est la chronologie. Naïvement, je pensais que c’était une histoire qui se passait dans les années 2000. Alors quand pour « rentre rapidement » de Suisse à Londres, il prend sa voiture puis le ferry. Cela choque un peu. En fait à ce moment là on est en 1991. Madeleine a été assassinée en 1988. Dans la suite du roman, on apprend que Nicholas prend le concorde (pourquoi n’a-t-il pas pris l’avion pour rentrer de Suisse ? mystère et boule de gomme).

    Ce qu’il faut voir c’est que Les enfants de la nuit démarre une tétralogie (c’est ce que dit le rabat de la quatrième de couverture ; pour l’instant il n’y en a que trois (je pense;) paru au Royaume-Uni) dont Nicholas Newman sera le personnage récurrent. Ce premier tome a le défaut qu’ont souvent les premiers tomes de série : l’installation des personnages est un peu laborieuses.

    Ce n’est à mon avis donc pas très grave car comme je vous l’ai dit, je n’ai pas lâché le livre (pour une fois il s’agit vraiment d’un thriller) pendant deux jours et je lirai le deuxième tome quand il sortira.

    En conclusion, un bon roman même si le sujet est difficile.

    Livre lu dans le cadre d’un partenariat de  Blog-o-book (que je remercie comme d’habitude de tous ces livres) avec Le Cherche Midi (que je remercie pour l’envoi).

    D’autres avis

    Un avis enthousiaste de Biblio !

    Références

    Les enfants de la nuit de Frank DELANEY – traduit de l’anglais (Irlande) par Hubert Tézenas (Le Cherche Midi, 2010)

  • Présentation de l’éditeur

    Le gaucho invisible, la petite fille rousse, la jeune fille muette … Mais aussi Mac Kensey, qui a reconstruit son cottage en Patagonie et vit suspendu aux ondes de la BBC, un professeur hongrois spécialiste du Martín Fierro incapable d’apprendre l’espagnol, la danseuse du Majestic folle d’un gangster coréen. Autant d’histoires auxquelles se mêlent des personnages historiques tels Macedonio Fernández ou Evita Perón, qui naissent, se modifient à l’infini et s’enchevêtrent autour d’Elena, être étrange, mi-femme, mi machine. Dansce roman aux multiples récits, chacun tente d’échapper à ses obsessions, celles qui traversent toute l’oeuvre de Ricardo Piglia – au coeur du langage et du temps.

    Mon avis

    Je vais vous résumer l’histoire de manière très simple : le journaliste Junior Mac Kensey part à la recherche de l’inventeur, Macedonio Fernández, et du concepteur d’une machine qui trouble (déconcerte ? déstabilise ?) les temps modernes (le pouvoir ? la ville ?). C’est une machine qui invente des histoires à partir d’histoires déjà écrites. Le récit de cette recherche est entrecoupée des histoires inventées par la machine, notamment à partir d’une nouvelle de Poe William Wilson.

    Je trouve que tout cela fait une base très intéressante. Il y a une vraie réflexion sur le langage, la littérature, le rapport de la littérature au pouvoir. C’est un livre d’une extrême complexité. Bernard Quiriny a dit dans Le Magazine littéraire que « La ville absente fait partie de ces livres qu’il faut lire plusieurs fois pour en percer les mystères ». C’est un euphémisme.

    Je n’avais rien compris au livre jusqu’à la page 54. À cette page, apparaissent les noms de Cambaceres (de la même famille qu’un juriste du temps de Napoléon) et de Erdosain. Devant mes yeux, il y avait  le Dictionnaire des littératures hispaniques (paru chez Bouquins, très bon livre en passant). Je l’ouvre et là j’apprends que Eugenio Cambaceres est un célèbre écrivain argentin (jamais traduit en France au passage si j’ai bien vu). Ensuite, je cherche Erdosain, mais là pas d’entrée sur ce nom. Au passage, je cherche Macedonio Fernández qui a ce moment du roman n’était que cité sous le nom de Macedonio. Je découvre alors que lui aussi est un grand écrivain argentin (lui traduit en français par contre) et qu’il a entre autre écrit Musée du roman de l’éternelle. Je vais donc à l’entrée qui résume ce roman (car dans La ville absente, on parle de musée, je me dis qu’il doit y avaoir un rapport). Et là je me rends compte qu’en fait La ville absente est un hommage au roman de Fernández.

