Cecile's Blog

  • CurtisDansLaLangueDePouchkineNicolasTexier

    Quatrième de couverture

    En 1962, un jeune Noir américain décide de traduire l’œuvre d’Efim Klikov, un écrivain exécuté sous Staline et auteur de trois romans secrets traitant de la censure. C’est l’époque de la guerre froide, de Martin Luther King, du retour providentiel des Negroes en Afrique. Curtis Alexander Brown grandit chez un Russe exilé dont sa mère est la domestique, fréquente à l’adolescence une communiste américaine, part pour le Ghana avant de gagner l’URSS, tandis que les siens participent à la lutte pour les droits civiques. Mais le parcours de Curtis est avant tout littéraire quand, bouleversé par le premier roman de Klikov, il décide de tout faire pour rendre justice à cet écrivain victime de la terreur stalinienne.

    Curtis dans la langue de Pouchkine est un roman sur la littérature, la création et la censure ; sur la solitude, l’exil et l’écriture ; sur la place de la fiction au pays du mensonge soviétique. C’est surtout l’histoire d’un homme et d’une supercherie progressive, celle d’un « village Potemkine » rédigé par le nègre involontaire d’un écrivain posthume…

    Mon avis

    Curtis arrive à l’âge de 11 mois, avec sa mère et sa sœur, dans la maison d’un Russe récemment exilé. Le père des enfants les a abandonné après avoir longtemps hésité, la mère toujours amoureuse l’a cherché mais a finalement pris les choses en main en postulant à l’annonce de cet homme qui attend sa famille d’un jour à l’autre ; il a d’ailleurs reconstitué le domaine que la famille avait au pays. Cela ne se produira jamais. Le Russe se prendra d’affection pour le bébé dont il s’occupera comme si c’était son fils et à qui il apprendra le russe. Ce sera d’ailleurs la première langue de l’enfant. Avec lui, il découvrira les grands auteurs russes dans le texte. Cette situation est des plus étranges car Curtis et sa famille sont noirs ; on est en pleine ségrégation raciale aux États-Unis. La grande sœur de Curtis, âgée à son arrivée de cinq ans, est déjà très consciente de sa « condition » puisqu’elle dit, rétrospectivement, qu’elle sait éviter les blancs. Pourtant, Curtis ne ressentira jamais ce sentiment. C’est pourquoi cette période sera la période la plus heureuse de sa vie. Le récit est magnifiquement tourné ; j’ai eu l’impression d’être en pleine Russie, au milieu des États-Unis. Cette période prendra fin par le suicide du Russe qui s’est noyé dans l’alcool pour oublier. Celui-ci lui lèguera une somme pour qu’il puisse faire toutes les études qu’il souhaitent, ainsi que toute la bibliothèque du domaine. Curtis est alors âgé de treize ans.

    La famille doit donc quitter le domaine. Les questions qui se posent alors sont : le lieu des études mais aussi le lieu du stockage de la bibliothèque. C’est là que le père de Curtis intervient en la faisant stockée par une de ses anciennes maîtresses, une femme aux sympathies « communistes », qui habite près de l’école où le jeune garçon va aller étudier. Cela lui permettra de lire ses livres tant qu’il voudra. Son éducation parmi les jeunes de son âge lui apportera les visions des dangers de l’intérieur (dus à sa couleur) mais aussi de l’extérieur (il a une passion pour la culture russe, fréquente une communiste). C’est bien une vision car Curtis reste dans la littérature et semble totalement extérieur au monde, même pendant cette période d’intenses bouleversements. Il termine donc des études de russe à l’Université, ne sachant pas quoi en faire. Peut-être traducteur.

    Son père intervient de nouveau. En tant que membre actif du NAACP, il lui trouve une place au Ghana (qui était toujours alors la Gold Coast) en tant que professeur de russe pour les nouvelles élites du pays. Le but est de favoriser le rapprochement du pays et de l’URSS ; l’alibi est le mouvement de retour en Afrique des Noirs Américains. Ce séjour de trois ans lui fera découvrir l’amour (ses amours seront souvent déçues, décevantes et/ou uniquement sexuelles). C’est aussi durant ce séjour qu’il découvrira l’amitié : d’un écrivain ghanéen mais aussi de Russes faisant partie de la diplomatie présente dans le pays. C’est comme cela qu’il aura l’occasion de lire un manuscrit d’un écrivain totalement inconnu, Efim Klikov. Ce manuscrit, intitulé Lendemains de fête, a été trouvé par la sœur d’un des diplomates. Il se met en tête de le traduire. Cela donne de très beaux passages sur la traduction et l’amour de la littérature :

    Dès lors, et bien que Lendemains de fête ne présentât aucune difficulté formelle, tout ce qui semblait couler de source en russe avait pris en anglais des allures de rocaille, et il était sans cesse revenu sur des passages qu’il croyait terminés, remettant en cause même l’usage que l’on avait de traduire telle ou telle chose, ce qui l’avait régulièrement obligé à revenir sur des pans entiers du texte. Il s’était ainsi égaré des heures dans des translittérations quasi littérales, avait torturé l’anglais pour lui faire prendre le rythme, l’ordre voire la sonorité du russe puis, lorsqu’il s’était parfois endormi au milieu de la nuit enfin content de ce qu’il avait réussi à coucher sur les feuilles, ce qu’il avait relu le lendemain lui avait paru délirant, le produit d’un croisement aléatoire entre deux dictionnaires ou la caricature d’un texte surréaliste. En somme, il aurait fallu que le texte anglais fût en russe… Horrifié, il s’était en outre découvert des carences, tant dans la langue de Dickens que dans celle de Pouchkine, d’invraisemblables faiblesses qui l’avaient contraint de feuilleter pendant des heures la petite grammaire mal faite prêtée par Kaliguine, avec le ventre creusé d’une sourde angoisse à l’idée de découvrir qu’il était au fond incapable de la seule chose pour laquelle il avait la certitude d’avoir été mis au monde. Et alors que cet été 61 avait été celui des Voyages de la liberté et des négociations interminables au téléphone entre le président Kennedy et le Dr King, ses lettres étaient pleines d’acrimonie à propos des difficultés de la traduction, des incertitudes grammaticales qui le cernaient en anglais et du manque cruel de dictionnaires fiables dont il souffrait dans son « pauvre et misérable coin de la pauvre et misérable Afrique de l’Ouest » (on aurait dit un Britannique se plaignant de vivre dans un recoin perdu de l’Empire).

