Cecile's Blog

  • Présentation de l’éditeur

    Publié en 1926, ce petit livre de Pilniak, fondé sur es faits réels, met en scène un célèbre commandant de l’armée Rouge mort dans les circonstances obscures.

    Qualifié de « contre-révolutionnaire » et de « calomnieux à l’encontre du Comité Central et du Parti », ce récit, immédiatement censuré, est l’un des premiers textes littéraires à décrire de l’intérieur la machine infernale de la révolution qui broie peu à peu ses enfants.

    Sa puissance presque hallucinatoire tient avant tout à ses qualités littéraires et à son étonnante modernité : avec la froideur et la précision d’une caméra, dans un style cinématographique et saccadé, une lune affolée observe les agissements étranges des hommes dans une ville-machine enveloppée de brouillard et lacérée par les phares d’automobiles fonçant à toute allure dans la nuit…

    Mon avis

    J’avais déjà essayé de lire Boris Pilniak, avec un livre paru aux éditions Paulsen, Le Pays d’Outre-Passe. J’avais beaucoup aimé mais je n’avais rien compris à l’ensemble. Du coup, le livre est revenu dans ma PAL pour une deuxième lecture (qu’il attend toujours d’ailleurs).

    Ce livre-ci a aussi attendu un peu dans ma PAL (une année car je l’ai acheté l’année dernière au salon du livre) et est revenu avec moi la dernière fois que je suis allée à Paris.

    On peut lire je crois de deux manières au moins ce livre, d’un point de vue historique, puisque les faits ressemblent étrangement à la mort de M.V. Frounzé, mort sur la table d’opération après une intervention bénigne (Pilniak s’en défend mais cela correspond aussi aux circonstances de publication). On cherche alors l’ombre de Staline, qui aurait donné des ordres pour la mort de Frounzé, dans le texte (et là-dessus la préface est éclairante).

    J’avoue que quand le monsieur m’a parlé de Frounzé, je ne connaissais pas. Du coup, je ne pouvais pas lire le livre sous cette optique et je l’ai vraiment lu comme quelqu’un qui se fait broyé par l’Histoire.

    Le célèbre commandant de l’armée Rouge souffre d’un ulcère, qu’il a soigné déjà deux fois. Maintenant, il va mieux mais la hiérarchie veut qu’il se fasse opérer. On le flatte en disant son importance dans la Révolution. Lui ne veut pas mais se sent obliger d’y aller. Il donne des consignes pour son enterrement à ses subalternes, parle de ses craintes à son ami, parle de sa femme. On a envie de lui dire « Prends la fuite, voyons ! »

    Intervient un collège de médecin où tous individuellement sont d’accord qu’il ne faut pas l’opérer mais collectivement décide de l’opérer. Un médecin parle de ses doutes en expliquant que la décision est du au fait que les gens ont peur d’être les premiers à dire non.

    Le fameux jour arrive. Bien sûr, le patient perd conscience sur la table d’opération mais on le fera mourir le jour d’après dans sa chambre (il y a apparemment une piqure qui a cet effet).

    La dernière image du livre, c’est un homme, seul dans son cabinet de travail, a qui on apprend la mort du commandant et celui-ci est content.

    J’insiste avec le mot image car je suis d’accord avec l’éditeur que l’écriture rappelle un film de cette époque, je dirais. Noir et blanc où peu de paroles sont échangés mais où tout est dans les gestes mesurés mais significatifs. On sent (je ressens rarement cela quand je lis un livre) que l’on ne peut pas agir, qu’il y a une marche où l’on ne peut être que spectateur (je pense que la lumière, notamment de la lune, est très importante dans le texte justement sur ce fat mais j’avoue ne pas mettre focaliser là-dessus et du coup beaucoup a pu m’échapper). L’écriture, finalement, est faite de séquences. C’est ce qui m’avait gêné dans le premier livre de Pilniak que j’avais lu mais ici, non.

