Cecile's Blog

  • Présentation de l’éditeur

    Unanima est une ville située au fin fond de l’Antarctique, un endroit où seuls les artistes sont autorisés à résider. Ils disposent de 6 000 m2 de glace, la toile la plus grande du monde. Mastrangelo, maître des lieux, prône qu’on y peigne « le projet de tous et de chacun » : l’œuvre unanime, l’œuvre ultime, la seule digne d’être contemplée par les dieux. Mais un homme, une femme et la technique vont contrecarrer ce projet, qui sous couvert d’être utopique ne fait que porter la mégalomanie de Mastrangelo.

    Une citation

    Réveillez-vous et réalisez que le consensus est la pire des solutions. C’est la noirceur d’un rêve profond dont rien ne sort, que personne ne ressent. Seul le conflit est un véritable éveil à la violente lumière de l’aube qui nous ramène à la vie.

    Mon avis

    Je vais y prendre goût aux bandes dessinées bizarres de ces deux auteurs. Vous allez me dites qu’il n’y en a que deux traduites, je ne risque pas grand chose.

    Il me semble que l’on prend l’histoire où on l’avait laissé dans le volume précédent même si les deux histoires sont complètement détachées. En effet, on voit arriver Lorenzo sur une draisine après avoir quitté la ville de Butania (c’est un peu comme Butanie, non ?) Il rencontre Lailuka, artiste, qui veut aller à Unanima (la ville où tout le monde est d’accord, surtout avec le chef), ville des artistes, pour pouvoir exercer son art. Elle y emmène Lorenzo.

    Comme j’ai lu ce livre un vendredi soir (et que je ne suis jamais bien réveillée le vendredi soir), je n’avais pas compris le sens d’Unanima, la ville où tout le monde a le même avis. Quand Mastrangelo (qui ressemble au Pape à s’y méprendre) dit à Lailuka qu’elle est belle mais est une artiste médiocre, je me suis dit qu’il me semblait bien qu’elle se la pétait. Mais peut être pas en fait, c’est plutôt qu’elle a un esprit fort, qui peut déranger sa dictature et qu’il l’a vu de suite. De même, quand le personne d’Ego (l’ego de Unanima explique que le consensus n’est pas propice à créer l’art), Mastrangelo (qui dit Ego égoïste) le fait taire en lui faisant une sorte de lobotomie, pour pouvoir terminer son projet, LE projet de la ville (qui est le projet proposé par Mastrangelo). Le sujet de la bd est donc principalement sur une société utopique devenu une dictature sous la houlette d’un seul homme et pourtant cette société semble restée utopique aux yeux de ses habitants.

    Le style graphique est le même que dans la bd précédente même si les couleurs sont plus lumineuses (c’est dans la neige tout de même).

    Les deux bd que j’ai lu de ces auteurs ont comme point commun d’illustrer des sociétés où la contestation n’est pas permise et à chaque fois, ces sociétés meurent. La réflexion est cependant parfois difficile à suivre (on ne sait pas où les auteurs veulent en venir).

    Références

    La grande toile de AGRIMBAU et IPPÓLITTI – traduite l’italien par Jean-Michel Boschet (Albin Michel, 2006)

  • Quatrième de couverture

    À côté de nombreux travaux portant sur des sujets aussi divers – en apparence – que la théorie de l’inconscient, l’anatomie comparée, ou la physiognomonie des montagnes, Carl Gustav Carus (1789-1869) a laissé le récit détaillé du voyage qu’il fit à l’île de Rügen, sur l’incitation de son ami et mentor le peintre C.D. Friedrich.

    À l’époque, en 1819, cette île de la Baltique aux blanches falaises de craie pouvait encore donner « l’étrange impression d’une nature primordiale intacte », exceptionnellement propice « au complet abandon à ses pensées et à ses sentiments ». Carus put ainsi poser les jalons de sa célèbre théorie de la peinture de paysage, considérée comme « expérience de la vie de la terre », et qui annonçait le projet de toute une vie : redéfinir la place de l’art et de la science dans leurs rapports à la connaissance.

