Cecile's Blog

  • Quatrième de couverture

    « Je reviendrai. Dans un mois ou dans un an, sans raison ou pour un mariage, suppliée par ma mère, contrite ou heureuse d’être là, pour une réunion de famille ou pour un enterrement. Je reviendrai vérifier qui ils sont. Je débarquerai pour soigner un malaise, une solitude, et en récolter d’autres. Je poserai mes valises, je ne reste pas longtemps, hein, juste quelques jours, pour les écouter, pour les regarder vivre. Et je prendrai mon train, attendrie, agacée ou sombre. Un jour, mon dernier jour ici, je serai confusément atterrée de n’avoir pas su retenir des bribes de leurs vies pour ne pas qu’elles passent sans bruit. »

    Mon avis

    L’histoire est assez simple : une jeune femme, issue de la bourgeoisie, vient passer quelques jours dans sa famille, dans une grosse maison de vacances avec oncles et tantes, cousines et cousins, grand-père et grand-mère, grand-tantes et grand-oncles. L’évènement de l’année est que le grand-père a fait construire une piscine avec l’accord des autres, la propriété étant gérer en indivision. Il a autorisé la gardienne des lieux à se baigner dedans mais c’est le choc car il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes.

    C’est un roman qui sent la nostalgie d’une période qui ne semble plus exister à mes yeux : les vacances dans une très grande famille et des questionnements sur comment traiter ses domestiques. Je suis donc assez perplexe sur le thème choisie. Cependant, après avoir lu un entretien de Caroline Lunoir, j’ai un peu mieux compris son projet : analyser les relations intergénérationnelles par le prisme d’une réunion familiale plutôt que les relations entre classes sociales. Dans ce cas là, c’est vrai que c’est ce type de famille qui s’y prête le plus mais aussi que les drames dans ce type de milieu protégé ne sont pas très courants.

    Caroline Lunoir nous décrit un mélange d’affection, d’incompréhension, de tentative de rester lier par le sang mais de se détacher tout de même un peu. Elle nous parle de la tentation pour « un jeune » de faire bouger les choses et de trouver sa place dans cet environnement. Le récit est plutôt bien mené avec un rythme garanti par des chapitres courts, avec des scènes toujours différentes.

    Là où je suis plus sceptique, c’est sur le point de vue adopté. Caroline Lunoir place sa narratrice comme observatrice, par les commentaires faits, tout en la faisant évoluer comme un personnage : elle intervient parfois et on se dit mais pourquoi elle le fait à ce moment là finalement. C’est un statut très ambigu, qui rend le roman parfois maladroit quitte à dire une fois que la narratrice a parlé, « ohé, ohé, c’est moi qui est dit cela » (elle ne dit pas vraiment cela mais cela donne cette impression). Tout cela est amplifié par l’écriture : les remarques sont acerbes, un peu agressive (par contre l’auteur arrive à faire de très bonnes phrases, elle est écrivain tout de même) mais elles ne sont jamais dites. Si la narratrice était personnage, on aurait plus ressenti de tensions entre ce qu’elle veut dire et ce qu’elle peut dire pour maintenir la cohésion de son environnement. Mais ici la narratrice est observatrice, on a envie d’éclater pour elle : la tension naît en nous et pas dans la narratrice. Cela rend la lecture stressante je trouve.

     C’est un premier roman. On sent que l’auteur a quelque chose à nous dire mais j’ai trouvé que dans cette lecture, elle cherchait trop à nous montrer quelque chose (on sent trop le travail qu’il y a derrière pour construire le récit, pour l’écriture), alors que ce n’était pas forcément nécessaire.

    Deux avis complètement opposés

    Celui de Nina et celui de La lettrine.

    Un entretien avec l’auteur

    Ici.

    La dernière phrase

    « J’aimerais savoir combien d’entre nous quittent cette maison avec, au coin de leur ventre, la nostalgie de ce qui n’a pas existé. »

    Références

    La faute de goût de Caroline LUNOIR (Actes Sud / Un endroit où aller, 2011)

  • Quatrième de couverture

    C’est à une promenade topographique et physiologique, dont le pas est la mesure et l’enseigne l’horizon, que Krzyzanowski nous convie dans ces trois textes consacrés à Moscou.

    Moscovite d’adoption, arpenteur infatigable, il déchiffre pour nous la ville-livre, ce condensé du monde qui est un des fondements de sa prose. Il tente d’en retracer l’histoire, de décrire l’avènement du nouveau tout en fixant la disparition de l’ancien et, par de courts récits, de brosser des tableaux de la vie pendant la guerre dans ce qu’elle a de plus concret.

    Son trait épingle avec art le détail ; l’architecture s’anime, et apparaît tout un petit peuple d’anonymes qu’il peint avec un réalisme qui prend parfois des accents d’étrangeté. Il nous livre ici en quelque sorte ses instantanés de la capitale.