    Finalement, c’est un excellent texte pour découvrir Pilniak, je crois en tout cas. Il me reste à découvrir ce qui visiblement est son chef d’oeuvre, L’année nu paru aux éditions Autrement.

    Références

    Le conte de la lune non éteinte de Boris PILNIAK – traduit du russe par Sophie Benech (éditions interérences, 2008)

  • Quatrième de couverture

    En 1820, deux ans après la parution de Frankenstein, Mary Shelley traverse une profonde dépression : depuis son arrivée en Italie avec Shelley, elle a perdu trois de ses quatre enfants et la situation matérielle du couple est difficile. C’est alors qu’elle rencontre à Pise la petite Laurette, fille de son amie lady Mountcashell, exilée comme elle. Pour la onzième anniversaire de la fillette, elle lui offre un petit conte intitulé Maurice or the Fisher’s Cot. Elle en envoie également un exemplaire à son père, l’éditeur londonien William Godwin, mais ce dernier le juge trop bref pour la publication. Depuis, on croyait le manuscrit perdu…

    C’est seulement en 1997, dans un vieux palais de San Marcello Pistoiese, en Toscane, que Cristina Dazzi, qui n’est autre que l’arrière-arrière-arrière-petite-nièce de Laurette, retrouvera tout à fait par hasard ce conte romantique. Maurice, l’histoire émouvante d’une enfance volée, est donc publié pour la première fois en langue française, avec une postface de Claire Tomalin qui donne un éclairage littéraire, psychologique et historique du texte.

    Mon avis

    Le texte initial est de 50 pages environ (un conte pour enfant écrit gros) et la  postface fait de 70 pages. On va parler postface d’abord : elle écrite par Claire Tomalin, auteur d’une biographie de Jane Austen, paru en fançais, mais aussi de biographies de Thomas Hardy, de Mary Shelley, de sa mère (par contre pas traduites). Quand Cristina Dazzi découvre le texte, elle s’adresse à Claire Tomalin pour l’authentification et surtout la contextualisation du texte. Il était donc évident que c’était à elle de faire la présentation du texte et pour le coup c’est très réussi. Claire Tomalin nous présente la vie de Mary Shelley (franchement la pauvre ! si ça ma mère avait été là, je suis sûre que cela aurait été mieux mais alors qu’est-ce que Percy Shelley est méchant, pareil pour sa demi-sœur Claire qui ressemble à un parasite, même si celle-ci a souffert à cause de Byron. Personnellement, j’aurais été déprimée à moins que ça). Elle nous présente la vie des ancêtres (du mari) de Cristina Dazzi et surtout finalement, la vie libre (mais si triste, on lui enlève quand même ses enfants) de lady Mountcashell. Finalement, ce que que j’ai retenu c’est que le couple Shelley et cette lady Mountcashell ont essayé toutes leurs vies de reconstruire un vie que la société britannique par son puritanisme a brisé. Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour reconstruire un bonheur qu’ils n’ont jamais atteint, et surtout cette pauvre Mary Shelley.

    Si maintenant on passe au texte inédit, je peux vous dire que j’ai beaucoup aimé ! Un jeune garçon qui a fui sa famille se retrouve sans toit après la mort de son protecteur, un vieux pêcheur qui l’a recueilli à la mort de sa femme. Le jeune garçon, Maurice, n’est que bonté. Du coup, tout le monde a pitié mais arrive un inconnu qui s’intéresse à son histoire. Je vous sens dubitatif car on se dit que la fin est prévu : l’inconnu, forcément riche, emmène Maurice, l’élève comme un fils, celui-ci devient grand et prince et fait le bonheur de son royaume. En fait, pas du tout, Shelley arrive à surprendre dans ce texte court à cause d’une écriture empreinte de mélancolie et de tristesse. Pourtant l’histoire ne se finit pas mal et est plutôt heureuse mais on retient le malheur du passé.

    Un bon texte qui me remet en mémoire qu’il faut que je lise Frankenstein (surtout qu’un livre de Peter Ackroyd est sortisur le sujet).

