Cecile's Blog

  • Quatrième de couverture

    « L’américain rompit alors le silence. Il parlait d’une voix haute et nerveuse.

    – Et, pourtant, Sherlock Holmes lui-même, s’écria-t-il, ne pourrait éclaircir le mystère qui, ce soir, déroute toute la police de Lonres.

    À ces paroles inattendues qui sonnaient presque comme un défi, les convives assis autour de la table sursautèrent aussi violemment que si l’Américain avait tiré un coup de pistolet en l’air. Sir Andrew se figea brusquement et le considéra d’un air très étonné.

    L’homme à la perle noire fut le premier à reprendre ses esprit.

    – Oui, oui, fit-il avec passion, se penchant à demi ai-dessus de la table. Un mystère qui déroute toute la police de Londres ? Je n’en ai pas entendu parler. Racontez-nous cela tout de suite… je vous en prie, tout de suite ! »

    Publié en 1901 et constamment réédité depuis, Dans le brouillard est une des plus parfaites réussites du récit d’énigme. Un écho de Stevenson et de Conan Doyle traverse ces pages étourdissantes teintées d’humour dans lesquelles Richard Harding Davis rend admirablement l’ambiance brumeuse et mélancolique du Londres fin-de-siècle, la ville envoûtante du prince Florizel et de Sherlock Holmes, quand le grand brouillard de 1897 noyait la ville – et dans le cas présent, les esprits.

    Mon avis

    Je savais que ce livre me plairait quand je l’ai acheté, euh, il y a deux ans, peut être trois, pas forcément pour les deux allusions à Sherlock Holmes dans la quatrième de couverture, mais plutôt pour cette ambiance de brouillard. Et j’avais raison.

    Ce livre est juste terrible, pas forcément un grand livre mais plutôt un livre très très bien écrit, très très bien construit, ce qui va de paire avec une histoire originale et un coup de théâtre final épatant (en fait il y en a plusieurs) (je devrais plutôt parler de trio que de paire).

    Si nous parlons histoire, des gentlemen (anglais bien évidemment) se mettent à parler dans leur club d’une étrange affaire qui agitera Londres bientôt (car elle vient juste de se passer). On comprend assez vite que le but de cette discussion est de garder un lord passionné de romans policiers au club, pour qu’il n’aille pas au Parlement défendre une loi. Suit trois récits chacun en rapport avec cette affaire ou avec l’un des protagonistes, chacun narré avec un talent de conteur évident. Le retournement final n’en sera que plus surprenant.

    P.S. Vous excuserez mon absence mais entre temps, j’ai enfin eu mon permis de conduire, nous avons fêté les trente ans de mon frère et il est venu chez moi pour passer quelques jours de vacances. Mais j’ai quand même lu … alors vous aurez quelques billets (et je mettrais bientôt à jour la SSHD).

    Un autre avis

    Celui de Michel

    Références

    Dans le brouillard de Richard HARDING DAVIS – traduit de l’anglais (États-Unis) par Madeleine Gazier – édition de Rémi Leneveu (Petite bibliothèque Ombres – Les classiques de l’aventure et du mystère, 2008)

  • Quatrième de couverture

    « Au centre de la pièce, fixé à un chevalet droit, se dressait le portrait en pied d’un jeune homme d’une extraordinaire beauté physique, devant lequel, à peu de distance, se tenait assis le peintre lui-même, Basil Hallward, celui dont, il y a quelques années, la disparition soudaine a, sur le moment , tant ému le public et donné lieu à d’étranges conjectures. »

    Or Dorian Gray, jeune dandy séducteur, a fait ce vœu insensé : garder toujours l’éclat de sa beauté, tandis que le visage peint sur la toile assumerait le fardeau de ses passions et des péchés. Et, de fait, seul vieillit le portrait où se peint l’âme noire de Dorian. Ce livre nous conduit dans un Londres lugubre, noyé dans le brouillard et les vapeurs d’opium, mais nous ouvre également la comédie de salon des beaux quartiers. Lorsqu’il parut en 1890, il fut considéré comme immoral. Mais sa singularité, bien plutôt, est d’être un roman réaliste, tout ensemble, et un roman d’esthète – fascinants, l’un et l’autre, d’une étrangeté qui touche au fantastique.

