Cecile's Blog

  •  

    Quatrième de couverture

    Dans un village aux confins de la campagne irlandaise, un homme est mort. Il était si âgé qu'une place lui est encore réservée dans l'ancien cimetière, déjà entré dans l'ordre des légendes. Cloon na Morav – le champ des morts – est une enclave hors du temps, où les tombes oubliées s'usent comme des montagnes, où le ciel semble encore plus grand. 

    La veuve est là, accompagnée de deux fossoyeurs et de leurs pelles. Et, comme on ne sait pas très bien où inhumer le mort, deux anciens – sortis des limbes – mènent l'expédition. Deux vieillards têtus, fantasques, à la mémoire vacillante. Tout heureux de cette aventure qui les arrache à leur solitude, ils vont prendre un plaisir cruel à ne pas s'entendre.

    La tombe du tisserand est introuvable. Sa recherche se transforme en duel dérisoire entre les vieillards et en stupeur de la veuve avec, pour spectateur, ce mort qui a perdu sa tombe. Sur ce scénario, Seumas O'Kelly a bâti un récit grotesque et métaphysique, pas très éloigné de l'univers de Beckett.

    La vie de Seumas O'Kelly (1881-1918) eut l'élégance de ses textes. Elle fut brêve, simple et cependant riche de contrastes. La tombe du tisserand, son chef d'oeuvre, a été écrit la dernière année de sa vie et publié après sa mort.

    Mon avis

    J'ai choisi ce livre pour la couverture. Le texte de la couverture est publié sur une sur-couverture qui ressemble à du papier calque et le dessin de l'arbre sur la couverture blanche du livre. En plus, il y a un petit dépliant en dehors du livre où il y a des illustrations du texte. Je trouve ça vraiment très original ! Le texte qui est à l'intérieur aussi ! C'est écrit comme un conte, une langue qui semble un peu naïve mais derrière il y a une histoire qui amène à réfléchir. On peut le lire comme un texte humoristique où il y a trois vieux qui se disputent pour savoir où enterrer un quatrième et il faut l'avouer les dialogues sont croustillants. On peut aussi y voir une réflexion sur la mort et surtout la mémoire : peut-on faire confiance à la mémoire humaine ? quelle est l'importace des croyances populaires ?

    En conclusion, j'ai passé un très bon moment de lecture avec un livre particulièrement bien écrit et traduit. Je vous le conseille rien que pour soutenir la petite maison d'éditions Attila qui vient juste de démarrer. 

    D'autres avis

    Ceux d'Aurélie, de Edwood,  de Petitsachem, de Comment c'est !?, de Yvon

    Références

    La tombe du tisserand de Seumas O'Kelly – traduit de l'anglais (Irlande) par Christiane Joseph-Trividic et Jean-Claude Loreau, gravures de Frédéric Coché (Attila, 2009)

     

  •  

    Après Amato il y a deux jours je me suis jetée sur Olalla des Montagnes. Comme je le disais dans le billet précédent, je l'ai en deux exemplaires : une version en Librio et une autre version dans l'intégrale des nouvelles (parue en Libretto. C'est la version Librio que j'ai choisi de lire. Cela faisait des années que le livre était dans ma PAL et pour tout dire il était déjà dans mes étagères sans que je l'ai ouvert. Cela venait du fait que je n'avais pas choisi de lire ce livre puisqu'on me l'avait donné et que la couverture n'est pas engageante. Elle est illustrée par le tableau de Delacroix, Jeune orpheline dans un cimetière et l'oeil de la jeune orpheline est mis en valeur. Pour moi, cette fille a un regard de folle. Elle a l'ai un petit peu simple tout en étant dérangée. C'est exactement l'histoire d'Olalla des Montagnes.

    Un jeune officier se rend en convalescence en Espagne dans la residencia d'une famille autrefois noble et qui maintenant ruinée. Il y a trois survivants : la mère et les deux enfants, un garçon et une fille Olalla. Le garçon est simplet mais serviable et affectueux. La mère, elle, a des yeux vides et des crises de démence. Comme le pense l'officier anglais le pense, la déchéance de la famille n'est pas seulemt pécunière mais surtout dûe au mariage consanguins qui ont "appauvris" le sang. Dans cette famille bizarre, faite de "cadavres" et de fous, Olalla surnage : elle semble être normale, éduquée. Au premier regard, Olalla et le jeune officier tombe amoureux. Toute la question de la nouvelle est de savoir si elle arrivera à se détacher d'une folie certaine si elle reste dans sa famille.

