Cecile's Blog

  • PaulineSachsAlexandreDroujinineQue celui qui connaissait l’existence de ce roman et ne m’en a pas parlé se taise à jamais !! Je rigole bien sûr. Vous pouvez me donner votre avis si vous l’avez lu (et même si vous ne l’avez pas lu en fait). Je me rappelle très bien de quand j’ai acheté ce roman. Je traînassais à Gibert au rayon littérature russe. J’ai vu un Phébus que je ne connaissais pas (d’un autre côté je ne connais pas tout leur catalogue non plus). J’ai retourné pour voir le résumé (pas trop mal), puis le prix (3 euros), je l’ai acheté et après je l’ai laissé dans ma PAL mais à une place spéciale (ceci étant secret, je ne vous en dirait pas plus).

    Pauline Sachs est un roman qui date de 1847 (et donc contemporain de Dostoïevski). C’est une époque où George Sand est très reconnu en Russie et on sent bien cette influence dans ce livre.

    Sachs est un vieil homme. Trente-deux ans. Imaginez donc un peu ! Il a voyagé, été à la guerre, fait des études, tué des gens en duel (pas dans cet ordre). Pour résumer, il a vécu. Maintenant il est fonctionnaire avec un poste que j’identifierai à comptable à la Cour des Comptes + flic à la brigade financière. Il y est très reconnu puisque très efficace pour débusquer les détournements de fonds. Tout cela est très bien sauf qu’il n’a pas connu l’amour. Cette funeste erreur est réparée depuis un an puisqu’il a épousé la jeune Pauline (l’auteur l’appelle aussi Paule dans le roman mais je ne peux pas). Jeune parce qu’elle a dix-neuf ans. Jeune femme qui vient de sortir d’un pensionnat pour jeune fille où elle était admirée pour sa grande naïveté et son côté enfantin. Un personnage du roman résume cela par un corps de dix-neuf ans et un esprit de douze.

    Or, Sachs a des idées progressistes. Parce que oui, Madame, Monsieur, en 1847, il y avait un homme, Sachs (et aussi Droujinine) qui pensait qu’une femme n’était pas qu’une potiche, qu’une femme devait penser par elle-même, ne pas se livre à toutes les minauderies que l’on attendait d’elle … Pauline ne correspond donc pas par son éducation à l’idée que Sachs se fait d’une femme (qu’il voit plutôt comme une compagne de vie). Depuis, un an, il essaie de lui montrer des choses artistiques, de lui faire lire George Sand (qu’elle trouve ennuyeuse et choquante), de l’aider à développer à sa pensée. Il faut cependant se rendre à l’évidence : en un an, il n’a pas réussi grand chose. De son côté Pauline veut rééduquer son mari pour qu’il devienne conventionnel (comme quoi il y en a qui ne savent pas les maris qu’elles ont).

    On en est là du roman quand un invité arrive (l’invité s’invite lui-même pour dire vrai). Il s’agit de l’homme qui a voulu demander en mariage le premier Pauline mais qui ne l’a pas fait, qui arrive dépité et décidé à reconquérir Pauline. Vous me direz, c’est là où on verra si elle aime son mari comme son mari, comme un père ou comme un frère, c’est aussi là où on verra si c’est une enfant qui cède à la première passion venue. Rédigez comme cela je suppose que vous avez compris la suite (sinon, il faut lire le roman).

    Il faut souligner que le livre contient une excellent préface du traducteur qui souligne le contexte du livre, la biographie de l’auteur, les sous-entendus culturels du livres. Cela aide particulièrement la lecture. Les deux points principaux que j’ai retenu sont :

    • le roman présente une histoire semblable à celle du roman Jacques de George Sand. Là où notre Française présente une histoire fougueuse et passionnée (pour dire que la passion ne se termine jamais simplement), notre Russe présente un roman cérébral où la raison l’emporte sur la passion (j’en ai déduis qu’il fallait quand même que je lise le roman de George Sand).
    • le roman est très original par sa forme (et c’est vrai que c’est particulièrement agréable à lire). C’est un roman épistolaire entrecoupé de chapitre (comme on a d’habitude). Par le biais des lettres, on a l’avis des trois personnages principaux sur les mêmes scènes et leurs commentaires sur les autres (d’autant plus intéressant pour Pauline et Sachs) et les chapitres permettent d’avancer dans la narration et permettent de souligner les moments de tension.

    Et sinon, je pense qu’il faut lire ce roman. Pour ceux qui n’aime pas les livres russes, sachez que le traducteur précise dans sa préface que les personnages de Droujinine ont toujours l’air étranger (un peu allemand apparemment). J’espère que cela achève de vous convaincre.