    Un extrait

    Berlin, qu’on atteint aujourd’hui en cinq heures, était alors à trois grands jours de route ! À l’intention de la postérité, nous devons précieusement garder la mémoire de ces temps antédiluviens car il faut compter qu’ils tombent dans un total oubli dès les prochaines générations, alors que tant d’énormes événements de l’histoire de l’humanité n’ont d’autre cause, précisément, que ces rapides transformations. Ainsi, quand je songe à la lenteur de ce voyage à travers sables et marais, à cette petite voiture cahotant par villes et villages, où nous pouvions à loisir nous livrer à la contemplation des environs de Herzberg, si joliment boisés de chênes, avec çà et là quelques pins pittoresques, des cigognes perchées sur les chaumières rustiques dans la lumière du matin, et de cent autres semblables petites scènes de voyage, et que je compare cela à l’impétueux train express du chemin de fer qui, sans nulle transition, m’emporte d’un trait en même temps que cent autres voyageurs vers l’unique but du voyage, cette seule différence a déjà en soi des effets proprement incommensurables ; mais si, poussant la réflexion plus loin, l’on songe que l’effet de ce changement, rapporté à l’humanité, est désormais un million de fois plus sensible chaque jour, à chaque instant, et que bientôt, d’une façon générale, ne se retrouvera plus nulle part cette plus grande simplicité propice à la contemplation, alors, il est tout à fait sûr qu’il faut s’attendre à d’essentielles transformations dans la pensée et la sensibilité des masses. Le nouveau sera caractérisé par le sens aigu du pratique, par l’agilité de l’esprit de calcul, le prosaïsme, la recherche du luxe et de la jouissance immédiate, tandis que la franche bonhomie, la sensibilité contemplative, la poésie, la modestie des goûts et des besoins et une certaine frugalité définiront l’ancien. [pp. 31 à 33]

    Mon avis

    Mon frère veut partir en vacances sur l’île de Rügen. Il fallait donc que je me renseigne pour savoir ce qu’il allait voir. L’autre jour, en furetant sur le blog de Dominique, les colonnes sr les côtés m’ont rappelé son billet sur ce livre. J’ai donc été l’emprunté à la bibliothèque (de manière urgente bien évidemment au cas où quelqu’un veuille lire en même temps que moi le même livre sorti il y a treize ans).

    Le livre fait 60 pages : 30 pages de préface et 30 pages de texte. Le texte donne envie de prendre l’air, d’aller à Rügen, de prendre le temps de contempler, d’observer, de voir. Dans ce soucis, j’aurais aimé des illustrations pour me faire un peu plus rêver (un peu comme il existe des livres illustrés pour le voyage de Stevenson dans les Cévennes avec son âne).

    Ce qui m’a le plus surpris (et il faut bien dire que j’y ai fait attention grâce à la préface), c’est la manière qu’a Carus de voir le voyage, l’observation. Je ne me rappelais plus exactement ce qu’était les « caractéristiques » du mouvement des Romantiques (les cours de français sont loin). Carus a une formation scientifique mais est aussi peintre. C’est un homme complet : il va contempler (et même considérer qu’essayer de capturer le paysage, c’est dénaturer la chose, ne pas en profiter), réfléchir mais il va aussi observer d’un point de vue  scientifique les grandes falaises de craies peintes par son ami Caspar David Friedrich (il y a le tableau dans le billet de Dominique).

    Il ne me reste plus qu’à attendre les photos de mon frère …

    Références

    Voyage à l’île de Rügen – Sur les traces de Caspar David Friedrich de Carl Gustav CARUS – préface de Kenneth White – traduit de l’allemand par Nicole Taubes (Premières pierres, 1999)

  • Quatrième de couverture

    Canada, printemps 1989. Trois personnages à l’aube de leurs vingt ans ont quitté leur lieu d’origine pour entamer une longue migration.

    Né quelque part au Manitoba, Noah Riel a appris à lire avec les cartes routières. Après dix-huit ans d’errance dans les Prairies, il tente de s’installer à Montréal. Joyce Doucet, elle, a vu le jour à Tête-à-la-Baleine, et caresse des rêves de flibustier moderne. Quant au narrateur, il quitte le bungalow maternel pour voyager dans les livres, qu’il vend dans une bouquinerie de Montréal. Il ne se sépare jamais d’un compas-boussole déréglé qui s’obstine à pointer la direction de l’îlot Nikolski, dans le Pacifique nord. Au terme d’une migration réelle ou symbolique qui s’achève en décembre 1999, « quelques heures avant la fin du monde », les membres de cette étrange trinité auront tant bien que mal compris ce qui les rassemble. Au passage, ils auront rencontré serpents de mer et archéologues, scaphandriers analphabètes et victimes du mal de terre.