    Références

    Maurice ou le cabanon du pêcheur de Mary SHELLEY – postface de Claire Tomalin – traduit de l’anglais par Anne Bellucci (Gallimard, 2001)

  • Présentation de l’éditeur

    « Je hais le mariage, je hais tous les hommes, je hais les engagements éternels, les promesses, les projets, l’avenir arrangé à l’avance par des contrats et des marchés dont le destin se rit toujours. »

    À seize ans, Lavinia a passionnément aimé Lionel qui l’a abandonnée. Désormais veuve d’un vieux lors anglais, Lavinia apprend que Lionel séjourne dans la même ville qu’elle (enfin, dans la ville d’à côté pour être exact). Les anciens amants se revoient, Lionel retombe amoureux …

    Mon avis

    Il s’agit d’un texte court de George Sand et franchement, j’ai trop aimé Lavinia. Elle sait y faire, la petite. On ne peut qu’admirer. Elle apprend que Lionel est dans la ville d’à côté prêt à se marier avec une demoiselle bien dotée. Elle envoie un billet pour récupérer ses lettres d’amour en faisant croire à une totale indifférence (mais qui sait si ce n’est pas réel). Après tergiversations, il vient les amener mais découvre qu’un autre homme est amoureux de Lavinia. Subissant les affres de la jalousie, il retombe amoureux de Lavinia. Elle se retrouve avec deux propositions en mariage. Que va-t-elle en faire ?

    Plus que par l’écriture, je crois que ce qui me plaît chez George Sand, ce sont des personnages de femmes (après Indiana, je découvre Lavinia). Elle sait les incarner, les faire vivre sous nos yeux et surtout les rendre unique.

    Dans la même collection, a paru Marthe, histoire d’une fille de Joris-Karl Huysmans. Il me tente bien celui-ci aussi car cela a aussi l’air d’être l’histoire d’une femme indépendante et qui sait ce qu’elle veut. D’un autre côté, j’en sais trop rien parce que je ne l’ai pas lu !

    Lu dans le cadre du challenge George Sand de George.

    Références

    Lavinia de George SAND (Il était une fois la femme – éditions Galaade, 2010)

  • J’ai lu dernièrement la bd inspirée du livre de Robert Louis Stevenson, Hermiston le juge pendeur. Je n’en ai pas parlé sur ce blog mais sachez qu’elle est très bien en elle-même et qu’elle est plutôt très fidèle au livre de Stevenson. Cela fait deux raisons pour la lire. Le problème c’est qu’elle est en deux tomes et que seul le premier tome est paru. J’étais pressée de savoir la suite et du coup, je me suis procurée le livre. Manque de chance, comme la biographie de Stevenson est un peu une inconnue pour moi, je ne savais pas que Hermiston était le livre que Stevenson était en train d’écrire au moment de sa mort. Du coup le livre est inachevée et le premier tome de la bd se termine plus ou moins au même moment que le livre. La trame prévue par Stevenson est connue mais franchement ce n’est pas la même chose.