    Références

    Pauline Sachs de Alexandre DROUJININE – traduit du russe et présenté par Michel Niqueux (merci à toi, monsieur)(j’espère que tu nous traduiras un autre livre) (Phébus, 2002)

  • VersantSudEduardVonKeyserlingJ’ai toujours voulu lire Eduard Von Keyserling depuis la première fois que j’en ai entendu parler. Depuis un an, quoi. Depuis la sortie du Thesaurus. Puis je me suis dis que ce n’était pas raisonnable d’acheter toutes les œuvres si aucune ne me plaisait. J’ai pris donc deux poches : Versant Sud (1914) et Été Brûlant (1904).

    Ils ont rempli leur rôle en me mettant du baume au cœur et surtout plein de petites paillettes dans les yeux. Parce que c’est très bien écrit. Parce que ce sont deux histoires d’un autre âge, d’un temps qui n’existera plus dans pas très longtemps (pour cause de Première Guerre mondiale) et on le sent dans la narration.

    Été brûlant est l’histoire de Bill, un jeune comte, qui vient de rater son bac et qui est condamné à passer les mois de vacances avec son père pour potasser (je trouve très drôle les parents qui réagissent comme cela ; peut être qu’il fallait le faire avant, non ?). Sa mère et les autres enfants partent de leur côté. Cela promet de mauvaises vacances car son père est un être qui a toujours été froid avec sa famille. La seule chose réjouissante est la jolie cousine du domaine d’à côté. Le problème est qu’elle va se marier bientôt et dixit la quatrième de couverture, cela va « précipiter le jeune comte et son père dans la tragédie ». Il y a longtemps que j’ai lu Premier Amour mais à mon avis il s’est un peu inspiré.EteBrulantEduardVonKeyserling

    Versant Sud est l’histoire de Karl Erdmann von Wallbaum, jeune soldat qui revient voir sa famille pendant une permission. Il est heureux de retrouver sa famille mais surtout une amie de sa mère qui est hébergée chez eux. Tous les hommes de la maison sont amoureux d’elle et elle le leur rend bien minaudant quelque peu. Sauf avec Karl, qu’elle semble considérer comme un frère alors que pour lui son amour est le meilleur. Cette fois-ci, il a un atout dans sa manche : pendant sa permission, il a prévu un duel (le problème datant d’avant la permission). Il espère qu’elle saura l’aider dans ce qu’il présente comme ses derniers instants.

    Rien qu’en racontant les livres, on voit bien que Versant Sud est une œuvre plus complexe que Été brûlant (cela fait titre de soap américain je trouve). Pourtant Eduard von Keyserling a écrit ces textes dans sa période mature je pense puisqu’il est né en 1855 et mort en 1918. Il appartient au courant de l’impressionnisme allemand (je pensais que c’était un mouvement uniquement pictural)(c’est pour montrer mon inculture mais vous pouvez lire des explications dans le wikipedia allemand ou dans le wikipedia anglais)(ou si quelqu’un veut m’en donner). Ses histoires se passent dans la Courlande, région ouest de la Lettonie d’aujourd’hui (c’est une région qui était sous domination russe au moment où Keyserling écrit ses nouvelles).

    À mon avis, ces deux textes sont une très bonne introduction à cet auteur, dans le sens où la lecture, rapide, en est très agréable et où ils donnent envie de tout lire de l’auteur (tout cela pour dire que je me suis achetée le Thesaurus).

    Références

    Été Brûlant de Eduard von KEYSERLING – roman traduit de l’allemand par Jacqueline Chambon et Peter Krauss (Babel / Actes Sud, 2001)

    Versant Sud de Eduard von KEYSERLING – roman traduit de l’allemand par Jacqueline Chambon et Peter Krauss (Babel / Actes Sud, 2001)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1904
    Un siècle de littérature européenne – Année 1914
  • LeDoubleFedorDostoievskiJ’ai profité de mes vacances pour enfin lire mon premier roman de Dostoïevski (je n’avais lu en entier que des nouvelles pour l’instant)(en fait je crois que j’ai lu Le Joueur mais je ne sais plus l’histoire et si je l’ai lu en entier). Il paraît que j’ai commencé par le mauvais mais j’ai vraiment beaucoup aimé. En effet, il s’agit du deuxième roman de Dostoïevski (publié en 1846) et donc c’est une œuvre de jeunesse qui montre les thèmes qui vont traverser les ouvrages de Dostoïevski mais ce n’est pas comme les autres livres…

    Monsieur Goliadkine, petit fonctionnaire, à Saint-Pétersbourg, voit sa vie bouleversée le jour où il s’aperçoit qu’il existe un sosie du même nom, qui veut prendre à tout prix sa place. La seule chose qui distingue les deux hommes est le caractère : « notre héros », le vrai Goliadkine est un homme qui se fait fort de toujours parler droit, sans manœuvre alors que le faux Goliadkine, lui, est fourbe. Par exemple, dans le roman, le vrai Goliadkine va au restaurant, mange un petit pâté et doit en payer onze car son sosie en a mangé dix.