    Cette deuxième partie, au Ghana, est moins bonne car elle semble surtout être là comme une transition, une période d’attente. Cela se ressent à la lecture par une écriture plus lente, plus répétitive. Dans l’ensemble, l’écriture est lente, détaillée, une peu répétitive mais dans cette partie, c’est accentué.

    Peut de temps après la lecture du manuscrit, il a l’occasion de partir vivre à Moscou en tant que diplomate pour le Ghana. Il fait alors connaissance de la « découvreuse » du manuscrit et apprend que Lendemains de fête n’est que le premier d’une trilogie dédiée à la censure en URSS. C’est pour lui le début de la fin. C’est clairement la partie la plus réussie du livre car comprend les plus belles pages sur la littérature, l’écriture, la lecture, le texte écrit …

    L’histoire est à mon avis très bonne, très audacieuse pour un auteur français. Pourtant le livre est quelque peu gâché par une construction bancale.

    En effet, l’histoire est entièrement racontée par la grande sœur de Curtis. Celle-ci est très investie, ainsi que leur père et leur petit frère, dans le mouvement des droits civiques. Curtis l’énerve car il ne participe pas, à son mouvement. Il y a des passages sur ce qui se passe aux États-Unis alors que Curtis est au Ghana ou en URSS. Ces passages sont souvent sans rapport avec le récit en cours. On se demande ce que l’auteur va en faire. Normalement, cela donne envie de continuer la lecture pour mieux comprendre.

    Le problème est que TOUT le récit est raconté par la sœur. Pour connaître tous les détails décrits, il aurait fallu que Curtis passe son temps à tout décrire mais alors il n’aurait rien pu vivre. Par exemple, la sœur parle des érections de son frère à des milliers de kilomètres de là (le récit est rétrospectif). Je n’imagine même pas mon frère me raconter ce genre de choses. C’est ce qui m’a énervée tout le livre. Quand j’oubliais qui racontait l’histoire, l’auteur me rappelait cette incohérence. L’épilogue nous explique le pourquoi du comment : le livre a été écrit avec Curtis. En fait, plus exactement, l’auteur sous-entend que Curtis l’a écrit avec sa sœur. Vu les talents qui lui sont prêtés dans le texte, on se dit qu’il aurait pu mieux faire car c’est la seule réponse qui nous sera proposée pour les passages sur le mouvement des droits civiques aux États-Unis.

    Si on devait résumer le livre, il faudrait dire qu’il s’agit de la narration des trente premières années de la vie de Curtis, du paradis perdu à la découverte de la « vraie » vie. Les points forts du texte sont sans aucun doute le projet en lui-même, l’écriture lente, détaillée, les deux étant très ambitieux. Le point négatif est le choix du narrateur en la personne de la sœur de Curtis. Une alternance de voix ou un narrateur omniscient aurait peut être été plus judicieux mais je ne suis pas écrivain.

    Cette lecture rentre aussi dans l’Hiver en Russie de Titine et Cryssilda. car elles autorisent tout ce qui se passe en Russie, et pas seulement ce qui a été écrit par des auteurs russes.

    UnHiverEnRussie

    Références

    Curtis dans la langue de Pouchkine de Nicolas TEXIER (Gallimard, 2011)

  • LaGeleeKorolenko

    Une présentation de l’auteur par Éric Dussert, préfacier

    Rien n’explique le dédain où l’on tient Vladimir Korolenko en France. Cet homme qui fit figure de Zola russe, et de mentor pour Maxime Gorki, cet écrivain dont furent vite reconnues l’immense humanité et la totale simplicité (…) ne peut guère rester ignoré. Son œuvre en jachère doit rejoindre les lecteurs, qui sauront déguster La Gelée, comme Le Musicien aveugle ou Le Rêve de Makar, ainsi que ses souvenirs qui seront traduits un jour (…). Gorki l’appelle la « conscience de la Russie » après la mort de Tolstoï, quand il est « l’âme de la littérature russe » pour Rosa Luxembourg.

    Mon avis

    J’ai lu deux fois le texte. La première fois je n’ai rien compris à part que tout était blanc. Je me suis reprise car la préface est d’Éric Dussert et que pour moi, cet homme c’est L’Arbre Vengeur et ses découvertes de chefs d’œuvre oubliés. J’ai donc relu cette nouvelle d’une cinquantaine de pages le lendemain, à tête reposée, en silence. Bien m’en a pris car le livre m’est apparu splendide et l’histoire nettement plus claire que la première fois.

    On suit un groupe de personnes qui descend la Lena au début de l’hiver comme le précise le premier paragraphe :

    Nous nous dirigions vers le Sud en suivant la rive de la Lena, tandis que du Nord, l’hiver nous rattrapait. Pourtant nous aurions pu croire qu’il venait à notre rencontre, en descendant le cours du fleuve.

    Vous remarquerez qu’en deux phrases l’auteur décrit la situation et on y est. C’est comme cela dans toute la nouvelle. La langue est évocatrice et très précise.

    La premier chapitre décrit cette invasion du froid, de la neige mais surtout de la glace sur le fleuve. C’est ce qui m’était resté de ma première lecture : tout était blanc. Au contraire de ce que l’on pourrait penser (imaginer, fantasmer), ce paysage est animé par des personnages, des histoires d’aujourd’hui et d’hier.

    Le deuxième chapitre raconte une histoire d’aujourd’hui, la survie de deux chevreuils dans cet environnement rude. En effet, ce chapitre raconte la traversée de la rivière à peine gelée, des deux animaux, au péril de leur vie. Il raconte comment une fois arrivés sains et saufs sur la rive d’où ils étaient observés, les hommes et le chien les ont épargnés car admiratifs.