    Mon avis

    J’ai lu dans ma jeunesse Le crime de Lord Arthur Savile. Je n’en garde aucun souvenir à part celui de m’être ennuyé. Du coup, j’avais un peu laissé tomber parce que si tout était comme ça et voilà que le challenge Oscar Wilde de Lou arrive et où on nous propose des lectures communes dont celles de Teleny. Connais pas moi ce livre mais bon j’ai été intriguée par lecture chaude (en plein hiver c’est plus classe). Je l’ai lu et je ne ferais pas de billets dessus. C’est très bien mais je n’avais pas fait de billets sur ma lecture de Mémoires de Fanny Hill parce que je ne voyais pas trop commenté et là c’est un peu le même cas (à part m’étonner que l’on puisse écrire cela à cette époque là). Cela m’a relancé dans Oscar Wilde … et donc dans Le Portrait de Dorian Gray. Je vais tout de suite passer le style : trop bon … avec plein de bons mots, des discussions que l’on aimerait être capable de tenir (principalement centré sur la beauté et la jeunesse, pas forcément ma tasse de thé). Il n’y a que le chapitre 11 qui m’a traumatisé car il fait passer 18 ans de la vie de Dorian et en un chapitre il arrive à nous faire très bien sentir la longueur et la pesanteur de ces 18 ans (en gros c’est long, très très long). On ne peut pas être Virginia Woolf et Oscar Wilde en même temps.

    Mais c’est surtout de l’histoire dont je voulais parler. Par contre ceux qui ne l’ont pas lu, ne lisez pas la suite, s’il vous plaît.Sachez qu’il faut le lire pour savoir au moins de quoi ça parle pour faire moins bête quand on vous en parle !

    Je ne connaissais que l’histoire écrite dans la quatrième de couverture et après lecture, je me rends compte que je ne connaissais rien. Je dois avoir un côté très très puritain car j’ai été choqué. Bien sûr, Dorian Gray c’est la vanité incarné dans la beauté et la jeunesse. Je ne pensais pas qu’en fait Oscar Wilde irait si loin. Sibyl Vane se suicide par sa faute (on lui donne dans ce cas là l’excuse de la naïveté ou de la méchanceté de lord Henry Wotton dont il subit l’influence), le frère de la jeune fille est tué par sa faute (même si il ne le souhait pas). il tue son ami Basil Hallward et de manière sanglante alors que celui-ci souhaite juste l’aider (à coup de religion, c’est discutable mais tout de même), il force un ancien ami Alan Campbell à se débarrasser du corps (à coup de chantage), celui-ci se suicide et on nous laisse penser que ce n’est pas tout. Cela fait beaucoup pour un seul homme je trouve. Oscar Wilde continue à le décrire selon l’état de son âme mais aussi selon sa culture du beau, du luxe, de la jeunesse qui va grandissante (c’est le fameux chapitre 11). Finalement, Oscar Wilde confronte culture et intelligence de l’âme. J’attendais la fin avec impatience en me disant que tout allait s’arranger (ben oui je ne connaissais pas l’histoire). Quand Dorian Gray meurt, soit suicidé soit tué par le tableau, je me suis dit : pourquoi n’a-t-il pas choisi ! La première solution c’est le dégoût de lui-même qui a gagné (il en éprouve quand même parfois heureusement) mais la deuxième solution c’est le comble de la vanité : le tableau le détruit quand il essaye de se détruire lui-même. Du coup, j’étais outrée. Et je voulais savoir ce que ceux qui l’avaient lu en pensait …

    Références

    Le Portrait de Dorian Gray de Oscar WILDE – traduction de Vladimir Volkoff – édition de Jean-Pierre Naugrette (Livre de Poche, 2001)

  • Quatrième de couverture

    Ce « Testament », c’est un peu la grandeur et la décadence d’un esprit brillant, insolent et révolutionnaire, brisé par le scandale et l’hypocrisie et qui découvre l’horreur de la pauvreté et de la mise à l’index. Peter Ackroyd nous restitue sa fin tragique avec une fidélité remarquable, aussi bien dans l’écriture que dans la biographie.

    Le Quotidien de Paris, 14 août 1984.

    Mon avis

    Il s’agit du journal de l’année 1900 d’Oscar Wilde, dernière année de la vie de l’auteur. Oscar Wilde est sorti de prison, a émigré à Paris , vit dans la pauvreté, au crochet de ses « amis ». Son séjour en prison l’a fait se retourner sur sa vie, sur ses amis, sur sa manière d’envisager sa relation aux autres.

    Je ne m’y connais pas assez en Oscar Wilde pour pouvoir parler ni de le véracité du propos (c’est-à-dire si la vie de l’auteur est bien rendue), ni si le style aurait pu être celui d’Oscar Wilde (je n’ai pas encore lu De Profundis ou La balade de la geôle de Reading).