    Ces évènements touchent particulièrement notre Goliadkine car le sosie le fait mal voir de la haute-société dans laquelle il se croyait accepter. C’est à ce moment là que l’on peut se permettre de douter de la santé mentale de Goliadkine. Comment un petit fonctionnaire sans importance peut se voir accueillir comme un égal par son « Excellence » même s’il y met toutes les formes possibles.

    À la lecture, j’ai complètement adopté le point de vue de Goliadkine, et donc j’ai toujours pensé qu’il était sain d’esprit. C’est son caractère qui m’a semblé moins fiable. Il se dit honnête, pas manipulateur … mais il est amoureux d’une fille de la bonne société (qui ne lui est bien sûr pas destiné), il a eu une histoire trouble avec son ancienne logeuse.

    Il est évident que le double est ce que Goliadkine aimerait être, ou pouvoir être. Celui-ci fait tout ce que lui aimerait faire. Il s’infiltre au près de son « Excellence » alors que lui se fait jeter dehors.

    Je n’ai absolument pas lu cela comme une fable étrange (comme j’ai lu dans certains avis) mais plutôt comme la représentation dans la vie réelle de la dualité du personnage. La fin m’est donc apparu plutôt comme le choix d’une personnalité, celle qui est le plus acceptable pour la société.

    Il faut noter l’écriture de Dostoïevski (et la traduction bien évidemment). Tout au long du roman, on suit le vrai Goliadkine. Le récit est souvent incohérent, reprend des éléments. Le personnage ne finit pas toujours ses phrases. Cela ressemble à des monologues modernes comme j’avais pu lire dans un livre de Miguel Delibes sauf que chez Dostoïevski, c’est poussé à l’extrême car lui veut signifier une folie, et non de l’égocentrisme, ou de la panique face à des évènements.

    En conclusion, une très bonne découverte.

    Références

    Le Double de Fédor DOSTOÏEVSKI – roman traduit du russe par André Markowicz (Babel / Actes Sud, 1998)

  • C’est InColdBlog qui m’a tenté par son article. J’ai donc essayé pour un mois la box livre Aksebo. Je l’ai reçu hier et je suis plutôt très contente.

    Je l’ai payé 19 euros et il y en a clairement plus que pour 19 euros (rien qu’en livres). L’emballage était très bien fait (on a même gardé les trucs qu’il y avait dedans pour faire nos colis, comme quoi c’est bien recyclable).J’ai donc tout ouvert et commencé à fouiller dans les petits bouts de pseudo-polystyrène.

    J’y ai trouvé tout ce qu’il y a sur la photo + deux choses :

    • Un petit sachet de dragées et deux petits bonbons au café très fort. J’ai tout mangé donc je n’ai pas pris en photo le sac vide (à mon avis, on devrait pouvoir personnaliser les bonbons aussi parce que moi personnellement j’aime les dragées mais aux amandes pas trop au chocolat);
    • un journal sur le Japon dont le dossier principale est la nourriture japonaise. Premier réflexe : je m’en fiche de cela parce que la seule fois où j’ai mangé dans un restaurant japonais, j’ai été malade. Puis j’ai ouvert et j’ai vu qu’après le dossier spécial il y avait des trucs sur la culture japonaise (et les livres). Donc finalement, je suis intriguée.