    Best-seller au Canada, couronné en 2006 par le prix des Libraires du Québec, Nikolski est l’un des romans les plus originaux et les plus talentueux de la jeune littérature canadienne. Une impossible recherche des origines racontée avec bonheur et humour.

    Mon avis

    J’ai piqué cette idée de lecture chez Wodka. Je l’en remercie car j’ai lu ce livre de manière avide comme une bouffée d’oxygène nécessaire. C’est un moment de l’histoire de trois personnages qui ont un lien qu’ils ne connaissent pas.

    Il ne faut donc pas vraiment cherché d’histoire avec introduction, développement, conclusion. Il n’y a pas de conclusion donc. On ne sait pas où l’auteur voulait en venir et pourquoi il termine à ce moment là mais pourtant la fin est un clin d’œil cocasse à tout ce qui s’est passé pendant le roman.

    Les trois personnages et sont tous liés par un homme : Jonas Doucet. Celui-ci est le père des deux héros masculins tandis qu’il est l’oncle de Joyce. Dans la famille Doucet, on n’est pas ancré à une terre. Il faut voyager, c’est dans le sang. C’est ce que les personnages vont faire. Le narrateur va le faire uniquement dans les livres. Il travaille dans une bouquinerie. Il ne gagne rien mais il a beaucoup de temps pour lire. Il pique tous les livres de voyages, les cartes qui arrivent au magasin, celui-ci se trouvant donc fort dépourvu en la matière. Il est trop (comme moi …) ce personnage. Il est attachant et pourtant il intervient peu mais en peut être quatre chapitres, on a l’impression de le connaître. Noah, avec son côté nomade par naissance mais qui a envie d’essayer la sédentarité, et Joyce qui est sédentaire mais veut devenir pirate (et donc nomade par profession), sont aussi attachants (et surtout très particuliers dans le sens où je n’en ai jamais vu des comme cela dans d’autres romans) mais je ne prétends pas pouvoir les connaître.

    C’est aussi une des particularités de ce roman : le don de Nicolas Dickner pour faire des personnages. Il n’y en a  aucun qui soit raté même si on ne peut pas prétendre les connaître de l’intérieur. Il y a un côté insaisissable, fuyant chez chacun comme si ils avaient toujours la tête ailleurs. Cela donne l’impression d’être spectateur mais pourtant on a envie de les suivre.

    Du coup, quand les personnages se rencontrent ou côtoient les mêmes gens ou habitent dans le même quartier, est surprenante et fait sourire. Sans avoir lu tout le livre, je m’attendais à tout moment à ce que les personnages se « reconnaissent » (surtout quand Joyce et le narrateur se rencontrent et parlent des Doucet). C’est ce qui m’a le plus cru je crois, le fait qu’ils ne se rencontrent pas. Si le contraire s’était passé, je pensé que j’aurais crié au surfait, au cliché, à l’artificiel mais là non.

    En conclusion, c’est un excellent moment de lecture. Je vais me pencher sur le deuxième qui a paru car cela parle voyage aussi !

    Références

    Nikolski de Nicolas DICKNER (Denoël, 2007)

    Première parution aux éditions Alto en 2005.

  • Quatrième de couverture

    Une mère qui glisse lentement vers la folie, un père qui dérive dans une mer d’alcool, un grand-père malade à charge, le foyer d’Ilda n’est pas de ceux qui permettent de vivre une enfance insouciante. Si l’on ajoute les voix mystérieuses qui hantent les fantasmes de la jeune enfant et la succession de tabous à laquelle elle se heurte dans son petit village rural du Portugal, l’éveil d’Ilda est de ceux qu’on n’a pas le temps de voir passer.

    Un extrait

    (C’est celui choisi pour l’éditeur pour la quatrième de couverture. Vous allez penser que je ne me suis pas foulée mais au final, il illustre très bien l’écriture.)

