Cecile's Blog

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    Résumé de l'éditeur

    "1911. Un port de pêche au bord de l'Océan. Il fait très beau quand arrive l'ingénieur chargé de diriger la construction d'un phare en mer. L'inexpérimenté jeune homme est enthousiaste, enorgueilli de son savoir et de son statut. Il ne doute pas que l'édification de son premier ouvrage ira bon train. Mais il se heurte à l'indifférence farouche des autochtones, et subit les éléments dont il ignore tout des rythmes et de la puissance dévastatrice. Les travaux s'éternisent. Sa détermination se délite au gré de mauvaises saisons d'ennui et de solitude, alors qu'au large, les coups de boutoir de la mer et du vent sapent l'ébauche du phare …"

    Mon avis

    J'avais envie de phare, de mer, de mouettes, de bretons, de vacances quoi … Cet excellent roman graphique m'a permis de m'évader pendant une petite heure. Et en plus il y a une suite, le cauchemard de toute lectrice compulsive !!!! Un petit bémol cependant : j'avais l'impression d'avoir déjà entendu une histoire semblable : la construction difficile d'un phare. Cela s'explique parce que cela doit être comme ça pour tous les phares (je pense).

    Les personnages sont attachants, les dessins magnifiques … Il faut lire ce roman graphique si vous avez envie de Bretagne.

    Références

    Trois éclats blancs de Bruno Le Floc'h (collection Mirages – Delcourt, 2004)

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    Là aussi, on peut résumer en une phrase : "Vous voulez perdre vos illusions sur le métier de libraire, lisez ce livre". Cette petite BD est issue d'un blog, celui de Leslie Plée. Elle est engagée en tant que librairie dans une grande surface culturelle (des vendeurs en gilet bleu) qui vend aussi des produits pour les loisirs créatifs en CDI, pour 35 heures ! Elle est tout à son bonheur et à la joie du premier boulot. Mais au fur et à mesure elle découvre l'envers du décor. Les premiers mois où le magasin n'est pas ouvert, elle étiquette, trie, porte des piles de livres (elle se fait des muscles en bétons), découvre les collègues pas forcément sympas. Quand le magasin ouvre, elle se croit sauver. Mais non ! En plus des managers qui vendent les livres comme ils vendraient de la bière, il y a les clients qui demandent des livres bizarres, qui ne comprennent pas que leur commande n'est pas arrivée, que le livre qu'il demande n'est plus forcément disponible … Elle apprend alors à mentir aux clients.

    Pour la petite histoire, j'ai commandé une fois un livre dans cette grande surface culturelle. C'était Ker violette de Karine Fougeray. La vendeuse me dit je l'ai lu, il est vraiment très bien. Je vais voir si il en reste sur les tables. Elle me dit non, regarde dans son ordinateur et dit : j'en ai recomandé, ils arrivent mardi. Comme je ne pouvais pas revenir le mardi, je reviens le week-end d'après. La même personne me dit qu'il n'ai pas encore arrivé et que ce sera sûrement la semaine prochaine. La même chose se passe la semaine d'après sauf que cette fois-ci je le fais par téléphone. Au bout de deux autres coups de téléphone (quatre semaine après la commande), on me rappelle en me disant qu'ils ne peuvent pas avoir ce livre car ils n'ont jamais travaillé avec cette maison d'édition. Je me suis dit qu'ils m'avaient un peu pris pour une bille. Pour continuer dans la petite histoire, c'est la première fois que je suis descendue à la librairie près de chez moi. J'ai demandé si je pouvais le commander. Le libraire m'a dit qu'il allait essayer mais que c'était un éditeur indépendant et que peut être je devrai payer les frais de ports mais que ce n'était pas sûr. La semaine d'après, je l'avais sans frais de ports. Je ne vais plus dans cette grande surface culturelle, et préfère mon petit librairie qui n'a peut être pas tout mais est très gentil, serviable (il a réussi à avoir Nord et Sud d'Elizabeth Gaskell : il est trop fort !!!) et de bons conseils. En plus, il n'a pas l'air de me mentir pour me faire plaisir. 

    Cette petite BD est donc fort sympathique : c'est surtout les textes qui sont biens : drôles, ironiques … Les dessins, assez simples, n'aident pas vraiment à en faire un meilleur livre. C'est à conseiller à tous les LCA (qui leur parlera surtout à eux à mon avis).