    DSC_2447Il y avait donc la boîte :

    • un CD de musique du monde. Je n’aurais pas été vers cela par moi même  mais j’ai écouté la première chanson et ma fois, pourquoi pas.
    • un papier pour expliquer le projet et surtout comment entretenir ses livres.
    • une carte avec une fille qui jette des plumes.
    • quatre livres. Une mini BD sur la psychanalyse du super-héros, un essai sur la précarisation des journalistes, une biographie d’un auteur allemand pour comprend ce qu’il s’est passé avant la Seconde Guerre mondiale et un livre pour adulte (les trois derniers sont chez Agone, maison que je connais uniquement pour les livres de Stig Dagerman). Pour la BD, je l’ai lu et je n’ai rien compris. En fait il y a une seule blague qui m’a fait rire. Pourquoi ? Tout simplement parce que je  ne connais aucun des super-héros dont il parle sauf un (celui que j’ai compris) parce que je n’ai pas lu tous les comics américains. Pour ce livre, c’est un peu loupé du coupé. J’ai commencé le livre pour adulte Le cœur au ventre de Thierry Maricourt et là par contre c’est réussi alors que je ne connaissais même pas l’auteur (cela me fait penser à Boire de Fabienne Swiatly que j’avais trouvé impressionnant). J’ai mis dans le livre le marque-page qui m’a été offert. Pour les deux autres livres, je suis particulièrement intriguée surtout celui sur l’Allemagne car c’est un sujet qui m’a toujours intéressé. Pour l’autre, je l’ai regardé au début d’un air dédaigneux parce que franchement je m’en fiche un peu (je ne lis pas les journaux, n’écoute pas la télé, zappe quand il y a les infos à la radio ; pour m’informer j’utilise les tweets de l’AFP)(et pourtant j’adore les magazines). Puis j’ai lu la quatrième de couverture, lu des petits passages, vu qu’il y avait un parti pris tout en étant une étude sociologique. Et maintenant, je suis intriguée même si le livre fait 800 pages.

    Bilan : Dans l’ensemble, je suis très contente. Je ne suis pas surprise, je ne saute pas au plafond … mais je suis intriguée : je vais découvrir une maison d’édition que je connais mal, des sujets vers lequel je n’aurais pas forcément été, des livres que je ne connaissais pas (il faut souligner qu’il ne s’agit pas de nouveautés). C’est ce que je voulais en essayant cette box. Après sur les autres objets, je dis : pourquoi pas ? Ce serait bien si Aksebo pouvait faire pareil pour des livres numériques (parce que j’avoue que j’ai la flemme de chercher sur internet).

    POur moi, 25 euros par mois cela reste un peu cher (d’autant que je continue à m’acheter des livres). Mais me faire plaisir tous les trois mois (puisqu’on peut s’abonner pour un mois), je ne dis pas non !

  • UnAvantGoutDePrintempsAlexCapusCe très petit livre (140 pages) est basé sur un fait divers de l’hiver 1933-1934. Deux braqueurs allemands, au lieu de fuir en Inde, s’arrêtent à Bâle après être tombé amoureux d’une vendeuse de disques. Au cours du livre, ils braqueront encore, en faisant encore des morts et semant le trouble dans la ville suisse.

    Alex Capus ne nous raconte cette histoire ni du point de vue des braqueurs, ni du point de vue des vue des policiers, ni même de celui de la vendeuse de disques mais de celui d’un narrateur extérieur qui a la particularité d’avoir des grands-parents qui ont vécu cette période. Plus particulièrement, sa grand-mère était l’amie de la vendeuse de disque, qui l’avait invité le premier soir pour ne pas être seule avec les deux hommes. Or, la grand-mère était plus ou moins acquise au grand-père et donc l’expérience n’a pas été reconduite (en fait, ils ne se supportaient pas, étaient très maladroits ensemble mais tout le village les voyait ensemble). La vendeuse de disque se retrouve seul avec les deux hommes avec qui elle se lie d’amitié (elle est divorcée d’un mari qui la battait et vit seule avec une mère pas drôle du tout) tout en ne sachant pas qui ils sont, bien sûr. C’est cette histoire que raconte le livre.

    Cela a été pour moi une très bonne lecture car l’histoire est entraînante mais surtout Alex Capus la raconte très bien. Il mêle les souvenirs qu’il a de ses grand-parents à un travail sur les archives de police, les journaux et les témoignages de l’époque. Il arrive à incarner ses personnages, à les rendre humain et à faire de l’humour dessus. La vendeuse hésite à dénoncer les braqueurs après avoir su qui ils étaient. En fait, ceux-ci, malgré le nombre de morts impressionnants qu’ils sèment, sont gentils et ont une bonne raison pour faire ce qu’ils font. Ils sont même lettrés et ont une grand conscience du danger qui monte dans leur pays. Alex Capus décrit aussi une époque : celle d’une société marquée par la première guerre, en pleine mutation mais encore emplie d’un grand sens des convenances.

    Ce n’est pas inoubliable mais à mon avis, très appréciable.