    À la surface, l’eau a formé une vaste étendue comme une mer. On entendait sa voix, l’eau parlait. Mais le village est demeuré silencieux, il n’y avait aucun son hormis la voix de l’eau, le village est devenu muet, un endroit pour les morts. Au fond, au fond. Toutefois, lorsqu’on rouvrait les vannes et que l’eau descendait, on pouvait y retourner, a dit mon grand-père. Certaines années, cela arrivait.

    Maintenant il ne pouvait plus, il n’y retournerait plus jamais. Et sans doute était-ce mieux ainsi, il ne verrait pas les dégâts, le village désert, les rues où ne passait plus personne, les pierres, les murs, les toits arrachés, car beaucoup de choses, bien entendu, étaient parties à vau-l’eau, mais dans la vie c’est ainsi, beaucoup de choses allaient à vau-l’eau, on tournait la têtes et les choses n’étaient déjà plus là, les gens n’étaient déjà plus là.

    Mon avis

    C’est beaucoup trop court : 40 pages seulement. L’écriture emporte de suite vers l’univers de la petite fille. Elle observe, avec des yeux d’adultes, les adultes qui sont censés s’occuper d’elle. Des adultes qui jouent aux enfants ou aux adolescents sans se soucier de cette petite fille qui gère la folie de sa mère (que l’on appellerait chez nous plutôt dépression), l’alcoolisme de son père, la maladie de son grand-père (qui semble être le seul à parler à cette petite fille). Au fur et à mesure que son regard va s’éveiller à ce qui se passe réellement (les causes de la dépression, ce qui fait que sa mère guérit, ce qui fait que son père va plus mal, ce qui fait que son grand-père va mieux et ce qu’il est prêt à faire), la petite fille va elle sombrer dans une sorte de folie. Elle ne parlera pas de ce qui a tracasse et tout restera dans sa tête quitte à parler avec des anges.

    Sans aucun doute, ce qui est intéressant dans cette nouvelle, c’est la psychologie des personnages tout autant que leurs solitudes (leurs manières de vivre au même endroit mais de manière séparée : l’écriture de l’auteur arrive très très bien à le figurer). Par contre, je ne dirais pas qu’Ilda se heurte à des tabous de la société portugaise mais plutôt des tabous de sa famille (des secrets inavoués), des tabous d’adultes qui s’imaginent que leurs vies, leurs querelles, leurs amours, leurs drames n’interviennent pas sur l’univers d’une petite fille.

    C’est magnifique sans aucun doute mais quarante pages (en comptant les pages de titre) c’est trop court pour faire connaissance avec l’univers d’un auteur (qui au dire de l’éditeur est « une des voix majeures de la littérature moderne portugaise »). Il s’agit ici de la seule nouvelle traduite en français de cette auteure.

    Références

    Les Anges de Teolinda GERSÃO – traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues (Autrement, 2003)

    Première parution en portugais en 2000.

  • Quatrième de couverture

    En 1927, Virginia Woolf et son mari éditeur Léonard vivent à Monk’s House dans la campagne du Sussex. Elle vient de publier La promenade au phare et vit une passion tourmentée avec Vita Sackville-West, aristocrate et romancière elle aussi, qui se partage entre l’immense château paternel de Knole et Long Barn, la demeure de son époux Harold. La fascination que ressent Virginia pour Vita, l’opposition entre son milieu bohême et la vieille aristocratie anglaise l’amènent à prendre pour sujet de son nouveau roman l’excentrique Vita qui n’a pour règle que le plaisir de l’instant. Ainsi naît Orlando, homme et femme à la fois, de l’amour et de la frustration, de la jalousie et de la complicité de deux femmes exceptionnelles. Virginia va métamorphoser sa relation amoureuse en création littéraire.

    Mon avis

    J’avais que je n’ai pas voulu lire ce livre pour ses qualité littéraires mais pour en savoir plus : sur la relation Virginia Woolf – Vita Sackville-West mais aussi sur le genèse d’Orlando que je n’ai toujours pas lu mais qui est très intrigant.