    D'autres avis

    Celui de Clarabel, d'Hélène, d'Emeraude, …

    Références

    Moi vivant, vous n'aurez jamais de pauses ou comment j'ai cru devenir libraire de Leslie Plée (Jean-Claude Gawsewitch Éditeur, 2009)

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    Le résumé de ce court essai d'une quarantaine de pages peut se résumer en un sous-titre : "ou comment je ne pourrais jamais être un écrivain réaliste". Face à un résumé aussi court, il faut mettre quelques extraits pour mieux se rendre compte. En parlant des écrivains réalistes,

    "Le cas de ces romanciers est très étrange. Ils ont été des enfants et des jeunes gens ; ils se sont attardés sous la fenêtre de leur bien-aimée qui était probablement en train d'écrire à un autre ; ils se sont retrouvés assis devant une feuille de papier avec le sentiment d'être emplis de poésie mais incapables d'écrire une ligne ; ils ont marché seuls dans les bois, ils ont marché dans des villes aux innombrables lumières, ils ont connu la haine, ils ont connu la peur, ils ont eu envie de poignarder un homme, et l'ont peut-être fait ; le goût âcre de la vie leur a piqué la gorge. Et quand bien même vous leur refuseriez tout le reste, il y a au moins un plaisir qu'ils ont connu dans toute sa plénitude – leurs livres sont là pour en attester – le plaisir intense de la création littéraire. Par conséquent, ils inondent la terre de livres dont l'intelligence m'inspire une admiration teintée de désespoir. S'y mêle la colère de les voir donner constamment une vision erronée de ce que je me plais à appeler l'existence. Si je n'avais rien de mieux à espérer que de continuer à patauger dans ces petites histoires minables, assomantes, dans lesquelles ils plongent leurs héros, et à m'émouvoir des attentes et des peurs dérisoires qui les habitent, j'affirme que je mourrais sur le champ." (p. 31-32)

    "Ces écrivains me rétorqueraient (si je ne trahis pas leur pensée) que tout cela est très vrai ; qu'il en est de même pour eux et les autres personnes douées (comme ils disent) d'un tempérament artistique ; qu'en cela nous sommes exceptionnels et devrions apparemment avoir honte ; mais que nos oeuvres doivent traiter exclusivement de (ce qu'ils appellent) l'homme ordinaire, qui est quelqu'un de prodigieusement ennuyeux, accessible uniquement aux considérations les plus futiles. Soit. Nous ne connaissons les autres qu'à travers nous-mêmes. Avoir un tempérament artistique (maudite soit cette expression) ne nous rend pas différent des autres, sans quoi nous serions incapables d'écrire des romans ; l'homme ordinaire (la peste soit ce mot) est absolument comme vous et moi, sinon ce ne serait pas un homme ordinaire." (p. 32-33)

    "Dans un tel cas, la poésie vit sous les apparences. L'observateur (pauvre homme, avec ses documents !) est dans un autre monde. S'il se contente de regarder l'homme, il ne peut que s'attendre à être trompé. Il verra le tronc d'où il tire sa nourriture, mais l'homme lui-même est au-dessus, et bien loin, dans le dôme vert du feuillage, bercé par les vents et partagent le nid du rossignol. Le véritable réalisme serait celui du poète qui grimperait jusqu'à lui comme un écureuil, pour apercevoir le royaume céleste dans lequel il vit. Le véritable réalisme, toujours et partout, est celui des poètes qui savent où la joie prend sa source et lui prêtent une voix bien au-delà du chant." (p. 38-39)

    N'est-il pas beau ce dernier extrait ! J'ai beaucoup aimé cette idée que la poésie est en tout homme et qu'un écrivain peut ne pas savoir regarder assez profondément pour la voir. En tout cas, une chose est sûre : c'est un petit livre surprenant. Je pense compléter cette lecture par un autre ouvrage de Stevenson sur le même thème paru lui chez Payot : Essais sur l'art de la fiction.

    P.S.  Il y a des références que je n'ai pas compris : qui sont les gamins
    d'Harrow ? qui est Dancer ? Quelqu'un pourrait-il m'aider ?

    Références

    Les porteurs de lanternes de Robert Louis STEVENSON – traduction de Marie Picard (Édition Sillage, 2009)

     

  • Quatrième de couverture (enfin, un extrait …)

    "Après la mort de son frère jumeau, Jack lit le journal intime que Sam a rédigé durant leur enfance. Il découvre avec désarroi les sentiments qu'éprouvait Samuel à son égard, l'envie et l'admiration qui l'ont animé et torturé jusqu'à sa mystérieuse disparition. Ces carnets révèlent aussi la personnalité ambiguë de l'abbé Anselm qui a fait de Samuel son disciple alors que celui-ci est déchiré entre la foi et le désir charnel qu'il éprouve pour une femme. Construit comme un roman à suspense, La chute de Samuel explore les conflits éternels entre l'âme et le corps, la pensée et l'action, l'amour et la mort."