    Peter Ackroyd nous livre donc sa lecture de la vie d’Oscar Wilde (il a la même que Martin Page dans sa préface de Remarquables Assassinats, qui vient de paraître chez Arléa). Je trouve qu’elle est très intéressante puisqu’elle correspond à un Oscar Wilde qui a cherché à se fuir toute sa vie, un petit garçon effacé et solitaire qui est devenu la coqueluche du Londres fin XIXième siècle pour pouvoir vivre dans ce monde. Peter Ackroyd montre aussi un homme qui sait faire un bilan de sa vie, se rendre compte de ses erreurs, d’un homme lucide sur son époque aussi. Le drame est que finalement il restera prisonnier de son image publique, ses amis ne cherchant jamais à le comprendre.

    Finalement, Oscar Wilde devient un personnage touchant alors que dans les romans de Gyles Brandreth le dépeigne comme un personnage diablement intelligent. Maintenant, je vais lire De profundis et le livre sur son procès paru chez Stock et la biographie de Frédéric Ferney. Et voilà comment je fais augmenter ma PAL !

    Références

    Le testament d’Oscar Wilde de Peter ACKROYD – traduit de l’anglais par Georges-Michel Sarotte (10/18, 1991)

  • Quatrième de couverture

    Adam Godley, un brillant mathématicien – spécialiste de l’infinité des infinis et de la possibilité d’univers parallèles -, repose dans sa chambre, au seuil de la mort . Autour de lui, le veillent sa seconde épouse, sa fille et son fils acompagné de sa femme Helen, une comédienne à la beauté troublante.

    En un jour, en ce lieu, ce monde mortel et imparfait va recevoir la visite des dieux de l’Olympe, des dieux à l’esprit facétieux, qui vont se pleire à prendre la place des humains pour satisfaire leur curiosité et leurs désirs illicites. Zeus, follement épris d’Helen, se fera passer le temps d’une nuit pour son mari afin de jouir de ses charmes… et tentera de poursuivre son œuvre de séduction.

    Hermès, le fils de Zeus, narrateur espiègle de cette tragicomédie qui ressemble à un songe, se prêtera lui-même au jeu des apparitions, tandis qu’Adam revivra dans son esprit le souvenir de ses années passées.

    Mon avis

    Comme je le disais avant, j’ai honte de ne pas aimer un livre que tout le monde aime mais encore plus d’aimer un livre que personne n’aime. Cela me donne l’impression que je ne suis pas capable d’apprécier un livre dans son entier (je ne sais pas reconnaître la vraie littérature comme dirait certains), que je ne suis pas difficile : une bonne histoire, une écriture qui se lit et cela me suffit (cela explique aussi pourquoi j’ai autant de livre dans ma PAL). Je ne force jamais à lire. Du coup, quand je lis le livre d’une traite sans le lâcher, je pense qu’il est bon. Et c’est le cas avec celui-ci. Mais allez voir les avis de Jules, de Jostein et de Moustafette pour comprendre de quoi je parle et surtout pour tempérer mon avis.

    Pour donner une idée, j’avais beaucoup aimé La Mer mais j’avais trouvé que certains passages étaient trop longs et du coup parfois je m’étais ennuyée.

    John Banville signe ici un livre infiniment mélancolique. Un homme est en train de mourir et sa famille se retrouve autour de lui. C’est cependant un bien grand mot. En fait, ils viennent vivre quelques moments dans la même maison que lui. Une maison bizarrement construite puisque personne ne se rencontre jamais, et ne se voit jamais. Sauf parfois, où les personnages semblent se parler comme si ils étaient des fantômes. C’est ce qui donne la mélancolie du livre et peut être cette solitude des personnages, mais aussi parfois du lecteur. La scène de fin où tout le monde est réunit dans la même pièce fait peur et surtout semble factice, jouer pour le médecin… Alors quand on lit que Adam Godley étudiait avant de tomber dans le coma les mondes parallèles, on se dit qu’il n’avait pas trop loin à aller chercher pour avoir un objet d’étude. C’est je trouve le côté mal exploité du livre. Finalement, le domaine d’étude du père n’est que peu exploité à part à dire que c’est un génie qui ne s’est jamais occupé de sa famille. Ce domaine d’étude n’est que prétexte pour l’histoire puisqu’il sert juste à dire que finalement tout peut se passer sans qu’on le sache dans ces fameux mondes parallèles. Je crois que même John Banville s’est rendu compte de cela car il n’en abuse pas dans le roman. Parfois il se rappelle qu’il doit essayer de creuser cette idée mais il abandonne rapidement. À mon avis, si il avait plus fait, le roman aurait été parfois fort ennuyeux.

