Présentation de l’éditeur
Frères et sœurs est l’un des deux romans d’Ivy Compton-Burnett à se passer au 20e siècle. Les personnages et l’atmosphère n’en sont pas moins victoriens. On y retrouve ce huis-clos des demeures anglaises où s’engagent d’étranges duels oratoires. Le monde d’Ivy Compton-Burnett est traversé de ces conversations en demi-teintes à l’extrême perfidie, par lesquelles nous sont révélés des personnages aussi feutrés dans leur componction sournoise que cruels envers leurs semblables. Rien n’est jamais clair, détendu ou serein. On apprend au détour d’une confidence, comme en héritage d’un lourd secret, que le neveu est en fait le fils de l’oncle ou, comme ici, que celui qui était le beau-père est en fait le père. On frôle constamment l’inceste, on ne sort plus du piège de ces descendances à voie étroite qui mènent droit à la dégénérescence. L’étouffement est ainsi total, spatial et temporel et la référence ne peut plus être que celle des tragédies grecques où le frère et la sœur méditent la mort du parent usurpateur. Toutes les tragédies humaines sont des affaires de famille, a-t-on pu dire et ceci se vérifie dans l’œuvre fascinante d’Ivy Compton-Burnett, la vieille dame anglaise aux lèvres pincées qui observe de son fauteuil, comme un entomologue devant ses vitrines, la lente extinction des énergies victoriennes.
L’histoire
Quand Ivy Compton-Burnett décide de vous parler de frères et sœurs, elle n’y va pas à moitié. Il y a deux personnages isolés, sinon il n’y a que des couples de frères et sœurs.
Andrew Stace a deux enfants : une fille légitime qui s’appelle Sophia et un garçon qu’il a pris sous son aile puis adopté, nommé Christian. Dans son testament, Andrew lègue tout à Christian au risque de léser sa « vraie » fille ! Mais voilà, ces deux-là s’aiment et décident de se marier. Andrew s’y oppose en arguant que c’est quand même mieux de changer d’air parfois. Il meurt peu après. Christian et Sophia se marient tout de même.
On se retrouve une trentaine d’années plus tard. Christian et Sophia ont eu trois enfants : Andrew, l’aîné, Dinah et Robin, le dernier. Sophia, qui n’a en vue que son mari, délaisse ses trois enfants et ils sont plus ou moins élevé par la gouvernante Patty. Andrew, en tant qu’héritier, et Dinah, en tant que fille cherchant donc un mari, ne travaillent pas et sont oisifs à la maison tandis que Robin a fait des études et à une vie propre à Londres (même si il est vraiment souvent chez ses parents). C’est le premier couple de frère et sœur et le premier personnage isolé.
Dans le voisinage, il y a plein d’autres jeunes (dans les vingt-cinq, trente ans tout de même) : Edward et Judith, l’homme d’église du village et sa sœur ; Julian et Sarah, deux jeunes orphelins oisifs (on ne sait pas trop de quoi ils vivent mais bon), Tilly et son frère Latimer, les deux cousins pauvres des trois Stace, qui sont en plus munis d’un père, Peter, qui leur fait honte à chaque fois qu’il sort !
À cela, Caroline et Gilbert vont venir s’ajouter après un emménagement dans le pavillon noir avec leur mère malade (et même mourante).
Il va y avoir tout au long du roman une sorte de micmac amoureux, les couples de frères et sœurs cherchant à se marier avec des frères et sœurs. Au fur et à mesure que sont dévoilés les secrets de famille glauquissimes, les couples vont évolués.
Mon avis
C’est la première fois que je lis Ivy Compton-Burnett et j’ai adoré (j’avoue, je suis en train d’en lire un deuxième). Je crois que c’est parce qu’elle est encore plus langue de vipère que moi et aussi qu’elle flatte mon côte commère avec tous ces secrets de familles. L’écriture est très très particulière parce que tout se passe en dialogue. Parfois, je lisais une phrase et je me disais c’est quand même bizarre de dire cela devant elle mais en réalité, il y avait un mot avant qui disait qu’elle était partie. L’idée c’est que finalement tout s’enchaîne très vite et il faut être très attentif car elle donne des détails importants dans des touts petits bouts de phrases.
Par contre, il faut voir les dialogues entre les personnages, c’est échanges de bons mots et de propos acerbes, cela fait mal (il y en a même que je n’ai pas compris mais je crois que c’est du à la traduction car dans celui que je lis en ce moment et qui est sorti en ce moment, il n’y a pas ce problème).
Là où je mets un bémol, c’est que finalement on n’arrive pas à comprendre réellement la relation qu’il y a entre Sophia et ses trois enfants. C’est du à la mise à distance qui se produit à cause justement du style de la romancière. C’est très froid (même avec Patty qui est soit-disant leur seconde maman) et finalement on se concentre sur le propos et pas vraiment sur ce qu’il y a derrière (vous allez me dire c’est langue de vipère ou cela ne l’est pas !)
Mais, j’ai aimé, voilà !
Références
Frères et sœurs de Ivy COMPTON-BURNETT – traduit de l’anglais par Lola Tranec (L’âge d’homme, 1984)