Cecile's Blog

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    Quatrième de couverture

    "Dans les ruines d'une ville allemande une jeune femme tente de survivre. Plus tard, on la retrouve en France, vite mariée et très vite malheureuse. Une vie de peu où le désir et l'envie s'étiolent au fil du temps. Le magnifique portrait d'une femme cabossée par la vie et à jamais seule dans un pays dont elle peine à saisir les codes sociaux."

    Mon avis

    Ce petit livre (seulement 120 pages) vaut surtout pour son écriture. Il y a dix chapitres, que l'on peut plutôt voir comme des séquences, où on retrouve cette femme allemande à différents stades de sa vie. Pour continuer la comparaison avec le cinéma, l'auteure nous place avec une caméra braquée sur la femme (à un mètre) : cela donne l'idée que nous sommes détachés de sa vie, que nous n'en sommes que de simples observateurs. "Elle secoue les salades terreuses avant d'en choisir une, hésite devant la rhubarbe trop verte à son goût. Elle n'est pas pressée de rentrer, se sent bien à flâner sur le marché pendant que la vieille s'occupe des petits" (p. 42). Cette phrase laisse entrevoir ce que tout le livre décrit : l'enfermement de cette femme qui croyait partir au paradis, échapper à l'Allemagne de l'après-guerre. Au lieu de cela, elle se retrouve tout le temps enceinte parce que son mari (qui a perdu toute sa superbe qui l'avait éblouie durant leur rencontre) ne sait pas prendre les précautions qu'il faut, elle est enfermée toute la journée et ne peut communiquer avec les autres femmes même si elle est dans une région où on parle allemand (mais pas le même qu'elle).

    Durant tout le roman, Fabienne Swiatly nous parle du bonheur enfui de cette femme allemande : "Au matin, son étonnement qu'elle puisse encore se lever, se remettre debout. Deux jambes qui avancent dans la pièce, deux bras qui lèvent les enfants, une bouche qui embrasse et parle en allemand. Et pendant que ses mains changent les langes, nettoient les fesses, lui reviennent les souvenirs de sa propre enfance. De cette époque où elle était une petite fille aimée d'un père qui ne crachait pas encore de la terre russe. Un père qui l'emmenait dans le camion de la fabrique et traversait la ville en klaxonnant. Alors elle riait, ne pensait pas à l'avenir, le présent suffisait" (p. 52-53).

    Une très jolie découverte. J'ai déjà mis deux autres romans de Fabienne Swiatly dans ma LAL : Gagner sa vie (La fosse aux ours, 2006) et Boire (Ego comme X, 2008).

    Les avis d'Anne et d'Yvette Bierry.

    Références

    Une femme allemande de Fabienne Swiatly (La Fosse aux ours, 2008)

  • Comme je vous l'ai dit plein de fois : j'ai lu trois livres d'Edith Wharton pendant les vacances et j'ai donc eu envie d'en savoir plus sur cette femme. Me voilà donc en train d'acheter deux livres qui portent le même titre Edith Wharton. Malgré cela, ils sont très différents.

     
    Le premier : celui de Diane de Margerie. Pour la situer, il faut savoir qu'elle a traduit pas mal des romans et nouvelles d'Edith Wharton en français (et a aussi écrit quelques livres). C'est la petite fille de Jeanne Rostand, soeur d'Edmond Rostand et ex-femme de Dominique Fernandez (celui qui a fait paraître il y a peu Ramon chez Grasset). Elle fait aussi partie du jury Femina. C'est Monsieur Wikipedia qui me l'a appris. On trouve ici l'essai d'un écrivain sur un autre écrivain qu'il essaie de faire vivre devant nous.

    Le but que Diane de Margerie s'est fixée : c'est de nous faire découvrir quelle part d'elle même Edith Wharton a mis dans ses oeuvres. Pour cela, elle nous parle de la vie de l'auteure : ses amitiés avec Henry James, avec Walter Berry (dont elle était amoureuse mais lui était gay), ses amours avec Morton Fullerton, son mariage raté avec Teddy Wharton. Au fur et à mesure, elle analyse les oeuvres d'Edith Wharton au vue des éléments biographiques. Elle s'intéresse tout particulièrement aux nouvelles et un peu moins aux romans. C'est un bon livre même si à mon goût elle insiste un peu beaucoup sur la pseudo vie sexuelle qu'elle imagine à Edith Wharton (j'ose espérer que ça n'explique pas toute l'oeuvre) qu'elle semble confondre avec vie affective (amour comme famille). Le point positif de ce livre, c'est que en gros je veux lire tout Edith Wharton mais en plus j'ai noté : La séquestrée de Charlotte Perkins Gilman et Anna Soror de Marguerite Yourcenar. 

     
    Le deuxième est beaucoup plus universitaire. La vie de l'auteur est expédiée en une introduction et pendant les quatre chapitres qui composent le livre, c'est l'analyse très complète mais très arride de l'oeuvre d'Edith Wharton, pratiquement exclusivement concentrée sur les grands romans. J'y ai quand même trouvé des chemins de lecture intéressants. Je relirai une fois que j'aurai lu d'autres livres d'Edith Wharton. Peut être tout cela m'apparaitra plus clair.

    Grâce à ces dames, la prochaine fois que je parle d'Edith Wharton ça sera normalement dans un billet à propos d'Été, d'Ethan Frome (merci à Dominique !) et de La lettre écarlate de Hawthorne (je l'avais dans ma PAL : ça tombe bien).  

    La seule chose qui m'a manqué dans ces livres, c'est que les deux auteures n'ont pas su faire vivre Edith Wharton devant moi. Si vous connaissez des livres qui le peuvent, n'hésitez pas !

    Références

    Edith Wharton de Diane de Margerie (Flammarion, 2000)

    Edith Wharton de Anne Ullmo-Michel (Belin – collection Voix américaines, 2001)

  • Je continue mon exploration des nouvelles d’Edgar Poe par La chute de la Maison Usher. Une histoire à ne pas lire le soir !