    Références

    Un avant-goût de printemps de Alex CAPUS – traduit de l’allemand par Leïla Pellisier (Autrement, 2007)

  • SangReserveThomasMann

    Lewerentz, par un de ses commentaires, m’a donné envie d’ouvrir un des Thomas Mann de ma PAL. Comme je n’allais tout de même pas commencer par La Montagne Magique, j’ai choisi ce recueil de deux nouvelles.

    La première nouvelle, Sang réservé, est assez connue en France car bien qu’écrite en 1905, publiée en 1921 en Allemagne, elle a été publiée en France en 1931 quelques mois après La confidence africaine de Roger Martin du Gard qui traitait du même thème, l’inceste entre un frère et une sœur. J’ai lu le livre de Roger Martin du Gard (personnellement je vous le conseille) mais le texte de Thomas Mann est totalement différent. On est dans une famille bourgeoise au début du XXième siècle en Allemagne. Le père s’est enrichi à la force du poignet et subit les légères moqueries de ses quatre enfants, Kunz, Marit, Siegmund et Sieglind, qui sont habitués aux choses les plus raffinées. Les deux derniers, nommés d’après la Chanson des Nibelungen, sont des jumeaux inséparables. Or, Sieglind doit se marier très prochainement avec un homme dénué de tout ce qui plaît au goût luxueux des jeunes gens. Pour fêter leurs derniers moments ensemble, ils iront voir un opéra de Wagner qui les transportera.

    Écrite en 1925, la deuxième nouvelle a un sujet plus classique. Dans l’Allemagne des années 20, subissant de plein fouet l’inflation, des jeunes gens de bonne famille, d’une vingtaine d’années, invitent leurs amis pour se distraire. Participe à la fête les deux autres enfants des parents âgés de cinq ans, la mère et le père qui s’isole au début de la nouvelle puis se mêle à la fête pour mieux observer la nouvelle génération. Un drame se produit : la petite chérie du père tombe en amour pour un ami de son grand frère.

    J’ai énormément aimé ces deux nouvelles, même si clairement pour la première nouvelle, j’ai manqué de références culturelles. Ce qui m’a impressionné, c’est l’écriture de Thomas Mann. Il arrive à recréer le contexte historique de manière très fine en utilisant un intérieur de maison bourgeoise et des relations familiales identiques dans les deux nouvelles. En effet, les deux textes mettent en avant une nouvelle génération décidée à perdre son indépendance par rapport à la précédente : elle veut s’amuser, s’affranchir des convenances, vivre dans l’absolu défini par l’Art et les sentiments. Les parents portent dessus un regard complaisant. Cependant, on sent que tout cela est permis par le fait qu’on est dans un milieu bourgeois. Thomas Mann porte lui un regard attentif mais aussi amusé sur ses personnage et leurs manières de vivre. Il décrit tout très finement et très légèrement en laissant penser au lecteur qu’il ne fait que jeter un coup d’œil dans ces vies, qu’il ne fait que passer.

    Références

    Sang réservé suivi de Désordre de Thomas MANN – traduit par ??? – préfacé par Jacques Brenner (Livre de poche, 2005)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1905
    Un siècle de littérature européenne – Année 1925
  • DeQuoiNousSommesFaits

    J’ai choisi ce livre à la bibliothèque car

    1. J’aime bien l’objet livre chez Grasset (comment il s’ouvre, le toucher de la page …). En général, les histoires ne me plaisent pas plus que chez d’autres éditeurs.
    2. Une fois que mon œil droit eu repéré l’ouvrage, j’ai donc repéré la quatrième de couverture qui parlait d’une sombre histoire d’enlèvement aux États-Unis. Bof, bof ! Puis mon œil gauche encore plus avisé à représenté une phrase choc dans le rabat (issue d’une critique d’un journal) :

      Hettche décrit merveilleusement la nature et les villes, les déserts et les autoroutes.

    Voilà pourquoi j’ai embarqué ce livre alors que j’étais pratiquement sûre qu’il n’allait pas me plaire. Tout simplement parce que cette phrase m’a fait rire. Le meilleur compliment, surtout le plus original, que le journaliste ai trouvé à faire, est que l’auteur sait décrire les autoroutes. Je ne connais pas d’autres auteurs qui possède ce talent : la route, oui, mais l’autoroute, non.

    Commençons par parler de l’histoire.

    Niklas Kalf est allemand. Il est en train d’écrire, à la demande la veuve, une biographie d’Eugen Meerkaz, savant qui s’est exilé aux États-Unis à la seconde guerre mondiale. Dans le but de rencontrer madame Meerkaz sur la côte Ouest, il se rend à New York pour rencontrer un éditeur qui pourrait être intéressé par le livre. Pendant ce séjour, il sera accompagné de sa femme, Liz, journaliste, enceinte de quatre mois et demi (c’est important pour la suite, veuillez donc le noter dans vos tablettes).