    Je cherche ensuite sur internet le nom de Erdosain. Je trouve sur le site des éditions Zulma une explication de 44 pages de toutes les références du roman par son traducteur, François-Michel Durazzo. Elle est ici et vous sera sûrement plus utile pour voir quelle est la nature de ce roman que mon billet car elle est particulièrement bien rédigée. On y apprend notamment que Erdosain est un personnage récurrent des romans de Roberto Arlt (dont Les sept fous est un chef d’œuvre, plus disponible en France même pas dans les bibliothèques autour de chez moi). Après avoir lu ces explications, vous commencez à goûter un peu plus au roman et à vous ranger derrière la phrase de Bernard Quiriny. La première lecture vous permet juste de comprendre l’histoire (et encore après l’explication du traducteur) mais vous serez juste incapable de comprendre toutes les références à la littérature argentine et à la littérature européenne et américaine (on y parle même d’une nouvelle d’Henry James Le dernier des Valerii).

    En conclusion, on peut saluer les éditions Zulma de publier un tel livre, brillant et érudit si il en est, mais qui risque d’avoir quelques difficultés à trouver un large publique surtout quand on voit que la plupart des références argentines ne sont pas accessibles facilement en France. J’entendais l’autre jour à la télé une personne qui se plaignait que la mise à disposition pour le public français de classiques  étrangers (autres que britanniques et américains) étaient plutôt mauvaises. C’est dommage tout de même car cela risque de rendre difficile une deuxième lecture.

    Références

    La ville absente de Ricardo PIGLIA – roman traduit de l’espagnol (Argentine) par François-Michel Durazzo (Zulma, 2009)

  • Présentation de l’éditeur

    Aucun espion du XXe siècle n’est autant entouré de légendes que le journaliste Richard Sorge, agent de Staline à l’ambassade d’Allemagne à Tokyo. En 1941, il informa Moscou, au jour près, de l’attaque imminente de la Wehrmacht contre l’Union soviétique, mais ses avertissements furent ignorés.

    Dans une atmosphère dense et loin des clichés habituels des récits d’espionnage, Isabel Kreitz raconte les derniers mois de Richard Sorge. Des mois entre triomphe et défaite, durant lesquels l’idéaliste Sorge tenta de modifier la marche du monde. Des mois entre résignation et mégalomanie, au bout desquels il devra payer le lourd tribut de ses longues années de double vie.

    Mon avis

    J’ai toujours envie de me cacher dans un petit trou de souris (mais je n’y rentrerai pas, je ne me fais pas d’illusions) quand je lis la première phrase de la présentation de l’éditeur. Je n’avais jamais entendu parler de ce Richard Sorge. Il paraît même qu’il y a un film sur le sujet : Qui êtes vous Monsieur Sorge ? Tout ça pour vous dire que ce roman graphique a un peu comblé ce trou de culture générale.

    Comblé grâce à une dizaine de pages explicatives sur la vie entière de Richards Sorge et surtout ce que sont devenus les protagonistes de son réseau d’espionnage. Ce roman graphique étudie seulement la fin de la vie de Sorge. Cela a un côté un peu frustrant parce qu’on ne se rend pas compte de la démarche. C’est en tout cas ce que je me suis dit au moment de la lecture. Quinze jours après, en y réfléchissant, je trouve qu’Isabel Kreitz s’est concentrée sur le personnage de Sorge et principalement sa relation à ses amis et aux femmes (entre autre la pianiste allemande Eta Harich-Schneider). Cela donne des dessins particulièrement intéressants (noir et blanc, sombres avec des traits de crayon marqués) car elle arrive à très bien rendre compte des changements de personnalités du personnage : la colère, la douceur, la séduction. Par contre, toute l’affaire d’espionnage et surtout comment il s’y est pris pour berner tout le mode n’est que survolé. C’est un album qui montre plus qu’il n’explique. C’est ce qui me fait dire que ma lacune de culture générale est en partie comblée seulement.

    En conclusion, c’est un roman graphique qui ouvre une curiosité qu’il n’arrive pas à assouvir. C’est ce qui le rend frustrant. Il est cependant à lire pour en savoir plus sur l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale, vue du Japon.