    Un homme arrive chez son ami d’enfance Roderick Usher qu’il n’a pas vu depuis longtemps. La batisse ressemble à une maison hantée. Un majordome l’accompagne dans la chambre du maître à travers un dédale de couloirs tous aussi glauques les uns que les autres. Ils croisent le médecin de famille qui ne le voit pas et enfin il arrive dans la pièce du maître. L’ami d’enfance a énormément changé : il a une figure cadavérique, les cheveux qui flottent autour de sa tête, des yeux de fous (et même les pensées d’un fou). Au lieu de partir directement, le voyageur s’installe pour quelques jours dans la demeure pour aider son ami qui pense qu’il va mourir (c’est sympa parce que personnellement moi je serais partie tout de suite). Le même jour il aperçoit Madeline Usher, la soeur jumelle de Roderick. Elle aussi est très malade et a déjà un pied dans la tombe mais résiste quand même (elle n’aperçoit même pas le voyageur dans le salon). Le soir de l’arrivée du narrateur, elle s’allonge dans son lit et c’est le début de la fin. Quand elle meurt, Roderick décide de la garder quinze jours dans le manoir pour éviter que les docteurs, qui n’avaient pas compris sa maladie, s’intéressent de trop près à son corps. Le narrateur et lui mettent donc en bière Madeline et vont la déposer dans une des anciennes oubliettes du manoir. Là, les phénomènes étranges commencent…

    Pour tout vous dire j’ai été un peu déçue par la « chute » de la nouvelle. Deux phrases mal placées au début du texte et un titre trop explicite vous font tout de suite deviner ce qui va se passer. C’est plutôt pour l’atmosphère qu’Edgar Poe a su créér que cette nouvelle est intéressante. Si Double assassinat dans la rue Morgue est considéré comme précurseur de la nouvelle policière, La chute de la Maison Usher est plus dans le côté fantastique (plutôt vieux films d’horreur). À la lecture vous avez le souffle coupé par cette ambiance glacante, froide pleine de toiles d’arraignée, de majordome qui n’a rien a envié à celui de la famille Adams.

    L’avis très mitigé de La Liseuse.

    J’ai complété ma lecture par une des nombreuses adaptations en bandes dessinnées de cette nouvelle. Celle que j’ai choisie a été publiée en 2007 chez Emmanuel Proust dans la collection Atmosphères.

    L’adaptation et les dessins ont été réalisés par Nicolas Guillaume. Le monsieur a un peu changé l’histoire sur la fin mais l’idée générale reste la même. Dans les dessins, on retrouve parfaitement l’ambiance de la nouvelle d’Edgar Poe. Ils sont réalisés (à mon avis mais je n’y connais rien) à l’encre de chine (en tout cas mon frère arrivait à faire des dessins à peu près pareils avec l’encre de chine) et sont donc en noir et blanc. On voit les coups de pinceau (ou de plume ?). L’auteur ne dessine pas avec minutie les visages mais préfèrent montrer leurs émotions en accentuant certains traits. Cela amplifie l’angoisse que l’on peut ressentir à la lecture. Les décors de la maison sont eux dessinnés avec minutie. La technique que l’auteur utilise consiste souvent à montrer la pièce en général et à faire des zooms sur des détails particuliers comme un réalisateur de film pourrait le faire pour montrer ce qui peut faire peur dans un tel endroit. Il y aussi les dessins des phénomènes météorologiques : la pluie, le vent, les feuilles qui tombent. L’auteur arrive a capté la violence qui se déchaine sur cet maison.

    À noter : comme dans La vengance d’une femme de Lilao publié dans la même collection, Emmanuel Proust a mis le texte de la nouvelle juste après la bande dessinnée.

    En conclusion : pour lire cette nouvelle, mettez-vous dans un endroit confortable avec une seule lumière pour éclairer votre livre. Laissez le reste de la pièce dans l’ombre et préparez vous à frissonner !

    Références

    La chute de la Maison Usher d’Edgar Poe dans Nouvelles histoires extraordinaires – traduit par Charles Baudelaire (GF, 2008)

    La chute de la Maison Usher d’Edgar Poe – adaptation : Nicolas Guillaume d’après la traduction de Charles Baudelaire, dessins : Nicolas Guillaume (Emmanuel Proust, 2007)

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    Ce qui m'a fait acheté ce livre c'est la magnifique couverture choisie par les éditions José Corti : un tableau de John Constable, Hampstead Heath, looking towards Harrow. Le tableau s'étend sur la première de couverture, la tranche et la quatrième de couverture : c'est très jolie dans ma bibliothèque. Ça change des tranches blanches ou noires.

    En plus, d'être beau de l'extérieur, le livre à l'intérieur est magnifique. L'histoire met en avant l'ironie de la vie (expression que j'ai honteusement volé à Diane de Margerie dans son livre sur Edith Wharton) mais mérite d'être lu rien que pour les descriptions de la nature et plus particulièrement de la lande. Je m'explique.

    Quatre personnages principaux, des personnages secondaires et des figurants.

    Il y a d'abord les Yeobright. Clym Yeobright est joaillier à Paris. Cette année, il a décidé de revenir dans la lande d'Egdon pour les fêtes de Noël. Tout le monde l'attend avec impatience. En effet, il a été absent pendant beaucoup de temps. Il revient surtout voir sa mère et sa cousine : Thomasine. Ces deux-là sont fâchées. En effet, Thomasine insiste pour épouser Damon Wildeve. Sa tante s'est opposée de manière vigoureuse à ce mariage (pour elle, Wildeve est un séducteur qui laissera tomber sa nièce) ; elle est allée jusqu'à vouloir interdir la publication des bans en le disant tout fort devant tout le monde à l'église. Sur l'insistance de Thomasine, sa tante a consenti au mariage. Celle-ci part se marier dans une autre ville mais le mariage ne se fait pas pour des raisons administratives. C'est une des premières choses que l'on apprend dans le livre. Plutôt que de complications administratives, on peut parler d'actes manqués de Wildeve. Celui est très attachée à une autre jeune fille qu'il a longtemps courtisé : Eustacia Vye. Toute l'histoire du roman c'est sur les amours entre ces quatre jeunes gens. Thomas Hardy, par le sort qu'il réserve à ces personnages, montre bien l'ironie de la vie (et oui, je la vole encore). Ils sont écrasés par leur destinée. Il ne leur arrive que très rarement des choses positives, sauf à a fin. Il est précisé à la fin de l'avant dernier chapitre que c'est dû à des exigences de publications. L'auteur ne semble pas apprécié son happy end. Quand les personnages se croient au fond du trou, il y a toujurs des trous plus profond où ils tombent immanquablement. J'ai lu dans plusieurs articles sur internet que c'était le thème de prédilection de Thomas Hardy : le lourd poids du destin sur la vie humaine. Un livre triste mais fort prenant et attachant.