    Quand même, pour ceux qui ne connaîtraient pas l’histoire (comme moi avant), un petit résumé sorti de ma tête : Hermiston est un juge qui pend ses concitoyens pour le plaisir (ou tout du moins sans aucuns scrupules, d’un autre côté cela l’empêcherait de dormir) et est connu pour sa très grand férocité (ou tout du moins pour être impitoyable, ce qui n’est pas mieux). Il faut savoir que le personnage a été inspiré à Stevenson par un juge qui a réellement existé en Écosse, le juge Braxton. Hermiston a une femme dévote au possible mais peu douée pour diriger une maison. On se demande pourquoi ils se sont mariés, lui la trouve fragile, elle le craint tout en l’admirant. Malgré ce que l’on peut penser, ils auront un fils Archie (élevée par sa mère : du coup, l’opinion qu’il a de son père est assez mauvaise). La mère meurt. Le petit devient grand et fait des études d’avocat. Un jour, il assiste à un procès de son père, qui on s’en doute condamne le prisonnier à la pendaison. Archie va assister à la pendaison. Il crie alors tout haut que c’est comme un assassinat. Hermiston, à qui cela monte aux oreilles, ne peut se résoudre à le présenter à la justice (apparemment, il l’aurait même pendu pour ça !) La seule chose qu’il exige est qu’il arrête ses études et aille s’occuper de la propriété d’Hermiston au fin fond du fin fond de l’Écosse. Il retrouve Kirstie, la bonne (même si ce n’est pas son titre), qu’il connaissait dans son enfance (et qui a donc connu sa mère). Elle lui raconte des légendes sur sa famille dont celle de ses neveux, que l’on appelle les quatre frères noirs. Elle a le sang qui bouillonne, de jalousie, de fièrté, de gentillesse, de charme … C’est le personnage qui fait tout le charme du livre, parce qu’elle est tout le stéréotype que l’on peut s’imaginer de l’Écossais. Archie s’isole énormément, tout en renforçant ses liens avec Kirstie. Jusqu’au jour où il tombe amoureux de la nièce de celle-ci, et donc de la soeur des quatre frères noirs, et que son « ami », F. Innes arrive d’Édimbourg pour se protéger de créancier.

    À la fin, on se demande pourquoi Stevenson est mort à ce moment-là. Parce que je suis d’accord avec Henry James et Sidney Colvin, cela aurait été un chef d’œuvre ce livre. Mieux que les romans écossais de Walter Scott. Vous voulez partir pour quelques heures dans une Écosse pleine de landes, de montagnes, de légendes, de superstitions … vous dépaysez, quoi, il faut lire ce livre. Après on essaiera de ressusciter Stevenson pour qu’il nous écrive la suite ! En attendant de lire le deuxième tome de la version de Jean Harambat …

    Références

    Hermiston le juge pendeur de Robert Louis STEVENSON – traduit e l’anglais par Albert Bordeaux – préface de Teodor de Wyzewa – choix de documents et bibliographie établis par Francis Lacassin (10/18, 1987)

    Hermiston – première partie : le juge pendeur de Jean HARAMBAT (Futuropolis, 2011)

  • J’ai déjà parlé de l’admiration que je porte à Annie Ernaux parce que j’ai lu quand j’étais jeune et que je trouvais qu’elle répondait à mes peurs d’adolescente. J’avais moins aimé ces derniers textes (j’ai Les années dans ma PAL mais tous les commentaires positifs m’ont donné l’impression que j’allais être déçue : je ne suis pas compliquée comme fille).

    Là, je trouve qu’elle renoue avec tout ce que j’aime. Elle écrit une lettre à sa sœur disparue à l’âge de six ans, avant sa naissance. Elle a appris l’existence de cette sœur par le hasard d’une conversation qu’elle n’était pas destinée à entendre. Elle n’en a jamais parlé avec ses parents. Pourtant la famille lui en avait parlé avant mais elle n’a jamais voulu entendre cette existence. Cette fois, ce qui l’a marqué c’est le fait que sa mère ait ajouté que la sœur disparue était plus gentille qu’Annie Ernaux. Après, elle recevra des photos de cette petite fille.

    J’ai trouvé le texte magnifique car il respire la sincérité d’Annie Ernaux. Elle ne cherche pas à se demander ce que cette sœur serait devenue mais s’interroge sur l’évolution de ses sentiments, sur ce que cette absence a mis dans la relation avec ses parents, sur le sens de certaines phrases dites, sur le pourquoi des silences … On apprend que finalement Annie Ernaux existe parce que cette petite fille est morte parce que les parents n’auraient pu élever qu’un enfant. On se dit que l’auteur a eu raison d’écrire ce texte pour exhorter ses pensées, ses sentiments …

    Un extrait :

    Dans quelques jours j’irai sur les tombes, comme d’habitude à la Toussaint. Je ne sais pas si j’aurai cette fois quelque chose à te dire, si c’est la peine. Si j’aurai de la honte ou de la fierté d’avoir écrit cette lettre, dont le désir de l’entreprendre me reste opaque. Peut-être que j’ai voulu m’acquitter d’une dette imaginaire en te donnant à mon tour l’existence que ta mort m’a donnée. Ou bien te faire revivre et remourir pour être quitte de toi, de ton ombre. T’échapper.