    Mon avis

    C'est l'histoire de deux frères jumeaux Jack et Samuel. Jack est celui qui a tout : les amis, l'amour des parents, les filles, l'admiration des professeurs, des nourrices … Samuel c'est celui qui envie le frère. À l'adolescence, ils sont envoyés dans une école catholique où ils ont comme professeur Killian, un jeune novice qui n'a pas l'air très sûr de sa vocation mais qui est un bon professeur. Il est guidé par l'abbé Anselm ; ensemble, ils cherchent un "langage parfait". Mais suite à des révélations, Killian va devoir partir de l'abbaye. Jack va aussi vouloir rentrer dans les ordres grâce (ou à cause de) l'abbé Anselm. Là aussi, Jack va devoir partir car on l'a surprit en train de coucher avec une fille. C'est alors Samuel qui va devenir le disciple de l'abbé Anselm pour la recherche du langage parfait. Il va alors lui demander d'écrire un journal (celui que Jack lit après la mort de Samuel) où il dit toute la part d'ombre de sa vie, de son enfance à maintenant. On va alors apprendre qu'il n'est peut être pas pour rien dans les départs de Killian et Jack, dans la mort d'une des nourrices, et même qu'il était fou de désir pour Raphaëlle, la copine de son frère (on se demande si ce n'était pas un peu réciproque). C'est ce déchirement entre son désir et sa vocation qui vont l'entraîner très loin jusqu'à la mort …

    J'étais déçue parce que j'attendais beaucoup de ce livre. Je l'avais enfin trouver au Salon du Livre après trois ans dans ma liste à lire. Je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages : ils n'étaient pas assez fouillés à mon goût. J'aurais aimé en savoir plus sur Jack, sur Raphaëlle et même sur l'abbé Anselm, sur les parents des jumeaux. À cause de la forme en journal, choisi par l'auteur, je n'ai pas pu. Je n'ai pas non plus réussi à m'attacher à la recherche du langage parfait, ni à l'histoire de Saint-Gall et de Saint-Colomban. C'est quand même un roman qui se lit bien, grâce au style de l'auteur (et à la traduction). Je laisse une chance car c'est un premier roman. Je lirais donc la suite, À la recherche de Raphaëlle, quand je la trouverais. 

    Un autre avis

    Celui d'Yvon.

    Une citation

    "Ne reste jamais avec qui te ressemble. Ne reste jamais nulle part. Lorsque ce qui t'entoure commence à te ressembler ou que toi tu commences à ressembler à ce qui t'entoure, ce qui t'entoure à cesser de te profiter. Tu dois partir. Ne prends de chaque chose que ce qu'elle t'apprend et laisse le plaisir qui s'en écoule l'assécher. La plus belle chose que tu connaîtras sur terre est ta faim, ton désir. La vie nomade est la vie du berger." (p. 132)

    Références

    La chute de Samuel de Richard KEARNEY – traduit de l'anglais (Irlande) par Manuela Dumay (Éditions Joëlle Losfeld, 1997)

     

  • J’ai voulu lire ce livre parce que Tanguy Viel le citait comme lecture fondamentale dans le numéro de janvier du Matricule des Anges, sans plus en dire. Je l’avais noté et quand je suis allée au salon du livre, je l’ai trouvé ! Sans rien savoir de plus sur cette lecture, me voilà ouvrir ce tout petit livre de soixante pages. Il s’agit en réalité d’une pièce de théâtre. Le texte en a été écrit en 1977, puis créé au festival d’Avignon (off) en juillet 1977.

    Plutôt qu’une pièce de théâtre, c’est une longue phrase. Il n’y a pas un seul point (sauf à la fin bien sûr). C’est l’histoire d’un homme, au chômage, sans doute à la rue, qui vient de se faire agresser dans le métro : on l’a passé à tabac, pris son argent … Personne n’a rien fait parce que les agresseurs ont dit qu’il était gay. Il erre dans la ville un vendredi soir à la recherche d’une chambre ou de quelqu’un avec qui passé la nuit. Il voit quelqu’un qui tourne dans une rue. Il le suit, le prend par le bras et lui parle. Il lui parle de tout et de rien, de ses états d’âme, de sa vie, de sa vision du monde, de tout. Il parle sans discontinuer parce qu’il a peur de se retrouver seul. C’est le texte de la solitude entouré de monde et c’est cela que l’auteur arrive à faire passer dans ce texte : un sentiment de vide au milieu de l’agitation de la vie. D’après la biographie de l’auteur, il a mis beaucoup de lui dans ce texte.

    À lire (et sans doute à voir jouer au théâtre) !

    Vous pouvez lire sur le site des éditions de minuit les premières pages de ce sublime texte.