    Né à Kiev en 1887, ce « génie négligé » – comme l’écrivait le poète Chengueli dans un carnet qui a permis de redécouvrir l’écrivain – aura payé très cher le fait d’être e tout point inclassable. Il finira ses jours à Moscou en 1950 dans un isolement total, laissant derrière lui une œuvre abondante, très diverse et quasiment inédite (il est notable que les deux premiers textes du volume aient paru de son vivant, en 1925).

    Mon avis

    Ce livre est un rassemblement de trois textes, de formes très différentes, et qui m’ont plu différemment.

    Le premier texte est une série de lettres, écrites par l’auteur à un ami. Elles sont l’occasion pour Krzyzanozski (si je n’arrive pas à faire une faute dans son nom dans le billet, c’est un miracle) de décrire Moscou par le petit bout de la lorgnette ; il prend un détail et nous fait voir Moscou et ce grâce à un regard vraiment unique, une attention à capter les petites choses et à les retranscrire de manière lyrique, poétique. Dans ces lettres, il y a deux personnages : l’auteur et Moscou. C’est la partie du livre qui m’a le plus plu. Un petit extrait des premières pages :

    Tous les matins, à neuf heures trois quarts, je m’enferme dans mon manteau et m’élance à la poursuite de Moscou. Mais oui : il y a deux ans, je m’en souviens, le train avait pris treize heures de retard, m’obligeant à descendre à la gare de Briansk : il restait encore un bon bout de chemin pour arriver à tout ce que signifie Moscou.

    Ainsi, tous les matins, je marche par les rues étroites, laissant les carrefours casser mon chemin comme bon leur semble, et Moscou se rassemble en moi. Un homme long, les épaules voûtées, le visage caché sous les bords noirs de son chapeau, marche près de moi dans les vitres des magasins : je n’ai qu’à tourner légèrement la tête pour le voir. Tous deux, échangeant parfois un regard, nous allons à la recherche de nos significations.

    Étrange. Lorsque, le jour de mon arrivée, l’épaule tordue par la valise, je vis du haut du pont Dorogomilov un tas de maisons sous un tas de lumières, je ne pouvais imaginer qu’un jour tout cela allait s’amonceler devant moi, barrant le chemin de ma pensée comme un problème difficile à résoudre.

    Bien sûr, les autres cherchent aussi des solutions à tel ou tel problème, comme ils le peuvent ou comme ils le veulent. Derrière tout front, il y a une question qui embarrasse la pensée et tourmente le moi. Pourtant, j’envie les autres : chacun d’entre eux peut enterrer son problème dans un cahier de brouillon, le mettre sous clé dans un laboratoire, l’enserrer entre des signes mathématiques ; ou plutôt, chacun peut s’absenter de son casse-tête, s’en détacher ne serait-ce qu’un instant, laisser à sa pensée le temps de souffler. Mais moi, il m’est impossible de me séparer de mon thème : je vis en lui. Quand je passe devant les fenêtres des maisons, elles me jettent un drôle de regard ; le matin, les yeux à peine ouverts, je vois les briques rouges de la maison d’en face : c’est déjà Moscou. Déjà la pensée : Moscou. Le problème s’est matérialisé, il m’a cerné de mille blocs de pierre, sous mes semelles il a tracé mille petites rues sinueuses, et moi – le drôle de type qui cherche à comprendre où il est – je m’y suis laissé prendre comme le rat dans une souricière.

    Le deuxième texte décrypte le changement entre l’avant et l’après Révolution au travers des enseignes de Moscou. C’est intéressant car là encore Krzyzanowski montre son observation très fine de la ville. Cela m’a fait bien me balader dans la ville de l’époque. J’étais assez contente de lire ce texte même si il me reste plutôt des impressions, des expressions qu’autres choses (je ne sais pas quoi d’ailleurs).

    La troisième partie est un rassemblement de chroniques décrivant la vie des Moscovites pendant la première année de la Seconde Guerre Mondiale, en 1941. Prise une par une, ces chroniques sont intéressantes car elles sont décalées par rapport au thème. Prise bout à bout, je me suis ennuyée car je n’arrivais plus à être dans le texte. J’ai trouvé que l’auteur, alors qu’il excelle à nous montrer, à nous décrire des décors, arrivait avec peine à incarner ses personnages. C’est un peu comme si on nous exposait son point faible.

    Dans le même genre de lecture, il y a le livre de Roger Caillois paru chez Fata Morgana Petit Guide du XVième arrondissement à l’usage des fantômes, où on retrouve notamment le thème des enseignes et des publicités.

    Références

    Estampillé Moscou de Sigismund KRZYZANOWSKI – traduit du russe par Éléna Rolland-Maïski avec la collaboration de Catherine Perrel (Verdier, 1996)

  • Quatrième de couverture

    Pour essayer de surmonter le traumatisme lié au vol des cahiers Proust (et peut-être, aussi, pour oublier un certain commissaire Faucheroux), Gisèle Dambert part pour la Côte Est des États-Unis, et s’installe dans le Maine où résidait Marguerite Yourcenar. Ironie du destin, elle tombe nez à nez avec le commissaire cité plus haut, et le crime les réunit une nouvelle fois. Dans le jardin de Petite Plaisance, on a retrouvé, étranglé, Adrien Lampereur, un journaliste français venu enquêter sur la « guerre du homard »…

    Faut-il rappeler que sous le pseudonyme d’Estelle Monbrun se cache une universitaire spécialiste de Marcel Proust et Marguerite Yourcenar, lesquels n’ont plus aucun secret pour elle ?