    Attachant, entre autre, pour les personnages secondaires : le capitaine Vye (le grand-père d'Eustacia), maîtresse Yeobright dont nous avons déjà parlé mais surtout l'homme au rouge : Diggory Venn. C'est un homme qui parcourt la lande pour vendre le rouge qui sert à marquer les moutons des paysans. L'homme est tout de rouge vétu mais en plus même sa peau est rouge (il peut redevenir tout blanc en six mois). On apprend au fur et à mesure du roman que Diggory est rentré dans ce commerce suite au refus de Thomasine de l'épouser. Il erre sur la lande pour être près d'elle et lui servir d'ange gardien.

    Il y a aussi les figurants : toute la population humaine de la lande qui ont su préserver des traditions ancestrales et vivre, de manière humble mais heureuse, dans un monde difficile auquel ils ont pu s'acclimater. Thomas Hardy décrit de très belle manière ces personnages car ils rentrent pour lui comme partie intégrante de la lande. C'est la description de cette nature qui fait tout le charme du livre. Pour exemple, les deux premiers paragraphes du livre :

    "Un samedi après-midi, en novembre, l'heure du crépuscule approchait et la vaste étendue libre et sauvage, connue sous le nom de lande d'Egdon, allait s'assombrissant de minute en minute. Une mince couche de nuages, d'un blanc indécis, cachait le ciel, se déployait comme une tente qui aurait eu la lande entière pour le sol.

    La ligne de rencontre de cieux ainsi voilés par cet écran pâle et d'une terre que couvrait la plus foncée des végétations était très nettement marquée à l'horizon. D'où un effet de contraste tel que la nuit semblait avoir commencé de régner sur la lande avant que son heure astronomique ne fût venue : l'obscurité s'installait sous un ciel où le jour continuait son existence propre. Levant la tête, un coupeur d'ajoncs eût été tenté de poursuivre son travail ; regardant à ses pieds, il eût décidé d'achever son fagot et de regagner son logis. Ainsi, les bords lointains et accolés de la terre et du ciel paraissaient diviser le temps aussi bien que la matière. Par son teint brun, le visage de la lande ajoutait, en effet, aux soirs une demi-heure ; il possédait également le pouvoir de retarder l'aube, d'attrister midi, d'exprimer à l'avancee la menace de tempêtes à peine en formation et d'augmenter l'opacité d'un minuit sans lune jusqu'à provoquer le tremblement et l'épouvante." (p.9) 

    Plusieurs fois dans le livre, Thomas Hardy fait des descriptions d'oiseaux dignes d'un ornithologue. La nature c'est visiblement quelque chose qu'il affactionne tout particulièrement (je ne sais pas ce qu'il en est pour ces autres romans ?) L'auteur a même dessiné lui-même la carte de la lande d'Egdon

    Sur ce site, on trouve aussi une carte du Wessex, région imaginaire (mais basé sur des lieux rééls) inventé par Thomas Hardy et où il situe tous ces romans.

    En conclusion : ce roman est une belle entrée en matière pour donner envie de lire d'autres livres de Thomas Hardy. J'insiste : les descriptions de la lande sont vraiment très suggestives : on s'y croirait ! À lire rien que pour ça…

    Références

    Le retour au pays natal de Thomas Hardy – traduit de l'anglais par Marie Canavaggia – postface de Claire Tomalin (José Corti, 2007)

    Première parution : 1878.

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    Suite aux billets de Fashion et Isil, je voulais lire La magicienne de Robert Louis Stevenson et je peux aujourd'hui dire que c'est fait et même deux fois plutôt qu'une. J'ai donc acheté il y a à peu près deux mois ce petit livre paru chez Rivages Poche. En revenant à la maison, le porte-monnaie plus léger, je me suis rendue compte que j'étais bête (ou accro à l'achat de livre) car voilà pour ma "littérature à l'honneur" je m'étais achetée l'Intégrale des nouvelles de Stevenson chez Phébus. En fouillant un peu, cette nouvelle est dans le tome 2 (et oui, il y a deux tomes…) sous le titre L'ensorceleuse (c'est pour ça que je me suis fourvoyée en l'achetant une deuxième fois : ce n'est donc pas ma faute ! Je vais faire comme Karine:)). Après ce long préambule, je vous dirai que je ne regrette pas pour deux raisons.

    La première c'est que les textes sont précédés de deux notices différentes. Chez Rivages c'est un texte de David et Susan Mann qui sont d'après eux les "découvreurs" de ce texte (ce qui pour Phébus est un peu mensonger visiblement). Pour couper la poire en deux, il a été publié en 1989 après une longue absence dans les recueils de nouvelles de Stevenson. Il a été interdit par les descendants de Stevenson (ou plutôt de sa femme Fanny) pour des raisons que nous ne chercherons pas à commenter. En tout cas, ce petit texte c'est 27 pages détachées d'un carnet après la mort de l'auteur pour vendre le récit aux enchères. Personnellement ça ne me plaira pas qu'on abime mon joli moleskine pour le vendre petits bouts par petits bouts (vous allez me dire que je ne suis pas Stevenson). On suppose que cette nouvelle a été écrite entre l'été 1888 et l'automne 1890 lors d'un voyage en bateau où un peu jeu fut lancer : inventer une histoire sur un thèmes proposé par un membre de l'équipage. Si j'ai bien compris, c'était sur les mariages étanges.

    Trève de plaisanterie, parlons de l'intrigue. Nous sommes à Royat, près de Clermont-Ferrand. Edward Hatfield rencontre Emmeline Croft. Celui-ci n'a pas un sou vaillant et s'apprête à mendier quand il aborde la jeune fille, qu'il connaît de vue tout de même. Au lieu de le repousser, celle-ci l'invite à la suivre à Paris, puis à Londres… pour lui proposer un étrange marché. On pourrait résumer l'histoire en une phrase : la rencontre entre un jeune homme romantique et désargenté et une jeune femme pragmatique et à l'abri du besoin (c'est là où les gens ont voulu voir un parallèle avec le couple Stevenson-Fanny mais visiblement ce n'est pas le cas). Je n'avais jamais lu de nouvelles de Stevenson et je suis agréablement surprise : il ne parle pas que d'îles, de pirates… mais aussi de relations humaines (on voit que je n'ai rien lu de lui à part L'île au trésor quand j'étais petite). En plus, c'est une nouvelle comme je les aime parce qu'il y a une vraie chute auquelle on ne s'attend pas. Quoique, à la deuxième lecture, on s'aperçoit que l'auteur et le narrateur ont laissé des indices.