    Je n’ai rien appris d’extraordinaires, en tout cas, rien qui me semble extraordinaires. Sur l’histoire entre Virginia et Vita, je n’ai pas compris quelles relations elles avaient. Dans la bd qui retraçait la biographie de Virginia Woolf, j’avais pensé que Virginia était plus éprise de Vita que le contraire mais que Virginia en prenait son partie malgré une légère jalousie. J’avais pensé qu’entre les deux femmes, il y avait énormément de tendresse, une connivence littéraire. Ici, j’ai eu l’impression que Virginia Woolf était une frustrée qui voulait juste toucher les seins de sa copine (ce qui me choque c’est que l’on n’arrive pas au travers du roman à ressentir les émotions qui peuvent passer entre Virginia et Vita). Du même coup, Christine Orban a un peu cassé le mythe que je me faisais de Virginia Woolf. Elle décrit une femme tellement peu sûre d’elle même qu’elle en est jalouse au point de prendre sa voiture dans l’idée de faire une scène, qu’elle en est méchante gratuitement (elle ne fait pas de l’esprit ou n’est pas sarcastique, elle est juste méchante). Dans le livre, on n’arrive même pas à ressentir Virginia Woolf en tant qu’écrivain, ce qui est assez paradoxal pour un livre écrit par un écrivain (on s’attend à ce que ce soit ce qui est le mieux décrit).

    On retrouve cette personnalité de Virginia Woolf dans la construction d’Orlando. Elle change les péripéties suivant ses (pseudo)-querelles avec Vita. On a l’impression d’avoir à faire à un écrivain amateur.

    En conclusion, tout cela m’a conforté dans le fait que je ne savais pas grand chose de Virginia Woolf. Je vais lire Orlando et me faire mon idée toute seule sur le livre, une vraie biographie de Virginia Woolf (et non un livre où il y a clairement écrit roman dessus) et aussi Portrait d’un mariage pour comprendre qui était Vita Sackville-West au moins vu par un de ses fils. Le pire, c’est que j’ai tout cela dans ma PAL.

    Un autre avis

    Celui de Yv.

    Références

    Virginia et Vita de Christine Orban (Albin Michel, 2012)

    On nous dit que :

    La première édition de Virginia et Vita est parue en 1990 sous le titre Une année amoureuse de Virginia Woolf et sous le nom de Christine Duhon. Cette seconde édition a été revue intégralement par l’auteur.

    P.S. J’ai lu ce livre en version électronique et du coup, je ne sais même pas la fin car la dernière page n’est pas la bonne (mais l’en-tête d’un chapitre précédent).

  • Pendant la Seconde Guerre Mondial, un officier allemand, Alfredo Guzman, officie en tant que gynécologue sur une base à l’arrière. Je pense que vous avez déjà tout de suite cernée le ton du livre. Si vous ne trouvez pas que c’est cocasse, je vous donne le premier paragraphe :

    Mon père était nazi, c’est indiscutable. Il a toujours fait le mauvais choix.

    Le livre est drôle, cocasse (on croit que cela va se poursuivre jusqu’à la fin mais en fait non). Par contre, ce qui dure c’est que l’on enchaîne les quiproquos, les mauvais choix (le mauvais karma) de notre héros.

    Je continue donc l’histoire. Quand on est gynécologue sur une base militaire, à part que l’on doit aussi se taper les maladies vénériennes des soldats (rien de tel que la pratique pour se faire l’œil apparemment), on et un séducteur ! La seule femme qui vit sur cette base, c’est la femme du commandant. Cela limite le choix mais Alfredo Guzman n’hésitera pas une seconde à la mettre dans son lit (plus exactement sur sa table gynécologique). Il faut dire qu’il était un peu obligé de la remercier car c’est un peu elle qui l’a fait mettre à ce poste (et ainsi éviter le front).

    Le problème est qu’un jour le commandant s’en aperçoit. La seule solution est la désertion suivie de la sortie du pays ! Alfredo Guzman abandonne au pays, sans trop de remords (on pouvait s’en douter), sa femme et ses jumeaux (un d’eux est le narrateur de toute l’histoire). Pour quel pays fuit-on en pleine guerre ? Si vous allez lu le titre du livre, vous allez me dire Venezuela ! C’est le pays du père d’Alfredo qui a lui aussi abandonné femme et enfant pas encore né. C’est donc dans les gènes tout cela ! Il n’espère même pas retrouver son père, c’est juste la seule idée qui lui est venu dans la tête (il n’a pas l’air d’avoir grand chose dedans). Après un voyage halluciné, organisé par un haut gradé, il arrive au Venezuela où il retrouve son père à proximité d’une colonie allemande. On se demande comment va se passer la rencontre, leurs « destins » semblant tellement similaires. Là où notre héros ne réfléchit pas, son père lui calcule froidement pour prendre exactement la même décision (peut être que c’est un caractère héréditaire … je rigole). La fin est d’une tristesse absolue surtout quand on a rigolé tout le long du livre. Je vous laisse la découvrir.