    Références

    La nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie KOLTÈS (Editions de minuit, 1988)

  • Comme promis hier, je vais vous parler d'une deuxième nouvelle des Diaboliques : Le bonheur dans le crime (en réalité, c'est la troisième du recueil). C'est le seul Barbey d'Aurevilly qui restait à la librairie. Je l'ai donc pris dans la collection À s'offrir en partage, la nouvelle collection de André Versailles éditeur. Ce sont des textes courts à cinq euros le volume que l'on peut offrir aux autres pour faire découvrir des auteurs que l'on aime. Vous allez me dire il y a déjà les folio à deux euros, les librio … mais ici la mise en page est bicolore, un célèbre auteur présente l'oeuvre (ici ce n'est pas très intéressant : je n'ai pas du tout compris de quoi ça parlait) et une postface présentant l'auteur. Il y a déjà des titres de Chateaubriand, de Paul Claudel, d'Alexandre Dumas, d'Antoine Galland, de Rudyard Kipling, de Maupassant, de Mirbeau, de Gérard de Nerval, de Maria Rainer Rilke, du Marquis de Sade et d'Alexis de Tocqueville.

    J'ai aussi vu sur le site de l'éditeur que j'arrivais une semaine trop tard. Visiblement, l'adaptation télévisuelle est passée sur France 2 la semaine dernière. Si vous avez regardé, pouvez-vous me dire si c'est bien ? Et-ce que ça vaut le coup que j'attende le DVD ?

    Passons maintenant au texte lui même. 

    Résumé

    Une jeune femme du nom de Hauteclaire Stassin (du nom d'une épée d'après le livre) est devenue professeur d'escrime à la suite de son père. Elle donne des cours aux jeunes nobles de la ville de V… Elle tombe amoureuse de Serlon de Savigny et visiblement c'est réciproque (en tout cas, c'est ce que le narrateur, médecin de la ville de V… suppose). Le problème c'est que Serlon doit se marier avec Delphine de Cantor ; le mariage se feraquand même ! Et à première vue c'est un mariage heureux. Un jour Hauteclaire disparaît de la ville sans explication ; tout le monde s'inquiète. 

    Le médecin de la ville est alors appelé au chevet de Madame de Savigny. Qu'elle n'est pas sa surprise en découvrante qu'Eulalie, la femme de chambre de la dame, et Hauteclaire ne font qu'une seule et même personne ! Il ne dit rien pour autant ; à ce moment, il n'est pas vraiment sûr que Savigny et Hauteclaire sont ensembles. Au fur et à mesure que les jours avance, il enquête et découvre que oui, ils sont ensemble. Il est de nouveau appelée au chevet de Madame de Savigny un jour : elle vient d'être empoisonné par Eulalie !

    Vingt-cinq ans plus tard, Savigny et Hauteclaire vivent heureux, dans leur bulle et dans un bonheur parfait malgré leur crime. Ce qui fait dire au narrateur que

    "le bonheur n'a pas d'histoire. Il n'a pas plus de description. On ne peint pas plus le bonheur, cette infusion d'une vie supérieure dans la vie, qu'on ne saurait peindre la circulation du sang dans les veines. On s'atteste, aux battements des artères, qu'il y circule, et c'est ainsi que je m'atteste le bonheur de ces deux êtres que vous venez de voir". (p. 86) 

    Mon avis

    Barbey d'Aurevilly nous montre encore dans cette nouvelle une femme implacable, qui fait tout pour aboutir à l'objectif qu'elle s'est fixée : une diabolique. C'est un très beau portrait de femme (même si ce qu'elle fait peut paraître effrayant). Il y a aussi une bon tableau de la bonne société normande de l'époque (visiblement le V… veut dire Valognes) très connue de l'auteur par son enfance. Il y retourne régulièrement dans sa vie d'adulte. Comme dans La Vengeance d'une femme, il y a quelques références (non expliquées dans cette édition) mais cela ne freine pas la lecture. 

    Cette lecture ne fait que confirmer mon envie de découvrir d'autres textes de Barbey d'Aurevilly (cette fois dans des éditions avec des commentaires). Je vais normalement à Paris jeudi, cela devrait pouvoir se faire.

    Références

    Le bonheur dans le crime de Jules BARBEY d'AUREVILLY – proposé par Denis Tillinac (collection "À s'offrir en partage" – André Versaille éditeur, 2009)

  • Je me découvre être une fille pleine de préjugés non fondés. Je m'explique : je pensais que Barbey d'Aurevilly écrivait des récits un peu osés. Pour moi, il n'était donc pas nécessaire de le lire. Or, ce mois-ci j'ai acheté à la maison de la presse pour la première fois le magazine dBD. Petite digression : dans ma ville, il y a un magasin qui vend exclusivement des BD et des mangas. Les BD sont classées par genre (mieux que dans les grandes surfaces culturelles où si vous ne connaissez pas l'auteur, l'éditeur mieux vaut ne pas y aller), le libraire est très sympa et conseille très bien. Je voulais donc voir ce qui sortait ce mois-ci pour pouvoir lui demander ce que je voudrais. J'ai donc vu l'interview d'un jeune auteur, Lilao (né en 1978), professeur de dessin dans les Yvelines, à l'occasion de la sortie de sa première bande dessinnée : l'adaptation de la dernière nouvelle des Diaboliques, La vengeance d'une femme.

