Quatrième de couverture
Dans un bourg endormi d’Argentine, deux adolescents nouent une curieuse relation. Ils possèdent des facultés intellectuelles très supérieures à la moyenne, et le seul moteur de leur amitié est la compétition. Mais si le narrateur veut surtout se confronter à la réalité et conquérir sa place au soleil, Gustavo Roderer est un génie dévoré par une quête extraordinaire : l’élaboration d’une philosophie révolutionnaire. Cloítré chez lui, flirtant avec les drogues et maniant des idées destructrices, il cherche à repousser les limites de sa réflexion. Agacé et fasciné, son ami s’acharne à lui démontré l’inanité de ses questionnements. Ces deux brillantes intelligences s’affrontent en une lutte qui finit par devenir une question de vie ou de mort.
D’inspiration borgésienne, ce premier roman encore inédit en France mélange avec virtuosité suspense et métaphysique.
Né en 1962 à Buenos Aires, docteur en mathématiques, Guillermo Martínez a publié La mort lente de Luciana B. et Mathématique du crime.
D’autres avis
Ceux de Ys, Maggie et Mrs. Pepys …
Mon avis
Des fois, je me dis que je ne comprends rien au roman que je lis parce que par rapport au monsieur de la quatrième de couverture, je n’ai vu ni compétition, ni inanité des questionnement, ni question de vie ou de mort … De Guillermo Martínez, c’est le deuxième livre que je lis après Mathématique du crime. J’étais en maîtrise de mathématiques appliquées et le gars qui mettait dans son titre mathématique et crime je trouvais ça très accrocheur. À la lecture, j’avais apprécié que l’auteur pense la même chose que moi : les étudiants en mathématiques ont un côté de psychopathe qui peut faire peur, surtout quand il est encouragé par des professeurs qui sont des tueurs en série, et qui raisonnent en utilisant la logique mathématique. Ils résolvent le crime à coup de maths tout de même ! C’était un roman où finalement on ne ressentait aucune empathie pour les personnages, et c’est encore le cas avec celui-ci. C’est un roman qui se lit avec la tête et pas avec le cœur.
Je l’ai lu hier soir et j’avoue que tout cela me pose plein de question. J’ai compris ce roman comme un roman de dualité et qui faisait écho aux questionnements du mathématicien Guillermo Martínez. L’auteur Guuillermo Martínez met en scène deux personnages : le narrateur et le fameux Gustavo Roderer. Les deux n’ont pas la même intelligence (voir extrait ci-dessous) : un à une intelligence qui lui permet d’apprendre vite ceux que d’autres mettent longtemps à comprendre, de réutiliser, d’améliorer les choses, c’est une intelligence qui s’insère dans la vie réelle, l’autre a une intelligence de sensation : il lui manque quelque chose pour profiter de sa tête, quelque chose qu’il se propose de chercher sans répits. Je ne crois pas que l’on puisse être l’un ou l’autre. C’est pour ça que j’ai pensé que finalement c’était un peu deux côtés d’un même personnage. Entre Gustavo et la narrateur va naître à mon avis une sorte d’émulation, chacun essayant d’expliquer sa vision du monde, car ici c’est bien de ce dont il s’agit. Je n’ai pas réussi à voir si il s’agissait d’en imposer l’une par rapport à l’autre ou de les concilier. C’est la première dualité dont parle le livre.