    Références

    L’espion de Staline d’Isabel KRETZ – traduit de l’allemand par Paul Derouet (Casterman Écritures, 2010)

  • Quatrième de couverture

    1973. Marnus a dix ans. Il vit au Cap et rêve d’être un jour aussi fort que son père, le plus jeunes général de l’armée sud-africaine. Ce dernier reçoit souvent la visite de militaires, venus soutenir le régime de l’Apartheid. Cette fois, il s’agit d’un général chilien, l’énigmatique M. Smith. L’arrivée de cet étranger menace l’équilibre de la famille. Marnus est le témoin de ces bouleversements mais ce n’est que bien plus tard qu’il comprendra la portée cruelle de ce qu’il a vu et de ce qu’il a tu, complice malgré lui. Un premier roman bouleversant. Le portrait d’une famille et d’une société dévastées.

    Mon avis

    Voilà un livre que j’ai dévoré. Pour plein de raisons que je vais essayé de vous donner.

    Dans le livre, il y a alternance de deux périodes de la vie de Marnus : Marnus à dix ans (période majoritaire), Marnus à vingt, soldat en Angola. On sent que le Marnus soldat a perdu foi en ses idées à force de voir ce que pouvait être la guerre. Ses idées (idées qu’il a prises à son père) sont décrites dans les parties où on parle de Marnus enfant. Les idées du père sont celles qui défendent l’Apartheid. Marnus qui voue une vénération au « plus jeune général de l’armée sud-africaine » pense que tout ce qu’il dit est une vérité. En gros, cela donne « mon père a dit… », « mon père pense … » et je le crois.  Ce mode d’écriture est très déstabilisant pour nous lecteur européen du 21ième siècle parce qu’on connaît les horreurs d’un tel régime et là elles nous sont racontées sans recul, sans même une critique. C’est un livre qui a été publié pour la première fois en 1993 en Afrique du Sud (j’imagine le choc dans un pays en plein changement). Marnus est bien sûr ébranlé dans ses idées quand le fils de la bonne coloured est brûlé très gravement dans le dos après avoir volé pour aider une personne de sa famille, pareil quand il voit une fillette de la même classe que lui mais pauvre et qui finalement n’a pas d’avenir (ils ont tout de même le même âge), quand sa soeur (qui a fait un voyage en Hollande) lui dit que les idées de son père ne sont pas les bonnes. Mais tout cela ne va pas nuire à l’admiration du fils pour son père (il va continuer à croire dans les idées de son père). C’est un évènement très grave de la vie familiale qui va mettre le ver dans le fruit et qui va ainsi faire vaciller tout doucement l’édifice. Les passages sur Marnus à vingt ans en pleine guerre, où il se demande si son père viendrait l’aider, sont à mon avis la fin de cet éclatement familial.

    On peut aussi admirer l’idée de la pomme suivi tout au long du livre. L’odeur de la pomme rappelle à Marnus des voyages en voiture avec son père où ils ramenaient les fruits de la ferme de l’oncle. La pomme pourrie après l’évènement qui va commencer à fêler la famille.

    En conclusion, c’est un livre admirable qui est à lire pour lui-même mais aussi pour faire comprendre ce que pouvait être l’Afrique du Sud et la vie des favorisés en 1973.

    Livre lu dans le cadre d’un partenariat en blog-o-book (que je remercie donc) et les éditions JC Lattès, et qui rentre parfaitement dans le safari littéraire de Tiphanya.

    D’autres avis

    Ceux de Clara, de Saxaoul, de Tinusia

    Références

    L’odeur des pommes de Mark BEHR – traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Pierre Guglielmina (JC Lattès, 2010)

  • Quatrième de couverture

    « Un soir de mars ou d’avril 1966, dans un train qui allait vers la Bolivie, je fis la connaissance de Blanca Galeano que les journaux appelaient « la concubine » du voyou nommé Mereles. Elle avait seize ans mais avait l’air d’une femme de trente ans et elle fuyait. Elle me raconta une histoire très étrange (…) Moi je l’écoutai comme si je m’étais trouvé en présence de la version argentine d’une tragédie grecque. »

    C’est ainsi que Ricardo Piglia s’empare du braquage qui a défrayé la chronique entre septembre et novembre 1965 à Buenos Aires (et Montevideo). Il décide d’en faire un roman tant la violence des faits, la puissance des sentiments et la brutalité de la police dépassent de loin la fiction. Bébé Brignone et le Gaucho Dorda, Bazán le Bancal, Malito ou Mereles le Corbeau prennent vie sous la plume avec un réalisme et une vigueur extraordinaires, sur fond d’agitation péroniste et de magouilles politiques.