    On est en septembre 2002. Le premier anniversaire des attentats se prépare, la guerre en Irak aussi. C’est un séjour qui m’a semblé poisseux pour plusieurs raisons sur lesquelles je vais revenir plus tard (c’est pour assurer un semblant de structure à mon billet). Après un diner avec l’éditeur et la traductrice, Liz et Niklas rentre chez eux mal à l’aise car l’éditeur a raconté au diner le meurtre par une jeune adolescente d’un homme dans le parc juste en face. Les époux s’endorment mais quand Niklas se réveille, Liz n’est plus là. Elle a été enlevé. Au début, Niklas ne bouge. Tout le monde (aux États-Unis car en Allemagne il ne prévient personne) lui conseille de rester, sans prévenir la police (comme lui ont dit les ravisseurs) et de continuer son programme. Ainsi, il va donner une lecture où il va comprendre ce qu’on lui veut.

    Les ravisseurs veulent des renseignements bien précis sur Eugen Meerkaz. Niklas pense qu’il ne les a pas. Il se tourne donc vers la veuve qui lui dit qu’il n’y a rien à savoir de plus. Niklas attend d’avoir une idée de génie. Cela va lui prendre un mois (si mes souvenirs sont bons. N’oubliez pas que sa femme est enceinte). Là il trouve un document dans ses papiers qui le pousse à partir au fond du désert texan. Il commencera par s’acclimater aux autochtones. Après un mois encore, il trouvera enfin une piste qui le fera attendre encore un mois et demi. Tout cela se fait avec l’assentiment de Niklas (j’espère que vous suivez toujours ; en gros, on lui d’attendre et il attend ! rien à faire de sa femme enceinte). Ensuite il a encore un mois de pseudo-cavale puis quinze jours de périple vers l’Ouest pour voir madame Meerkaz parce que c’est un peu son seul espoir avant qu’il y ait un coup de théâtre. Je dévoile la fin (faites attention) : il retrouve sa femme qui a accouché ! après des mois et des mois (c’est sûr qu’on est loin des films américains où tout est réglé au maximum en une semaine). Il l’a trompé entre temps deux fois et demi (donc avec trois femmes). Mon seul élevé de la morale me fait dire que c’est un salaud ! En plus, il n’est même pas sûre de ne pas quitter sa femme après.

    Pourtant j’ai lu le livre dans son entier et j’ai beaucoup aimé (mais au vu des autres, je ne crois pas que ce soit son meilleur livre). Non pas à cause de sa description des autoroutes mais parce que l’auteur a une écriture qui nous entraîne dans une réflexion, qui n’est pas celle de son héros, mais une réflexion qui nous est propre sur le sens à donner aux bouleversements survenus dans cette dernière décennie ainsi que sur la nature de la société dans laquelle nous vivons.

    Au début du roman, Liz n’est pas un personnage important. On focalise tout de suite sur Niklas. Elle disparaît au deuxième ou troisième chapitre et on ne la revoit plus. Bien évidemment, on ne peut pas s’identifier à cette femme puisqu’on ne la connaît pas. Le séjour new-yorkais nous est raconté a posteriori par Niklas. C’est un séjour poisseux. Les souvenirs sont entourés de flous mais surtout d’une atmosphère lourde. Niklas est un intellectuel plutôt intéressé par l’humanité que par sa vie de famille. Il vit les évènements passés et en cours aux États-Unis comme un bouleversement dans son univers. Il est de la génération qui a toujours vécu avec des rêves américains, à penser que ce pays était le centre du monde. Il s’aperçoit que tout est chamboulé puisque le noyau de la terre est attaqué. Il cherche donc tout au long du roman à se repositionner dans cet environnement. Il doit en plus affronter l’enlèvement de sa femme. Pourtant, il ne semble pas envisager sa reconstruction en couple. Il veut se reconstruire tout seul, puis incorporer sa femme. Je pense que pour la petite humaine que je suis, c’est très difficile à comprendre.

    L’impression que cela m’a donné est qu’en quittant New-York, il quitte son ancien monde (et bien des personnages parasites aussi).

    Sa période « désert texan » est une sorte de sas avant qu’il puisse reprendre le cours de sa vie. J’ai lu sur un blog allemand que le désert était peut être une analogie avec la Bible (je vous laisse seul juge parce que je n’y connais rien).