    Malgré l’intervention des Dieux, le roman reste donc profondément humain. Il faut dire que dans la suite de la quatrième de couverture, on faisait référence à l’Amphitryion de von Kleist. Du coup, j’avais préparé ma lecture en le lisant. Von Kleist prend plaisir à montrer les dieux de l’Olympe comme facétieux, qui se jouent des sentiments humains et qui y prennent plaisir. Ils aiment inventer des situations et voir comment les humains s’en sortent. L’impression qui ressort de la pièce est que l’humain est plus complexe qu’il n’y paraît et dans toute situation arrive à s’adapter. John Banville reprend ici le thème, en ajoutant à cela une réflexion, quoique ténue, sur la religion catholique. L’apparition des dieux de l’Olympe permet une observation et une description plus poussée de l’activité humaine que ne l’aurait permis un narrateur extérieur et surtout met une touche d’humour en présentant Zeus comme un vieux libidineux dans un roman qui en a bien besoin.

    En conclusion, je dirais que c’est un roman qui peut paraître difficile d’accès (je pense que le traducteur a fait un excellent travail car on ne se retrouve pas facilement perdue dans la narration) mais livre de très belles choses et de très beaux passages.

    Roman lu dans le cadre d’un partenariat entre blog-o-book et les éditions Robert Laffont.

    Références

    Infinis de John BANVILLE – traduit de l’anglais (Irlande) par Pierre-Emmanuel Dauzat (Robert Laffont, 2011)

  • Présentation de l’éditeur

    Xavier le jeune judoka, Charlène la belle voyageuse, Borloz le motard pornographe. Poins communs : auteurs de romans de gare, apparemment aussi contents de leurs vies que sans arrière-pensées.

    Or, les voici précipités dans « L’Escapade » de Francophones sans frontières, qui cette années invite la fine fleur des écrivains de Suisse romande, parmi lesquels le fameux Pierre Montavon, apôtre de l’écriture « sacrée » et papable sérieux pour le Prix Nobel. Ce qui devait être une villégiature se transforme en poudrière. Les « pitres » n’ont pas leur place dans cette cour-là. Ils s’incrustent, pourtant. « Après tout, écrire, lire, pourquoi faudrait-il que ce soit réservé ? » Ce n’est peut-être pas réservé, mais certes jamais innocent…

    Strasbourg, Verdun, Reims, Château-Thierry, Paris jalonnent les péripéties de cette initiation à la fois farcesque et grave, entre vanités et vérités. Personne ne sortira indemne de l’affrontement, avec les autres ou avec soi-même.

    Mon avis

    Voilà un livre que j’ai trouvé éminemment sympathique car tout y est caricature. D’abord, les écrivains de ce que l’on pourrait appeler des livres de supermarché (ce n’est pas du harlequins mais des livres faciles écrits tous avec la même recette, sur le même thème mais il y a des collections différentes …) Il y a la file prête à tout pour réussir quitte à coucher avec un gars qui la dénigre, un gars qui écrit du porno mais adorerait être considéré comme un « véritable » écrivain et aussi vivre ce qu’il écrit. Mais aucun ne se pose de question sur son travail d’écriture et surtout tous les deux évaluent leurs livres très haut sur une échelle qui leur est propre.

    En cela, Xavier (je vous préviens c’est le personnage que j’ai adoré à cause de ses questionnements) pense que ses livres lui servent à vivre, c’est un lecteur qui sait faire la différence entre chef d’œuvre, roman cool à lire mais aussi livre trop encensé. Bien sûr, il aimerait écrire des chefs d’œuvre et laisser sa patte sur le monde. Il est conscient qu’il doit progresser, et quoi de mieux que sa rencontre avec le fameux Pierre Montavon.

    Seulement celui-ci est trop dans son personnage de grand écrivain pour pouvoir entendre la demande de Xavier, qui est le seul de l’histoire à progresser, à s’adapter, à chercher à arrondir les angles … Le grand écrivain ira quand même jusqu’à coucher avec Charlène dont il a osé dire un mot gentil pour pouvoir arrivé à ses fins, et le pire c’est qu’elle y croit. Pierre Montavon, c’est surtout l’occasion pour Bovard de nous décrire un égo sur-dimensionné d’écrivain. Il nous parle surtout de la cour qui l’entoure, des gens qui encense par devant mais enfonce par derrière, un monde de faux-cuterie.

    Vous l’aurez compris tout le monde y passe. C’est vraiment sans concession, mais vraiment bien ! Le seul bémol, c’est qu’à mon avis il y a des mots suisses et du coup j’ai pas tout compris non plus.

