Cecile's Blog

  • Présentation de l’éditeur

    Un Argentin qui a fui la dictature s’est réfugié en Italie. Mais la violence froide et implacable de son passé va le rattraper. Sa route va croiser par accident celle de deux tueurs fous. Un polar en clair-obscur fantastique porté par une sombre réflexion sur la vie, l’amour et la mort. Le père fouettard est caché dans l’armoire et c’est un dangereux serial killer.

    Le testament de Rubén Sosa l’un des plus grands auteurs dessinateurs made in Argentine.

    Mon avis

    Heureusement que l’éditeur a présenté l’histoire car à la première lecture, j’avais compris que l’un des tueurs fous était l’Argentin devenu Italien. Récapitulons, la bande dessinée comprend donc deux histoires en parallèle qui finiront par se rencontrer (parce que ce n’était pas de véritables parallèles à mon avis). Un Argentin a fui la dictature pour se réfugier en Italie. Il a une « amie » avec qui il s’entend principalement sexuellement et ne sait pas comment lui dire jusqu’à ce qu’il rentre dans une cabine téléphonique dans un bar. Pendant ce temps, deux tueurs fous rentrent dans un immeuble et tuent un professeur de maths et sa femme (et le chien avec ça) après leur avoir fait très peur en s’incrustant chez eux. Les tueurs ont du coup besoin de boire une petite bière et du coup, ils rentrent dans un bar qui va fermer. Vous devinez sans doute que les parallèles vont se rencontrer à ce moment là.

    Ce qui est très beau dans cet album, ce sont les dessins et les couleurs. Les dessins sont extrêmement précis. Chaque visage est travaillé comme si c’était un portrait. Dans la postface, José Jover explique à quoi cela est du : Rubén Sosa travaillait uniquement à partie de photos de ses proches. Par exemple, pour la femme du professeur de mathématiques, il a pris sa femme à lui et pour le professeur, il s’est pris lui tout simplement. On nous montre toujours dans la postface deux photos et franchement c’est hallucinant : chaque case est un tableau plus que travaillé. Les couleurs elles donnent un aspect plus flou au travail, peut être plus tourbillonnant, comme si l’image était prise sur le vif. Elles sont multiples mais très « artificielles ». Cela donne l’impression d’un rêve ou d’un cauchemar c’est selon.

    Il s’agit d’une œuvre posthume de cet auteur argentin. Je pense que la suite n’est jamais parue en France (mais par contre en Italie, où Rubén Sosa avait son école de dessin, oui) et c’est dommage car la fin de l’album donne envie de savoir ce que l’auteur nous avait réservé.

    Références

    Tigres de papier de Rubén SOSA – présenté et préfacé par José Muñoz – président Angoulême 2008 – traduction de Patrizia Molteni – adaptation de José Jover (Tartamudo, 2008)

  • Dans cet album, ce qui à mon avis prédomine, c’est l’histoire. Le travail graphique se situe au second plan et ce n’est franchement pas ce que l’on remarque. En plus, en rouvrant, je trouve qu’il est plus ou moins classique et ressemble aux bd que vous trouvez dans les musées pour expliquer les choses aux enfants (et aux adultes aussi).

    Des lycéens ont un travail à faire pour l’école et un des garçons explique que son arrière-grand-père a été enfermé dans un camp de concentration. Ils décident de l’interroger même si le vieux n’est pas très bavard et surtout ne parle jamais de cette époque. Quand ils sont dans l’appartement, il commence à leur raconter son histoire. Celle d’un jeune allemand, homosexuel comme à peu près toute sa bande de copain. L’arrière grand père commence à leur parler de sa vie, entre ses amants, sa mère, son travail de dessinateur pour lequel il est reconnu, une vie sans histoire jusqu’à l’arrivée d’Hitler au pouvoir, ou plus exactement après la Nuit des Longs Couteaux où tous les SA ont été assassinés par les SS. Les homosexuels étaient plus ou moins épargnés par le travail de « purification » de l’Allemagne car le chef des SA était gay. Mais après tout s’enchaîne pour le narrateur, jusqu’à la déportation pendant plus de 9 ans dans les camps.

    Ce que cette bande dessinée ce n’est pas la déportation mais le traitement qui est fait de cette déportation. Quand il revient des camps, Andreas n’est pas reconnu comme une victime et n’a le droit à aucune. Après son retour, Andreas sera maltraité par ses concitoyens car beaucoup de « vrais héros » sont morts dans les camps. Son amie, lesbienne, n’a pas été déportée mais elle a été engrossée par un bon allemand parce qu’il fallait lui apprendre. Andreas assumera cet enfant qui le fera arrière-grand-père, en France, car il a choisi l’exil pour ne pas se retrouver incarcérer pour récidive dès qu’il ira voir un homme. Pourtant, il ne la trouvera pas car les mentalités dans notre pays sont les mêmes.