    Après Meurtre chez tante Léonie, le lecteur plonge dans l’univers yourcenarien. La parodie n’épargne personne et ajoute une touche subtile au plaisir de l’intrigue policière.

    Mon avis

    Dominique a parlé il n’y a pas longtemps du premier tome de cette « série ». Estelle Monbrun a écrit toute une série de livre où il y a des meurtres dans des lieux fréquentés (dans le temps) par des écrivains. J’ai prévu de tous les lire parce que franchement cela détend. C’est assez classique dans l’écriture et la construction et je crois que c’est ce qui fait aussi le charme du livre.

    Cela ne casse pas trois pattes à un canard. Il y a bien une intrigue policière : des policiers et un meurtre à résoudre mais les deux ne semblent pas être corrélés. Ls policiers rencontrent les gens dans le village … mais on ne voit pas leurs déductions, leurs avancements dans l’enquête. On est donc assez surpris par le dénouement qui n’ai pas franchement amené (je n’ai peut être pas été attentive aussi), d’autant plus qu’il est tonitruant dans une petite communauté qui semble assez calme. J’en viens au point qui m’a énormément plu : la descriptions des habitants de cette « région » du Maine. Je me suis cru dans Arabesque avec Jessica Fletcher, un peu aussi dans un petit village anglais.

    Pour ce qui est de Marguerite Yourcenar, comme je disais l’autre jour, je n’ai pas lu alors la parodie dont parle la quatrième de couverture, je ne peux pas trop en parler même si les allusions les moins « subtiles » aux ouvrages de la dame ne m’ont pas échappé (Anna Soror, L’œuvre au noir …)

    En conclusion, une sympathique lecture détente !

    Références

    Meurtre à Petite Plaisance de Estelle MONBRUN (Éditions Viviane Hamy, 1998)

  • Cette bande dessinée raconte la réalisation du film Terre Sans Pain, en 1933, par Luis Buñuel (1900 – 1983), réalisateur espagnol naturalisé mexicain. Après avoir passé sa jeunesse en Aragon et à Madrid (où il a tout de même rencontré Dali et Garcia Llorca), il part pour Paris en 1925. Il se fait embaucher comme assistant réalisateur du comédien Jean Epstein (il a notamment réalisé La Chute de la Maison Usher en 1928)(mais comme le cinéma et moi cela fait deux, je n’ai bien sûr pas vu). D’un autre côté, Buñuel n’a pas participé à La Chute de la Maison Usher car il s’est fâché avec Epstein. C’est aussi le début de sa production personnelle. En effet, en 1928, il réalise avec l’argent de sa mère un film avec Dali (pour le scénario) Un Chien Andalou Il sera projeté en privé pour Man Ray et pour Aragon. C’est eux qui feront connaître le film aux surréalistes. Le surréalisme baignera une grosse partie de sa production. En 1930, il réalisera L’Âge d’Or (qui sera interdit de projection jusqu’en 1981). Il va passer ensuite quelques temps aux États-Unis, puis revient à Madrid et réalise Terre Sans Pain. La BD raconte donc cette partie de la vie de Buñuel.

    Ce que l’on peut dire c’est qu’elle ne dresse pas un portrait bien flatteur du réalisateur (je rappelle que je n’y connais rien alors je ne sais pas si c’est vrai ou si c’est faux). J’ai eu l’impression de voir un type imbus de sa personne (il faut que ces amis lui parlent de son génie communément admis depuis L’Âge d’Or), mou du genou (c’est son ami qui lui procure le financement pour faire le film) et qui en plus consacre toute son énergie à faire rentrer une réalité dans le surréalisme (car il veut que cela rentre dans sa théorie) et n’arrive pas à regarder autour de lui ou plus exactement il transforme (physiquement) la réalité pour qu’elle devienne ce qu’il aimerait qu’elle soit (la scène des moutons est édifiante de ce point de vue).

    Si comme moi, Terre Sans Pain cela ne vous dis trop rien, je vais vous raconter un petit peu l’histoire.C’est un film documentaire qui raconte (ou plutôt qui met en image) la pauvreté dans la région des Hurdes (dans la communauté autonome de l’Estrémadure, qui se situe au Sud-Ouest de l’Espagne). Wikipédia nous explique que le film est novateur par le thème abordé mais aussi par son montage (réalisé par Buñuel), son usage des gros plans, de la piste sonore et par la place assignée au spectateur par le film.