    Deux choses m'ont persuadé que cette BD en valait la peine : c'est une des planches qui montre Paris (le seul mot qui peut la désigner c'est splendide) et que c'est un auteur qui a été repéré par Emmanuel Proust l'année dernière à l'occasion du salon du livre. Me voilà donc parti au marchand de BD pour rentrer en possession de ce précieux volume. Quand le vendeur m'a vu le prendre, il a dit : "vous avez raison, il est vraiment bien". J'étais donc encore plus persuadée.

     
    De quoi ça parle me direz-vous. Un soir, un jeune dandy, Robert de Tressignies, voit une prostituée qu'il croit reconnaître. En tout cas, il voit au-delà de la robe jaune, une beauté hors du commun (en tout cas que peu de filles des rues ont). Il l'a suit donc dans sa chambre. Ils font l'amour. Elle montre une vigueur sans pareil, en tout cas peu commune au fille dont c'est le métier. Tressignies s'aperçoit que l'attention de la fille est fixé non sur lui mais ur un bracelet où il y a le portrait d'un homme. Il demande des explications : elle lui livre alors son histoire. Cette prostituée n'est autre que la duchesse d'Arcos de Sierra-Leone, dernière descendante de la branche italienne des Turre-Cremata (d'après la nouvelle, elle serait parente avec l'Inquisiteur Turquemada : je ne sais si c'est vrai). Elle est la femme d'un homme très respecté en Espagne. Un jour, Don Esteban, marquis de Vasconcellos, cousin du Duc, vint à Sierre-Leone. Tout de suite leur amour a eu "la simultanéité de deux coups de pistolet tirés en même temps, et qui tuent …" Elle dit à son mari d'éloigner Don Esteban de peur de ses sentiments. Celui ci répond qu'"il n'oserait" l'attaquer. Après quelques temps d'un amour chaste entre la duchesse et Vasconcellos, le mari s'aperçoit enfin de quelque chose. Il fait alors étrangler son cousin, lui fait enlever le coeur et manger par des chiens. La duchesse aurait aimé que son mari, pour se venger, lui dévorer le coeur de son amant. Elle décide alors à son tour de se venger. Pour cela elle décide de se faire protituée. Sa vengeance sera d'autant plus triste qu'elle sera ratée …

    Comme je l'ai dis le travail de Lilao est remarquable : d'abord pour les dessins des personnages (et surtout les expressions des visages et des yeux), les dessins des quelques vues de Paris, pour son travail d'adaptation du texte littéraire. On trouve d'ailleurs quelques explications dans l'entretien avec dBD :

    "J'ai relu la nouvelle plusieurs fois en soulignant les passages et les mots-clés. Il faut savoir que les textes écrits par Jules Barbey d'Aurevilly sont extrêmement denses et truffés de références culturelles de l'époque. J'ai gardé l'essentiel et sélectionné ce qui pouvait passer par l'image. Par contre, aimant son phrasé, je n'aipas touché aux textes originaux. J'ai bien entendu fait des coupes ou supprimé des citations inutiles mais je n'ai pas inventé des phrases qui n'existaient pas."

    Un tel soucis ne peut qu'honorer son auteur ! Emmanuel Proust, non content de nous proposer cette bande dessinnée propose à la suite du volume le texte original de Barbey d'Aurevilly. Ce fut une découverte. Quelle écriture, quel talent pour la description des sentiments ! Par contre, c'est vrai qu'il y a beaucoup de citations de l'époque de l'auteur que je n'ai pas comprises. On n'a qu'une envie c'est de découvrir d'autres textes de Barbey d'Aurevilly. À la librairie, il n'y en avait qu'un seul c'était Le bonheur dans le crime (autre nouvelle des Diaboliques) ; je vous en parlerai bientôt …

    Un billet de Frédéric Ferney sur la nouvelle.

    Références

    La Vengeance d'une femme de Jules Barbey d'Aurevilly et Lilao (Emmanuel Proust Éditions – collection Atmosphères, 2009)

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    Résumé de l'éditeur (pour le premier tome)

    "An 1310, pays cathare. Lorsqu'il est recueilli par maître Emeric, le seul lien qui rattache Guilhem à son passé est un cauchemar récurrent. Un matin, il remplace son protecteur indisposé auprès d'un enfant mourant et se découvre un miraculeux don de guérisseur. La rumeur du prodige s'étend si bien qu'elle permet à son frère Arnaut de le retrouver. Celui-ci le persuade l'accompagner afin de sauver Nita, pour l'amour de laquelle ils s'étaient jadis querellés. 