    En parlant de deuxième lecture, j'en arrive à la deuxième raison de pourquoi je ne suis pas mécontente d'avoir ce volume en double. Rappelez-vous quand j'ai Le château périlleux de Walter Scott, je m'étais posée la question de l'importance du traducteur. J'ai pu tester ! Je vous en donne un aperçu : c'est le tout début de la troisième partie pour ceux qui ont lu le livre. Traduction de chez Rivages :

    "Le contrat était recouvert d'une écriture serrée ; on n'aurait pas eu la place de poser un doigt dans l'un des quatre coins …" (p. 73)

    Traduction de Phébus :

    "Le contrat était un modèle de rigueur et de compacité ; l'on eût été bien en peine d'en tourner la moindre clause." (p. 541)

    Cela laisse songeur…

    Références

    La magicienne de Robert Louis Stevenson – traduction de l'anglais par Patrice Repusseau (Rivages Poches – Bibliothèque étrangère, 1991)

    L'ensorceleuse de Robert Louis Stevenson – traduction de Éric Chédaille dans Intégrale des nouvelles – volume 2 (Phébus, 2001)

  • Résumé

    Cet album de manière général suit la trame du livre sauf dans le début de l’histoire. L’adaptation de la première partie, qui comme je vous l’ai dit hier est dans le discours général sur les capacités analytiques puis dans la rencontre de Dupin et de son acolyte, est très bien trouvée. En effet Jean David Morvan ne pouvant rendre compte du discours général fait d’abord se rencontrer les deux hommes puis leur prête le discours de portée géneral du livre. C’est vraiment très bien pensé. Une autre particularité de l’album est qu’il s’ouvre sur la scène de crime, ce qui n’est pas le cas du livre.

    Mon avis

    C’est là à mon avis que le bas blesse. Il y a des ajouts par rapport au livre qui ne sont pas vraiment nécessaire. Celui que j’ai cité au dessus est le moins important car il ne modifie pas l’histoire. Ce qui m’a particulièrement gêné c’est la différence par rapport au texte sur la manière dont la vieille femme s’est retrouvée dans la cour. Moins important, lorsque Dupin reçoit dans son appartementle responsable des meurtres, il l’accueille par cette phrase : « je sais tout, il va falloir vous habituer ». Il fait alors de Dupin un personnage très imbus de sa personne ce que je n’ai pas du tout ressenti à la lecture de la nouvelle. Ce qui me rend plus sévère qu’avec les autres Ex-Libris que j’ai lu, c’est qu’ici j’ai lu la BD juste après le texte original (pour Le tour d’écrou je n’avais pas lu la nouvelle d’Henry James et pour Boule de Suif m’a lecture datait de la classe de troisième…). Ex-Libris est donc une bonne collection pour pénétrer dans l’univers de l’auteur mais il ne faut pas chercher l’adaptation exacte du texte (dans La vengeance d’une femme de Lilao c’était le cas par contre) : les flemards qui préfèrent lire la BD au livre doivent donc faire attention !

    C’est justement cette possibilité de pénétrer l’univers d’un auteur par l’image qui fait de cette collection quelque chose de plutôt intéressant. En effet, dans le cas de cet album, bien que les dessins et couleurs soient classiques (j’aime bien personnellement), ils permettent de visualiser les scènes du livre. On y retrouve l’ambiance qu’Edgar Poe a su créér en moins opressant quand même. Un petit bémol sur les dessins : on met un certain temps à savoir qui est Dupin et qui est l’acolyte. Au vu de la couverture, j’avais pensé le blond Dupin et le brun l’acolyte mais à la page 8, je me suis aperçue que je m’étais trompée. Manque de chance il y a une erreur d’attribution des paroles à cette page et en réalité je ne m’étais pas trompée : je ne l’ai compris que quatre pages plus loin.

    En résumé, un volume intéressant dans la lignée de la collection Ex-Libris de chez Delcourt.

    D’autres avis

    Ceux de Yozone, Bulles et Onomatopées, CoinBD.com, BDGest’, Notembulles

    N’hésitez pas si vous avez fait un billet sur cette bande dessinnée à me le dire… Le lien pparaitra dès lors comme par magie !

    Références

    Double assassinat dans la rue Morgue d’Edgar Allan Poe – adapté par Jean David Morvan et Fabrice Druet pour les dessins (Delcourt – collection Ex-Libris, 2008)

  • Chapitre 1 – Deuxième génération (1847-1848) : Plus ne m'est rien
     

    Hugo Sambre écrivait un livre intitulé "La guerre des yeux" où il parle du malheur qui touche toutes les générations de sa famille : "Malheur à celui qui aimera créature aux yeux rouges, car celui-là pleurera, sa vie durant, des larmes de sang. Hugo avait sombré dans la folie. Il vient de se donner la mort. Il laisse derrière lui une veuve joyeuse, une fille Sarah bien décidée à terminer l'ouvrage de son père (et poursuivre dans la folie familiale) et un fils Bernard taciturne et qui a visiblement du mal à assumer la vie et la mort de son père (tous les trois sont roux avec les yeux noirs). Le volume s'ouvre sur l'enterrement de Hugo. Après la cérémonie, Bernard s'enfuie pour être un peu seul. Il tombe alors sur Julie, une braconnière. Elle a la particularité d'avoir les yeux rouges et d'être la fille d'une "fille publique". Jule apprend à Bernard qu'elle l'aime depuis toujours et celui-ci lui dit qu'il l'aime. Ils font l'amour dans le caveau familial des Sambre. Manque de chance, Bernard tombe malade juste après ; ce qui oblige Julie à se rendre au manoir familial pour voir son amoureux. Il y aura alors confrontation entre la mère, Sarah et Julie. Ça se terminera mal.

    Ce premier volume se déroule en 1847 sur fond de révolte latente contre Louis-Philippe. On entend parler de Lamartine par le cousin policier Guizot qui est là pour consoler la veuve joyeuse. On se doute que cette épisode de l'histoire française aura une grande part das lesalbums suivants.

    Chapitre 2 –  Deuxième génération (1847-1848) : Je sais que tu reviendras…

    Fin décembre 1847. Après le malheur arrivé à la fin du premier album, Sarah et Bernard sont restés seuls. Elle, elle est aveugle, pleine de rancune envers Julie. Elle ne permet pas qu'on ouvre les volets du manoir, elle maintient une tristesse lourde à supporter dans sa maison. Bernard ne le support plus il se sent enfermé alors quand la lettre du cousin policier Guizot arrive de Paris enjoignant le frère et la soeur à vendre le refuge parisien de leur père la situation politique à Paris devenant explosive. Bernard part laissant sa soeur seul.