    Tout cela donne lieu au cœur de la nouvelle, une histoire racontée par Sokolsky, l’explorateur, chef de la compagnie d’exploration des mines d’or. C’est une histoire d’hier au moment où il venait « d’être nommé à [son] poste » et qu’il allait « avec un ami à la mine d’or ». C’était une situation identique à celle d’aujourd’hui : froid, neige, tempête aussi. Son ami était un homme entier, qui préférait souvent les animaux aux hommes tellement ces derniers l’avaient écœuré. Ce que cette nouvelle raconte, c’est l’écœurement ultime qui contrebalancera avec la pseudo-générosité d’aujourd’hui (pseudo car non voulue).

    Cette histoire m’a chaviré le cœur car je n’ai pas pu m’empêcher de faire un parallèle avec l’auteur qui nous est présenté dans la préface comme un homme extrêmement généreux, pensant d’abord aux autres, plutôt qu’à lui et à son œuvre littéraire.

    D’autres textes de Vladimir KOROLENKO sur le site de La bibliothèque russe et slave.

    Le livre rentre évidemment dans l’Hiver en Russie proposée par Cryssilda et Titine (je ne me suis pas inscrite mais ce n’est pas pour autant que cela ne rentre pas dedans).

    UnHiverEnRussie

    Références

    La Gelée de Vladimir KOROLENKO (1853-1921) – nouvelle traduite du russe – préface d’Éric Dussert (Librairie La Brèche Éditions, 2012)

    La traduction reprend celle publiée en 1922 aux éditions Jacques Povolosky.

  • LaFeteSauvageAnnieMignard

    Présentation de l’éditeur

    Italie. Juin 1981. Non loin de Rome, un enfant de six ans tombe dans un puits et reste bloqué à plus de vingt mètres de profondeur. La foule accourt pour assister aux secours qui, pour la première fois, sont retransmis en direct à la télévision pendant dix-huit heures d’affilée, faisant entrer l’information dans l’ère du spectacle.

    La fête sauvage s’inspire librement de ce fait divers.

    Dans une langue d’une beauté à couper le souffle, Annie Mignard nous tient en haleine jusqu’à la dernière page. Elle convoque plusieurs strates de mémoire collective (depuis la descente aux enfers jusqu’à la passion christique et ses images de mater dolorosa) pour livrer une réflexion passionnante et non dénuée d’humour sur la montée en puissance des médias depuis les années quatre-vingt.

    Emmanuel Tête nourrit ses dessins de références à l’art italien pour souligner avec ironie la férocité de cette fête sauvage et païenne.

    Mon avis

    J’ai acheté ce livre à la librairie après avoir entendu l’avis de Jean-Louis Ezine dans l’émission du Masque et la Plume. J’aime beaucoup ses conseils et le fait qu’il aime les livres courts et littéraires. Le livre d’Annie Mignard correspond exactement à ce critère. En cinquante pages, elle en dit plus que certains en deux cents cinquante. Grâce à la langue et à son sens de la phrase, elle arrive à être auprès de tous ces personnages et en même temps faire ressentir à son lecteur tout un panel d’émotions, tout en suscitant la réflexion. Je l’ai lu deux fois pour faire le billet et j’y ai trouvé des choses différentes.

    La première chose qui m’a marqué est la manière constante dont Annie Mignard fait la différence entre les gens pris séparément et la foule (voir le deuxième extrait). Ainsi, elle insiste sur ce que nous avons tous constaté. Individuellement, les gens ont un comportement on ne peut plus normal alors que quand ils sont plusieurs, dans une groupe ou dans une foule, leur comportement est plutôt primitif. Ils ne sont plus « modernes » avec des idées novatrices. J’ai trouvé intéressant qu’elle présente les gens et la foule comme deux entités différentes, n’ayant pas la même mémoire ni le même âge.

    Pendant tout le texte, Annie Mignard insiste aussi beaucoup sur la rupture que provoque cet événement dans la vie quotidienne, d’abord d’un point de vue médiatique et ensuite d’un point de vue plus spirituel (ce n’est pas le bon mot mais je n’arrive pas à en trouver un autre). D’un point de vue médiatique, on voit clairement que les caméras attirent les gens. L’enfant semble déjà perdu (sa vie n’est qu’une préoccupation dérisoire pour la foule) mais le spectacle doit continuer. Celui-ci est fait par la foule (et non par les gens) pour la caméra. D’un point de vue spirituel (c’est le premier extrait), Annie Mignard utilise beaucoup le fait que la Terre fait un rappel à l’ordre aux humains qui vivent sur et grâce à elle, comme si les gens l’avaient oublié. C’est par exemple très présent dans l’échec du moins de sauvetage le plus moderne, la foreuse.

    Les dessins d’Emmanuel Tête s’accordent parfaitement au texte, la couverture en est un exemple. Ce sont tous des peintures sur fond sombre. Comme le dit l’éditeur dans sa présentation, il reprend quelques codes de la peinture italienne (rien qu’à voir la peinture de la mère) tout en y mettant des éléments modernes (les journalistes, la foreuse). Certains dessins expriment résolument la solitude de l’enfant, son absence : le ballon abandonné devant une grotte, le nounours que l’on descend pour rassurer l’enfant. Un dessin (celui qui m’a le plus marqué) exprime toute la sottise des opinions de la foule qui pense que c’est la mère qui a jeté l’enfant dans le trou. On voit sur la peinture une mère qui appuie sur la pédale d’une poubelle pour l’ouvrir et jeter son enfant dedans.

    En conclusion, encore un magnifique livre !