    Références

    La cour des grands de Jacques-Étienne BOVARD (Bernard Campiche Éditeur, 2010)

  • Quatrième de couverture

    « Moi aussi j’ai pris l’habitude de montrer constamment une figure joviale et souriante, même en pleine nuit, car on n’est jamais à l’abri du coup de projecteur ‘une torche électrique.« 

    Depuis sa chambre dans un baraquement communautaire de Litvinov, le narrateur rassemble les éléments d’un témoignage total sur son temps : non seulement les menus faits de la vie quotidienne, mais aussi les échos du passé, l’enthousiasme trahi, la terreur inapaisée, les rêves. Tissant sa vérité du détail des choses vues, du défilé contingent des destins dans les rues de Prague et à travers les paysages dévastés des Sudètes, Jedlicka suscite de son époque douloureuse une image si puissante, entre utopie et désespoir, qu’on peut la considérer à bon droit comme l’un des ferments du printemps de Prague. Ce livre immense, inexplicablement, était resté inédit en français.

    Né en 1927, Josef Jedlicka est exclu de l’université en 1949 pour avoir critiqué le régime. Il exerce les métiers les plus divers, de simple ouvrier à ethnographe. En 1953, il part vivre dans l’enfer industriel de la Bohême du nord, où il entretiendra une grande correspondance avec Jan Zábrana et écrira Au milieu du chemin de notre vie. Achevé en 1957, le livre ne pourra paraître qu’en 1966. L’auteur prend en 1968 le chemin de l’exil et meurt à Augsbourg en 1990.

    Mon avis

    J’ai hésité longtemps à publier un billet sur ce livre tellement il m’a semblé qu’il m’a échappé. Je me suis dis au moment où fleurissent les Liste à Relire, que ce livre en ferait partie, dans le sens où c’est un livre qu’il me faudra relire pour appréhender plus de choses. En effet, Josef Jedlicka a choisi délibérément de laisser le livre sous la forme de morceaux, sans lien apparent les uns par rapport aux autres (à part le lieu et le temps). Ce n’est pas un livre présenté sous la forme d’un journal mais en fait sous la forme de morceaux de vie, de morceaux de pensée : l’auteur nous parle de ses voisins dans des situations cocasses, désespérées aussi. Puis la page d’après il nous parle de son exaspération face aux régimes. Le tout est séparé par de fins espaces : c’est la seule coupure qu’il y a entre les deux passages. Cela rend le livre assez difficile car on n’est pas réellement préparé.

    La forme adoptée pour l’édition n’aide pas non plus. L’explication du contexte arrive à la fin, il y a des notes explicatives sur la culture tchèque page par page mais elles sont mises à la fin et ne sont pas numérotées dans le texte.

    Mais du livre, on ressent un regard plein de lucidité, de la tendresse, de l’ironie, du désespoir, de l’espoir. En fait, on ressent l’homme. Il a su faire passer ce qu’il pensait. Il y a des moments où l’écriture est juste époustouflante dans les liens, dans le propos :

    On m’a déjà mesuré et pesé, ausculté, nu, sur toutes les coutures, on a déjà sondé tous les replis de mon corps et de mon âme, décrit mes signes particuliers, évalué les dioptries de mes yeux myopes, compté mes cheveux, comme aussi mes livres, relevé objectivement et exactement et sous le bon angle les empreintes de tes ongles d’opale sur mon épaule, ma douce, on m’a déjà prédit la mélopée syncopée des lavandières sur l’autre rive et fait l’inventaire de toutes mes hérésies et de toutes mes folies, on a établi statistiquement mon besoin d’air, de nuages, de fumée automnal, de liberté et d’eau potable, et toi, mon agneau, mon petit Jakub, des imbéciles au cerveau d’inspecteur primaire t’ont porté en compte parmi les os de mes os et inscrit au chapitre de la croissance démographique (pp 111-112).

    Un bon livre mais compliqué tout de même donc.

    Références

    Au milieu du chemin de notre vie de Josef JEDLICKA – traduit du tchèque par Erika Abrams (Les éditions Noir sur Blanc, 2011)

  • Quatrième de couverture

    Une petite ville serbe, un dimanche après-midi de l’année 1980 : sous le vieux plafond du cinéma Uranie où se déploie une représentation stylisée de l’Univers, une trentaine de spectateurs – cocasse Serbie en miniature – assiste à une séance mémorable. Pendant que le ciel en stuc fatigué – emblème lézardé de la transcendance collective -, s’effrite doucement mais sûrement au-dessus de leurs têtes, la séance interrompue par une annonce sidérantes, qui va marquer la fin d’un monde …

    Une fable légère, ironique, bouffonne sur tout une ser(b)ie noire de petits et de grands désastres.