    J'ai lu que cette nouvelle rappelle le caractère double Jekyll et Hyde. C'est tout à fait juste puisque Olalla, malgré le fait d'être "saine", ressemble à s'y méprendre à des femmes qui ont tués, qui ont été prises des pires crises de folies.

    En conclusion, une lecture intéressante avant de découvrir Jekyll et Hyde !

    Références

    Olalla des Montagnes de Robert Louis STEVENSON – traduit de l'anglais par Pierre Leyris (Librio, 1995) 

  •  

    Pourquoi j'ai lu ce livre ?

    Suite à un encart de Page (les livres lus et conseillés par les libraires) : "Inspiré d'une nouvelle de Stevenson, notre récit installe Hélène, convalescente, dans un manoir familial. Les habitants des lieux, tous plus étranges les uns que les autres, cachent un terrible secret."

    Je trouve juste que ces encarts sont trop tentateurs. Ne pas dire de quelle nouvelle de Stevenson la BD est inspirée, est-ce que ce n'est pas diabolique ? J'étais déjà obligée d'aller à la librairie pour trouver la réponse. Et en plus il y avait une histoire de secrets, de famille un peu étrange (je m'imaginais la famille Adams)… J'ai donc ouvert l'album et je suis tombée sous le charme ! 

    Mon avis

    Ceux et celles qui connaissent l'oeuvre de Stevenson sur le bout des doigts (et je sais qu'il y en a) vous avez déjà trouvé de quelle nouvelle il s'agit mais pour les autres, c'est Olalla des montagnes (ou Olalla tout simplement pour certaines éditions).En fait pour avoir lu la quatrième de couverture de Olalla (que j'ai aussi en deux exemplaires : j'ai honte mais je n'en ai acheté qu'un, l'autre a été offert à ma mère), je peux vous dire que la BD est très très librement inspirée. Ils ont changé le titre, les personnages, seule la trame de fond reste…

    C'est une jeune fille blonde, très indépendante et libre, qui se retrouve malade des bronches. Son médecin l'envoie faire une cure de bon air de la montagne dans le val d'Aoste. Pour s'affranchir de son père, qui voulait qu'elle réside dans une certaine auberge, elle choisit de vivre dans une résidence (une sorte de château) très éloignée du village où habite une veuve et ses deux fils. La veuve pour la faire partir lui mord le pied, un des fils est un peu simplet et méchant (il tue les oiseaux à mains nus). Seul le deuxième fils, Amato, paraît normal. Il est surtout très beau (quels yeux!). Évidemment, la jeune fille en tombe amoureuse… Pendant ce temps là, la vallée est en effervescence : on retrouve des jeunes filles assassinées ! Le scénario est glaçant… 

    Dans les références, je vous ai écris ce qu'il y a dans l'album. Les bulles ne sont pas des dessins mais des peintures. Vous pouvez trouver des exemples de planches ici. J'ai lu sur internet que soit on se laisse porter soit non. Je suis dans le premier cas. La simplicité et la "grossierté" apparente des traits joue énormément dans l'ambiance suffocante de l'album. Tout est "flou" comme dans un mauvais rêve dont on croit que la jeune fille va se réveiller. Les couleurs sombres des intérieurs et les couleurs joyeuses des extérieurs renforce l'impression de noirceur de la maison.

    En conclusion, une réussite qui donne envie de se jeter sur Olalla !    

    Références

    Amato. Un récit de Denis Lapière. Peintures de Aude Samana (Futuropolis, 2009)

  •  

    Quatrième de couverture

    Maître dans l'art de décortiquer "les petites ironies de la vie", Thomas Hardy possédait aussi le talent de se pencher, en quelques pages, sur les grandes. Ces instants où une existence bascule, ces décisions dont il faudra à jamais supporter les conséquences, ces éclairs de lucidité qui pétrifient, il s'en fit le conteur subtil. Et si l'Angleterre qu'il nous dépeint a disparu, ses personnages gardent intact cet étrange et universel don de nous émouvoir. Quand un géant du roman se métamorphose en nouvelliste, les masques de ses courtes tragédies prennent un relief inoubliable.