    Lutter contre la longue vie des morts.

    Un Annie Ernaux de la meilleure veine !

    Références

    L’autre fille d’Annie ERNAUX (collection Les Affranchis – NiL, 2011)

  • Un petit résumé qui en dit beaucoup trop

    Pièce en un acte racontant comment Salomé, fille d’Hérodias et belle-fille d’Hérode, est tombée amoureuse du prophète Iokanaan (qui pourtant racontait les pires choses sur sa mère et ne prophétisait que des malheurs). Celui-ci ne veut même pas l’approcher, ni encore moins l’embrasser. Alors quand Hérode demande à Salomé de danser pour lui et qu’en échange il lui donnera ce qu’elle veut, Salomé demande la tête de Iokanaan pour pouvoir l’embrasser.

    Mon avis

    J’ai un peu tout raconter car il paraît que c’est un épisode biblique, donc j’ai supposé savait de quoi il s’agissait (on sent la fille qui a une grande culture religieuse …) J’ai adoré même si c’est très différent des textes que j’ai lu précédemment d’Oscar Wilde. Cela m’a rappelé Antigone que j’avais lu au lycée, ou d’autres textes du même genre où la jeune héroïne est forte, décidée. Il n’y a pas les bons mots ou l’expression extraordinaire des textes précédents. Cela vient peut être du fait que la pièce a été écrite en français directement, qu’Oscar Wilde maîtrisait moyennement (il parlait mais n’écrivait pas vraiment comme un écrivain français : l’auteur a demandé des corrections au jeunes écrivains de l’époque (1893) dont il était l’ami). Par contre, il y a énormément de sous-entendu et de sensualité, surtout au moment de la danse de Salomé mais je trouve que tout reste suggéré. Ce qui marque aussi c’est la description des paysages autour ou des habits, où les couleurs sont omniprésentes. C’est un texte très court mais il faut le lire ! Je ne pourrais rendre hommage à ce texte avec mon pauvre petit billet.

    Je voulais aussi souligner que l’édition est juste magnifique ! Dans les cinquante premières pages, vous avez un commentaire très intéressant qui sait introduire à la magie du texte. Ensuite, vous avez une copie originale du premier jet d’Oscar Wilde avec son écriture et tout et tout (les fautes de français, les hésitations, les répétitions que les correcteurs ont essayé de gommer au maximum), ensuite une reproduction de la première édition en français et ensuite la reproduction de la première édition en anglais (la traduction étant de Bosie qu’Oscar Wilde avait cherché à occuper à ce moment-là et illustrée des dessins d’Aubrey Beardsley (je comprends que les anglais aient censurés car les dessins sont vraiment malsains et donnent une sacrée image de la pièce)). De quoi découvrir cette pièce sous tous ses aspects !

    Livre lu dans le cadre du challenge Oscar Wilde de Lou.

    Références

    Salomé d’Oscar WILDE – préface de Charles Méla – introduction de Sylviane Messerli (collection Sources – Presses universitaires de France / Fondation Martin Bodmer, 2008)

  • Quatrième de couverture

    Le principal avantage que présenterait l’établissement du socialisme serait sans nul doute de nous libérer de cette sordide nécessité qui consiste à vivre  pour les autres, et qui, dans l’état actuel des choses , exerce une pression redoutable sur chacun de nous ou presque . À vrai dire, quasiment  personne n’y échappe. De temps à autre, au cours du siècle, un grand homme de sciences tel Darwin, un grand poète tel Keats, un talentueux esprit critique tel M. Renan ou un artiste de génie tel Flaubert, est parvenu à s’isoler, à se soustraire aux assourdissantes requêtes des autres, à se tenir « à l’abri du mur » dont parlait Platon et à réaliser ainsi toute la perfection qu’il avait en lui, pour son propre avantage comme pour celui, incomparable et éternel, du monde entier. De tels hommes relèvent toutefois de l’exception.

