Quatrième de couverture
Voici une belle leçon d’écriture et d’éthique. Alors que d’autres romanciers moins doués n’auraient pu éviter de tomber dans le mélodrame ou dans un pathétisme complaisant, Alberto Barrera Tyszka trouve le ton juste – pudique, profond, émouvant – pour nous raconter une histoire de tous les jours, mais dont on ne parle pourtant pas très souvent. Car, quand la maladie surgit, elle impose le silence et elle trace, immanquablement, et partout où elle manifeste, des lignes de partage qui isolent et séparent les protagonistes et les témoins de cet évènement imprévisible.
Au début du roman, Andrés Miranda, médecin dans un hôpital de Caracas, apprend que son père, Javier, est atteint d’un cancer. Bien qu’il ait toujours soutenu qu’il ne faut pas cacher la vérité aux patients, cette fois-ci, il n’ose rien dire au malade. Au lieu de lui transmettre les résultats des examens, et dans l’espoir de trouver le bon moment pour lui parler en toute franchise, il l’invite à faire un voyage sur une île des Caraïbes, Margarita, qu’ils avaient déjà visitée ensemble des années auparavant. Mais le docteur Miranda a un autre souci : se débarrasser d’un ancien patient, Ernesto Durán, qui se dit très malade, et lui envoie régulièrement des e-mails pour lui demander de le recevoir d’urgence. Agacé, convaincu qu’il s’agit d’un malade imaginaire, Andrés demande à sa secrétaire, Karina, de ne plus lui transmettre les messages d’Ernesto. Il ignore qu’il existe entre eux une relation secrète dont la portée va créer très vite une situation explosive pour le médecin. [Cette phrase là je n’ai pas comprise.]
Avec beaucoup d’habileté et de savoir-faire, Barrera Tyszka développe ces deux trames qui se répondent et finissent par prendre au piège les personnages et le lecteur. Mais en vérité il fait bien plus que cela : il nous invite à rompre le silence sur un sujet tabou et à mieux connaître la réalité de la maladie tout au long d’un roman parfaitement maîtrisé, à la fois d’une force et d’une sérénité admirables.
Né en 1960 à Caracas, Alberto Barrera Tyszka est scénariste pour le cinéma et la télévision, romancier, poète et auteur d’une biographie de Hugo Chávez publiée aux États-Unis et en Amérique latine. Salué par les lecteurs et la critique, La maladie a obtenu en 2006 le prestigieux prix Anagrama, l’un des plus importants d’Espagne.
Mon avis
La personne qui a fait cette quatrième de couverture est vraiment très douée parce qu’elle dit tout sans trop en dire. Tout juste si j’ai quelque chose à rajouter. Sur l’histoire rien, mais sur mes impressions si.
Cette lecture est très particulière, surtout le style. L’auteur s’arrange pour que vous soyez concerné sans pour autant faire partie de la famille, et donc souffrir de manière intolérable à la mort annoncée du père. Barrera Tyszka vous pousse à vous interroger sur ce que l’on entend par la « maladie ». Un mot au singulier pour parler de maux multiples. C’est comme ça que j’ai interprété la double histoire de Ernesto et de Javier. Tous les deux sont malades mais pas de la même manière.
À lire la quatrième de couverture, j’avais pensé que l’on aurait une sorte de révélation de secret de famille, ou tout du moins quelque chose de grandiloquent qui terminerait le récit par un épilogue heureux. Mais non ! Comme vous le dis la quatrième de couverture, Barrera Tyszka est pudique. Il vous dévoile un corps nu et malade, vous dévoile par touche un cœur et une âme mais là ne va pas en profondeur. On suppose que le père a eu une maîtresse après la mort de la mère d’Andrés. On la rencontre mais rien ne nous ai dit, on suppose toujours.
Il faut aussi souligner que ce livre c’est un récit de moment de vie dans une famille. Le livre ne se termine pas. On reste en suspend … Cela donne une impression très paradoxale car le père meurt à la fin du livre (je pense que l’on s’en doute à la quatrième de couverture, c’est pour ça que je vous en parle). Mais on ne ressent pas ça comme une fin, juste comme un évènement.
J’ai donc beaucoup aimé son livre plus par sa construction, son style, sa réflexion que par son histoire, qui racontée d’une autre manière n’aurait pas eu cet impact.
Deux extraits
Ce qui différencie l’homme des autres espèces, c’est que l’homme est le seul animal qui sait qu’il va mourir. Un chien ne le sait pas. Un chat n’en a aucune idée, il ne peut l’imaginer. L’homme si. Et il passe sa vie à y penser. À souffrir, victime de ce savoir. De plus, il y a des êtres humains qui passent leur vie à essayer de fuir ce qu’ils savent déjà, à essayer de ne pas y penser. Il y a des gens qui ne peuvent vivre que s’ils oublient qu’ils vont mourir…
Andrés hoche la tête. Son père referme les yeux. Il respire péniblement. Andrés cherche quelque chose à faire. il contrôle le flux de la perfusion, revoit certaines données dans le dossier médical qu’on a laissé sur la table. En réalité, ces chiffres et ces données ne sont guère utiles. Chaque malade écrit sa propre histoire. Les récits que font les maladies possèdent un autre ordre, un autre rythme. Jamais ils ne se répètent, bien qu’ils aient la même fin.
Références
La maladie de Alberto BARRERA TYSZKA – roman traduit de l’espagnol (Venezuela) par Vincent Raynaud (Gallimard – Du monde entier, 2010)