    Je pense que l’auteur a mal expliqué l’affaire de l’enlèvement car tout au long du roman, on se demande pourquoi Niklas agit ainsi. C’est seulement à la fin quand il commence à sortir de sa torpeur et à agir vraiment que l’auteur, par l’intermédiaire de Niklas, répond enfin à la question du titre : de quoi sommes-nous faits ? Le lecteur reste bloqué sur la promesse de la quatrième de couverture d’un « thriller exigeant », d’un « somptueux film hollywoodien » alors qu’en réalité, c’est une quête initiatique d’un homme qui cherche à se redéfinir dans un monde qui n’est plus le sien. L’enlèvement parasite le roman mais si on y réfléchit, comment l’auteur aurait pu raconter la même chose sans perdre en force ? Il ne pouvait justifier que Niklas parte en voyage pour parcourir les États-Unis (il n’est pas Christopher McCandless) car avant le début de l’histoire, il ne cherche pas à changer ou à se comprendre… Il faut un évènement qui le force à le faire, un déclencheur : le mieux est un évènement brutal à mon avis (je reste mitigé sur l’enlèvement cependant car trop de confusion des genres).

    Si je résume, le roman m’a plu mais surtout par l’écriture, le discours, la manière de dire de Thomas Hettche et pas franchement par l’histoire. Je vais essayer de lire d’autres livres de lui.

    Avez-vous par exemple lu Le cas Arbogast ? Cela a l’air celui qui est le plus apprécié.

    Références

    De quoi nous sommes faits de Thomas HETTCHE – traduit de l’allemand par Armand Beaume (Grasset, 2009)

  • J’ai trois avis de livres passionnants à faire mais je ne résiste pas à partager deux extraits d’une nouvelle de Thomas Mann que je suis en train de lire.

    Un extrait sur le fait d’avoir trop de livres.

    Il aimait à lire, poursuivant passionnément à travers les mots et les idées je ne sais quel instrument de délivrance. Mais jamais il ne s’était abandonné et perdu dans un livre, comme en un petit univers dans lequel on s’enferme et s’enfouit pour en aspirer l’âme jusqu’à la dernière syllabe. Les livres et les revues pleuvaient autour de lui, et chaque fois qu’il en ouvrait un la foule de ceux qui restaient à lire le sollicitait. Alors, il les faisait relier en maroquin écrasé, marqués d’une belle initiale. Somptueux et suffisants, ils remplissaient sa bibliothèque et alourdissaient sa vie d’un poids dont il ne parvenait pas à se libérer. (p. 38)

    Un extrait sur le vide de certaines journées.

    […] parfois, il s’inquiétait vaguement et s’interrogeait sur ce qui véritablement importe. Alors il comprenait combien l’absence de tout but extérieur paralysait son être et le détachait de la vie… L’emploi du temps de la maison semblait avoir été ordonné avec le seul souci de mettre chaque jour en fuite le plus rapidement possible, en rendant insensible le passage des heures vides. Constamment s’annonçait le prochain repas. Pourtant, comme on dînait à 7 heures, les soirées traînaient un peu, mais les jours s’évanouissaient sans laisser de traces, ramenant promptement le retour des saisons. (p39-40)

    Est-ce que vous avez lu déjà Thomas Mann ? Je trouve que sa langue est extraordinaire. Il dit à la fois l’époque, le temps, un mode de vie en seulement quelques phrases. Pourquoi dit-on que ses « gros livres » sont très très … trop longs ?

    Références

    Sans réservé suivi de Désordre de Thomas MANN – introduit par Jacques Brenner – traduit de l’allemand par ??? (Livre de poche, 2005)

  • PetrogradTylerCrookPhilipGelattPetrograd est à mon avis un excellent roman graphique mêlant espionnage et Histoire de la Russie juste avant la Révolution, en 1916, au moment où la grogne commence à se faire entendre. Le palais n’est pas sous le contrôle du Tsar mais sous celui de la Tsarine et de son conseiller, Grigori Rapoutine, surnommé le moine fou.

    Le Staretz fascine car tout le monde pense qu’il a quelque chose de non humain : son allure mais aussi sa capacité à résister aux tentatives de meurtres, tout le dit. Il inquiète aussi car en l’absence du Tsar qui est au front, tout le monde pense que Rapoutine, fervent partisan de la paix, influence la Tsarine, d’origine allemande, pour signer une paix séparée avec les Allemands. Plus que les Russes, ce sont les puissances étrangères qui sont inquiètes. Une paix séparée impliquerait le report des soldats allemands sur le front ouest.