    Mon avis

    J’ai vraiment de la chance avec mes partenariats Babelio : encore un livre qui m’a beaucoup plu. Pourtant ce n’était pas gagné. C’est un livre pour lequel j’avais hésité à la rentrée littéraire de septembre 2010 mais quelques critiques négatives sur ce livre (vous pouvez en consulter sur le site de Babelio par exemple : cela me donne l’impression d’être une mauvaise lectrice d’aimer les livres que personne n’aime) et sur son premier Soixante-neuf tiroirs (qui pourtant est dans ma PAL) m’avaient soufflé d’attendre.J’ai coché la petite cas à l’opération Masse critique et bien m’en a pris.

    On est donc dans une petite ville de Serbie : cela signifie un microcosme. Le romancier par ce procédé arrive à dépeindre toutes les couches de la société, de l’avocat au voyou, de l’artiste au professeur, de la cuisinière à la prostituée. Ben oui, il y a de tout dans une petite ville de province. Goran Petrovic décrit des personnages, cocasses et atypiques chacun avec une caractéristique bien particulière, qui prête souvent à sourire.

    Cette fameuse séance d’un dimanche de 1980 (c’est la mort de Tito dont on parle dans la quatrième de couverture) marque en effet la fin d’un monde qui avait déjà commencé à ne plus être. Le roman se construit finalement en deux grandes parties : une présentation des personnages avant la séance et un descriptif des destins, souvent tragiques, des différents personnages après cette fameuse séance (il y a quand même une trentaine de personnages, du coup cela prend du temps). À tout cela s’entremêle l’histoire du cinéma, qui avant était un hôtel, permettant à l’écrivain de dresser un portrait de la Serbie du 20ième siècle.

    Le style est fluide mais surtout il adopte le ton de l’humour et d’un « voilà cela se passe comme ça et il faut faire avec parce que c’est juste la vie », qui rend le tout tellement léger, et peut donner une impression d’ironie.

    Vraiment un très bon roman ! Merci Babelio et aux Allusifs !

    Références

    Sous un ciel qui s’écaille de Goran PETROVIC – traduit du serbe par Gojko Lukic (Les allusifs, 2010)

  • Je suis tombée sur un billet très drôle au sujet de la bibliomanie en regardant sur internet pour le livre de Paul Desalmand, dont j’ai parlé la semaine dernière. À la fin du billet, l’auteur disait avoir commandé ce livre et un que j’ai déjà dans ma bibliothèque pour « se soigner ». J’ai fait pareil et bien m’en a pris car j’ai passé un très très bon moment de lecture.

    Le résumé de l’éditeur est le suivant :

    Un jeune homme ayant perdu son pouce dans une imprimerie trouve un nouvel emploi chez un bibliophile aveugle et acariâtre. Ce dernier lui demande de retrouver un livre caché dans sa bibliothèque et de le détruire. Un livre ? Rien n’est moins sûr. Tapi dans l’ombre des rayonnages, l’objet se révèle peu à peu beaucoup plus dangereux qu’il ne le semblait. Une plongée aussi drôle que troublante dans l’univers des collectionneurs à la lisière du fantastique.

    Voilà donc un livre fortement original, avec une idée très très bien trouvée. Le bibliophile aveugle a perdu au sens propre ses yeux en lisant un livre qui n’en était pas un. Un soir, attiré par une couverture qui n’avait rien d’extraordinaire, il prend le livre et ne peut plus s’arrêter de lire, jusqu’à ce qu’il pense être la nuit. En fait, c’est le livre qui s’est carapaté avec ses yeux. Un seul objectif : récupérer ses yeux ou en tout cas se venger ! Au fur et à mesure, cela deviendra se venger car il faut trouver une personne digne de confiance pour accepter la mission de détruire ce livre et surtout d’accepter la théorie qui va avec : le livre n’est pas un livre mais un insecte, une bête qui s’est adapté à son milieu, c’est-à-dire une bibliothèque qui est constituée de milliers de livres ! Les animaux s’adaptent à leurs conditions de vie, n’est-ce-pas ? C’est la théorie de l’évolution ? alors pourquoi ne pas y croire.

    Pour pouvoir se charger de cette mission, il faut quelqu’un de dégoûté des livres. Qui mieux que ce jeune homme, qui a perdu son pouce dans cette imprimerie et ne peut pour l’instant plus tourner les pages d’un livre, peut convenir ? Son antipathie pour les livres va-t-elle survivre à autant de tentations (il y a quand même un incunable dans la maison) …

    Se mêlent donc deux récits : celui qui se passe à l’intérieur de la maison et celui à l’extérieur même si à la fin tout se confond ! Le récit à l’extérieur c’est surtout la dérive du jeune homme suite à son accident de travail. J’ai particulièrement aimé le passage où il range ses livres de manière horizontale parce qu’il ne voit pas pourquoi continuer à le faire verticalement. Il fait donc des piles qui vont jusqu’au plafond mais le problème c’est que le papier travaille et donc son plafond et son plancher ne supportent pas.