    Trahi, maître Emeric est arrêté par l'Inquisition. Porteur d'un mandat épiscopal, un jeune homme demande à le voir. Une fois près de lui, il dévoile son véritable but : retrouver son frère Guilhem, car il prétend être, lui aussi, Arnaut Roché. Informé qu'un autre homme a usurpé son identité, Arnaut poursuit alors sa quête, bientôt rejoint par un mystérieux cavalier masqué.


    Lorsque Guilhem retrouve Nita, une partie de la mémoire lui revient. Il sait à présent que l'homme qu'il a suivi n'est pas son frère mais un conciliateur chargé de traquer les hérétiques. Pris au piège,  il sauve pourtant la jeune femme. Alors que les conciliateurs cherchent à le faire abjurer, il parvient à fuir le monastère avec Nita, aidé par Arnaut et le cavalier noir qui viennentde les y rejoindre …"

    En fait, Arnaut cherche Azalaïs, l'introuvable parfait. Personne ne l'a jamais vu à part ceux qui ont subit l'initiation et d'après ce qui est dit, on peut soupçonner que Guilhem doit son pouvoir de guérisseur à cette fameuse initiation.


    Résumé du deuxième tome

    Les fugitifs se retrouvent au château de Sicard de Nelli. Le cavalier masqué
    vient retrouver, dans ce château, ses amis les "dépourvus" aussi nommés
    les "sans noms". Il ne les voit pas, interroge Sicard de Nelli.
    Celui-ci lui explique qu'ils ne sont pas encore arrivés. Le cavalier s'interroge aussi de ne pas voir la femme de Sicard. Rapidement, on s'aperçoit que Sicard de Nelli est très perturbé. Guilhem avec son pouvoir de guérisseur arrive à l'apaiser. Sicard de Nelli avoue alors qu'il a fait brûler vif Jean Isarn, un "parfait", qu'il a cloitré sa femme car il n'ose plus la regarder dans les yeux et enfermé les "sans noms". Ils les libèrent et ceux-ci le jugent : il doit remplacer le parfait qu'il a éliminé. Entre temps, Nita et Guilhem se sont déclarés leur amour. Ils doivent s'enfuir tous les deux pour éviter la jalousie d'Arnaut. Il reste que Guilhem doit retrouver la mémoire entre sa querelle avec son frère et son arrivée chez maître Emeric …

    Mon avis

    C'est une bonne série. L'histoire est intéressante et mouvementée. Les dessins sont beaux. Malheureusement, je m'attendais à trouver plus d'informations sur les cathares. Ce ne fut pas le cas. Comme dirait Historia, historiquement, ce n'est pas passionnant.

    Références

    Je suis cathare

    Tome 1 : Le parfait introuvable

    Tome 2 : Impardonable pardonné

    de MAKYO (scénario), Alessandro CALORE (dessin), Claudia CHEC (couleur) (Delcourt, 2008)

  • Je vous préviens tout de suite le billet va être un peu long. Si vous êtes pressés, passez directement au résumé. C'est un billet dont vous êtes le héros 🙂

    Contexte historique du Château périlleux

    Le 19 mars 1286, Alexandre III meurt en ne laissant comme héritière que son unique petite fille Marguerite, âgée de deux ans. Le problème cést que celle-ci habite la Norvège et n'est pas en âge de se marier pour donner un roi à l'Écosse. Les États réunis à Scone la proclament reine maismettent aussi en place une gouvernance assurée par six "gardiens" : deux évêques, deux comtes, deux barons. Cependan, tous les nobles écossais considéraient que la succession était ouverte (visiblement, il pariait sur la mort de Marguerite). Deux prétendants : Robert Bruce et Jean Balliol. Chacun doit choisir : le pays tourne à l'anarchie. Au printemps 1287, les six "gardiens" envoyèrent un appel à l'aide au voisin d'à côté : Édouard Ier d'Angleterre, grand oncle de Marguerite. À ce moment là, celle-ci ne se trouve toujours pas Écosse. En avril 1290. Édouard Ier convoque à Salisbury une conférence. "Le roi de Norvège accepta d'envoyer Marguerite en Écosse avant la Toussaint, à condition qu'on lui promit que le pays serait en paix pour l'accueillir et qu'elle serait reconnue reine sans contestation." Édouard Ier promit de marier la petite Marguerite avec son héritier. Les Écossais voient cela d'un mauvais oeil : ils ne veulent pas sefaire absorber par la puissante voisine. On cherche à les rassurer par ue jolie formule : l'Écosse demeurera séparée et libre "sauf le droit [du roi d'Angleterre]". Dès lors, Édouard Ier laissa libre cours à son ambition : il nomma l'évêque de Durham comme "gouverneur de l'Écosse" et confisqua tous les châteaux du Sud de l'Écosse.