    Deux extraits

    « Vieille terre, vieille expérience. Mais qui pense encore à elle ? Dans les temps primordiaux elle était la toute-puissante, la féconde, ambiguë avec ses enfants que tantôt elle aime tantôt elle tue, terrifiante de brutalité, et de son ventre on n’arrivait guère à sortir. Mais c’était bien avant que le jour et la nuit commencent, et plus personne n’est là pour s’en souvenir. Oubliés, le sang, la terreur sacrée, les labyrinthes, les dieux infernaux, les cercles des enfers où ceux qui entrent laissent toute espérance. Nous ne sommes plus ses enfants et nous n’avons rien à négocier avec elle. Nous allons sur la lune et sur Mars, dans les espaces infinis de l’univers, l’homme est maître de la connaissance, aujourd’hui nous sommes les fils du soleil. »

    « Dès qu’on sut où il était, ce fut la ruée. La foule accourut de très loin. Parce que si les parents, les voisins, les carabiniers avaient cru au siècle d’aujourd’hui, la foule, elle, ne s’y trompa pas. Sa mémoire remonte à la nuit du monde. Elle comprit tout de suite qu’il s’agissait d’un sacrifice humain, d’un très vieux rite, et qu’il fallait venir. Miracle ! La terre mange un enfant en direct ! Elle l’a happé de sa bouche vorace, elle est en train de le déglutir tout cru. »

    Références

    La fête sauvage de Annie MIGNARD – vue par Emmanuel Tête (Les éditions du chemin de fer, 2012)

  • DarkTigerWilliamGTapply

    Quatrième de couverture

    Il y a sept ans, Stoney Calhoun s’est réveillé dans un hôpital de vétérans, privé de mémoire et de passé mais doté de talents inattendus. Depuis, il s’efforce de mener une vie normale, partagée entre la boutique de pêche dont il s’occupe avec la sublime Kate Balaban, son chien Ralph, et sa cabane perdue dans les bois.

    Lorsque l’Homme au Costume, qui vient régulièrement s’assurer qu’il n’a pas retrouvé ses souvenirs, commence à mettre en danger sa nouvelle existence, Calhoun est contraint d’enquêter sur le meurtre d’un agent gouvernemental retrouvé mort au nord de l’État. Il doit alors prendre la place d’un guide de pêche à Loon Lake Lodge, un luxueux hôtel situé en plein cœur des espaces sauvages du Maine.

    Les paysages crépusculaires du Nord-Est des États-Unis servent de décor à cet ultime volet des aventures de Stoney Calhoun. Après Dérive sanglante et Casco Bay, nous retrouvons ce sympathique bourru dans sa plus dangereuse enquête.

    Mon avis

    C’est donc le troisième volume des « enquêtes » de Stoney Calhoun. C’est aussi le dernier puisque William G. Tapply est mort en 2009 alors que Dark Tiger (qui est le nom d’une mouche) sortait aux États-Unis. Au vu des remerciements, il savait qu’il allait mourir (en tout cas, il voyait beaucoup de docteurs).

    Je vous dis cela, non pas pour être morbide, mais surtout que sachant cela, il aurait pu livrer toute la vérité sur le passé de son héros. D’un autre côté, je pense, bien qu’à ce moment-là, ce n’était pas sa préoccupation principale. Tout cela pour dire que la seule chose que l’on apprend est que Calhoun était espion dans une agence fédérale, très secrète visiblement. Il était donc entraîné à appréhender les situations, à se défendre … C’est un peu décevant comme révélation car elle semblait déjà être latente dans les deux autres tomes.

    Dans ce volume, Calhoun quitte Kate (qui semble plus amoureuse que jamais même si elle ne se l’avoue pas assez) pour aller dans un lodge de luxe, dédié à la pêche pour de riches touristes. Il ne le fait pas pour le plaisir mais parce qu’il y est obligé par son ancien chef, celui-ci exerçant différentes pressions sur Kate et la magasin pour arriver à ses fins. Un agent a été assassiné à 50 km du lodge de luxe, mais y logeait. On suppose donc qu’il avait mis le doigt sur quelque chose touchant à la sécurité nationale. Sa mort semble suspecte d’autant qu’il a été retrouvé avec une jeune fille (mineure), tous les deux ayant été tués par balle. La légiste arrive à montrer que ce n’est qu’une mise en scène mais que la mort est due à la toxine botulique. Calhoun doit démêler cette histoire. Pour cela, il se rendra en tant que remplaçant d’un guide de pêche dans le lodge.

    Le lodge est isolé de tout : on ne capte pas le portable (le satellite ne peut qu’être utilisé par les clients en cas d’urgence), il n’y a qu’une ancienne route forestière qui rejoint la ville la plus proche (qui est donc à 50 km). Les clients arrivent donc le plus souvent en hydravion, l’étendue pour la pêche étant constituée de sept lacs. Le livre privilégie le décor, qui est beaucoup plus impressionnant que dans les deux autres volumes. Alors qu’avant, Tapply décrivait avec précision les détails, il joue dans celui-ci sur le grandiose et la majesté.

    Dans ce volume, Tapply privilégie l’action : il y a une mort juste après l’arrivée de Calhoun. Deux jours après, l’hydravion explose au décollage. Cette direction prise dans la narration fait que la partie déduction/logique des enquêtes de Calhoun n’est pas du tout développée. Il pose bien des questions mais s’attire des problèmes et en attire aux autres. Les conclusions semblent lui tombées dessus. Ce qui sauve Calhoun, c’est qu’il était sur-entraîné pour se battre et qu’il s’en rappelle. C’est donc plus facile de ne pas utiliser sa tête.

    En conclusion, j’ai trouvé que dans ce volume Calhoun avait perdu son côté singulier. J’ai plus eu l’impression de lire l’épisode d’une série télé américaine que de lire un épisode d’une série noire innovante et singulière.

    Références

    Dark Tiger de William G. TAPPLY – traduit de l’américain par François Happe (Gallmeister, 2010)

  • CascoBayWilliamGTapply

    Présentation de l’éditeur

    Sept ans après le mystérieux accident qui a effacé sa mémoire, Stoney Calhoun a repris sa paisible existence de guide de pêche, partagée entre la boutique de la belle Kate Balaban et sa cabane isolée dans les bois du Maine.

    Jusqu’au jour où, sur une île inhabitée de Casco Bay, il découvre un cadavre entièrement carbonisé. Peu de temps après, le client qui l’accompagnait est assassiné. Malgré ses réticences, Calhoun est entraîné dans l’enquête du shérif Dickman et ses vieux réflexes reviennent.

    Casco Bay, la deuxième aventure de Stoney Calhoun, nous emmène une nouvelle fois dans les paysages marins du Maine qui laissent peu à peu resurgir les fantômes d’un passé menaçant.