    Si on revient à la bd, le style dessin adopté est un peu celui de la caricature, pour les personnages, et du minimalisme pour le dessin des décors. L’album est en noir et blanc. Je trouve que c’est étrange comme manière de dessiner ce type de sujet, en tout cas pour les décors. Cela ne permet pas je trouve de mettre en valeur les thème ou quoique ce soit mais plus les personnages notamment de Buñuel et de ses amis, qui sont omniprésents dans chaque vignette.

    La réalisation du film m’a paru dictée par une approche fausse (cela a gâché ma lecture , je pense. Du coup, je n’ai pas apprécié à sa juste valeur le travail de recherche, de mise en scène et de dessins de l’auteur). Par contre, le film est très intéressant. C’est le point positif de ma lecture (il m’a permis de compléter le vide qui « compose » ma culture cinématographique).

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    Références

    Buñuel dans le labyrinthe des tortues de Fermín Solís – traduit de l’espagnol par Thomas Delooz et Alejandra Carrasco-Rahal (Rackham, 2011)

  • Quatrième de couverture

    Tout jeune encore, Brioussov décide d’ »importer » en Russie le symbolisme et d’en devenir le chef suprême. Il s’affiche en décadent, mais s’adonne à tous les genres – drames, romans, nouvelles, poésies. Très vite, c’est la consécration. Alexandre Blok et André Biely accourent. Salué par Gorki, il est le « capitaine » incontesté de la littérature russe entre 1900 et 1910.

    Mais l’hégémonie de celui qui a posé les fondements de ce Siècle d’Argent, cette éblouissante renaissance artistique russe du début du siècle, ne tarde pas à être ébranlée. « Brioussov ? lance un critique, c’est le Salieri, l’anti-mozart de la poésie moderne ! »

    Meurtri, Brioussov répond, en 1915, avec ce récit qui prend de court ses détracteurs. Sobre, concis, d’une construction classique rigoureuse, il trace le cercle infernal de près de vingt-quatre heures de la vie d’un artiste dans un milieu essentiellement féminin, dessine le chemin diabolique de la quotidienneté qui enserre la vie d’un homme et le ramène chaque soir, inexorablement, dans son logis médiocre sans que la moindre rencontre, amoureuse ou professionnelle, puisse modifier ce trajet imposé.

    Mon avis

    Ce livre fait à peu près une centaine de page. À mon avis, on ne découvre pas une œuvre de l’auteur, dans le sens où elle n’est pas caractéristique de son travail (qui semble très varié pourtant). Pourtant, ce texte est plein de charmes.

    Par une économie de moyen assez impressionnante, Brioussov arrive à littéralement nous montrer un décor, une manière de vivre et à rentrer dans la vie intime du héros. On a à la fois un regard général et un regard particulier. On ressent de la compassion pour le héros, pour sa famille mais aussi par les deux maîtresses du héros. Pourtant, on est écrasé par un sentiment de fatalité. Les personnages sont pris dans une certaine misère et l’amour est le seul moyen qu’ils ont de vivre tout simplement.

    Le thème de l’amour, des maîtresses, du mariage est traité de manière assez originale car traité du point de vue de l’homme avec une réflexion sur la responsabilité, sur le lien du mariage qu’il est rare de trouver dans la tête d’un personnage masculin de roman.

    C’était une découverte intéressante même si j’aurais aimé que dans la postface, on nous situe un peu plus l’importance de Valeri Brioussov (dont je n’avais jamais entendu parler) dans les lettres russes et l’importance de ce texte dans son travail.

    Références

    Mozart, poste restante de Valeri BRIOUSSOV – traduit du russe et annoté par Dany Savelli (Autrement, 1996)

  • C’est l’heure du bilan du mois de mars de la SSHD.

    D’abord nous avons eu énormément de nouveaux inscrits grâce à la page Facebook créée par Matilda et Méloë. Vous pouvez venir y réagir à toutes les news holmésiennes dégotées par les deux créatrices.

    Nous souhaitons donc la bienvenue à Argali, Avalon, Pauline et Laura !

    Les billets ont été assez nombreux ce mois-ci qui a été placé sous le signe de Béatrice Nicodème (nous vous rappelons que ce mois-ci elle a sorti son nouveau Wiggins)(qui est dans ma PAL et dans celle de Matilda). Mais avant cela, je décernerai la palme d’or de la participation la plus mystérieuse à Loula qui ne nous dira pas comment c’est passé la rencontre du héros avec Sherlock Holmes dans cette BD (qui pourtant ne semble rien avoir avec le truc).

    Béatrice Nicodème a été omniprésente chez Aragali qui a lu trois de ses romans : Un rival pour Sherlock Holmes, Wiggins et la ligne chocolat, Défi à Sherlock Holmes. Niki a aussi lu ce dernier livre (et l’a envoyé à Argali pour qu’on est un autre avis).

    Niki et Laura sont revenues aux fondamentaux : Niki en lisant La Vallée de la Peur et Laura en faisant un récapitulatif du Canon.

    J’ai enfin lu le deuxième volume de Victorian Undead.

    Pauline nous a parlé de son inscription au Swap Holmes (Matilda et Mrs Pepys sont inscrites aussi, je crois savoir).