    Mon avis

    Que dire, à part que c’est Oscar Wilde ? Le style est là (celui du Portrait de Dorian Gray, j’entends), le contenu aussi : on pourrait le résumé par le socialisme vu par le prisme de la philosophie du beau.

    Pour le style, vous avez une argumentation intelligente, avec des arguments clairement exposés, le tout agrémentés de bons moments ou plus exactement de phrases qui résume une multitude de pensées en peu de mots : cela vous donne l’impression d’être tellement logique, et tellement ce que vous avez pensé depuis toujours (même si ce ne sont pas vos idées) que vous vous retrouvez à adhérer forcément (j’ai une petite tendance mouton, tout de même). Un petit extrait pour vous donner une idée de la chose :

    Ainsi, l’individualisme est ce qu’à travers le socialisme nous devons chercher à atteindre. L’État en abandonnera naturellement toute idée de gouvernement. Il y sera obligé car, comme l’a dit un sage bien des siècles avant le Christ, s’il est possible de laisser l’humanité tranquille, il est en revanche impossible de la gouverner. Tous les modes de gouvernement sont voués à l’échec. Le despotisme est injuste envers tous, y compris pour le despote, qui a sans doute été mis sur terre pour y accomplir quelque chose de mieux. Les oligarchies sont injustes envers la majorité, et les ochlocraties envers la minorité. De grands espoirs ont été fondés sur la démocratie, mais elle n’est que le matraquage du peuple par le peuple. On en a pris conscience. Je dois dire qu’il en était plus que temps, car toute autorité est totalement dégradante, autant pour ceux qui l’exercent que pour ceux qui la subissent. Lorsqu’elle s’exerce avec violence avec violence, grossièreté et cruauté, elle a pour effet positif de susciter, ou du moins de révéler, l’esprit de révolte et d’individualisme qui doit en venir à bout. Lorsqu’elle exerce avec bonté, accompagnée de prix et de récompenses, elle en devient atrocement démoralisante : moins conscients de l’affreuse pression à laquelle ils sont soumis, les gens poursuivent leur petite vie dans un confort fruste, comme des animaux de compagnie, sans jamais être eux-mêmes un seul instant. « Qui veut être libre, a dit un grand penseur, ne doit se conformer en rien. » Et l’autorité, en soudoyant les gens pour qu’ils se conforment aux autres, engendre parmi nous une barbarie de la pire de la pire espèce gavée et repue.

    À première vue, l’idée que le socialisme engendrerait l’individualisme m’a semblé extrêmement provocatrice mais à la vue de cet extrait, il est flagrant qu’Oscar Wilde remplace le socialisme, ce que l’on peut qualifier d’utopie (l’humain n’est pas fait pour penser aux autres en priorité, que l’on soit politique ou non), par une autre utopie : un monde où finalement on aurait le droit d’être soi-même (un monde où les gens ne jugent pas : j’appelle ça aussi une utopie personnellement). Finalement, Oscar Wilde dans ce texte, publié en 1891 en même temps que le Portrait de Dorian Gray (et donc finalement avant le procès) se dévoile énormément je trouve. Il est moins ironique ou sarcastique que dans son roman et du coup, on arrive mieux à voir sa pensée, qu’il exprime pourtant dans le roman : le non-conformisme, le refus de se laisser diriger par des conventions, tout cela uniquement dans le but d’être soi-même.