    Mon avis

    Ça y est je suis folle de Thomas Hardy, encore plus qu'après Le retour au pays natal. Je me promenais tranquillement chez mon libraire dans la section anglaise qui fait deux étagères quand mes yeux ont buté sur un nom connu Thomas Hardy mais deux titres inconnus (enfin un seul l'autre j'ai vu des critiques sur internet) !!!! 

    Ici sont rassemblées quatre nouvelles de Thomas Hardy issues du recueil A changed man and other stories (pourquoi ne pas avoir fait paraître tout le recueil ? je ne sais pas). Elles ont été écrites entre 1881 et 1900.

    La première s'intitule Sous le regard du berger ou quatre nuits au clair de lune (What the Sheperd Saw, traduit par Pierre Coustillas) : un petit berger assiste à une rencontre entre une riche dame et son cousin, autrefois épris d'elle. Il aperçoit ensuite le mari de la dame qui a tout vu, mais pas tout entendu. Le drame se déroule sur trois nuits et la conclusion sur une (mais vingt deux ans plus tard). Chez Thomas Hardy, on paye toujours un jour ou l'autre. J'ai apprécié la construction de la nouvelle en acte comme au theâtre et la mise en scène d'un personnage extérieur, le petit berger, pour que l'action ne soit pas en huis-clos entre deux hommes et une femme. Cela ressemble un peu au Retour au pays natal où l'homme au rouge, en tout cas au départ, observe beaucoup. Le fait de faire intervenir un personnage qu'on croyait extérieur m'a aussi beaucoup plu car il permet une chute inattendue et pleine de sens dans la logique de Thomas Hardy.

    Les trois autres nouvelles font intervenir des militaires (pourquoi ?)

    Le deuxième nouvelle, Métamorphose (A changed Man – traduit par Françoise Vreck) parle d'une femme qui réussi à se faire épousée par un hussard. Elle est plus attirée par l'uniforme que par l'homme. Manque de chance il va se faire pasteur…

    La troisième, La tombe solitaire (The Grave by the Handpost – traduit par Michel Krzak) est la plus triste. Un père envoie son fils à l'armée en lui disant qu'il avait aimé ça quand il était jeune: il avait trouvé ça très formateur. Manque de chance, il n'y avait pas de guerre à son époque tandis que le jeune homme est obligé de partir aux Indes. Il écrit de là bas à son père une lettre désespérée et pleine de reproches. Le père se suicide et est enterré dans une tombe hors du cimetière, à un croisement de routes. Le fils revient, découvre ça, se repend affreusement et demande aux personnes d'une chorale de l'enterrer dignement. Il donne l'argent pour ça. Il repart ensuite dans l'armée pour que son père puisse être fier de lui, prend du galon… Il revient une nouvelle fois dans son pays natal et découvre ce que l'on a fait du corps de son père… C'est la plus triste car finalement c'est le jeune soldat qui paie alors que ce sont les villageois qui ont mal agit.

    La quatrième nouvelle est sûrement la plus féroce. Elle s'intitule Un dragon entre en scène (Enter a Dragoon – traduit par Noël de Beer. Une femme doit épouser un soldat. Juste après la deuxième publication des bans (il en faut trois), il doit partir à la guerre. Peu après, elle apprend qu'il est mort à la bataille de l'Alma. En réalité, il y a erreur de prénom. Le jeune homme revient mais après trois ans (il a été longtemps à l'hôpital). Entre temps, elle a accouché d'un petit garçon (du soldat), s'est résigné à prendre un nouveau fiancé. Or, le soldat revient juste avant le nouveau mariage, la fille rompt précipitemment avec le nouveau fiancé (qui lui était amoureux)… Elle le regrettera très cher (dans les dernières pages).

    Un recueil que je ne saurais trop vous conseillez tant les nouvelles sont excellentes et les traductions vraiment très bonnes !

    L'avis de Cryssilda.