    Références

    Venezuela (Petit roman) de Jochen JUNG – traduit de l’allemand par Françoise Toraille (Métailié, 2008).

    Première parution en allemand en 2005.

  • Présentation de l’éditeur

    Comme un texte inventé de toutes pièces peut-il circuler depuis cent ans et provoquer des revirements politiques fracassants ? Will Eisner retrace avec génie toute l’histoire de ce faux « complot juif » monté au début du XXe siècle pour attiser l’antisémitisme régnant en Europe et en Russie : les Protocoles des Sages de Sion justifient les pires intentions, et leur diffusion connaît un succès retentissant avant et pendant la Première Guerre mondiale. Un journaliste britannique du Times découvre la supercherie en 1921 : les Protocoles sont une copie presque conforme d’un obscur traité anti-bonapartiste, les Dialogues aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, écrit par un dissident français en exil. Les « auteurs » des Protocoles n’ont eu qu’à remplacer les bonapartistes par les Juifs et le mot « France » par « le monde »…

    On connaît donc la vérité mais rien n’y fait : les Protocoles sont utilisés par Hitler, le Ku Klux Klan et trouvent encore aujourd’hui des millions de lecteurs dans les pays arabes. Surpris par le destin insolite de ce plagiat, Eisner nous raconte son histoire avec un coup de crayon très expressif, drôle et noir, ironique et inquiétant. Des cadrages audacieux, d’impressionnantes pages titres, pour mieux dénoncer un mensonge qui sert la haine et l’antisémitisme.

    Mon avis

    C’est un roman graphique admirable. Will Eisner a fait le choix d’insister sur la propagation des Protocoles, plutôt que sur le contenu. Je trouve cela vraiment très intelligent car c’est la propagation qui fait le mal, une propagation qui ne veut pas cesser malgré la démonstration que c’est un faux. Ce que Will Eisner montre très bien c’est que les Protocoles s’auto-alimentent : on montre que c’est faux mais les gens le lisent et disent que l’on s’en fiche de la source car il montre les Juifs tels qu’ils sont. Paradoxalement donc, le texte est faux mais montre la vérité. C’est un faux raisonnement et les gens ne s’en rendent pas comptent ou ne veulent pas s’en rendre compte. C’est un cercle que certains ne peuvent pas rompre.

    La narration est particulière car elle suit l’histoire par épisode (il n’y a pas de retour en arrière ou une narration linéaire). On ne sent pas ce côté séquentiel, Will Eisner ayant soigné ses transitions. À un moment du roman graphique, il compare les Protocles avec Dialogues aux enfers entre Machiavel et Montesquieu. Je trouve que c’est osé car cela coupe complètement la manière que l’on a de lire (c’est là où on voit qu’un bd ne se lit pas de la même manière qu’un roman). Pourtant, c’est la démonstration la plus flagrante que l’on a à faire à une contrefaçon.

    C’est une lecture à faire pour ce qu’elle nous apprend (les dessins ne sont pas particulièrement novateurs par exemple ; l’attrait est dans le « scénario » et la manière dont il est raconté).

    Références

    Le Complot – l’histoire secrète des protocoles des sages de Sion de Will EISNER – introduction de Umberto Eco – traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre-Emmanuel Dauzat (Grasset, 2005)

    Livre lu dans le cadre des 12 d’Ys pour la catégorie Romans graphiques / intégrales.

  • Présentation de l’éditeur

    Alors que la Russie est encore  soviétique, un jeune Russe, Nikolaï, est contraint d’effectuer son service militaire en Afghanistan, occupé à cette époque par les troupes de l’URSS, en guerre ouverte avec la résistance afghane. Fait prisonnier par une unité de la guérilla, le jeune homme aura l’opportunité de découvrir le vrai visage de ceux qu’il combat – et du même coup de réviser ses convictions de façon radicale.