    À la manière d’un Truman Capote ou d’un William Faulkner, Piglia réinvente de manière magistrale le roman noir argentin.

    Mon avis

    L’histoire d’un avant-braquage, d’un braquage, de l’après braquage entre planques, fuites, tueries, sièges … vous allez me dire « mouaif » pas trop pour moi. Mais figurez-vous que le travail de l’écrivain rend tout cela vraiment très intéressant.

    Ricardo Piglia explique dans un épilogue que c’est un roman qui a eu besoin de trente ans de maturation. En effet, en 1966, il est un jeune écrivain (né en 1940) et quand il entend cette histoire, il décide d’en faire un roman. Il prend des notes, commence à rédiger mais abandonne en 1970. À la faveur d’un déménagement, il retrouve ses notes trente ans plus tard. Commence alors un véritable travail de recherche où l’écrivain va décortiquer minutieusement ce fait divers. Tous les faits dans le livre sont avérés ; ceux qui ne l’étaient pas, l’auteur a fait le choix de ne pas en parler.

    Dans le livre, Ricardo Piglia suit l’ordre chronologique de l’évènement. Il n’y a pas de point de vue narratif fixe : un coup, on est dans la tête des malfaiteurs, des policiers, de la population, des journalistes mais le plus souvent, on est un narrateur extérieur (mais des fois un narrateur extérieur qui vit au moment des faits et d’autres fois un narrateur extérieur qui a le recul des années). Cela donne une impression étrange, de flou, de flottement (Ricardo Piglia parle même de « rêve » dans son épilogue) comme si on cherchait à savoir quelle version croire, qui défendre (il faut dire que les policiers sont un peu dépeint comme des malfaiteurs). Au départ, on est assailli par la violence et la brutalité du fait mais au final, on se dit que tout ça, c’est juste un très grand gâchis.

    Au passage, on peut remercier le traducteur, en plus de son travail de traduction, pour sa note historique sur l’histoire de l’Argentine entre les années 50 et 70, qui éclaire particulièrement le contexte de ce fait divers.

    En conclusion, une histoire qui n’a pas vraiment grand chose pour passionner mais qui est rendue très intéressant par le travail de recherche et la plume de Ricardo Piglia.

    Références

    Argent brûlé de Ricardo PIGLIA – roman traduit de l’espagnol (Argentine) par François-Michel Durazzo (Zulma, 2010)

  • Inga est une photographe de talent reconnue. Elle a Peter, son fils de vingt-ans, qui fait des études de médecine. Elle a un mari Mårten, lui aussi parfait : il l’aime, il la rassure et la réconforte. On est dans un roman donc tout va basculer.

    Izabella, sa galeriste, lui dit que ses photos sont peut être un peu trop parfaites, qu’elle manque de naïveté et de spontanéité. Inga s’apprête déjà à en parler à Mårten pour qu’il puisse situer ce petit malheur dans les grands malheurs du monde. Elle rentre donc chez elle où arrive un pasteur. Il vient lui apprendre la mort de Mårten par une crise cardiaque.

    Inga va mettre deux ans à vouloir se reconstruire (j’ai aimé cette idée car cela m’a semblé réaliste. On ne comprend un décès qu’après une période de flottement à mon avis, une période où l’on veut agir pour ne pas voir). Pendant deux ans, elle travaille moins mais toujours, fait des photos, des expositions … Mais ensuite elle s’effondre et se réfugie dans la maison familiale de Marstand, rendue accueillante par Nikklas un ami d’enfance (qui a une fiancée). Elle décide de faire du rangement dans la remise après quelques jours de repos. Elle trouve un dossier où il y a des articles de presse sur la première guerre mondiale et en particulier la bataille du Jutland. On découvre en particulier que cette bataille a envoyé plein de cadavres de soldats morts sur les plages d’Europe du Nord. Il y a aussi une lettre adressée à la grand-mère d’Inga, Rakel, par une missionnaire en Afrique, faisant allusion à une nuit où elles se seraient substituées à Dieu. Commence alors pour Inga une recherche pour comprendre fameux secret, qui elle le pense va l’aider à se reconstruire.