    Références

    Métamorphoses de Thomas Hardy – traductions de Pierre Coustillas, Françoise Vreck, Michel Krzak et Noël De Beer – illustrations d'Anne Careil (L'arbre vengeur, 2007)

    P.S. Je ne connaissais pas du tout cette maison d'édition. J'ai déjà repéré un livre de G.K. Chesterton et un livre de Dickens (préfacé par Jean-Pierre Ohl, celui des Maîtres de Glenmarkie) qui sortira en septembre. J'ai aussi découvert une autre maison d'édition : Les moutons électriques. Ils vont faire paraître vers la fin de l'année un livre intitulé Les nombreux mondes de Jane Austen dans leur collection "La bibliothèque rouge". Dans la même collection, il y a Les nombreuses vies de Sherlock Holmes (qui passe pour être un ouvrage de référence, épuisé mais réédité en avril 2010), Les nombreuses vies d'Hercule Poirot, Les nombreuses vies de Miss Marple

  •  

    Le point de vue des éditeurs

    Veronica croit connaître son frère, et pourtant, le jour où elle apprend qu'il s'est jeté dans l'océan, elle s'aperçoit qu'elle en sait très peu sur lui. Dans de fébriles nuits d'écriture, elle capte et recompose les images du passé pour comprendre. Dans leur famille nombreuse, il n'est pas le premier à souffrir. Quel rôle Eros joue-t-il dans ces destins de pertes et de retrouvailles ?

    Parlant d'amour et de déception, de désirs forts et de frustration, ce roman a été distingué, en 2007, par le prestigieux Booker Prize. Il appartient à cette tradition irlandaise qui marie savoir-faire littéraire et franc-parler fougueux.

    Mon avis

    Je n'ai pas aimé ce livre parce que je me suis sentie trompée sur la marchandise. Au vu de la quatrième de couverture, j'ai pensé qu'à la suite du suicide de son frère Liam, Veronica se rappelait tous les souvenirs sur son frère pour essayer de le reconstituer devant elle, de le "retrouver" et essayer de comprendre son geste.  En réalité ce n'est pas du tout ça.

    Veronica, onze frères et soeurs (+ sept fausses couches de la mère), va ramener le corps de son frère (qui était en Angleterre) dans la maison maternelle. À cette occasion, elle se souvient et/ou invente ses souvenirs mais au début elle n'arrive pas à faire la différence entre imagination et vérité parce que ce qu'elle cherche à se souvenir est trop enfoui dans sa mémoire : il y a ce qu'elle croit avoir vécu et ce qu'elle a vécu. Au fur et à mesure elle redécouvre le souvenir douloureux qu'elle a cherché à enfouir si profond et ce souvenir concerne Liam. Entre deux tentatives pour se souvenir, on a le droit aux retrouvailles entre tous les enfants de la mariage, la chronique du mariage raté de Veronica, les nuits après la veillée mortuaire de Liam (elle évite son mari en vivant la nuit et en dormant le jour). 

    Ce qui ne m'a pas plu, c'est principalement deux choses. La quatrième de couverture m'a laissé penser que le livre serait centré sur Liam et ce n'est pas le cas. Veronica n'a qu'une démarche égocentrique : elle est centrée sur elle. Elle ne cherche pas à comprendre pourquoi Liam s'est suicidé mais pourquoi elle va mal et pourquoi dans sa famille ils sont tous un peu bizarres et comment ça l'a influencé ELLE. Je ne sais pas finalement si c'est Veronica qui ne m'a pas plu ou si c'est l'écriture de Anne Enright que je n'ai pas comprise. Elle nous dit que Veronica tombe de plus en plus dans la folie mais elle ne nous le fait pas sentir (ça en général je ne pardonne pas). Nous dire que tel souvenir est inventé ou pas ne suffit pas, en tout cas à mon avis.

    De plus, la structure du livre est un peu étrange. C'est comme si l'éditeur avait fait tomber les chapitres du livre et qu'ils n'avaient pas de numéro. L'éditeur les a alors remis dans le désordre. Ce qui donne cette impression c'est qu'Anne Enright ne se donne même pas la peine de situer les chapitres assez rapidement.