    Mon avis

    Comme la première enquête de Stoney Calhoun, c’est un livre qui se lie tout seul, même si vous êtes fatigué. Notre héros amnésique est toujours très sympathique, surtout accompagné de son chien Ralph. Comme disait ma mère, heureusement que Tintin a Milou pour l’aider, heureusement qu’Idéfix est là pour Astérix et Obélix. Elle aurait pu ajouter heureusement que Calhoun a Ralph pour lui sauver la mise ! Les personnages secondaires, le shérif Dickman et Kate Balaban, prennent un peu plus de relief en acquérant pour l’un de l’indépendance (c’est tout de même lui qui mène l’enquête, Stoney n’étant qu’adjoint) et l’autre des sentiments plus prononcés (j’ai un peu moins de mal à croire à une histoire d’amour).

    Comme d’habitude, je vais jouer ma râleuse et dire que tout de même, ce premier tome est moins bien que le premier. Premièrement, on n’apprend pratiquement rien sur le passé de Calhoun. Je m’étais bien rendu compte qu’il avait été comme une sorte de flic (j’avais été aidé par le fait qu’il l’avait répété un certain nombre de fois), qu’il savait se battre (pour tuer) et qu’il savait aussi mener une enquête mais on en reste là. Il n’y a pas de nouveaux éléments dans ce deuxième volume.

    La deuxième chose est que la résolution de l’enquête n’est pas aussi maligne que dans le premier. Il y a déjà un grand temps morts au milieu du livre (des pages 100 à 200) car cela semble évident que Dickman et Calhoun partent sur une mauvaise piste (quel est l’intérêt de mettre un deuxième corps dans un livre si ce n’est pour pas en tenir compte ?). Ensuite, Calhoun n’est pas vif, la signification évidente d’un indice lui échappe. Il a un vague pressentiment de la solution mais il m’a semblé qu’il le pensait juste

    Ce qui me déstabilise beaucoup, c’est que je n’arrive pas à m’imaginer les personnages comme décrits par Tapply : dans la quarantaine, Kate plus belle qu’aucune femme aux environs, Stoney placide, fort comme un bûcheron, tout en muscle pour frapper les ennemis et tout en ruse et intelligence aussi. Je m’imagine plus Kate dans la quarantaine mais pas aussi belle que décrit et Stoney dans la cinquantaine avec la barbe grisonnante mais avec les mêmes traits de caractère car je le trouve trop zen par rapport à ses traits de caractères. J’ai du mal à identifier le pêchheur solitaire et un peu grognon avec l’enquêteur ultra-efficace qu’il semble avoir été dans sa première vie. Je le trouve bien pour mener une enquête car il est intelligent et patient. Pour se battre, je crois moins à ce que Tapply écrit. J’aurais bien aimé savoir comment vous vous imaginiez ces deux personnages si vous avez lu ces livres. Est-ce que vous avez cru à tous les traits de caractères que Tapply a bien voulu leur mettre ? Est-ce que vous avez fait votre sauce et gardé seulement ce qui vous semblait correspondre à votre réalité ?

    Pour les paysages et la pêche, il n’y a pas vraiment de place pour l’imagination. Tapply décrit les deux avec une précision chirurgicale. On ne peut que s’y trouver et reconnaître un endroit qui a l’air assez idyllique (sans les cadavres). C’est peut être cela qui fait la différence avec les autres livres. Normalement, je m’ imagine plutôt les personnages puis les lieux mais là c’est le contraire. Cela aussi j’aurais bien aimé savoir si cela vient du genre où la nature est tout de même prépondérante ou si c’est moi qui me fait des idées.

    Références

    Casco Bay de William G. TAPPLY – traduit de l’américain par François Happe (Gallmeister, 2008)

  • DeriveSanglanteWilliamGTapply

    Présentation de l’éditeur

    Suite à une improbable accident de montagne qui lui a fait perdre la mémoire, Stoney Calhoun est un homme sans passé. Cinq ans après avoir quitté l’hôpital, une confortable somme d’argent en poche, il a refait sa vie dans le Maine et coule des jours paisibles entre la boutique de pêche où il travaille et sa cabane enfouie au coeur des bois. Jusqu’à ce que son meilleur ami disparaisse.

    Calhoun se lance alors sur sa piste et accumule les découvertes macabres. Au fur et à mesure, il se découvre d’inattendus talents d’enquêteur qui vont le confronter aux fantômes de son passé.

    Première aventure de Stoney Calhoun, Dérive sanglante nous promène à travers les paysages idylliques et chargés d’histoire du Maine, jusqu’à un final aussi violent qu’étonnant.

    Mon avis

    J’ai l’impression que tout le monde sur la blogosphère a lu ce livre. Ce qui me l’avait fait acheté, ce n’est pourtant pas les billets que j’avais pu lire mais le fait qu’un très gentil libraire me l’avait conseillé. Il est pourtant resté dormir dans ma PAL tout ce temps et en plus j’ai acheté religieusement les deux autres tomes, sans avoir lu le premier persuadé que ce libraire me connaissait trop bien pour s’être trompé. Quand j’ai relu le résumé, je me suis dit qu’il avait peut être eu tort. Au début de la lecture, je me suis imaginée une histoire à base de Walker, Texas Ranger. Deux gars crapahutent en plein montagne pour aller chercher. Un des gars descend l’autre. Une course poursuite s’engage, en pleine nature, avec la police. Le poursuiveur est sur-entraîné car il passe toute sa vie dans les bois. À un moment, j’étais même prête à penser que Kate, la patronne et maîtresse de Calhoun, était une flic à la retraite et à qui on avait demandé de garder Stoney à l’œil pour éviter qu’il ne retrouve trop vite la mémoire. Puis, quand l’homme au costume est arrivé de l’ancienne vie de notre héros, j’ai plutôt pensé à un Jarod de la série Le Caméléon mais qui au lieu d’être un génie sur-entrainé serait un flic surentrainé. Tout cela pour dire que j’ai trouvé ce livre bien sympa à lire, l’histoire est plutôt pas mal fichue, ce n’est pas écrit avec les pieds (les descriptions du Maine valent franchement le détour) mais surtout l’auteur a su titiller mon imagination et cela faisait pas mal de livres que ce n’était pas arrivé.