    Au même moment, Julie, recherchée par la police, s'est réfugiée à Paris. Elle va voir son père, un vicaire (?). Celui connaissait Hugo Sambre. N'ayant pas connaissance de sa mort, il va à la maison parisienne des Sambre. Il y retrouve Julie qu'il maltraite à cause de ses yeux rouges et du passé commun avec sa mère Iris. Le peintre Egon Valdieu qui loue la vieille écurie de la maison est séduit par "la fièvre et les larmes" de la jeune fille mais aussi un peu déçue car elle n'arrête pas de vomir.

    Bernard et Julie se retrouve donc sous le même toit, mais lui l'ignore. Il est aveuglé par le souvenr de son père. À cette occasion, on en apprend plus sur Hugo : "il écrivait une théorie absurde sur la couleur des yeux, laquelle, selon lui, déterminait l'origine et la destinée des passions humaines… […] Voilà pourquoi il s'est crevé les yeux : parce que les siens n'étaient ni bruns, ni bleus ! mais noirs, noirs comme la mort."

    Bernard (et le cousin Guizot) se retrouve à une fête organisée par Olympe de Castelbalac. Celle-ci est la maîtresse officielle de Egon Valdieu. Bernard et lui en arriveront à se battre. Bernard, aux yeux de cette femme qui fut vingt ans auparavant le modèle de Delacroix pour son célèbre tableau la "Liberté guidant le peuple", aura tous les atouts de séduction qu'elle désire (c'est sûrement un moyen de rendre le peintre jaloux à mon avis). 

    Chapitre 3 – Deuxième génération (1847-1848) : Liberté, liberté…
     

    Février 1848. La révolte gronde de plus en plus fort à Paris. Dans ce climat sombre, on retrouve Bernard das le lit d'Olympe de Castelbalac. C'est Guizot qui a demandé à cette dame de s'occuper de son cousin : n'ayez pas peur ! Ils n'ont passé qu'une nuit ensemble, Bernard n'arrivant pas à s'enlever de la tête Julie. Cette dernière est toujours dans les mains d'Egon. Cela fait deux mois qu'il peint son visage et pourtant elle pose nue.

    Bernard se fait agresser dans la rue par des prostituées mortes de faim. Elles veulent revendre sa canne, qui a appartenu à son père, à un antiquaire surnommé le vicaire (tout s'explique). Le vrai nom du vicaire c'est Horace Saintange ("divers délits, recel, trafic, proxénétisme et accesoirement indicateur de police). Bernard se retrouve chez lui qui vous l'aurez compris est un vieil ami de Hugo (il ne savait pas qu'il était mort). Le Vicaire essaye de mettre en garde contre la guerre des yeux : celle-ci est "éternelle et sans merci".

    Guizot récupère son cousin à la sortie de chez le vicaire et lui explique qu'ils vont arrêter Julie pour le meurtre de la mère de Bernard. Bernard réussit à s'échapper grâce aux manifestations populaires dans le but de prévenir Julie du danger qu'elle court. Egon Valdieu et bernard en arrive au main chacun voulant avoir la primeur de Julie. Celle-ci crève un oeil au peintre qui mourra peu après. Elle sera arrêtée par la police ; Bernard ne la défendra même pas. Julie, enceinte de trois mois, dira alors dans le panier à salade : "Tu ne m'as pas défendue… Maudit Sambre, je le jure, tu seras le dernier! Jamais ton enfant ne connaître mes chaînes!" Elle sera libérée par Rodolphe, meneur de la révolution en marche. On devine à la fin de l'album qu'elle en sera l'égérie !

    Chapitre 4 – Deuxième génération (1847-1848) : Faut-il que nous mourions ensemble ? 
     
     
    Tout s'accélère dans ce dernier album décrivant la dernière génération. La révolution commence. Julie sur les barricades incarne la liberté. Rodolphe lui dit qu'elle ne peut donc mourir. Bernard lui devient complètement fou s'accuse de tous les meurtres : celui de sa mère, du peintre dans le but d'innocenter Julie qu'il croit encore en prison. Le cousin Guizot n'admet pas ses aveux et le libère d'autant plus que Sarah, arrivée de province, et lui vont se marier prochainement.

    Desespéré de ne pas avoir aidé Julie, Bernard va voir le vicaire pour mieux comprendre l'histoire d'Iris et de Hugo. Cela tourne mal et le vicaire est tué. Le cousin Guizot intervient encore une fois pour sauver la mise à Bernard (le nom de la famille n'aura pas de tache comme ça). Sarah veut ramener son frère dans la maison familiale. Ils sont dans la calèche mais Bernard s'échappe et retroune dans le logement parisien de Hugo qui a pourtant été vendu à Olympe de Castelbalac. Réveillé dans son sommeil par les manifestations populaires, il regarde par la fenêtre et voit Julie morte dans les bras de Rodolphe. Il l'a prend dans ses bras, elle se réveille. Il veut qu'elle le tue pour qu'ils puissent mourrir ensemble comme ils se l'étaient promis la première fois qu'ils ont couché ensemble. Julie prend peur des sentiments de Bernard mais "meurt" avant d'avoir pu faire quoique ce soit. Bernard prend alors les barricades. La fin est dramatique…

    À vous de lire ces quatre albums !

    Mon avis

    Ces quatre volumes concernant la deuxième génération des Sambre a le souffle des grandes épopées historiques et des sagas familiales. On a le coeur qui bat plus vite à chaque rebondissement. J'espère que dans le résumé j'ai pu rendre ne serait-ce qu'un peu cette perfection du scénario d'Yslaire et de Balac (pour les deux premiers tomes). Plus que les dessins dont le seul défaut à mon avis est que je ne suis pas arrivée à donner un âge au personnages, les couleurs permettent de créér une atmosphère en rouge et noir dans les instants les plus dramatiques. À chaque fois, les couleurs s'harmonisent avec l'ambiance du moment.

    Ces quatre albums ne peuvent qu'être qualifiés de réussite. À lire absolument ! Je sais, je sais : je me répète.

    Références

    Sambre 

    tome 1 : Plus ne m'est rien… de Yslaire (texte, mise en scène et dessin) et Balac (texte), paru pour la première fois en 1986

    tome 2 : Je sais que tu viendras… de Yslaire (texte, mise en scène et dessin) avec la participation de Balac pour l'écriture de certaines planches, paru pour la première fois en 1990

    tome 3 : Liberté, liberté… de Yslaire (texte, mise en scène et dessin), paru pour la première fois en 1993

    tome 4 : Faut-il que nous mourrions ensemble ? de Yslaire (texte, mise en scène et dessin), paru pour la première fois en 1996

    chez Glénat

    À noter : avec le tome 5 des Sambre commence l'histoire de la troisième génération. Il y aussi deux tomes parus de la Guerre des Sambre qui parlent de l'histoire d'amour entre Hugo et Iris. Je vous laisse deviner : ils sont dans ma PAL bien évidemment.