    Passons aux nouveautés. Il n’y en a pas franchement de chouette (c’est une pause car bientôt ce sera de nouveau l’abondance comme en janvier, février)(il y a la parution le 15 mai, c’est sur le site de Futuropolis, de tome 3 de Holmes, la série de Brunschwig et Cecil)(je surveille cela comme le feu). Il y a une nouvelle de Conan Doyle, La Capitaine de l’Étoile polaire, qui paraît, dans un recueil sur la mer, chez Interférences.

    Je continue dans le genre « je n’ai rien à vous dire ». Il y a un recueil d’énigmes inspirées des nouvelles de Sherlock Holmes qui paraît tout début mai chez Hachette. Le livre est très très beau (j’ai la traduction en anglais à la maison). L’inspiration de Sherlock Holmes est par contre très très loin (c’est une phrase qui est tirée du canon au début de l’énigme et qui en général n’a qu’un rapport très très lointain avec l’énigme en elle-même). Il y a les solutions à la fin du livre et je peux vous dire qu’on en a très clairement besoin (pour tout dire je me suis retrouvée à poser une équation pour en résoudre une et à regarder les solutions pour plusieurs autres). N’offrez pas cela à vos enfants si vous ne voulez pas qu’il vous prenne la tête et ne vous l’offrez pas à vous car la résolution des énigmes, il faut la laisser à Sherlock Holmes (il n’a pas l’air d’avoir autant de mal que j’en ai eu moi).

    Il y a bien la parution d’un deuxième coffret DVD mettant en scène Douglas Wilmer dans le rôle de Sherlock Holmes, qui a tenu le rôle au milieu des années 60.

    Il y a aussi la republication de plusieurs livres avec de très jolies couvertures (en tout cas, dans des couvertures plus belles que celles que j’ai). Vous pouvez trouver un billet sur le livre de John O’Connell sur ce blog.

    La nouvelle la plus intéressante est la parution d’aventures de Sherlock Holmes en Flipback (vous savez la format Point2). Comme cela, le livre peut se glisser dans notre poche et on peut le lire partout.

    Pour finir ce mois un peu tristounet, je vous mets un teaser du jeu vidéo Le testament de Sherlock Holmes (le jeu était annoncé pour le printemps mais Amazon lui dit septembre)(c’est donc un peu triste tout de même).

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    Au mois prochain, chez Marion, qui devrait avoir des informations plus drôles à raconter !

  • Quatrième de couverture

    Wharton publie The Writing of Fiction en 1925 afin d’établir ce qui constitue selon elle les principes rationnels, naturels et permanents d’une fiction bien construite.

    Elle suscite notre désir violent de plonger dans les œuvres qu’elle analyse (celles de Balzac, Flaubert et Sendhal qu’elle met au premier rang, celles de Tackeray, Eliot, Hawthorne, Dostoïevski, etc.). Son projet s’affine au fur et à mesure, les « personnages » étant les éléments fondamentaux du roman, comme la « situation » est fondamentale pour le temps plus court de la nouvelle : « La nouvelle, plus que le roman, est la descendante des épopées et des ballades anciennes… »

    La joie que lui procure la découverte de Marcel Proust lui permet de « refuser » Joyce, de mieux dire sa colère à l’encontre de ce qu’elle considère comme « un fatras boursouflé de pornographie (de la sorte la plus grossièrement potache)… »

    Proust meurt en 1922 alors qu’Ulysses est publié à Paris par Sylvia Beach. Témoin d’un monde en décomposition, qu’elle a décrit dans ses livres, Wharton oppose ces deux figures majeures de la « modernité », mais sans pressentir le génie de Joyce.

    Mon avis

    Il s’agit d’un essai de Edith Wharton sur les règles de la fiction comme son titre l’indique.  Il est suivi d’un court texte de l’auteure sur la profonde estime qu’elle porte à Marcel Proust (elle démontre ici tout le génie qu’il possédait malgré quelques parties plus faibles d’après elle). Le texte de Marcel Proust, je n’en parlerai pas vu que je n’ai pas lu À la recherche du temps perdu, même si elle donne franchement envie de s’y mettre (elle aussi devrais-je dire).

    La premier partie du livre est décomposée en quatre parties : généralités, mener un récit, construire un roman et personnage et situation dans le roman. Dans ces quatre parties, une chose frappe c’est la certitude qu’Edith Wharton a qu’elle a raison. En tout cas, c’est l’impression que cela donne mais ce n’est pas du tout comme cela qu’elle l’expose. Elle a énormément réfléchit à son Art et elle souligne l’importance de le faire pour les jeunes écrivains (voir les extraits en dessous), elle a aussi beaucoup lu. Elle en a tiré quelques consignes pour à son avis faire un roman réussi. Elle distingue les génies et le reste des écrivains (parce qu’on n’est pas tous des génies) et elle parle bien de romans réussis et non de chef d’œuvre. Je me garderai bien de faire un résumé de ses conseils (je ne les ai pas notés à vrai dire) mais j’ai trouvé que c’est intéressant car le discours se présente d’un manière logique, construite et claire (c’est ce qu’elle prône). Tout cela est illustré par des exemples pris dans la grande littérature française et anglaise (voire américaine et russe) du 19ième siècle (il y a quand même Jane Austen) et du début 20ième siècle.