    En conclusion, c'était l'écrivain irlandais qui me tentait le moins au vu des résumés de ces précédents livres. Ici, elle semblait avoir changé complètement de registre. J'aurais dû rester sur cette impression et ne pas tenter…

    Références

    Retrouvailles de Anne ENRIGHT – roman traduit de l'anglais (Irlande) par Isabelle Reinharez (Actes Sud, 2009) 

     

  • SequestreeChqrlottePerkinsGilman

    Quatrième de couverture

    Ce classique des lettres américaines est, selon Diane de Margerie qui en a établi la présente édition, « de ceux qui laissent une trace ineffaçable ». Et pour cause : ce récit halluciné, tendu et violent nous est livré à la première personne par une jeune mère tombée en dépression grave. Elle accepte de se soumettre à une cure de repos d’un genre radical, qui s’apparente à une séquestration pure et simple. L’idée du mari médecin : après un régime de privation si draconien, l’épouse taraudée par des idées d’émancipation n’aura qu’un souhait… échapper à sa prison pour retrouver enfin les doux plaisirs du foyers. Cependant elle ne réagit pas comme l’avait prévu la Faculté…
    Charlotte Perkins Gilman (1860-1935) fut l’une des premières féministes de l’Amérique moderne. Rendue un temps « folle »par le mariage et la maternité, partagée entre l’amour des hommes et celui de quelques femmes élues, Charlotte la scandaleuse ne cessa de lutter pour qu’on la laisse être ce qu’elle était.

    Mon avis

    Je vous ai dit à l’occasion de ma lecture de la biographie d’Edith Wharton par Diane de Margerie que j’avais très envie de lire La séquestrée de Charlotte Perkins Gilman. C’est chose faite ! Charlotte Perkins Gilman est une contemporraine d’Edith Wharton (elles ont deux ans d’écart) et ont subi une époque assez semblable, chacune des deux s’en sortant différemment. Charlotte Perkins Gilman a subi son mariage, a fait alors une profonde dépression à la suite de ça et de la naissance de sa fille. Elle y a sûrement vu la fin d’une vie intellectuelle (la fin de l’écriture qui lui a permis d’échapper à toutes les difficultés de sa vie) puisqu’en ce temps la femme ne pouvait choisir de rester à la maison pour s’occuper du foyer mais y était obligée par le mari (et par le reste de la société). Elle a alors dû se plier à la cure de repos à la mode préconisée par le docteur Silas Wir Mitchell, décrite par Ann Lane (biographe de Charlotte Perkins Gilman) et citée dans la postface de Diane de Margerie :

    « Ann Lane résume ainsi « sa méthode » [celle de Silas Wir Mitchell] : il fallait confiner ses patients, les mettre au lit, les isoler loin de leur famille, loin aussi de leurs lieux familiers, les gaver de nourriture, notamment de crême fraîche, car l’énergie dépend d’un corps bien nourri, enfin les soigner par des massages et des traitements électriques destinés à compenser la pasivité nécessaire à cette cure de repos.

    Après ce régime draconien de séquestration, la patiente n’avait qu’une idée, éviter cette prison, retourner chez elle, retrouver la vie dite « normale », réconciliée à l’idée de s’affairer dans la maison auprès de son mari et de ses enfants. C’était un traitement par la négation ; l’absence de toute activité intellectuelle ; la mort de toute créavité artistique, considérée dangereuse. » (p. 68-69)

    C’est cette cure de repos qui est décrite dans cette très courte nouvelle (48 pages) dont le titre en anglais est The Yellow Wallpaper. La jeune mère que nous suivons a déménagée pour trois mois dans une maison avec son mari (ils font des travaux dans la leur). Elle est un peu déprimée ; son marie, docteur, préconise qu’elle se repose, ne voit personne, ne fasse rien et elle ira sûrement mieux en sachant que cette jeune femme s’épanouit dans l’écriture. En plus, elle ne peut même pas choisir la chambre qu’elle va occuper. Elle doit aller au plus haut de la maison (il lui faut le grand air) dans une ancienne salle de jeux où il y a un papier peint très très moche. Par expérience personnelle je peux vous dire que ça peut vous faire vous poser beaucoup de questions. En effet, quand j’étais petite, j’étais dans la chambre que ma mère occupait trente ans plutôt et le papier peint était resté (il datait donc des années 60). Il était très bizarre et très sombre et vous donnait des cauchemards. Fini de parler de moi ! Donc, l’héroïne croît voir dans le papier peint un mystère à décrypter. En second plan, il y aurait une femme qui rampe et tente de s’échapper de ce monde. Je pense qu’il n’y pas besoin de vous expiquer la symbolique d’une femme qui rampe.

