Quatrième de couverture
À côté de nombreux travaux portant sur des sujets aussi divers – en apparence – que la théorie de l’inconscient, l’anatomie comparée, ou la physiognomonie des montagnes, Carl Gustav Carus (1789-1869) a laissé le récit détaillé du voyage qu’il fit à l’île de Rügen, sur l’incitation de son ami et mentor le peintre C.D. Friedrich.
À l’époque, en 1819, cette île de la Baltique aux blanches falaises de craie pouvait encore donner « l’étrange impression d’une nature primordiale intacte », exceptionnellement propice « au complet abandon à ses pensées et à ses sentiments ». Carus put ainsi poser les jalons de sa célèbre théorie de la peinture de paysage, considérée comme « expérience de la vie de la terre », et qui annonçait le projet de toute une vie : redéfinir la place de l’art et de la science dans leurs rapports à la connaissance.
Un extrait
Berlin, qu’on atteint aujourd’hui en cinq heures, était alors à trois grands jours de route ! À l’intention de la postérité, nous devons précieusement garder la mémoire de ces temps antédiluviens car il faut compter qu’ils tombent dans un total oubli dès les prochaines générations, alors que tant d’énormes événements de l’histoire de l’humanité n’ont d’autre cause, précisément, que ces rapides transformations. Ainsi, quand je songe à la lenteur de ce voyage à travers sables et marais, à cette petite voiture cahotant par villes et villages, où nous pouvions à loisir nous livrer à la contemplation des environs de Herzberg, si joliment boisés de chênes, avec çà et là quelques pins pittoresques, des cigognes perchées sur les chaumières rustiques dans la lumière du matin, et de cent autres semblables petites scènes de voyage, et que je compare cela à l’impétueux train express du chemin de fer qui, sans nulle transition, m’emporte d’un trait en même temps que cent autres voyageurs vers l’unique but du voyage, cette seule différence a déjà en soi des effets proprement incommensurables ; mais si, poussant la réflexion plus loin, l’on songe que l’effet de ce changement, rapporté à l’humanité, est désormais un million de fois plus sensible chaque jour, à chaque instant, et que bientôt, d’une façon générale, ne se retrouvera plus nulle part cette plus grande simplicité propice à la contemplation, alors, il est tout à fait sûr qu’il faut s’attendre à d’essentielles transformations dans la pensée et la sensibilité des masses. Le nouveau sera caractérisé par le sens aigu du pratique, par l’agilité de l’esprit de calcul, le prosaïsme, la recherche du luxe et de la jouissance immédiate, tandis que la franche bonhomie, la sensibilité contemplative, la poésie, la modestie des goûts et des besoins et une certaine frugalité définiront l’ancien. [pp. 31 à 33]
Mon avis
Mon frère veut partir en vacances sur l’île de Rügen. Il fallait donc que je me renseigne pour savoir ce qu’il allait voir. L’autre jour, en furetant sur le blog de Dominique, les colonnes sr les côtés m’ont rappelé son billet sur ce livre. J’ai donc été l’emprunté à la bibliothèque (de manière urgente bien évidemment au cas où quelqu’un veuille lire en même temps que moi le même livre sorti il y a treize ans).
Le livre fait 60 pages : 30 pages de préface et 30 pages de texte. Le texte donne envie de prendre l’air, d’aller à Rügen, de prendre le temps de contempler, d’observer, de voir. Dans ce soucis, j’aurais aimé des illustrations pour me faire un peu plus rêver (un peu comme il existe des livres illustrés pour le voyage de Stevenson dans les Cévennes avec son âne).
Ce qui m’a le plus surpris (et il faut bien dire que j’y ai fait attention grâce à la préface), c’est la manière qu’a Carus de voir le voyage, l’observation. Je ne me rappelais plus exactement ce qu’était les « caractéristiques » du mouvement des Romantiques (les cours de français sont loin). Carus a une formation scientifique mais est aussi peintre. C’est un homme complet : il va contempler (et même considérer qu’essayer de capturer le paysage, c’est dénaturer la chose, ne pas en profiter), réfléchir mais il va aussi observer d’un point de vue scientifique les grandes falaises de craies peintes par son ami Caspar David Friedrich (il y a le tableau dans le billet de Dominique).
Il ne me reste plus qu’à attendre les photos de mon frère …
Références
Voyage à l’île de Rügen – Sur les traces de Caspar David Friedrich de Carl Gustav CARUS – préface de Kenneth White – traduit de l’allemand par Nicole Taubes (Premières pierres, 1999)
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