    Il y a donc deux histoires :

    • une histoire qui va se régler en un seul volume : un guide de la boutique de pêche où travaille Stoney part avec un client que Calhoun lui a refilé car il ne l’inspirait pas. Ne le voyant pas rentrer, Kate et Stoney s’inquiètent. Ce dernier prend les choses en main et se trouvent des talents insoupçonnés d’enquêteur et d’homme d’action. J’ai trouvé le dénouement très recherché car on ne s’y attend pas du tout. On démasque à un moment l’un des coupables car le mensonge qu’il sort pour alibi n’est pas très crédible pour un homme de son âge et avec ses occupations. On s’attend plus ou moins à une explication venant du passé car il y a des détails qui reviennent souvent dans le roman. Pourtant, je n’avais pas imaginé une histoire aussi complexe et ma foi, assez crédible.
    • une autre qui est partie pour durer sur plusieurs volumes : celle de Stoney Calhoun lui-même. L’histoire immédiate donne l’occasion de faire des rappels des cinq dernières années de Calhoun, depuis son arrivée dans le Maine mais aussi de voir que si sa mémoire ne lui revient pas, ses faits et gestes trahissent qu’il n’a pas tout oublié. C’est ce dont on va être le témoin car c’est apparemment la première fois qu’il se souvient de quelque chose. Toutes les spéculations lui sont permises, à lui ainsi qu’aux lectures.

    C’est ce qui va me pousser à prendre le deuxième dans ma PAL sans plus tarder.

    Références

    Dérive sanglante de William G. TAPPLY – traduit de l’américain par Camille Fort-Cantoni (Gallmeister, 2007)

  • LaEstLaDanseAmySackville

    Présentation de l’éditeur

    En 1899, l’explorateur Edward Mackley part à la conquête du pôle Nord. Sa jeune épouse, Emily, attend son retour… en vain. Prisonnier de la glace, le corps d’Edward est retrouvé au bout de soixante ans. Dans sa main, un journal de bord retraçant l’odyssée de l’équipage et une photo d’Emily, qui se laisse mourir [notez l’importance de la dernière virgule].

    Un siècle plus tard, au cours d’une journée d’été étouffante, sa descendante, Julia Mackley, déambule dans la maison familiale, s’efforçant de mettre de l’ordre dans les reliques de cette expédition funeste. Mais tandis qu’elle se plonge dans le passé de ses aïeux, Julia découvre une vérité qui fait voler en éclats ses certitudes et éclaire d’une lumière nouvelle les fêlures de son propre mariage…

    Un premier roman envoûtant porté par une construction virtuose. Avec ses héroïnes inoubliables, Amy Sackville nous offre une méditation poignante sur les distances – géographiques et émotionnelles – qui peuvent séparer deux êtres.

    Mon avis

    À la lecture de la quatrième de couverture, je m’attendais à retrouver un roman polaire, avec une descendante qui fouillait dans le passé pour trouver des secrets de famille. En réalité, il y a un peu de cela mais les thèmes principaux sont l’Amour (oui avec un grand A, carrément), la filiation, l’empreinte des générations passées sur la génération présente, surtout quand on vit dans une maison familiale.

    C’est le cas de Julia et Simon qui ont emménagé dans la maison familiale, située à la campagne, il y a moins d’un an suite au décès de la grande tante de Julia, Helen. Simon est architecte et fait le trajet tous les jours pour Londres, laissant seule Julia. Celle-ci ne travaille plus pour s’occuper des archives familiales. Dans la famille, il y a un héros, un explorateur de l’Arctique, Edward. C’est la légende familiale puisqu’il n’est jamais revenu, laissant seule sa jeune épouse Emily à la sortie de sa lune de miel. Pour être plus exacte, c’est Emily, la légende familiale. Elle a attendu que l’on retrouve son mari 60 ans pour pouvoir mourir à l’âge de 80 ans. C’est cet amour sans faille, alors que tous avait perdu espoir, qui fait l’admiration de Julia. On sent cette femme très fragile, suite au décès de sa tante qui était le pilier de sa vie après le départ de sa sœur, la mort de ses parents, d’autant que son mariage avec Simon n’est pas des plus heureux. Ce sont deux introvertis, chacun n’osant pas aller vers l’autre. Simon n’arrive plus à savoir comment rendre heureux sa femme, tant celle-ci semble enfermée dans ses rêves. L’histoire d’amour d’Emily lui renvoie ce qu’elle considère comme l’échec de sa vie. Elle passe ses journées à s’imaginer Emily, Edward, à partir de lettres d’Emily (qu’elle n’envoyait pas bien sûr) et du journal de bord de l’expédition (les parties polaires du roman sont romancées). Son but est de les ressentir tous les deux, de ressentir la glace. Elle vit donc dans son monde parfait où l’amour n’est que pureté …

    Le roman alterne période actuelle et période Emily / Edward, le lien étant Julia en personne ou la maison et ses meubles. La construction en cela est très brillante car les transitions se font sans à coup.

    Ce qui m’a un peu dérangée, c’est l’héroïne. Elle m’a semblé trop humaine, pas très personnage de roman. Elle est trop indécise. Elle semble intouchable pour son mari mais aussi pour nous. On ne peut que l’admirer de l’extérieur (cela vient du choix du narrateur extérieur aussi car Simon est aussi difficilement palpable). Quand elle découvre le fameux secret de famille, elle n’en fait rien. Cela ne la fera pas aller mieux. Elle continuera son petit bonhomme de chemin comme vous et moi aurions pu le faire.

    Le roman est porté par une écriture très évocatrice et surtout un ton très particulier. Le narrateur omniscient interpelle fréquemment le lecteur pour lui dire quoi penser mais aussi dans les descriptions des lieux qui n’ont pas été sans me rappeler Virginia Woolf, mais en plus lourd. Amy Sackville arrive à faire passer d’une époque à une autre à travers la description de la maison. On est comme une feuille qui se déplace vite et voyant tout à l’intérieur de la maison.