    À voir : le site d'Yslaire

     

  • Pourquoi ?

    Je vous ai parlé il y a quelque temps de l’idée de Cléanthe de donner son avis sur toutes les nouvelles de Henry James, mais séparément. Je trouve que c’est une bonne idée, en tout cas pour les nouvelles qui ne sont pas parues en recueil du temps de l’auteur. En général, des recueils de nouvelles, je ne garde qu’une impression sur le style et souvent j’ai même oublié les nouvelles avant d’avoir fermé le livre. Donc je trouve intéressant d’écrire un billet sur chaque nouvelle surtout quand l’auteur ne leur a pas vraiment donné d’unité. Pour tout vous dire, c’est plus ou moins intéressé que je fais ça : c’est toujours dans l’idée de diminuer ma PAL. En effet, j’ai plein de nouvelles dans mes livres non lus et avec cette méthode, je vais pouvoir les lire pas forcément en entier, en lire une par ci par là. Je trouve ça très sympa : comme ça, je ne me sens obligée à rien !

    Je créé une nouvelle catégorie nouvelles où je metterai les billets de ce type.

    George Sand et Moi a signalé je ne sais plus où que c’était le bicentenaire de la naissance d’Edgar Allan Poe cette année (je ne savais pas parce que Charles Baudelaire dans sa préface des Histoires extraordinaires dit que c’est en 1811 ou 1813 que le Monsieur est né ; en tout cas une chose est sûre, on fête le 160 ième anniversaire de sa mort). Ce sera donc le premier auteur que je lirai de cette manière (je n’avais même pas lu Double assassinat dans la rue Morgue : honte sur moi !) Il est dans ma PAL depuis 1995 (double honte sur moi !)

    Résumé

    C. Auguste Dupin enquête, avec son acolyte dont on ne connaît pas le nom (et qui ne sert pas grand chose à Dupin à part pour décrire l’aventure), sur un double meurtre qui a eu lieu dans la rue Morgue à Paris. Ce fait divers est décrit dans les journaux comme suit :

    « Double assassinat des plus singuliers. – Ce matin, vers trois heures, les habitants du quartier Saint-Roch furent réveillés par une suite de cris effrayants, qui semblaient venir du quatrième étage d’une maison de la rue Morgue, que l’on savait occupée en totalité par une dame l’Espanaye et sa fille, mademoiselle Camille l’Espanaye. Après quelques retards causés par des efforts infructueux pour se faire ouvrir à l’amiable, la grande porte fut forcée avec une pince, et huit ou dix voisins entrèrent, accompagnés de deux gendarmes.


    Cependant les cris avaient cessé ; mais au moment où tout ce monde arrivait pêle-mêle au premier étage, on distingua deux fortes voix, peut-être plus, qui semblaient se disputer violemment, et venir de la partie supérieure de la maison. Quand on arriva au second palier, ces bruits avaient également cessé, et tout était parfaitement tranquille. Les voisins se répandirent de chambre en chambre. Arrivés à une vaste pièce située sur le derrière, au quatrième étage, et dont on forcera la porte qui était fermée, avec la clef en dedans, ils se trouvèrent en face d’un spectacle qui frappa tous les assistants d’une terreur non moins grande que leur étonnement.

    La chambre était dans le plus étrange désordre, – les meubles brisés et éparpillés dans tous les sens. Il n’y avait qu’un lit, les matelas en avaient été arrachés et jetés au milieu du parquet. Sur une chaise, on trouva un rasoir mouillé de sang ; dans l’âtre, trois longues et fortes boucles de cheveux gris, qui semblaient avoir été violemment arrachées avec leurs racines. Sur le parquet gisaient quatre napoléons, une boucle d’oreille ornée d’une topaze, trois grandes cuillers d’argent, trois plus petites en métal d’Alger, et deux sacs contenant environ quatre mille francs en or. Dans un coin, les tiroirs d’une commode étaient ouverts et avaient sans doute été mis au pillage, bien qu’on y ait trouvé plusieurs articles intacts. Un petit coffret de fer fut trouvé sous la literie (non pas sous le bois de lit) ; il était ouvert, avec la clef dans la serrure. Il ne contenait que quelques vieilles lettres et d’autres paiers sans importance.

    On ne trouva aucune trace de madame l’Espanaye ; mais on remarqua une quantité extraordinaire de suie dans le foyer ; on fit une recherche dans la cheminée, et, – chose horrible à dire ! – on en tira le corps de la demoiselle, la tête en bas, qui avait été introduit de force et poussé par l’étroite ouverture jusqu’à une distance considérable. Le corps était tout chaud. En l’examinant on découvrit de nombreuses excoriations, occasionnées sans doute par la violence avec laquelle il y avait été fourré, et qu’il avait fallu employer pour le dégager. La figure portait quelques fortes égratignures, et la gorge était stigmatisée par des meurtrissures noires et de profondes traces d’ongles, comme si la mort avait eu lieu par strangulation.

    Après un examen minutieux de chaque partie de la maison, qui n’amena aucune découverte nouvelle, les voisins s’introduisirent dans une petite cour pavée, située sur les derrières du bâtiment. Là gisait le cadavre de la vieille dame, avec la gorge si parfaitement coupée, que, quand on essaya de le relever, la tête se détacha du tronc. Le corps, aussi bien que la tête, était terriblement mutilé, et celui-ci à ce point qu’il gardait à peine une apparence humaine.

    Toute cette affaire reste un horrible mystère, et jusqu’à présent on n’a pas encore découvert, que nous sachions, le moindre fil conducteur.« 

    Mon avis

    Cette nouvelle est construite en quatre grandes parties. Dans un premier temps, le narrateur apporte son point de vue sur les facultés analytiques, sur l’imagination, l’ingénuosité et sur la supériorité du jeu de dame sur le jeu d’échecs (accusé d’une trop grande complexité (toutes les pièces ont un mouvement différent) : celui qui gagne est celui qui a fait le moins de fautes d’inattentions et pas celui qui a su le mieux analyser le jeu) et sur le whist (jeu de carte où les facultés analytiques des joueurs s’exercent le mieux). Après cet avis général, le narrateur en vient à nous parler de sa rencontre avec Dupin, être humain avec de grandes facultés analytiques(dont il nous donne un exemple).