    La nouvelle est suivie de 40 pages de postface de Diane de Margerie qui éclaire la vie de Charlotte Perkins Gilman mais aussi le contexte de l’époque (on a soigné de la même manière Alice James, soeur d’Henry). Le travail efectué par Diane de Margerie est éclairant et apporte un éclairage très important sur le texte.

    En conclusion, une nouvelle à lire pour savoir comment il ne faut pas soigner la dépression !

    D’autres avis

    Ceux de Cathulu, de Lily, de Lou, d’Amanda Meyre, de Laure, de Malice, d’Un renard dans la bibliothèque, de Canthilde (qui commente aussi d’autres textes de Charlotte Perkins Gilman), de Brume

    Références

    La séquestrée de Charlotte PERKINS GILMAN – traduit de l’anglais (États-Unis) et présenté par Diane de Margerie (Phébus – Libretto, 2002)

  •  

    Le scénario : deux frères, Gaël et Joël, qui font partie des ligneurs d'Audierne, s'affrontent  dans la pêche au bar. Gaël est le plus doué parce qu'il est aidé d'un fou de bassan qui lui montre la voie. Joël est donc jaloux. En plus la mère entretient cette jalousie entre les deux frères : elle ne s'est toujours pas remise de la mort de leur père en pleine mer. Arrive Flore qui veut monter sur le bateau d'un des deux frères. Il y a alors une pseudo-compétition. La véritable star de la BD est le fou de Bassan que Gaël considère
    comme son "vrai" frère (il semble penser que c'est comme si son père le
    guidait). On apprend plein de choses sur ces oiseaux dans la postface du volume : pourquoi ils sont fous (ils n'ont pas peur de l'humain et se laissent tuer comme on veut mais les appeler stupide cela faisait moins classe), pourquoi ils sont de Bassan (cela vient de l'île de Bass en Écosse qu'initialement les ornithologues pensaient être le seul endroit où on puisse trouver ces oiseaux)…

    Soyons honnête : à mon goût, le scénario est un peu léger. C'est quand même une BD que je vous conseille de lire ou à défaut de feuilleter. Les dessins sont hyper-réalistes (surtout dans le choix des couleurs et de la technique de coloration) et "crèvent" littéralement la page. Vous trouverez ici quelques exemples de planches pour vous faire votre propre opinion.

    En conclusion, un très beau moment d'évasion !

    Références

    Mon frère, le fou de Séra – préface de Yann Queffélec (Futuropolis, 2009)

    P.S. Visiblement, les autres ouvrages de Séra sont consacrés au Cambodge (notamment les deux volumes dans la collection Mirages chez Delcourt), le pays natal de l'auteur.

  •  

    Quatrième de couverture

    "Herman Bang est une des figures les plus singulières et les plus fascinantes de la littérature danoise. On peut même dire qu'il fait partie de ces rares écrivains dont l'oeuvre, aussitôt traduite dans plusieurs langues et en particulier en France, a renouvelé de façon décisivela littérature scandinave de la fin du XIXe siècle. Né le 20 avril 1857, cet aristocrate se fait très tôt remarquer comme critique littéraire et dramatique et surtout comme romancier. Il a à peine vingt-trois ans lorsqu'il remporte un sucès de scandale avec Familles sans espoir, roman autobiographique "fin de siècle" qui témoigne de son admiration pour Balzac, Flaubert, Maupassant et Zola, mais lui vaut une interdiction pour outrage à la morale publique. Tine, son quatrième roman, qualifié "impressionniste" est publié en 1889 et reconnu comme une oeuvre majeure qui retrace l'agonie cruelle du peuple danois lors de l'offensive prussiene de 1864 avec en surimpression les drames de la vie quotidienne et la passion tragique d'une jeune femme. Ce roman a été traduit en France en 1894 et porté à l'écran par le réalisateur danois Carl Knud-Leif Thomsen. Après avoir refusé le Prix Nobel, Herman Bang meurt solitaire et en exil, au cours d'une tournée de conférences aux Etats-Unis, le 29 janvier 1912."