    Au final, je ne sais pas trop quoi penser de ce livre. Il m’a plu mais je suis tout de même restée sur ma réserve avec l’héroïne. J’ai aussi trouvé qu’il emportait difficilement dans le Grand Nord. C’est pourtant ce qui m’avait fait choisir de lire ce roman initialement.

    Références

    Là est la danse de Amy SACKVILLE – traduit de l’anglais par Isabelle Chapman (Les Escales, 2012)

  • ASeparatePeaceJohnKnowles

    Présentation de l’éditeur

    Set at a boys’boarding school in New England during the early years of World War II. A Separate Peace is harrowing and luminous parable of the dark side of adolescence. Gene is a lonely, introverted intellectual. Phineas is a handsome, taunting, daredevil athlete. What happens between the two friend one summer, like the war itself, banishes the innocence of these boys and their world.

    A bestseller for more than thirty years, A Separate Peace is John Knowles’s crowning achievement and an undisputed American classic.

    Mon avis

    La couverture du livre est parfaite. Le flou, les couleurs pastels font penser à une certaine nostalgie, à une époque non datable. Un garçon en premier plan regarde vers une place sans arbre, faisant partie d’un village, à l’arrière. Il y a même sur la couverture quand vous la regardez de prêt les défauts d’un vieux film. C’est exactement le sujet du livre.

    Gene revient dans son ancien établissement et repasse à des évènements douloureux qui se sont passés à la fin de sa scolarité durant la Seconde Guerre mondiale. Le livre commence durant l’été 1942, l’été de ses seize ans. Son ami s’appelle Phineas. Il est celui qui attire tous les regards, qui n’a que des amis et qui le mérite car il est très avenant, le grand sportif qui gagne tous les prix, l’élève moyen qui ne se fait donc pas détester par ses notes. Gene est lui plus introverti, très bon élève, sportif moyen. Pourtant cet été-là, ils sont les meilleurs amis du monde. Gene, peu sûr de lui, interprète mal les intention de Phineas et pense qu’il est faux, qu’il n’est pas aussi gentil que cela ou tout du moins que cette gentillesse cache une mauvaise intention. Cela poussera Gene a faire une bêtise qui se transformera en tragédie à la fin du livre. Cela lui fera perdre toutes ses illusions et transformera toute sa vision du monde. La dernière phrase du livre est formidable pour tout dire à mon avis :

    All of them, all except Phineas, constructed at infinite cost to themselves these Maginot Lines against this enemy they thought they saw across the frontier, this enemy who never attacked that way – if he ever attacked at all ; if he was indeed the enemy.

    Ce livre est donc l’histoire des relations d’amour / haine / amitié que l’on entretient à l’adolescence, amplifié par le fait que l’histoire se place dans un internat.

    Les sentiments dans le roman sont exacerbés par le contexte historique. On est en pleine Seconde Guerre mondiale. L’été 1942 est leur dernier été de tranquillité, où ces adolescents sont encore comme ceux de la génération précédente. On les invite à fond à profiter de leurs insouciances. Les professeurs semblent les voir comme déjà morts. Le roman continuera jusqu’à la remise des diplômes en 1944. Le poids de l’extérieur deviendra de plus en plus fort. Doivent-ils s’engager avant leur dix-huit pour aider leur pays ? Pourtant, leur établissement reste un lieu de paix préservé surtout par son architecture, par son entretien ancestral, par sa résistance aux bruits de l’extérieur. C’est le genre d’endroit que l’on n’imagine pas entourer d’un village par exemple. J’ai trouvé un passage qui illustre bien l’atmosphère de l’établissement, Devon :

    Finny sat down on a bench, struggled out of his sheeplined winter coat, and took a deep breath of gymnasium air. No locker room could have more pugnent air than Devon’s ; sweat predominated, but it was richly mingled with smells of paraffin and singed rubber, of soaked wool and liniment, and for those who could interpret it, of exhaustion, lost hope and triumph and bodies battling against each other.

    C’est cette atmosphère que j’ai aimé, pleine des anciens élèves des lieux. Ils ont patiné les meubles, les escaliers… J’imagine tout à fait Devon flotter dans une atmosphère hors du temps, un peu flou comme sur la couverture. Je crois que c’est cela qui permet aux adolescents du livre de se construire sur des bases solides.

    C’est une idée de lecture que j’ai piqué chez Karine (j’ai lu son avis et peu de temps après, la couverture que j’avais trouvé si jolie m’a sauté aux yeux chez W.H. Smith). Je suis d’accord avec tout ce qu’elle dit mais mon niveau d’anglais ne me permet pas d’en faire un coup de cœur. On plonge dans l’atmosphère, dans le groupe de ces adolescents sans aucun souci mais avec un niveau d’anglais bof, on n’a tout de même l’impression qu’il y a certains passages qui échappent. Je le lirais sûrement en français un jour dans sa version publiée chez Autrement.

    Références

    A separate peace de John KNOWLES (Scribner, 2003)

    Je vous souhaite à tous une bonne année, une bonne santé et bien sûr de très belles lectures ! Je souhaite aussi à mon blog un joyeux anniversaire car il devient grand du haut de ses quatre ans et de ses pratiquement 700 billets …

  • HolmesLivreIIICecilBrunschwig

    Mai 1891. On avait laissé à la fin du livre II Watson devant le caveau des Holmes dans la propriété familiale. Il était sur le point d’entrer pour se recueillir sur la dépouille de son ami. Watson était arrivé dans le Yorkshire avec Wiggins et Mary à cause de son enquête sur le suicide de son ami aux chutes de Reichenbach. En effet, le professeur Moriarty ne pouvait pas être en Suisse puisqu’il vit reclus à Leicester, et ce suite à une bagarre, sur une falaise avec Holmes en 1872, pour les beaux yeux d’une femme, Madeleine, et qui s’est soldée par la chute des deux combattants et une blessure très grave pour le professeur, alors le précepteur de Sherlock. C’est en tout cas la version de Mycroft et de sa mère. Watson menait donc l’enquête car il sentait quelque chose de suspect et avait fait la rencontre du père de Sherlock, Siger. C’était un vieil homme sénile, dont les soins étaient laissés à une certaine Gloria Dumbley. Bien qu’âgée du même âge que les parents Holmes, et ayant une jambe de bois, cette femme a été choisie pour s’occuper du vieil homme. Elle semble même très proche de la famille puisqu’elle appelle les parents Siger et Violet

    Dans ce livre III, chapitre 4 daté du 13 juin 1891, on retrouve Watson en train de rentrer dans le caveau. La porte se referme. L’espace s’agrandit. Sherlock Holmes se réveille et lui montre ce qu’il doit regarder. Il doit interroger Madeleine pour avoir sa version des faits. Watson rétorque que cela est impossible puisqu’elle s’est mariée et est allée vivre en Australie.