    Mon avis

    Cette BD est la suite d’un projet ayant pour moteur Christophe de Ponfilly. Cela avait commencé par un film sorti en salle le 22 novembre 2006 (Christophe de Ponfilly s’est suicidé en mai 2006) associé à la parution d’un livre aux éditions Albin Michel. Cela s’est poursuivi par la parution de cette bande dessinée.

    On va commencer parce que j’ai le moins aimé : les dessins et les couleurs. Ils sont biens mais sont vieillots. Pour le coup, je me dis que j’aurais mieux fait de lire le livre mais je crois qu’avec cette bd, les auteurs font passer autres choses (c’est souvent le cas avec les bd d’ailleurs). À la fin, il y a des croquis préparatoires qui sont magnifiques pour contre.

    Dans cette bd, on apprend énormément du contexte historique (la guerre russe d’Afghanistan). Le scénario est basé sur le manque de tolérance des deux camps en cas de guerre (c’est donc très généralisable) et aussi sur le fait que la guerre est souvent faite par ceux qui ne l’ont pas décidé. Le jeune russe ne veut pas partir à la guerre (une guerre dont on entend les pires horreurs et qui est la pire affectation que l’on puisse avoir). Quand il se retrouve là-bas, il ne pense qu’à déserter. Quand il se fait prendre (après avoir montré lors d’un pillage d’un village qu’il n’était pas comme les autres), certains Afghans veulent le tuer mais il réussit à s’adapter, à ne pas mourir … Au fur et à mesure, il va faire partie des leurs, adopter l’islam (il découvre l’Autre contre qui il se bat contre son gré). C’est cette transformation qui passe mieux à mon avis en image. On se rend mieux compte. Il va être obligé une fois de tuer ses anciens camarades. Ce qui est triste, c’est qu’il ne sera jamais vraiment accepté et sera tué avant de pouvoir vivre son rêve : faire du rock dans un groupe.

    En conclusion, le travail de Christophe de Ponfilly était un travail important car il portait un regard humain sur cette société guerrière.

    Références

    L’étoile du soldat de Christophe de PONFILLY (scénario), de René Follet (dessin), de Jérôme Deleers (couleurs) (Casterman, 2007)

  • Ben, j’ai été déçue par cette bande dessinée. Le sujet est extraordinaire : le gorille albinos, unique cas connu, qui a vécu près de 40 ans au Jardin Zoologique de Barcelone. Le gorille est mort en 2003 à la suite d’un cancer de la peau. Je ne sais pas ce que vous auriez fait mais moi j’aurais parlé de sa vie, de comment on l’a capturé, de sa mort, de qui il était de ce que l’on aurait obligé à faire, quitte à être choquant et irrévérencieux.

    Mais l’auteur n’a pas choisi cette voie. On a l’impression qu’il a plutôt choisi de relater sa relation avec le gorille. Par exemple, il raconte une version « inventée » de la capture du gorille (après il explique que ce n’est pas le cas mais que la réalité est plus barbare car elle fait intervenir des braconniers). Il raconte l’émotion qu’il a en attendant de revoir le gorille, juste avant sa mort (il vient à Barcelone car la mort prochaine a été annoncée). Il raconte son émotion après l’avoir vu. Il raconte l’émotion d’une petite fille qui se rend compte de ce qui se passe pour le gorille. En lisant cela, je ne me suis jamais sentie proche du gorille, je n’ai rien appris. J’ai un sentiment de frustration de ne pas être rentré dans un univers particulier. Ce sont des attentes déçues, peut être pas forcément un mauvais album. Mais bon …

    En plus, comment il a réussi à rentrer dans cette bd sa relation sexuelle avec une fille rencontrée par hasard, et surtout le rapport avec le gorille albinos me dépasse.

    Les dessins ne sont pas trop ma tasse de thé car il ressemble à des dessins de presse et peuvent donc être parfois très caricaturaux, notamment sur les visages.