    Mon avis

    Je découvre avec ce livre l'auteur Herman Bang, auteur visiblement classique dans la littérature scandinave et dont de "nombreux" titres sont disponibles en français : Les corbeaux (L'élan), Maison blanche. Maison grise (Stock), Franz Pander (L'élan), Les quatre diables (Esprit ouvert), Katinka (Esprit ouvert), Plaisirs d'été (Circé). 

    L'auteur nous parle ici de Tine qui habite un village proche d'une zone de combat pendant la guerre des Duchés qui oppose en 1864 le Danemark à l'Empire d'Autriche et au Royaume de Prusse. Elle occupe son temps entre la maison de ses parents (son père est le sacristain du village) et la maison des Berg (un couple avec un petit garçon). Tout va bien jusqu'à l'annonce de l'entrée en guerre. Après le choc (le père de Tine devient fou), les habitants accueillent les soldats qui vont et reviennent du front (ils voient donc les blessés, la fatigue, le découragement…) La femme et le fils de l'inspecteur Berg sont partis se réfugiés à Copenhague, tandis que lui est appelé sur le front. Va alors naître une idylle entre Tine et l'inspecteur Berg qui se concluera de manière tragique. Il n'y a aucun bonheur dans le livre d'Herman Bang.

    C'est un beau roman pour la manière dont est décrite le choc de la guerre. Par son écriture, Herman Bang arrive à nous faire sentir la vie de Tine : elle court de maisons en maisons en se souciant de tout le monde sauf d'elle-même. Il nous fait ressentir l'effroi de la population vis à vis de la guerre par ce que la quatrième de couverture qualifie d'impressionisme : une succession de petits tableaux où l'héroïne est toujours là (pas forcément physiquement). L'histoire d'amour entre Berg et Tine n'est qu'en filigrane. Herman Bang ne la décrit pas vraiment (ce n'est pas un mélo), il met seulement des petites touches. 

    Par contre, les coquilles et traductions un peu étranges ont gêné ma lecture (c'est une "vieille" traduction visiblement). Il est dommage qu'il n'y ait pas de notes explicatives et une carte pour tout ce qui concerne les références au Danemark et à la culture danoise. Pourtant le travail de préface et de bibliographie de Claudine Brécourt-Villars est fortement intéressant pour tout ce qu il nous apprendsur l'auteur.

    En conclusion, c'est une découverte intéressante d'un auteur que je ne connaissais pas. J'approfondirai sûrement.

    P.S. : J'ai cherché le film de Carl Knud-Leif Thomsen de 1964 n'est disponible qu'en danois…

    Références

    Tine de Herman BANG – traduit du danois – préface et bibliographie de Claudine Brécourt-Villars (Stock – La bibliothèque cosmopolite, 1997)

  •  

    Chapitre 1 : printemps 1830

    On découvre Hugo, le père de Bernard en jeune marié. Il vient d'épouser Blanche plutôt par convenance que par amour. En effet, celle-ci est enceinte pas de Hugo mais du père de Hugo Maxime-Auguste. Lui est marié avec Constance en deuxième noce. Ils ont quatre enfants : Honorine (à la page 36 elle s'appelle Hortense mais bon personne n'est parfait), Camille, Hugo et Victoire. En premier noce, il avait épousé une certaine Louis-Marguerite Collée. Ils ont eu trois enfants ensemble deux garçons et une fille : Judith-Égalité (c'est la branche du fameux cousin Guizot). Les deux garçons sont morts pendant la révolution parce qu'ils s'appelaient de Sambre et pas Sambre. Le principal est de savoir que les deux garçons avaient les yeux bleus et que les enfants du second mariage ont les yeux noirs (c'est la bonne couleur chez les Sambre). 

    En dot, Blanche apporte à Hugo une mine peu rentable parce que le filon est épuisé. Il y rencontre le fameux vicaire Horace Saintange. C'est le sobriquet que les ouvriers donnent à leur contremaitre. Celui-ci est très éduqué. Alors, quand ils découvrent que dans la mine, il y a des ossements préhistoriques dont un crâne avec des rubis rouges dans les yeux. Tout s'emballe dans la tête de Hugo. il devait pourtant sauver les Sambre d'une faillite certaine en vendant cette mine. Il réussit à se fâcher avec ses parents et part seul à Paris étudier pour mieux comprendre l'origine ds corps de la mine.