    Dans ce contexte, on suit Cleary (personnage fictif), espion britannique, d’origine irlandaise, en poste à la mission britannique de Petrograd après avoir combattu au front. Il fréquente à la fois les milieux ouvriers et révolutionnaires (sa petite amie est ainsi une révolutionnaire convaincue) et les milieux aristocratiques. Il est « ami » avec Felix Youssoupov et son (petit) ami Dimitri Pavlovitch. Cleary est chargé par son chef d’encourager les deux hommes à tuer Raspoutine. Il se retrouvera malgré lui au cœur du complot qu’il trouve pourtant mal préparé. Bien sûr, une fois démasqué, il ne sera pas soutenu par sa hiérarchie.

    Cette bande dessinée permet de découvrir les acteurs et le contexte de l’assassinat de Raspoutine, même si l’intervention de la Grande-Bretagne est du domaine du fictif. On est emporté par cette histoire palpitante sans aucun problème. L’ouvrage en lui-même est magnifique (c’est ce qui m’a fait le regarder à la FNAC). Les couleurs sont rouge-marron. Les dessins sont plutôt bons. J’ai reconnu les différents personnages même si j’ai trouvé les traits des visages trop carrés. Les décors ne m’ont pas particulièrement marqué par contre. À la fin de l’ouvrage sont présentées les recherches effectuées par les auteurs pour assurer la vraisemblance de leur ouvrage.

    En conclusion, je vous conseille vivement cette lecture !

    Références

    Petrograd de Philip GELATT (scénario) et de Tyler CROOK (illustrations) – traduction de Hélène Dauniol-Remaud (Urban Comics / collection Urban Indies, 2013)

  • NouvelleDeLaDOuleurHelmutKrausserJ’annonce la couleur dès le départ : je n’ai pas compris l’intérêt de ce roman. J’avais pris ce livre à la bibliothèque car je pensais que ce serait une lecture sulfureuse (en tout cas, c’était promis sur la quatrième de couverture). En fait, rien du tout.

    L’histoire : un psychiatre spécialisé dans les problèmes sexuels arrivent dans une « luxueuse station thermale autrichienne » pour voir son ancien directeur de thèse. Celui-ci est marié avec une femme de trente ans plus jeune que lui, qui trouvait l’ancien doctorant de son mari très à son goût. Il y avait d’ailleurs eu séduction de part et d’autre sans pour autant que cela aille très loin. La dame ne veut pas que cela reprenne (tout en le voulant un peu quand même) et se méfie donc du nouvel arrivant.

    C’est dans compter sur le fait que le psychiatre va, dès son arrivée, être mis sur la piste d’un cas intéressant : un couple hors du commun, le couple Palm. Lui est un « artiste » et elle est … femme docile d’un artiste. Sa curiosité est piquée. Avant même d’en apprendre plus, il se rend chez le couple et ne rencontre que la femme. Il ne verra jamais le mari et pour cause [ATTENTION JE SPOILE] le mari est mort et est depuis rentré dans le corps de la femme. En gros, elle a une deuxième personnalité : celle de son mari [FIN de JE SPOILE].

    IL n’y a pas de sexe, de pornographie, d’érotisme ou quoi que ce soit sauf en de rares passages qui sont plutôt l’expression des fantasmes du psychiatre (ou de l’auteur mais je ne l’espère pas). Franchement cela fait pitié tellement c’est mal amené. En général cela arrive à la fin d’un chapitre et je me suis demandée souvent si c’était censé représenter une apothéose. Le côté malsain est assuré par le psychiatre et par le directeur de thèse et ses riches amis qui se servent « des Palm » comme d’un objet qui incarne leur part sombre ; elle, elle m’a semblé plus victime qu’autre chose.

    Je n’ai pas non plus aimé l’écriture car elle n’arrive pas à faire vivre les personnages, surtout leurs pensées. C’est important tout de même pour un livre dont le ressort est plutôt psychologique. Elle m’a semblé haché comme l’action.

    Le sentiment général que je retire de ma lecture, c’est le côté faux : l’histoire semble fausse dès le départ, manigancé par une bande pervers, les personnages m’ont semblé faux, l’écriture pareil. En gros, j’ai été déçue de mon choix. J’ai hésité avec Un avant-goût de printemps de Axel Capus que je voulais prendre aussi. J’ai apparemment pris le mauvais pour moi (je ne sais pas si le Axel Capus me plaira d’un autre côté).

    Références

    Nouvelle de la douleur de Helmut KRAUSSER – traduit de l’allemand par Pierre Deshusses (Belfond, 2003)