    Références

    Le roi blanc de Davide TOFFOLO – traduction de l’italien de Émilie Saada (Casterman / écritures, 2005)

  • Le point de vue des éditeurs

    Ce roman se présente comme un récit parallèle à la chronique de l’historien Jabarti, témoin oculaire de la conquête de l’Égypte par Bonaparte en 1798. Il serait l’œuvre d’un jeune disciple possédant quelques rudiments de français qui vont lui permettre d’être recruté à l’Institut d’Égypte, en tant que sous-bibliothécaire. Il peut ainsi fréquenter des Français, observer de près leurs mœurs, s’informer de leurs idées. Il note ce qu’il voit et entend d’un ton généralement neutre, parfois amusé, et n’hésite pas à consigner ses émois amoureux. On apprend ainsi qu’une Française – et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de Pauline Fourès, la maîtresse de Bonaparte ! – lui a accordé ses faveurs. Cependant, copiste et informateur de Jabarti, il est aussi au courant de tout ce qui se passe en Égypte, et ne manque pas de dénoncer les crimes commis par les mamelouks et les Ottomans, ou les compromissions des grands « turbans » locaux.

    Roman historique, Turbans et chapeaux n’en reste pas moins une œuvre d’une brûlante actualité. Écrit lors de l’invasion américaine de l’Irak, il explore, avec la vigueur qui a fait la renommée de Sonallah Ibrahim, l’histoire des relations orageuses entre les Arabes et l’Occident depuis deux siècles.

    Mon avis

    J’ai trouvé ce livre sur une table de la bibliothèque sur le thème de l’excentricité. J’avoue ne pas avoir compris ce qu’il faisait là. Par contre, j’ai énormément aimé cette découverte (de l’auteur et de la littérature égyptienne donc c’est le premier livre que je lis).

    Je commencerais par un reproche. L’histoire se passe au Caire pendant la conquête de l’Égypte par Bonaparte en 1798 (et les trois ans d’occupation qui s’en sont suivis). Cela aurait sans aucun doute aidé à ma compréhension d’avoir un rappel historique, d’avoir un rappel sur l’organisation sociale et ethnique (ou religieuse) de la ville, ainsi que de sa géographie (parce que les noms de quartier sont restés très énigmatiques). De même, en postface, on nous dit que ce livre reprend des passages du livre de Jabarti. Lesquels est-ce ? Pas de précisions. Quels sont les éléments inventés, les événements historiques ? Il y a un peu plus de choses mais c’est un livre qui en demandent plus. Je crois que ces manques faussent un peu la lecture.

    En effet, j’ai lu ce livre comme un roman d’aventures (d’aventures historiques mais d’aventures tout de même). Le narrateur est dans la vingtaine et on sent qu’il est avide de vivre les évènements qui se produisent. Il essaye de braver les dangers, de mieux connaître les Français, de comprendre les réactions de ses compatriotes (les collaborateurs, les opposants, de la ville ou d’en dehors, les simples habitants, les commerçants, les artisans, les hommes, les femmes …) C’est aussi pendant cette occupation que le narrateur se découvre une conscience politique et religieuse. Je crois que l’auteur a pris un excellent point de vue en ne choisissant pas de camp et en faisant du narrateur un observateur en pleine éducation.

    Ce livre n’est clairement pas à la gloire du savoir-vivre français. Toutes les exactions commises par les soldats ne nous sont pas épargnées. Cependant, Sonallah Ibrahim va mettre de la compassion dans le récit du narrateur qui a pitié de la manière dont Bonaparte traite ses soldats, notamment quand ils souffrent de la peste. Le narrateur raconte très bien la vie quotidienne, les habitudes égyptiennes et nous les fait un peu découvrir. Le narrateur est souvent dans la rue mais arrive aussi à connaître la haute sphère de la société par l’intermédiaire de son maître.

    On sourit assez souvent dans ce roman car le narrateur a un côté jeune chien fou qui le rend attachant par sa naïveté (= de sa jeunesse) et son enthousiasme. Ses relations sexuels avec Pauline sont particulièrement symptomatiques de ce point de vue.

    Une belle découverte !

    Un autre avis

    Celui de Catherine.

    Références

    Turbans et chapeaux de Sonallah IBRAHIM – roman traduit de l’arabe (Egypte) par Richard Jacquemond (Actes Sud, 2011)

    Première parution en arabe en 2008.