Ensuite le narrateur décide d’étudier les mathématiques à l’université alors qu’il souhaitait plus se consacrer aux humanités. En cela, il suit les conseils de Gustavo. Il n’étudiera pas n’importe quelle branche des mathématiques mais celle de la logique. Ce qu’il faut voir, c’est qu’en mathématiques appliquées, finalement, le but c’est de modéliser une situation réelle en la rendant abstraite vis à vis de certaines contingences. En général, on se pose la question de à quoi servent et à quoi serviront nos travaux. Les mathématiques pures, et principalement la logique à mon avis, c’est autre chose : on créé une nouvelle manière de penser, une nouvelle manière de voir les choses. On est dans l’abstraction pure. En général, ce sont souvent les logiciens qui ont besoin de devenir philosophe parce qu’ils ont besoin de se raccrocher à la vie. Et c’est ce qui passe ici. Finalement, Gustavo qui est en train de créer son système philosophique a besoin de se raccrocher au monde et cela passera par les mathématiques et inversement. Gustavo et le narrateur vont essayer de raccrocher leurs wagons. Cela passe en particulier par la démonstration d’un théorème (du mathématicien Seldom, clin d’œil au professeur du livre Mathématique du crime, clin d’œil pour nous lecteur français pour les autres c’était dans l’autre sens). Ce théorème établit « fondamentalement », « l’insuffisance de tous les systèmes connus jusqu’à maintenant ». Il parle de système mathématique comme philosophique (c’est mieux expliquer dans le livre). Et c’est là que tout se complique, la vie de Gustavo doit-elle s’écrouler car vaine ou est-ce que c’est la vie du narrateur qui finalement quoi qu’il fasse n’arrivera à rien créer qui puisse tout expliquer. Finalement, chacun des deux s’en sort puisque le narrateur fera des compromissions et arrivera à vivre réellement. Gustavo lui expliquera que le théorème n’envisage que les cas de dualité, c’est oui ou c’est non, que les systèmes philosophiques passés n’envisagent que ces ces cas de dualité suite à des approximations. Il dira que son système à lui envisage une troisième voie. Sauf que moi, j’avais lu tout le livre en pensant que deux choses, deux manières de penser s’opposait et que toute la construction du livre était basé sur cette dualité. Je me suis dis que j’avais louper quelque chose. À cela, l’auteur ajoute une allusion à la nouvelle d’Henry James, L’image dans le tapis, où l’auteur se moquait du critique qui cherchait un sens à l’œuvre de l’autre et me voilà toute pensive.
La fin m’a elle laissé encore plus perplexe parce que je n’ai pas réussi à comprendre si l’auteur avait une voie ou une autre parce que finalement tout le monde est parti d’Argentine.
Quand on pense que c’était un premier roman et qu’il ne fait que 120 pages, cela fait peur.
Extrait
Puis il déclara que les diverses formes de l’intelligence pouvaient se réduire à deux formes principales : la première, l’intelligence assimilative, celle qui agit comme une éponge et absorbe immédiatement tout ce qui s’offre à elle, qui avance, confiante, et trouve naturelles, évidentes, les relations et analogies établies auparavant par d’autres, qui est en harmonie avec le monde et se sent dans son élément quel que soit le domaine de la pensée.
[…]
Ce genre d’intelligence ne se différencie qu’en termes quantitatifs des facultés normales de tout individu, il s’agit seulement d’une accentuation du sens commun : plus de rapidité, un esprit plus pénétrant, plus d’habileté dans les opérations d’analyse et de synthèse. C’est l’intelligence des « talentueux », ou « capables », qui se comptent par milliers. […] C’est l’intelligence qui s’accommode le mieux de la vie, et c’est aussi somme toute celle des grands savants et des humanistes. Elle ne recèle que deux dangers : l’ennui et la dispersion. La vanité l’incite à aborder tous les domaines, et l’excès de facilité, on le sait bien, finit par lasser.
[…]
Quant à l’autre forme d’intelligence, elle est beaucoup plus rare, plus difficile à rencontrer : elle trouve étranges et souvent hostiles les enchaînements de la raison, les arguments les plus habituels, ce qui est su et prouvé. Rien, pour elle, n’est « naturel », elle n’assimile rien sans éprouver en même temps une certaine réaction de rejet : « C’est écrit , d’accord, se plaint-elle et pourtant ce n’est pas comme ça, ce n’est pas ça. » Et ce rejet est parfois si brutal, si paralysant, que cette intelligence court le risque de passer pour de l’aboulie et de la stupidité. Deux dangers la guettent aussi, beaucoup plus terribles : la folie et le suicide. Comment surmonter cette douloureuse remise en cause de tout, cette sensation d’être étranger au monde, ce regard n’enregistrant qu’insuffisances et lacunes das tous les liens que les autres estiment nécessaires ? Quelques-uns y parviennent néanmoins, et alors le monde assiste aux révélations les plus prodigieuses, et l’exilé de tout enseigne aux hommes à avoir un regard neuf, un regard à leur façon. Ils sont peu, très peu ; l’humanité les accueille à bras ouverts et les appelle génies. Les autres, ceux qui se perdent en route…,murmura-t-il pour lui-même, ne trouvent pas leur place au soleil. (pp. 37-39)
Références
La vérité sur Gustavo Roderer de Guillermo MARTÍNEZ – traduit de l’espagnol (Argentine) par Eduardo Jiménez (NiL, 2011)