    Je pense que c’est un texte utile pour mieux comprendre l’homme et l’auteur (merci au traducteur et au préfacier (?) qui ont fait un travail admirable pour rendre un style et expliquer ce texte qui m’aurait paru peut être plus difficile sans cela).

    Merci à BOB et aux Forges du Vulcain pour ce partenariat !

    Références

    L’âme humaine et le socialisme de Oscar WILDE – traduction nouvelle de Maxime Shelledy et présentation de Xavier Giuicalli (Aux Forges du Vulcain, 2010)

  • J’ai hésité à mettre la quatrième de couverture de ce livre mais finalement, je ne la trouve pas assez représentative du livre. Si je voulais résumer le propos, je dirais tout simplement que c’est le livre de Stevenson (L’étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde pour ceux qui auraient des doutes)., mais raconté par Mr Hyde. Donc logiquement, l’auteur doit boucher les trous laissés par Stevenson, ou plus exactement par entre autres les récits du notaire Mr. Utterson et par le Dr. Jekyll. Jean-Pierre Naugrette (qui je crois a traduit Jane Austen et Oscar Wilde mais aussi Stevenson, dont il est spécialiste) choisit de combler les lacunes avec Le signe des quatre de Conan Doyle. Il fallait oser et finalement, il a eu raison car c’est la partie qui marche le mieux de son roman (il arrive tout de même à étonner Sherlock Holmes quand une erreur dans son raisonnement est dévoilé, oui, oui, tout de même).

    Le récit de Mr Hyde est compliqué à suivre : l’auteur a choisit de rendre la folie de Hyde en supprimant toute la ponctuation (au début j’ai cru à une faute de l’imprimerie, puis au final j’ai trouvé que c’est l’hôpital qui se moque de la charité parce que moi j’en mets de la ponctuation mais un peu n’importe comment) mais comme le dit l’éditeur, ce récit est plein de péripéties (lui ajoute jubilatoires mais je n’irais pas jusque là) : on apprend entre autre le pourquoi des agressions. On ne peut qu’être d’accord avec Hyde même si le meurtre ne reste pas excusable (on ne peut pas tuer tous les gens qui nous parlent quand on a l’esprit occupé, je le dis pour ceux qui douteraient). Je suis aussi contente parce que moi aussi, Mr Utterson, je l’avais trouvé pas très très gentil et surtout bien imbus de sa personne.

    Un conseil par contre si vous voulez lire ce livre, révisez votre Stevenson juste avant parce que sinon le livre risque de vous paraître obscur (je ne vous conseille pas la traduction de chez Librio parce que pour le coup, elle est pas top).

    Références

    Le crime étrange de Mr Hyde de Jean-Pierre NAUGRETTE (Babel, 1998)

  • Quatrième de couverture

    Pour Elena, atteinte de la maladie de Parkinson, le temps se mesure en cachets de dopamine. Son cerveau n’est plus qu’un roi étrôné, incapable de se faire obéir sans ce capricieux émissaire.

    Quand on lui annonce l’invraisemblable suicide de sa fille, Rita, elle sait qu’il lui faut mener sa propre enquête, et qu’elle a besoin d’aide.

    Vingt ans plus tôt, elle (la fille) a sauvé des griffes d’une faiseuse d’anges une jeune femme qui lui envoie chaque année un émouvant gage de bonheur familial. Alors, au prix d’un effort titanesque rythmé par ses pilules, elle traverse Buenos Aires pour demander à Isabel, qu’elle n’a jamais revue, d’acquitter sa dette : prêter son corps valide pour retrouver le meurtrier supposé.

    Mais le malentendu est abyssal entre les deux femmes. Qui doit payer et pour quoi ?

    Mon avis

    Voilà un petit livre qui ne dit pas ce qu’il est, même si dans sa présentation, l’éditeur parle de condition féminine, de vulnérabilité et de préjugés.

