Au milieu du chemin de notre vie Josef Jedlicka

Quatrième de couverture

« Moi aussi j’ai pris l’habitude de montrer constamment une figure joviale et souriante, même en pleine nuit, car on n’est jamais à l’abri du coup de projecteur ‘une torche électrique.« 

Depuis sa chambre dans un baraquement communautaire de Litvinov, le narrateur rassemble les éléments d’un témoignage total sur son temps : non seulement les menus faits de la vie quotidienne, mais aussi les échos du passé, l’enthousiasme trahi, la terreur inapaisée, les rêves. Tissant sa vérité du détail des choses vues, du défilé contingent des destins dans les rues de Prague et à travers les paysages dévastés des Sudètes, Jedlicka suscite de son époque douloureuse une image si puissante, entre utopie et désespoir, qu’on peut la considérer à bon droit comme l’un des ferments du printemps de Prague. Ce livre immense, inexplicablement, était resté inédit en français.

Né en 1927, Josef Jedlicka est exclu de l’université en 1949 pour avoir critiqué le régime. Il exerce les métiers les plus divers, de simple ouvrier à ethnographe. En 1953, il part vivre dans l’enfer industriel de la Bohême du nord, où il entretiendra une grande correspondance avec Jan Zábrana et écrira Au milieu du chemin de notre vie. Achevé en 1957, le livre ne pourra paraître qu’en 1966. L’auteur prend en 1968 le chemin de l’exil et meurt à Augsbourg en 1990.

Mon avis

J’ai hésité longtemps à publier un billet sur ce livre tellement il m’a semblé qu’il m’a échappé. Je me suis dis au moment où fleurissent les Liste à Relire, que ce livre en ferait partie, dans le sens où c’est un livre qu’il me faudra relire pour appréhender plus de choses. En effet, Josef Jedlicka a choisi délibérément de laisser le livre sous la forme de morceaux, sans lien apparent les uns par rapport aux autres (à part le lieu et le temps). Ce n’est pas un livre présenté sous la forme d’un journal mais en fait sous la forme de morceaux de vie, de morceaux de pensée : l’auteur nous parle de ses voisins dans des situations cocasses, désespérées aussi. Puis la page d’après il nous parle de son exaspération face aux régimes. Le tout est séparé par de fins espaces : c’est la seule coupure qu’il y a entre les deux passages. Cela rend le livre assez difficile car on n’est pas réellement préparé.

La forme adoptée pour l’édition n’aide pas non plus. L’explication du contexte arrive à la fin, il y a des notes explicatives sur la culture tchèque page par page mais elles sont mises à la fin et ne sont pas numérotées dans le texte.

Mais du livre, on ressent un regard plein de lucidité, de la tendresse, de l’ironie, du désespoir, de l’espoir. En fait, on ressent l’homme. Il a su faire passer ce qu’il pensait. Il y a des moments où l’écriture est juste époustouflante dans les liens, dans le propos :

On m’a déjà mesuré et pesé, ausculté, nu, sur toutes les coutures, on a déjà sondé tous les replis de mon corps et de mon âme, décrit mes signes particuliers, évalué les dioptries de mes yeux myopes, compté mes cheveux, comme aussi mes livres, relevé objectivement et exactement et sous le bon angle les empreintes de tes ongles d’opale sur mon épaule, ma douce, on m’a déjà prédit la mélopée syncopée des lavandières sur l’autre rive et fait l’inventaire de toutes mes hérésies et de toutes mes folies, on a établi statistiquement mon besoin d’air, de nuages, de fumée automnal, de liberté et d’eau potable, et toi, mon agneau, mon petit Jakub, des imbéciles au cerveau d’inspecteur primaire t’ont porté en compte parmi les os de mes os et inscrit au chapitre de la croissance démographique (pp 111-112).

Un bon livre mais compliqué tout de même donc.

Références

Au milieu du chemin de notre vie de Josef JEDLICKA – traduit du tchèque par Erika Abrams (Les éditions Noir sur Blanc, 2011)


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