    Pendant ce temps, Blanche subit la méchanceté de ses belles-soeurs et de sa belle-mère, tout en essayant de repousser son beau-père. On lui demande de teindre ses cheveux en rouge comme toute la famille. Ce n'est pas leur couleur naturelle. Je pensais que c'était un roux un peu criard mais non ! Le mystère est enfant résolu.

    Chapitre 2 : automne 1830

    Je vais être rapide sur ce tome : c'est la rencontre entre Iris et Hugo ou comment Hugo met en place sa théorie sur la guerre des yeux.

    Mon avis

    Je vous cite les deux avis de La Liseuse qui m'ont donné envie de lire cette sublime saga familiale : celui sur le tome 1 et celui sur le tome 2. Comme je le disais dans le billet précédent, les dessins (ainsi que les couleurs) de Bastide et Mezil donnent une toute autre amiance à ces deux volumes par rapport aux Sambre. Ce sont surtout les effets de lumière qui sont ici travaillés. Tout l'album est sombre dès lors qu'il n'y a ques les Sambre ; on retrouve la lumière avec des teintes orangés rouges quand il s'agit de la guerre des yeux ou de personnes avec les yeux rouges. Les traits des visages sont plus détaillés même si l'expression des yeux n'y perd pas.Les décors sont aussi mis en avant par rapport aux volumes des Sambre.

    Enfin bon, je vous le dis une dernière fois, après je ne vous embêterai plus : il faut absolument lire cette série !!!!

    Références

    La guerre des Sambre – Hugo et Iris

    Chapitre 1 : printemps 1830 – Le mariage d'Hugo, paru en 2007

    Chapitre 2 : automne 1830 – La passion selon Iris, paru en 2008

    de Yslaire pour le scénario et la mise en scène, Bastide et Mezil pour les dessin et couleurs (Futuropolis – Glénat)

     

  •  

     

    Chapitre V – troisième génération (1856-1871)

    Pendant ce long week-end, beaucoup de soirées BD : les prochains billets vont donc y être un peu consacré. J'ai fini les Sambre avec le tome V qui est consacré à l'enfant de Julie et Bernard : Bernard-Marie. Il y a aura trois autres tomes pour nous raconter sa vie : ici, on ne parle que de son enfance.

    L'action se situe en 1857. Deux récits s'entremêlent : un portant sur Julie et un autre sur Bernard-Marie. Julie a survécu à son accouchement sur les barricades de 1848. Il y avait deux enfants : une petite fille morte née et le petit garçon. Le cousin Guizot s'est empressé de lui prendre et de le confier à Sarah, la soeur de Bernard. Julie a été condamnée à vie pour crimes et activités révolutionnaires. Elle purge sa peine au bagne de Brest. Sur les entremises de Guizot, on lui propose de "refaire sa vie", et donc de ne plus jamais revoir son fils, mais loin de la métropole, à Cayenne !

    Pendant ce temps, Sarah ne raconte que des mensonges à Bernard-Marie sur sa mère, sur l'histoire d'amour entre Julie et Bernard. Elle montre toujours un peu plus de folie à propos de la guerre des yeux, sa plus grande fierté étant que Bernard-Marie est un vrai Sambre : il a les yeux noirs et non rouges comme sa mère. Mais attention tout peut changer !

    Encore une fois l'univers d'Yslaire m'a séduite complètement. Il faut dire que quand on a lu les quatre premiers tomes, on ne peut s'empêcher de tout lire. Ce monsieur a le don de raconter l'histoire d'épopées familiales (je suis assez friande de ce genre). Par contre, juste après, j'ai lu La guerre des Sambre : l'histoire de la première génération. Les dessins ne sont plus faits par Yslaire mais par Bastide et Mezil. En comparaison, le trait d'Yslaire paraît plus carré et le choix de couleur plus tranché. Yslaire est plus soucieux de figurer la fameuse guerre des yeux en insistant sur les yeux et l'expression des visages. Mais les deux genres me plaisent beaucoup parce que différents.

    Ça y est, je suis complètement accro : le libraire avait raison !

    Références

    Sambre. V :  Maudit soit le fruit de ses entrailles de Yslaire (Glénat, 2003)