    La narration se fait alternativement par Inga, en 2007, et Rakel, en 1959 (sur son lit de mort : elle est morte d’une leucémie une semaine avant la naissance d’Inga). Ainsi, on a l’enquête d’Inga mais aussi la jeunesse heureuse dans une ferme (le premier étage étant une salle de prière)  et la vie de jeune femme de Rakel : son amitié avec Léa, ses relations amoureuse avec Anton, qui est en fuite permanente à la faute d’un meurtre, avec Jakob, qui travaille pour payer à sa sœur une chaise roulante. On fait aussi la connaissance de la famille Otto, la famille dans laquelle Rakel sera bonne avec Léa.

    J’ai beaucoup aimé ce livre pour deux raisons : l’originalité et la bonne construction de l’intrigue mais aussi pour le ton reposant du livre. En effet, pour ce qui est de l’intrigue, aucun personnage, aucun détail n’est superflu. Le thème de la Première Guerre mondiale, vu de l’arrière et d’un pays neutre, est rarement abordé : c’est ce qui rend à mon avis ce livre si particulier. Pour le ton, c’est simple : vous suivez l’intrigue sans que l’on cherche à vous faire ressentir des émotions. On vous raconte c’est tout. Cela donne un livre qui n’a rien de calculer et qui est profondément original.

    Références

    Toujours avec toi de Maria ERNESTAM – traduit du suédois par Esther Sermage (Gaïa éditions, 2010)

  • J’ai beaucoup aimé ce livre. Ça change, non ? Pour me remonter le moral, je me suis dit : « la seule solution est de lire un Wilkie Collins » et bien m’en a pris. Ce n’est pas de la grande littérature mais ça m’a fait un bien fou parce que ça se suit sans difficulté, sans prise de tête. Ça détend tout simplement !

    Parlons de l’histoire. un jour, la comtesse Narona va voir un docteur pour lui demander si elle n’est pas folle (rien que pour ça il aurait dû lui répondre oui). Après examens physiques et psychiques, il ne découvre rien mais il lui demande pourquoi elle pense cela (n’était-ce pas la première question à poser ? mais je ne suis pas docteur). Elle lui explique qu’elle va se marier très prochainement avec un homme, qui était fiancé auparavant et qui a largué son ex pour se mettre avec elle. Quand elle a rencontré l’ex-fiancée, la comtesse Narona a fait un malaise et a ressenti comme quelque chose de mystérieux qui les reliait ensemble (euh ! le fiancé, non ?) Enfin, elle a senti un malheur arrivé.

    Le médecin pense qu’elle se fait peut être du mauvais sang pour pas grand chose. Et il va à son club où il parle de sa rencontre avec la comtesse. Là, c’est le déchaînement de ragots, de rumeurs en tout genre. La comtesse est veuve, voyage avec son frère qui ne serait pas vraiment son frère … En plus, le fiancé s’est mis sa famille, ses amis à dos en abandonnant son ex qui était aussi sa cousine.

    Le mariage se fait. Après, il y a la lune de miel qui va se terminer de manière tragique par la mort du marié dont le rhume s’est transformé en bronchite. Enfin, on suppose que c’est comme ça qu’il est mort. Ce qui fait douté, c’est la disparition du courrier Ferraris (Ferrari, c’était déjà pris), homme de « confiance » recommandé par l’ex-fiancée-cousine.

    Après cette mort, il y a enquête. On ne découvre rien. Le palais où la mort a eu lieu est tranformé en hôtel où tous les membres de la famille du mort se retrouvent par un (heureux) concours de circonstances un an après. Là commence une histoire de fantômes, de réglements de compte, de découvertes macabres …

    Malgré cette avalanche d’actions, le rythme est assez lent. On n’a pas cette impression de lire une suite de rebondissements mais vraiment une histoire. L’écriture est légère. Bien sûr, L’hôtel hanté n’est pas Pierre de Lune. Mais c’est plutôt pas mal quand même.

    D’autres avis (à lire car ils ne sont pas forcément d’accord avec moi, comme beaucoup de monde d’ailleurs)

    chez Maggie (l’avis à cause duquel j’ai sauté dessus au salon du livre quand je l’ai vu), DViolante, Schlabaya, Yvon, Kattylou, Praline

    Références

    L’hôtel hanté de Wilkie COLLINS – traduit par un fantôme billingue anglais / français (L’aube, 2006)

    Livre lu dans le cadre du challenge « English classics » de karine:) et du challenge Wilkie Collins Addicts de Cryssilda.