    Cependant, deux petites choses ont retenu plus mon attention. La première est l’explication de comment on sait que l’on doit écrire une nouvelle plutôt qu’un roman. Cela ne m’a jamais paru bien clair de différencier longue nouvelle et court roman. Je vous livre un passage pour vous donner une idée.

    « Il y a au moins deux raisons pour lesquelles un sujet s’épanouira mieux sous forme de roman que de nouvelle ; mais aucune ne tient au nombre de ce que l’on appelle commodément les péripéties, ou incidents extérieurs. Certains romans d’action peuvent être condensés en nouvelles sans grande perte de substance. Dans un sujet, les éléments qui exigent un plus long développement sont, d’abord, le déploiement progressif de la vie intérieure des personnages, et ensuite la nécessité de donner au lecteur l’impression d’un écoulement du temps. Des incidents divers et palpitants peuvent sans grande invraisemblance être ramassés en quelques heures, mais les drames moraux, les tourments de l’âme, ont d’habitude des racines profondes qui remontent loin dans le temps ; et quelle que soit la soudaineté apparente de leur révélation, elle n’aura d’effet et de justification que si on y arrive pas à pas.

    Une nouvelle peut certes se fonder sur un paroxysme moral. Mais il faut qu’il s’agisse d’un drame qu’un seul éclair rétrospectif suffit à révéler ; si les causes sont complexes, s’il faut tenir compte de phases successives, la suggestion d’un écoulement du temps est nécessaire, l’élaboration est justifiée, et c’est alors le roman qui est une forme adéquate. »

    La seconde est sa détestation du « flux de conscience » car justement c’est la marque d’un désordre de l’esprit qui selon elle, empêche la mémorisation du livre par le lecteur (on ne mémorise que la sensation et pas l’intrigue ou bien le sentiment qui se cache derrière cette sensation).  Comme je n’y connais rien en histoire littéraire, je pensais que la chef de fil de ce courant était Virginia Woolf mais apparemment non (d’un autre côté elle ne cite pas de noms). Cependant, maintenant, je me demande si elle avait lu Virginia Woolf ou elle ne l’aimait ou est-ce qu’elle ne l’avait pas lu (parce que cet essai et les livres de Virginia Woolf sont un peu contemporain tout de même). Si vous avez des infos, je suis preneuse.

    En conclusion, je dirais qu’on ne peut qu’admiré la confiance qu’Edith Wharton avait en son jugement pour l’exprimer à la postérité d’une manière qui peut paraître à la première lecture péremptoire. Elle n’avait pas peur qu’on lui dise qu’elle avait loupé quelque chose. C’est pour cela que je dis « à la première lecture » car à mon avis elle nous livre sa vision et sa réflexion qu’elle essaye d’objectiver un maximum.

    Quelques extraits sur la littérature et les écrivains

     « Un autre élément perturbant dans l’art moderne est ce symptôme courant de l’immaturité, qui consiste à craindre de faire ce qui a déjà été fait ; car si la jeunesse a l’instinct de l’imitation, elle en a un autre, tout aussi impérieux, qui est de s’en défendre farouchement. À cet égard, le romancier d’aujourd’hui est en danger d’être pris dans un cercle vicieux, car la demande insatiable de production rapide tend à le maintenir dans un perpétuel état d’immaturité, et l’acceptation machinale de sa marchandise l’encourage à penser qu’il est inutile de perdre du temps à étudier l’histoire de son art, où à réfléchir sur ses principes. Cette incitation renforce l’idée qu’une prétendue « originalité » peut être gâchée par de longues méditations sur le thème abordé, et une trop intime fréquentation des œuvres passées ; mais toute l’histoire de l’art montre au contraire que les créateurs dont les œuvres subsistes ruminèrent longtemps leur sujet pour en extraire et en restituer toute la saveur, et l’enrichir de toutes les impressions et les émotions qui nourrissent sa personnalité.

    La véritable originalité consiste, non pas dans une nouvelle manière, mais dans une nouvelle vision. L’écrivain ne peut atteindre à une vision nouvelle et personnelle que s’il observe son objet suffisamment longtemps pour le faire sien ; et l’esprit qui veut faire germer cette graine secrète doit être capable de l’alimenter avec toute la richesse accumulée de son savoir et de son expérience. Pour connaître une chose, on doit non seulement connaître un grand nombre de choses,, mais aussi […] beaucoup plus de cette chose-là qu’on n’en fait paraître dans une représentation visible […]. »

    « C’est autant le manque de culture générale que de vision originale qui pousse tant de jeunes romanciers, en Europe comme en Amérique, à accorder une importance excessive à des innovations insignifiantes. Une vision originale ne craint jamais d’employer des formes reconnues ; et seule une intelligence cultivée peut échapper au danger de considérer comme une profonde nouveauté ce qui risque de n’être qu’un changement superficiel, ou le retour à une technique oubliée. »