    Le tout est servi par une écriture drôle et fluide. Comme je le disais, un excellent moment de lecture !

    Références

    Le bibliomane de Jean-François KIERZKOWSKI (Éditions Les Perséides, 2010)

  • Présentation du dvd

    Depuis des siècles quelque part dans la lande anglaise, se dresse le château des Baskerville. C’est là que se rendent Sherlock Holmes et son fidèle assistant, le docteur Watson afin de résoudre une nouvelle énigme. Sir Charles, le maître des lieux, aurait été assassiné dans des conditions des plus mystérieuses, et tout le voisinage attribue cette disparition à la légendaire malédiction qui poursuit cette famille depuis deux cent ans. Une bête monstrueuse arpenterait la lande dans l’attente de s’attaquer au dernier héritier des Baskerville. Bien évidemment, Holmes et Watson n’accordent aucun crédit à cette superstition …

    Distribution

    Pour les portraits des acteurs, vous pouvez regarder ici.

    Sherlock Holmes : Matt FREWER

    Dr. Watson : Kenneth Welsh (je pense que je l’ai déjà vu dans les téléfilms de M6)

    Sir Henry Baskerville : Jason London (qui a joué des petits rôles dans toutes les séries américaines un peu gentilles de l’époque, en particulier 7 à la maison)

    Beryl Stapleton : Emma Campbell

    Jack Stapleton : Robin Wilcock

    Dr. Mortimer : Gordon Masten

    Mr. Barrymore : Arthur Holden

    Mrs. Barrymore : Leni Parker (qui visiblement s’est inspiré de Mercredi dans la famille Adams pour son rôle)

    Mon avis

    Il s’agit de la plus mauvaise (j’ai hésité avec la moins bonne mais cela restera la plus mauvaise). Je l’ai vu deux fois pour ne pas être méchante pour rien. À la deuxième lecture, j’ai cru à une caricature canadienne du chien des Baskerville. Je me suis ravisée ensuite car on ne fait pas une caricature sur 4 dvd (parce que Matt Frewer a joué quatre fois Sherlock Holmes et cela promet parce que j’ai les quatre dvd).

    Le réalisateur écrit au début du film que le film est inspiré du roman de Conan Doyle mais que les ayants droits ne l’ont pas laissé le reproduire tel quel. Et du coup le réalisateur s’y est donné à cœur joie pour massacrer le tout. Matt Frewer est un Sherlock Holmes peut convaincant car il est acteur avant d’être détective. Il surjoue le rôle autant au niveau du visage que du corps. Il se moque des attitudes de Sherlock Holmes, en particulier la pipe, les attitudes face à Watson … Sherlock Holmes finit même les plats au restaurant. Dans quel monde vit-on ? Le Dr. Watson est bovin et ne sert qu’à rire de connivence avec Holmes sans pour autant comprendre ce qui Holmes dit. Pour autant, le réalisateur a pris le parti de faire vivre l’affaire par Watson pratiquement jusqu’au bout (malgré une capacité au tir de nuit très insuffisante), et d’évincer totalement Holmes encore plus que dans le roman (déjà qu’il n’apparaît pas beaucoup : le réalisateur a dû trouver Holmes très mauvais pour faire cela).

    Sir Henry Baskerville est la caricature du type qui arrive d’Amérique du Nord dans la distinguée Angleterre. Il y va à coup de cool attitude, de appelez moi Henry, ou dites Monsieur plutôt que si, à l’étonnement de posséder des terres et d’avoir des métayers, des il ne fait plus bon vivre en Angleterre, à j’échange votre chien contre un grizzly, au mépris de la lande pour ses marécages … C’est le gentil « yankee » face aux bizarres et méchants anglais.

    Beryl Stapleton fait nunuche avec ses bouclettes qui sautillent et Stapleton fait trop benêt pour être honnête. Le Dr. Mortimer ait la caricature du bourgeois de province, bien stupide, bien gras et complètement inutile dans l’histoire.

    Les autres points négatifs sont le décor un peu trop verte prairie pour une lande déserte et un manoir que j’habiterais bien volontiers tellement il ressemble au château dans les versions filmés des romans de Jane Austen (c’est-à-dire très très peu inquiétant). Le 221B Baker Street semble très vaste, le salon fait la taille d’une pièce de Versailles (quand même pas la galerie des glaces). C’est un défaut qui revient souvent dans les adaptations car je suppose il faut de la place pour mettre des caméras.