    Puis, le narrateur nous décrit le fait divers mais non à travers d’un récit mais de coupures de presse (c’est assez original : en tout cas, je n’ai jamais vu ça dans mes lectures).

    Dupin décide alors d’enquêter sur ce fait divers. Ils se rendent tous les deux rue Morgue. Après une analyse minutieuse de la scène de crime Dupin part : il a résolu l’affaire. Son crédo est différent de celui de Sherlock Holmes. Dupin affirme qu’il faut montrer que ce qui est impossible à vue de nez est en réalité possible pour trouver l’explication du mystère. Ainsi au début on pourrait penser que c’est un mystère de chambre close mais Dupin montrera que non.

    Dans la quatrième partie c’est la conclusion de l’affaire par la désignation du responsable des crimes. Dupin n’est pas guidé par l’idée de sauver l’innocent arrêté injustement mais par le plaisir d’exercer ses méninges. Il ai au courat qu’il est supérieur à la police. C’est cependant un personnage sympathique avec un caractère particulier (il n’aime que la nuit). Son seul « extra »dans un budget serré c’est les livres (si après ça il ne vous apparaît pas comme quelqu’un de sympathique). C’est un mélange de Sherlock Holmes et d’Harry Dickson (parce qu’il apparaît dans des histoires à caractère fantastique). D’ailleurs le dénouement m’a fortement rappelé le dénouement d’une des histoires de Jean Ray. Je comprends donc mieux pourquoi Double assassinat dans la rue Morgue est considéré comme précurseur de la nouvelle policière.

    Quant au style de Poe, il ne peut qu’être qualifié d’admirable. Tout en étant direct, il arrive à créér en peu de mot un suspense et une ambiance très « sanguinolente ». Je trouve personnellement que ce style correspond bien aux nouvelles. J’aimerais bien savoir ce que cela donne dans son roman Les aventures d’Arthur Gordon Pym dont Julien a fait une chronique ici. De quoi encore enrichir ma LAL… ne jamais prendre de bonnes résolutions c’est encore pire après !

    P.S. : J’ai trouvé la phrase qui a inspiré Fabrice Bourland. « Je l’observais dans ces allures, et je rêvais souvent à la vieile philosophie de l’âme double, – je m’amusais de l’idée d’un Dupin double, – un Dupin créateur et un Dupin analyste. »

    D’autres avis

    Ceux de Nihil, Papillon

    Des avis sur le recueil Histoires extraordinaires : Les chats de bibliothèque, Biblioblog, awa74, Andy, Anne

    N’hésitez pas si vous avez d’autres avis à me les signaler parce qu’il y en a vraiment beaucoup ; j’ai un peu la flemme de chercher … mais très envie de connaître l’avis d’autres personnes.

    Références

    Histoires extraordinaires de Edgar Allan Poe – traduction de Charles Baudelaire (Bibliothèque Lattès, 1995)

    À noter que beaucoup de nouvelles sont disponibles sur internet (sur Wikisource par exemple) puisque tombées dans le domaine publique.

  • Ce livre ne m'a ni particulièrement plu (les passages sur la lecture en général sont bons), ni particulièrement déplu (un petit peu pédant à mon avis quand il décrit tous les livres qu'il achète) donc comme je n'ai rien de bien intelligent à dire je n'en parlerai pas trop (le sujet n'est pas les lecteurs en général mais de lecteurs de livres anciens : il fuit les éditions récentes ; je n'ai pas vraiment réussi à m'attacher à ces pérégrinations de lecteur. La cause en est double : le sujet et le style). Par contre les passages sur son addiction à la lecture et à la lecture de livres anciens sont plutôt pas mal. Voilà pourquoi je mets les extraits les plus significatifs que j'ai relevés.

    Extraits

    "Pas un seul vrai livre ! me disais-je au milieu de cette île tropicale, où je me morfondais… D'épais romans de gare ou de plage. Des guides pratiques sans typographie. Des recettes de cuisine sans poésie. Des abrégés de l'Écriture pour la jeunesse, ou des paraphrases romancées… une grosse Bible, certes, mais avec des illustrations mièvres, pour la famille. Curieusement, une laide Encyclopédie de la sexualité, rappelant le mauvais goût des années soixante-dix. Un prix Goncourt aussi, troué de dialogues… 

    Rien de ce qui fait la profondeur d'un livre, somme de savoir et d'émotions. Uniquement des textes mal imprimés pour liseurs qui ne connaissent ni la littérature ni l'art. Un vide désespérant pour un lecteur nourri de bibliothèques. Il ne demande pourtant pas grand-chose. Un seul livre digne de ce nom lui suffirait. Et surtout un espace pour s'isoler, sans radio ni télévision ni cantiques. Un petit lieu frais où l'on puisse méditer sans tomber de sommeil.

    C'est chaque fois la même chose quand je cède à l'invitation d'"amis" lointains : je suis ravi de découvrir une ville, une campagne, un pays, mais trop cher est le prix à payer s'il faut supporter des conversations qui gâchent la beauté des paysages, si les intérieurs où l'on séjourne, riches d'objets divers, sont pour moi les plus pauvres, privés du seul élément décoratif d'importance qu'est le livre…

    Aussi, dès mon retour sous le ciel grisâtre de l'Europe, me suis-je rattrapé par d'intensives lectures, véritable bain littéraire pour secouer l'esprit de sa torpeur due au soleil. Mes choix se portèrent essentiellement sur des auteurs de référence que je voulais cultiver depuis longtemps. Je n'eus pas à regretter ma sélection." (p. 5-6)

     

    "C'est terrible de passer d'une fiction à une autre, sans transition, d'un amour à un autre. Dans la plupart des romans que je voudrais commencer, la première phrase me rebute, cette phrase à l'imparfait ou au passé simple ("La marquise", etc.), qui nous oblige à resserrer notre esprit sur une histoire particulière alors que des milliers d'autres nous attendent." (p. 7)

     

    "À quoi bon d'ailleurs acheter tous ces livres, puisque tant d'autres m'attendaient à la maison, comme impatients d'être défrichés ? Et le soir, je regrettais de n'avoir pas mille mains pour les prendre et les dévorer tous ensemble. Je finissais par me calmer pour en choisir un seul, mais ma lecture était de plus en plus agitée." (p. 12)

     

    "Mais pouvais-je me faire entièrement confiance, vu mes difficultés organiques à entrer dans d'autres univers que le mien ? Je n'avais plus la patience du jeune lecteur, ouvert à toutes les formes d'écriture, voulant se conformer à l'admiration de l'élite pour les auteurs "qu'il faut avoir lus"." (p. 14)

     

    "Il devenait clair que j'avais plus de plaisir à chercher des livres qu'à les lire. Si la quête du livre pouvait être déjà une forme de lecture, je serais bien savant. Que de connaissances j'aurais emmagasinées en soupesant les volumes, avec les milliers de titres passés sous mes yeux ! Et le mal que je m'étais donné par d'incessants voyages aurait pu rendre légitime cette acquisition miraculeuse du savoir. Pas si miraculeuse que cela, d'ailleurs,puisque toute manipulation contribue à mémoriser un ouvrage qu'on n'a pas lu.