    Peu de temps après avoir débarqué en Écosse, la jeune Marguerite âgée de six ans meurt.

    Édouard Ier, de nouveau mandé par l'un des gardiens du royaume pour ramener le calme après cette triste nouvelle, veut placer un roi vassal en Écosse. Il considérait l'Angleterre comme la suzeraine de l'Écosse. Une fois reconnue ce fait, les treize "compétiteurs" au trône d'Écosse reconnurent à Edouard Ier le rôle d'arbitre. Après un premier arbitrage il ne reste que trois candidats : Robert Bruce, Jean Balliol et un anglais John Hastings. En 1292, une commission permit de décider que Jean Balliol serait roi d'Écosse.

    Édouard Ier fait subir à Jean Balliol toute une série d'humiliations qui renforce le sentiment antianglais de la population. Édouard Ier, lui-même vassal du roi de France Philippe le Bel, est en conflit ave son suzerain à propos du royaume de Guyenne s'étendant de la Saintonge aux Pyrénées (appartenant à l'Angleterre depuis Henri III). La France et l'Angleterre cherche des alliés. L'Écosse fait partie de ceux de la France ; Jean Balliol revient sur le serment par lequel il reconnaissait le roi d'Angleterre comme son suzerain. D'avril à juillet 1296, l'Angleterre et l'Écosse sont en guerre ; la France ne peut malheureusement pas aider son allié. L'Angleterre "gagne", confisque les châteaux, en donne certains à des Écossais ralliés dont Robert Bruce fils du "compétiteur" de 1292. Jean Balliol s'exile.

    Une guerre "civile autant qu'étrangère" s'en suivit. Elle durera soixante et un ans (1296-1357). Comme dans toute guerre (de cette époque) il y a les guerriers légendaires et héroïques. Pour celle-ci ce fut William Wallace (celui de Braveheart) rendu célèbre par le meurtre du sheriff de Lanark à cause d'une rivalité amoureuse. Hors la loi William Wallace se cache dans les forêts, organise un mouvement de résistance, rallie des hommes dont Robert Bruce le petit fils du compétiteur. En 1297-1298, ils accumulent les gloires jusqu'à la bataille de Falkirk où c'est la débacle. William Wallace s'enfuit en France et abandonne son titre de gardien du royaume.

    L'unité du mouvement de résistance réalisée autour de sa personne commença à s'effriter. Les vieilles querelles entre les Bruce et les Balliol reprirent. En 1303-1304, l'Angleterre dégagée de sa guerre avec la France se consacra à l'Écosse et accumula les succès militaires. L'apogée fut l'arrestation à Glasgow de William Wallace entre temps revenu de France. Il fut torturé et exécuté à Londres le 23 août 1305. Édouard Ier avait gagné. "Tous les comtes, barrons et évêques d'Écosse lui avaien fait leur soumission ou s'étaient exilés sur le continent."

    Le roi d'Angleterre instaura un gouvernement semi-autonome en Écosse. Les châteaux royaux furent occupés par des garnisons anglaises. On se doute que cette pseudo-paix ne peut durer. Robert Bruce qui au fond de lui n'a jamais douté de ses droits au trône d'Écosse rompt en 1306 avec sa ligne proanglaise et rentre en résistance. Il fut couronné à Scone roi d'Écosse le 27 mars 1306 par l'évêque de Glasgow. Autour de lui, il y avait ses fidèles dont sir James Douglas. 

    En 1306-1307, Édouard Ier, accompagné par son fils décide de se venger de cet affront par les armes. Cela tourne encore une fois à son avantage. Les terres des Bruce furent pillées et incendiées ; l'Écosse du Sud fut occupée et ravagée par les Anglais. Encore une fois ! Robert Bruce, exilé en Irlande tout l'automne et l'hiver 1306-1307, revient en Écosse où il remporte quelques succès miitaires dont la victoire de London-Hill (décisive dans le roman). 