    Beryl et Jack Stapleon ont perdu leur pensionnat parce que Jack Stapleton obligeait sa sœur à acheter de la viande périmée. Jack Stapleton se dispute avec Henry Baskerville pour une question d’Honneur (avec un très grand H).

    Un point positif de cette version est qu’elle est l’une des seules à ne pas éluder l’épisode de Laura Lyons et de son père qui observe ses voisins. Mais c’est là bien le seul point positif !

    Références

    Le chien des Baskerville – un film de Rodney GIBBONS (2000)

  • Quatrième de couverture

    Un livre se penche sur son passé, de la sortie des presse à son départ plein d’espoir vers l’Afrique. Vingt ans d’une vie mouvementée. Il aime, est aimé, risque sa vie, rencontre des lecteurs et des lectrices, discute avec d’autres livres dans les librairies et les bibliothèques, s’interroge sur la marche chaotique du monde.

    Tout cela donne un roman picaresque, une méditation drôle sur notre finitude, doublés d’une variation à la Queneau sur le mot « pilon ». L’humour, comme toujours, quand il n’est pas un confort, affleure au tragique.

    Mon avis

    Que dire à part que j’ai adoré bien évidemment : un lvre qui parle de livre, un lecteur passionné qui parle à des lecteurs passionnés. Les chapitres sont très courts, le propos est tendre : comme le dit la quatrième de couverture, le livre aime et le livre est aimé et tout cela se ressent dans le ton puisque c’est le livre qui parle.

    Ce ton tendre cache bien sûr une réflexion sur le livre, ses amis livres (je vous confirme donc ici que les livres se parlent quand on dort), ses lecteurs, ses libraires, ses commerciaux, ses fabricants, ses destructeurs … Il y a aussi des idées plus larges sur le monde (avec lesquelles on peut être d’accord ou pas d’accord).

    Un seul extrait, où le livre (qui ne dit jamais qui il est) parle d’un libraire chez lequel il a vécu, devrait suffire à vous convaincre (si ce n’est pas déjà fait) :

    Pierre aime les livres et les choisit uniquement par goût, ce qui ne l’empêche pas, évidemment, de prendre une commande en dehors de son champ. En huit ans d’activité, il n’a jamais accepté un seul office et procédé à un seul retour. Il tient dix mille livres à la disposition du chaland. Il ne les a pas tous lu, mais il se fie à ses affinités et, ce qu’il a commandé, il s’efforce de le lire assez vite. Un libraire qui lit et non un libraire qui se contente de compter. Il lui arrive même d’offrir en prime des livres. Durant mon séjour, il donnait, autant qu’il vendait, Diadorim de João Guimarães Rosa, auteur brésilien, un roman éblouissant à ce qu’il disait.

    Les personnes au bon sens épais comme il y en a tant vous prouveront, avec des arguments infaillibles, qu’un libraire de ce type va immanquablement à la faillite. Et pourtant, elle tourne. Pierre ne vend pas les livres à la mode. Il tient en réserve les dix huit titres de Gracq publiés par Corti auxquels s’ajoute la Pléiade. Char est toujours à l’honneur. Faulkner est tenu pour un grand. Le rayon poésie est bien pourvu. Beaucoup de beau monde : Borges, Tolstoï (Guerre et Paix), Jacques Roumain (Gouverneurs de la rosée), Cormac McCarthy, Octavio Paz, Ibn Khaldûn (Le livre des exemples), Leopardi (Zibaldone), Bohumil Hrabal (Les Noces dans la maison), Salinger, Michon (Vies minuscules), Georges Perros, Chalamov et bien d’autres que j’étais fier de fréquenter. Pas le genre de ce libraire d’une ville voisine qui répondit à un client lui demandant s’il avait le Pléiade de Char : C’est qui ça ?

    Il est même arrivé à ce Pierre Landry hors du commun d’être à l’origine de la réédition d’un livre. On lui avait offert Les Coups de Jean Meckert chez Pauvert. Ce livre, alors épuisé, lui avait tellement plu qu’il dit à la représentante Gallimard pour le poche : « Vous expliquez à vos patrons qu’il y a un fou à Tulle qui en prend mille si vous le publiez en poche. » La belle Isabelle lut, fut convaincue, et défendant ce titre bec et ongles, réussit à convaincre le directeur de collection. Le livre est actuellement en Folio et Pierre n’y est peut-être pas tout à fait étranger. Il en a vendu plusieurs centaines.

    Par contre, je vous le dis de suite le livre va mourir, mais d’une belle mort, beaucoup plus glorieuse que celle du pilon.

    Références

    Le Pilon de Paul DESALMAND – préface de Patrick Cauvin (Quidam éditeur, 2006)