    […]

    Cela dit, le fait de m'asseoir pour lire ne m'apportait plus de vraie satisfaction. Tous les ouvrages qu'il fallait parcourir page à page perdaient de leur intérêt. Avant d'en lire un qui ne m'attirait pas ou que les gens me conseillaient, je me disais que cela n'allait pas me plaire, que je traiterais l'auteur de "crétin" au bout de quelques chapitres. C'était une manière de me prouver que j'avais raison de ne pas l'avoir lu.

    […]

    Dès lors, je n'étais plus capable de persévérer dans une lecture ennuyeuse. Il me fallait des résultats. J'avais peur d'être un blasé ne recherchant ques des jouissances littéraires, qu'il lui était devenu bien difficile de trouver." (p. 16-17)

    Références

    Le lecteur perpétuel de Didier BARRIÈRE (Éditions des Cendres, 2007)

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    C'est ma première participation au blogoclub. Pour ce premier essai, j'ai trouvé que le livre n'était pas très "facile", dans le sens où ce n'est pas un livre pour se détendre. Je suis quand même arrivée au bout en en lisant un petit peu à chaque fois. La quatrième de couverture même si elle raconte une très grosse partie de la trame narrative m'a permis de mieux comprendre où l'auteur voulait en venir.

    Quatrième de couverture

    Londres en 1940, le célèbre chef d'orchestre français Gabriel Atlan-Ferrara monte La Damnation de Faust d'Hector Berlioz. Il rencontre une jeune cantatrice mexicaine, Inés, qui transformera son nom en Inez Prada. Passion impossible qui ne connaîtra que deux autres rencontres, lors de deux représentations de Faust où Inez, devenue diva chantera Marguerite.

    Mais Inez est habitée par un autre personnage, une femme ayant vécu à l'aube de l'humanité, peu avant les grandes glaciations, et dont le destin sera tragique. C'est cette femme qui découvre le chant comme nécessité pour exprimer ces sentiments.

    Deux intrigues, deux histoires se nouent ainsi autour d'une conception du temps : le passé est un futur et le futur un éternel retour dans la spirale infinie de la Création permanente à partir du chaos de l'origine, symbolisé par le finale de La Damnation de Faust.

    Dans L'instinct d'Inez, Carlos Fuentes revient à l'une de ses meilleures veines : celle du mystère des êtres dont l'essence profonde excède leur propre histoire, pour entrer dans la chaîne multiple de l'histoire de l'humanité.

    Premier paragraphe

    – Nous n'aurons rien à dire sur notre mort.

    Cette phrase habitait depuis longtemps la vieille tête du maestro. Il n'osait pas l'écrir. Il craignait que le fait de la consigner sur le papier ne lui donne une actualité aux conséquences funestes. Il n'aurait plus rien à dire après ça : le mort ne sait pas ce qu'est la mort, le vivant non plus. C'est pourquoi la phrase qui le hantait comme un fantôme verbal était à la fois suffisante et insuffisante. Elle disait tout, mais à condition de ne rien dire. Elle le condamnait au silence. Et qu'avait-il à dire sur le silence, lui qui avait consacré sa vie à la musique – "le moins gênant des bruits", selon la rude sentence du rude soldat corse, Bonaparte ?

    Mon avis

    Mon sentiment sur ce livre est d'être passée à côté de quelque chose pour plusieurs raisons.

    La première est que je ne suis pas musicienne et que de manière générale je n'arrive pas à apprécier la musique. Toutes les envolées lyriques de Gabriel sur son métier de maestro m'ont paru assez obscures. De plus je ne connais pas du tout l'opéra de Berlioz, même pas l'histoire. J'ai cherché sur internet et je n'ai même pas compris (c'est mon incompréhension de la musique : je fais une sorte de blocage psychologique). Là, je suis donc passée à côté d'une partie importante du livre, notamment la fin que je n'ai pas comprise (disparition d'Inez, est-ce que Gabriel et elle ont vraiment été ensemble…).

    Pourtant m'est restée de très beaux passages sur la femme "primitive", sur l'analogie du chant d'Inez et du cri de la femme primitive, sur le sceau en cristal représentant la mémoire de l'humanité… mais aussi beaucoup de passages longs, très longs. J'ai trouvé insupportable la tendance à s'écouter parler de Gabriel. L'auteur aurait voulu nous faire sauter ces passages qu'il n'y s'y serait pas mieux pris. 

    Quant au style, Carlos Fuentes privilégie les longues phrases qui peuvent devenir des phrases très lourdes. Ils différencient les deux histoires, les rencontres avec Inez et la femme "primitive", par deux styles différents. Le deuxième a eu ma préférence parce que plus direct (cela vient de l'emploi de la deuxième personne du singulier à mon avis) même si assez lyrique. Pour ce qui est des passages de Gabriel seul, le style est plus moderne mais il y parle trop. Au contraire de ce qui est dit dans la quatrième de couverture, les deux histoires ne se mêlent que très tard, à la page 156 sur un roman de 195 pages. On voit enfin qui est cette femme dont on nous parle un chapitre sur deux depuis le début.

    Pour conclure, je retournerai vers Carlos Fuentes mais dans un roman où il n'y a pas de musique parce qu'il y a vraiment de très bonnes choses dans celui-ci. Il faut cependant déguster très lentement ce qu'il écrit pour pouvoir apprécier. Je relierai L'Instinct d'Inez le jour où j'aurai compris La Damnation de Faust, peut-être que ce livre me paraitra moins obscur !

    D'autres avis

    Celui de Lou qui a publié son billet un peu en avance…

    Le billet de Julien qui éclaire tout !

    Les autres avis sur les blogs de Sylire et Lisa

    Références

    L'instinct d'Inez de Carlos FUENTES – traduit de l'espagnol (Mexique) par Céline Zins (Gallimard – Du Monde entier, 2003)