    « La principale différence entre l’imagination créative et la simple sympathie est que la première a deux aspects, et qu’elle combine le pouvoir de pénétrer les esprits avec celui de s’élever suffisamment au-dessus d’eux pour voir au-delà et les relier à tout un ensemble vivant dont ils n’émergent qu’en partie. Cette sorte de vision globale ne peut être obtenue qu’à partir d’une certaine hauteur ; et cette hauteur, en art, est proportionnelle à la part d’imagination que l’artiste est capable de détacher du problème particulier dans lequel l’autre part reste immergée. »

    Références

    Les règles de la fiction suivi de Marcel Proust de Edith WHARTON – traduit de l’anglais et présenté par Jean Pavans (Éditions Viviane Hamy, 2006)

  • Quatrième de couverture

    Après l’anéantissement de la civilisation par un virus inconnu, une partie de l’humanité survivante a trouvé refuge dans une ville-bulle régentée par un ordinateur central omnipotent : le Processeur.

    Isolés du monde extérieur, les habitants de la bulle se retrouvent brutalement séparés de l’ordre lénifiant distribué depuis des siècles.

    Trois citoyens, Sean l’artiste drogué proche des opposants au Processeur, Ange la gardienne de la loi prête au sacrifice et Gina l’ingénieur ambitieuse se lancent dans une quête dangereuse des secrets du Processeur et d’eux-mêmes !

    Avec une écriture singulière et sans tabou, Raphaël Granier de Cassagnac nous plonge dans une enquête passionnante qui nous dévoile les ressorts impossibles d’une société futuriste se rêvant idéale.

    Mon avis

    En ce moment, je suis dans les romans qui parlent de société gérée par un nuage, un ordinateur comme si ce n’était pas l’homme qui avait créé ce cerveau artificiel.

    C’est donc le cas ici. Des personnes à la suite d’un virus ont créé une bulle où tous les gens qui avaient pu se faire cryogénisé se sont réfugiés après qu’un virus est infecté le reste de la planète. Cette idée venait de la société Eternity Incorporated ; les directeurs sont les membres fondateurs, les Pionniers de la Bulle. Ils avaient prévus que la bulle serait gérée par un Processeur : une machine qui décide des unions, des bébés qui doivent naître, qui assiste les comportements de la vie de tous les jours (la conduite … et même le réveil). Nous sommes des siècles plus tard quand commence le livre. Le Processeur est tombé en panne pour la première fois et on n’arrive pas à le redémarrer. Le livre va analyser les premiers comportements des citoyens de la bulle après ce « drame », à travers le regard de trois personnages. Il nous présente une démocratie assistée par un dictateur numérique. C’est vraiment intéressant et renvoie à pas mal de livre en ce moment sur le sujet (le livre de Éric Sadin est très bien, je le redis). Pourtant, l’auteur propose une vision très personnelle en choisissant d’inviter son propre univers. Une réussite pour cet auteur car il arrive à rendre palpable un monde qui n’existe pas. J’ai été très agréablement surprise.

    Ce qui est aussi très intéressant dans ce livre, ce sont les personnages. Ils sont très différents, un est un homme proche des marginaux, un musicien, la seconde fait partie de la brigade qui est chargée de surveiller le monde extérieur (celui qui a été quitté par les pionniers pour rentrer dans la bulle) et la troisième est chargée de la connectique de la bulle et donc des contacts directs avec le Processeur. Les personnages vont donc du moins rigides au plus rigides mais pourtant chacun pourra s’adapter à côtoyer l’autre lors de l’après Grande Panne. Ce qui m’a plu c’est que l’auteur ne cherche pas à en faire trop : les personnages se parlent mais ne deviennent pas amis (comme dans les films américains pour sauver le monde) pour autant. Il y a un côté sobre, je trouve, car chacun conserve sa personnalité. Ils ne se dévoilent pas au cours du livre. C’est ce qui fait que le livre est plus dans la réflexion que dans une description bateau des aventures diverses et variées pour rallumer un processeur.

    Raphaël Granier de Cassagnac met la bulle dans une période électorale, un peu comme nous, mais en encore plus violent, avec des discours encore plus tranchées. Je dévoile une partie du livre mais les citoyens, pour qui le Processeur pensait depuis le début de la civilisation, quand ils doivent choisir un candidat, choisissent le candidat qui prône la sécurité même si c’est lui qui organise l’insécurité. Les citoyens sont rassurés par un ordre qu’ils ont perdu ; ils ont juste besoin de rassurer. Sean Factory, le musicien, un des héros de l’histoire, propose une civilisation qui va vers plus de liberté, vers du choix mais les citoyens ne sont pas forcément près.

    La conclusion du livre est spéciale (ce sont les pages grises pour ceux qui veulent lire le livre ou qui l’ont lu) mais est surtout très sévère pour le genre humain (la dernière phrase), en général.