    Holmes demande à Watson de s’interroger sur Gloria Dumbley. Pourquoi elle ? est-elle une vraie infirmière, dévouée à son patient ou à une cause autre ? La seule piste est qu’elle utilise une canne qui n’est pas marqué à son nom. Sur le pommeau, on peut lire Dudley P. Parks M.D. Oxford 1851. Qui est ce docteur ?

    Sur la deuxième scène que Holmes montre à Watson, on voit Siger dans la force de l’âge avec ses deux fils mais sans leur mère. Où est-elle ? Pourquoi n’était-elle pas là pour s’occuper de son bébé ?

    Wiggins, devenu détective (et un détective très brillant), va suivre la piste londonienne du docteur tandis que le docteur et sa femme suivront la piste paloise, Sherlock ayant passé son enfance à Pau. Suivre ces pistes ne sera pas de tout repos pour nos trois héros.

    J’attendais ce troisième tome depuis quatre ans. Je ne suis pas déçue du tout même si c’est un tome où le scénario semble plutôt dirigé par les intrigues secondaires. Cette bande dessinée fait plutôt naître des attentes pour le livre IV car on lit plutôt une remise en jambe dans l’histoire, n’apprenant pas grand chose de décisif sur l’enfance de Sherlock. On sent que la famille Holmes, et particulièrement Mycroft, travaille pour que rien ne se sache. J’espère que le tome IV tiendra ses promesses de révélations. Même les personnages semblent prendre plaisir à nous faire attendre : Wiggins se tourne avec nostalgie vers sa première rencontre avec Holmes et Watson et Mary vivent une seconde lune de miel.

    Pour lire ce troisième tome, j’ai relu les deux précédents et j’ai été surprise ne me semble plus aussi beaux que la première fois. Les dessins sont magnifiques : les muscles du visage sont figurés avec une précision que l’on voit rarement mais je trouvais que le tout manquait de profondeurs. Il faut rappeler que l’album est tout en dégradé de bleu. J’ai trouvé que les auteurs avaient amélioré ce détail dans ce livre ci (ils étaient déjà excellents avant).

    Le seul bémol que je mettrais, c’est la gestion des transitions entre Londres et Pau. Cela n’est pas forcément évident de suivre pour le lecteur.

    Références

    Holmes (1854 / † 1891 ?) – Livre III : L’ombre du doute de Cecil (dessin et couleur) et Brunschwig (récit) (Futuropolis, 2012)

    MiniLogoDilettantes

  • LaConscienceUltimeLimiteCalderonFajardo

    Présentation de l’éditeur

    Inventer un crime pour occuper la page blanche d’un quotidien : belle tentation et coup de maître pour Calderón, pigiste en mal de gloire littéraire qui se retrouve pris au piège de son idée. Car le succès de son meurtre insolite « Le musicien assassiné et la belle au bois dormant », accompagné de photos truquées, l’entraîne dans une pente dangereuse, l’obligeant à inventer de nouveaux faits divers extravagants avant d’être confronté à l’insaisissable Dompteur de mouches, qui lui raconte ses propres crimes et lui lance un défi.

    Roman gothique qui joue des extrêmes, texte à double fond qui évoque un pays dévoré par la violence, labyrinthe fantastique jouant avec les mauvais genres, La Conscience est considéré comme l’un des meilleurs romans noirs péruviens, et nous plonge dans l’inquiétante étrangeté de l’Amérique du Sud.

    Mon avis

    Comme quoi les préjugés ont la vie dure ! C’est le dernier type de roman que je m’attendais à lire d’un auteur péruvien. J’aurais plutôt pensé à un auteur espagnol (parce que l’auteur joue entre réalité et fiction comme Enrique Vila-Matas) ou à un auteur argentin (car dans la présentation de l’auteur par l’éditeur, on nous parle de Borges).

    C’est un livre réussi. Il ne faut pas y chercher un livre où c’est le cœur qui fonctionne à la lecture mais plutôt l’esprit. En effet, tout au long de la lecture, je me demandais où j’en étais : dans la réalité du journal au Pérou, au Pérou même (dans les description de meurtres sanglants), dans les histoires inventées par Calderón (fausses histoires de meurtres), dans les vraies fausses histoires inventées par le Dompteur de mouches (plagiaire de la réalité, incapable d’inventer une histoire).

    Il y a clairement de quoi s’y perdre, d’autant que la mise en forme du texte ne vise pas à aider le lecteur. On passe d’une situation à une autre sans changement de paragraphe. De même, on peut trouver les personnages réels dans les histoires inventées et vice versa. Il n’y a pas non plus de dialogue. On suit la pensée de Calderón qui semble aussi perdu que nous, voire plus puisqu’il est en pleine tourmente au sujet de son imagination et de son talent littéraire et/ou journalistique.

    Le livre ne fait que 112 pages mais il ne faut pas relâcher son attention une seule seconde si on ne veut pas se perdre dans les méandres de l’histoire. 112 pages, c’est court mais l’auteur arrive à vous laisser penser que vous avez toujours été plongé dans ce livre. C’est dire que l’auteur arrive réellement à recréer un monde autour de son lecteur.

    Références

    La conscience de l’ultime limite de Carlos Calderón FAJARDO – traduit de l’espagnol (Pérou) par Lise Chapuis (L’arbre vengeur, 2012)