     

     

    Résumé 

    C'est donc au début de cette année 1307 que se déroule le roman. Les Anglais occupent le château de Douglas ; ils craignent en permanence une attaque des "rebelles" écossais. Le gouverneur du château porte le nom de sir John de Walton, assisté de Aymer de Valence. Ce sont deux jeunes gens, le premier étant animé par l'amour et le deuxième par la chevalerie. Ils n'arrêtent pas de se disputer de manière très "courtoise" notamment sur le fait que Aymer de Valence a laissé entrer au château un ménestrel du nom de Bertram sans consulter John de Walton, celui -ci craignant que ce soit un espion. En plus, le ménestrel a laissé dans un couvent proche (il y a des prêtres et des bonnes soeurs dans ce couvent) son compagnon Augustin parce que soit disant il avait la peste noire. Il s'avère que cet Augustin c'est Augusta de Berkely qui a promit sa main à Sir John de Walton si il arrive à tenir le château pendant un an et un jour. Quand celle-ci se voit démasquer par Aymer, elle s'enfuit avec une des nonnes: Marguerite de Hautlieu, partisane de l'indépendance écossaise. Lady Augusta tombe dès lors dans les mains de sir James Douglas. Il va s'en servir de monnaie d'échange pour récupérer son château. Que fera John de Walton ? 

    Mon avis

    J'avoue avoir été très surprise par ce roman. En effet, il est très différent du Coeur du Mid-Lothian où il y avait plein d'histoires parallèles, de personnages secondaires. Ici il n'y a qu'une histoire, peu de personnages secondaires. C'est un roman de chevalerie pure. Il y a l'histoire d'amour très romantique entre Walton et Lady Augusta. C'est dans l'ensemble un bon roman ; on y retrouve l'humour de Walter Scott avec plaisir. Cependant, il y a quelques longueurs et le style est moins fluide que dans Le Coeur du Mid-Lothian. Je crois que cela vient du traducteur : Defauconpret c'est le 19ième siècle, Sylvère Monod le 20ième. Je pense, même si je ne suis pas traductrice, qu'un traducteur met toujours un peu de son époque. Qu'en pensez-vous ?

    P.S. Je précise que c'est le dernier roman de Walter Scott.

    Références

    • Le Château périlleux de Sir Walter SCOTT – roman traduit de l'anglais par Defauconpret (Éditions de l'Aube, 2009)
    • Histoire de l'Écosse de Michel DUCHEIN (Fayard, 1998)
  • Je ne suis pas très objective car j'adore cette période de l'histoire mais c'est vraiment une très bonne série de bandes dessinnées.

    Comme le titre l'indique, cela parle de la Reine Margot, fille de Henri II et Catherine de Médicis (si je vous montrais la tête que la dessinatrice lui a fait ça fait peur !), soeur du roi Charles IX, du futur roi Henri III, femme de Henri de Navarre, le futur Henri IV. Elle a vécu en France durant la période troublée des guerres de religions et c'est sur cette période que focalise ces trois bandes dessinnés, chacun des tomes reprenant les premiers amours de Marguerite de Valois.

    Dans le premier tome, c'est le Duc de Guise qui a les faveurs de Margot (ils ont été élevés ensemble à la cour). Ils seront séparés par Marie de Médicis qui juge les Guise, fervents catholiques, un peu trop avide de pouvoir royal.

    L'italienne, avec la complicité de Jeanne d'Albret, obligera Margot à se marier avec Henri de Navarre (calviniste) pour pacifier le royaume. Pendant les noces auront lieu les journées de la Saint Barthélémy … Au troisième tome, Margot, délaissée par Navarre trouve l'amour, le vrai en la présence du Comte de La Mole.

    Malheureusement, il sera décapité pour avoir comploté dans le but de faire évader Alençon, troisième frère de Margot (plus neutre, il devait devenir le nouveau roi) et Navarre de Vincennes où ils sont sous la surveillance du roi et de sa mère. L'histoire s'arrête là en tout cas pour la bande dessinnée : "Son aventure avec le Comte de La Mole l'avait affranchie des conventions. Margot vivrait désormais en femme libre." La liberté des femmes, au vu des dédicaces des tomes 1 et 3 est visiblement un thème cher aux auteurs.

    La mise en page assez originale, les dessins (les méchants ont un visage affreux et les gentils sont beaux comme dans les publicités) ainsi que les couleurs sont des réussites. Les émotions de chaque personnage sont très bien dépeintes sur chaque visage.

    Ce sont trois albums à recommander pour les gens qui s'intéressent à l'Histoire : on y retrouve l'ambiance sombre, pleine de complots, de guerres, d'assassinats de l'époque …

    P.S. Promis, je vous reviens avec un billet sur un "vrai" roman : Le château périlleux de Walter Scott …

    Références

    La Reine Margot

    Tome 1 : Le Duc de Guise (Chapeau Bas, 1re édition chez Theloma, 2006)

    Tome 2 : Le Roi de Navarre (Chapeau Bas, 2007)

    Tome 3 : Le Comte de La Mole (Chapeau Bas, 2008)

    de Olivier CADIC et François GHEYSENS pour le scénario, de Juliette DERENNE pour les dessins, de Camille PAGANOTTO pour les couleurs.