    Le seul défaut que je reprocherais, c’est que parfois l’écriture de Raphaël Granier de Cassagnac est bavarde. Il y a des moments où je me disais mais avance, mais avance plus vite car il y a un suspense sur la nature du virus, la nature de la panne, le redémarrage du Processeur, les machinations de la présidence de la bulle, les meurtres. Je voulais savoir plus vite et l’auteur partait sur autre chose !

    En conclusion, j’ai plutôt beaucoup apprécié.

    Références

    Eternity Incorporated de Raphaël GRANIER de CASSAGNAC (Mnémos, 2011)

    Le site internet du livre.

  • J’aime bien les éditions Fata Morgana. Tous les salons du livre, je vais les voir pour trouver des petits textes plein de poésie, inconnus … Je vais faire un tout petit billet parce que ce texte est vraiment très très court mais je voulais en parler car je ne parle jamais de ces éditions que pourtant j’aime bien (Paul Willems est mon ami depuis que la libraire de la librairie Wallonie-Bruxelles me l’a fait découvrir).

    Il s’agit ici d’un texte de la toute première jeunesse de Marguerite Youcenar. En effet, il est paru dans le quotidien L’Humanité le 13 juin 1926 alors que Marguerite Yourcenar avait vingt-trois ans. Quand on publie dans ce journal, il est évident qu’on croit en certaines idées et c’est ce qu’exprime ici Marguerite Yourcenar à travers une allégorie facilement déchiffrable. Un homme est écrasé par des dieux (qui ressemblent plus ou moins à des cafards qui s’accrochent). Il s’épuise, se courbe mais est content de le faire car il sert les dieux. Un jour, il se contemple dans une rivière et s’aperçoit de la mocheté de ces dieux. Il les abandonne et se redresse. Il faut noter qu’ici les dieux sont au pluriel. Il n’est donc uniquement question de la Religion. Dans la postface, Achmy Halley explique qu’il peut être question de la Justice aveugle, de la Guerre, de la Richesse, de la Science.

    C’est un texte touchant de sincérité. On ressent sans aucun doute plus fortement la personnalité de Marguerite Yourcenar que dans l’autre texte que j’avais lu d’elle, Anna, Soror.  Elle publiera un autre texte dans L’Humanité, dans l’édition du 20 novembre 1926, un poème, intitulé La faucille et le marteau.

    Références

    L’homme couvert de dieux de Marguerite YOURCENAR – dessins de Philippe Hélénon – postface de Achmy Halley (Fata Morgana, 2012)

  • Présentation de l’éditeur

    Dans ce petit récit, Efim Etkind, un ami de Soljénitsyne et de Iossif Brodsky, nous conte l’étonnante histoire d’une traductrice russe passionnée de poésie anglaise qui traduisit le Don Juan de Byron dans une cellule du NKVD.

    Le destin de Tatiana Gnéditch, descendante du traducteur de L’Iliade en russe, illustre une fois de plus la place de la poésie et de l’art dans la résistance aux dictatures : la beauté agit sur les âmes, sur celles des victimes, sur celles des leteurs, et qui sait ? peut-être même sur celles des bourreaux…

    Mon avis

    Ce livre nous donne un exemple de ces gens qui résistent pour et par la beauté de l’Art. Il élève aussi la traduction comme un Art.

    En effet, Tatiana Gnéditch (1907-1976) est la petite fille de Nikolaï Gnéditch (1784-1833), grand ami de Pouchkine, traducteur de L’Iliade en hexamètres dactyliques. Il y a passé sa vie et personne ne l’a retraduit depuis. Sa petite fille a donc de qui tenir. Elle est plus passionnée par la poésie anglaise que par les considérations politiques. C’est une personne entière et c’est ce qu’il lui vaudra des ennuis. Elle sera condamnée à dix ans en camp de redressement par le travail. Les deux premières années, elle les passera à traduire le Don Juan de Byron en huitains classiques, d’abord de mémoire et ensuite avec le livre. En effet, elle tombera sur un interrogateur cultivé qui lui fournira tout le matériel nécessaire. un peu comme le directeur de la prison pour Oscar Wilde et son De Profundis.

    J’avais au collège une correspondante russe qui m’a demandé un jour de lui montrer Pouchkine en français. Elle m’a dit que c’était moche et que franchement, elle ne reconnaissait pas la poésie de l’auteur. Maintenant, je comprends pourquoi car encore plus que pour un roman, la traduction de la poésie est vraiment quelque chose de très difficile pour maintenir la musicalité, la construction de l’œuvre. Traduire un auteur, c’est l’œuvre de toute une vie.

    Un très beau texte donc !

    Références

    La traductrice de Efim ETKIND – traduit du russe par Sophie Benech (Éditions Interférences, 2012)

    On nous explique que les huitains classiques sont des strophes de huit vers dans lesquelles le premier vers rime avec le troisième et le cinquième, le deuxième avec le quatrième et le sixième, et le septième avec le huitième.