    Au début, je croyais lire une sorte d’enquête policière pour découvrir qui a tué Rita, puis par la structure en parties qui suit la prise de cachets de dopamine, on pense à un livre sur la maladie de Parkinson. C’est en tout cas le thème qui sera le plus présent dans le livre : on suit Elena dans ses souffrances, dans ses essais pour lutter contre la maladie et surtout sur ses effets.

    En fond, il y a aussi la relation mère-fille entre Elena et Rita, une relation étouffante à mon avis. Elena est toujours sur le dos de la pauvre Rita, vieille fille qui a pourtant un ami, mais sa mère refuse de considérer celui-ci comme tel, comme si finalement, elle ne voulait plus laisser sa fille. On n’arrive pas vraiment à saisir Rita non plus au cours du livre (elle n’est plus là pour parler la pauvre). On a à la fois l’impression qu’elle a un amour incommensurable pour sa mère mais que parfois elle lui pèse. Je pense que cette impression vient surtout du fait qu’elle a surtout l’impression d’être impuissante face à la maladie de sa mère. Elena nous raconte les chamailleries entre elles avant la maladie comme d’une période qui lui manque car finalement, c’est comme ça qu’elles se disaient qu’elles s’aimaient. Dans la maladie, Elena ne pouvait plus répondre car elle n’était plus maîtresse d’elle même. Finalement, leur relation s’est perdue à cause de la maladie de Parkinson.

    La dernière partie, la confrontation entre Isabel et Elena , aborde une autre partie de la relation mère-fille, tout simplement le désir de mère et finalement ce que l’on fait de cette maternité.

    C’est un livre très très beau, jamais lourd, jamais moralisateur mais qui peut faire peur par ce qu’il nous montre de la maladie de Parkinson, que l’on soit la personne qui veille ou la personne malade.

    Inutile de vous dire que Les veuves du jeudi (dont un film s’est inspiré), premier livre traduit en français de l’auteur, est déjà dans ma PAL.

    Références

    Elena et le roi détrôné de Claudia PIÑEIRO – traduit de l’espagnol (Argentine) par Claude Bleton (Actes Sud, 2011)

  • Quatrième de couverture

    Automne 1935, Arbuckle  se trouve en Écosse. Officiellement en vacances, il cherche en réalité à joindre Mildred son ex-épouse, pour tirer au calir les meurtres de Johnstone et Alcorn, mieux connus sous le nom de l’affaire de la Tache noire. Mais Mildred demeure murée dans l’hôpital psychiatrique qu’elle dirige, à Greenhengh, où une nouvelle menace grandit, une menace grandit, une menace qui prend sa source bien loin des Highlands…

    Mon avis

    Bien entendu, après ma lecture enthousiaste du premier tome, j’ai été obligé de lire le second. Ben oui, j’allais pas comme ça rester dans l’attente. Il est assez différent du premier sauf bien sûr pour le dessin, donc je vous renvoie à mon avis sur le premier (c’est en gros un graphisme et des couleurs très inspiré de Disney).

    Pour l’histoire, il y a beaucoup moins de références mais beaucoup plus d’actions. Et c’est très plaisant. Il y a un mélange de L’île noire (l’album de Tintin sauf qu’il n’y a pas de singe), de James Bond, de Sherlock Holmes (un petit peu) et de manières anglaises : les méchants tiennent d’une main leur pistolet et d’une autre le verre de whisky (ce n’était pas encore l’heure du thé). J’ai aimé la secrétaire d’Arbuckle, resté à Londres qui joue les infomatrices en faisant des recherches documentaires.

    On rit donc beaucoup aux situations et on suit l’histoire avec grand intérêt. Que demander de plus ?

    Il est à noter que ce volume forme un diptyque avec le volume précédant mais qu’il y aurait un troisième livre reprenant le personnage d’Arbuckle avec une nouvelle enquête ! Il devrait sortir bientôt. Je le lirai bien évidemment !

    Références

    Vieille bruyère et bas de soie – tome 2 : Murder party de Etienne WILLEM (scénario et dessin) et de Ramon Pantoja (couleur) (Paquet, 2011)