    Ce qui m’a fait très peur dans ce récit c’est la conclusion : les jeunes n’y croient pas, ne pensent pas qu’il raconte la vérité. J’ai appris l’existence des différents triangles sur les uniformes des déportés et il ne m’est absolument jamais venu à l’idée de penser que ce n’était pas vrai. J’ai trouvé cette conclusion soit d’une réalité choquante soit d’un pessimisme voulu qui fait peur. Ce que cet album souligne aussi c’est la déportation très précoce des Allemands (je l’ai appris en lisant d’autres livres mais c’est toujours bon à rappeler). Andreas dira même qu’ils ont inauguré les camps voire construit. Pour finir, je vous cite le rabat de la couverture qui donne une chronologie du « paragraphe 175″, qui est l’ »article du Code pénal allemand qui a envoyé en déportation des milliers d’hommes, puis les a poursuivis juridiquement encore bien longtemps après la fin de la Seconde Guerre mondiale. »

    1794 : première loi prussienne condamnant l’homosexualité masculine.

    1871 : actualisation de la loi lors de l’unification allemande.

    1935 : durcissement de la répression suit à l’accession des Nazis au pouvoir. Les homosexuels, perçus comme un péril pour la race car ils « refusent de se reproduire », sont désormais systématiquement pourchassés et seront parmi les premiers à subir l’univers concentrationnaire. Placés en bas de l’échelle hiérarchique des prisonnier des camps, leur taux de mortalité sera d’ailleurs l’un des plus élevés.

    1942 : le gouvernement de Vichy introduit le « paragraphe 175 » dans le code pénal français ( article 331).

    1950 : la RDA modifie la loi nazie et réduit les sanctions encourues.

    1968 : la RDA réduit l’application des peines aux seuls adultes entretenant des relations homosexuelles avec un mineur.

    1969 : la RFA réduit l’application des peines à certains cas.

    1973 : la RFA revoit le « paragraphe 175 ».

    1982 : la France supprime l’article 331 du Code pénal.

    1988 : la RDA abolit définitivement le « paragraphe 175 ».

    1994 : dans l’Allemagne réunifiée la loi est abolie.

    1998 : en France, de violents affrontements homophobes ont encore lieu lors de commémorations ; une fédération de déportés sera condamnée pour de tels actes…

    Références

    Triangle rose de Michel DUFRANNE (scénario), de Milorad VICNOVIC-MAZA (dessin et couleurs) et Christian LEROLLE (couleurs) (Quadrants / Astrolabe, 2011)

  • Je continue de vous faire les billets de mon Read-A-Thon personnel uniquement passé à lire des bandes dessinées.

    C’est une bd dont j’avais entendu parler à la radio, dans l’émission La Dispute, et sur un blog, celui de Yokai. J’ai passé un excellent moment car le travail de Nick Bertozzi est vraiment très original tant par le scénario que par le dessin et les couleurs.

    Commençons par l’histoire. On est à Paris en 1907. Un tueuse en série, une femme au teint bleu, choisit ses victimes dans les milieux artistiques. Au même moment, Leo et Gertrude Stein tiennent un salon où se retrouve Guillaume Apollinaire, Erik Satie, Picasso, Georges Braque et la maîtresse de Gertrude Stein, Alice B. Toklas. Tout ce petit monde forme une communauté excentrique, on s’engueule, on s’aime, on s’encourage … mais surtout aime rentrer à l’intérieur des tableaux que les Stein collectionnent en utilisant l’absinthe bleue. C’est Gauguin qui a initié Leo Stein à ce liquide magique. Tous ces personnages décident de mener l’enquête ensemble et on peut dire que le dénouement est plutôt inattendu et farfelu.

    Nick Bertozzi a pris quelques libertés avec les éléments biographiques des personnages, en particulier pour Gauguin mais il est franchement très drôle de voir la manière dont Picasso se comporte, dont Georges Braque se prend au sérieux et comment ces deux personnages se mettent à travailler ensemble, et à réfléchir à leur art ensemble.

    Pour les dessins, j’ai trouvé qu’ils avaient un style comics américain pour les personnages mais plus franco-belges pour les décors. Cela donne un drôle de mélange. C’est souligné par le fait que les couleurs des personnages sont très tranchées par rapport à celle des décors. De même, le fait que les couleurs changent très souvent autant pour les décors que pour les personnages donnent un aspect psychédélique au travail de Nick Bertozzi mais contribue aussi à maintenir l’attention (dans mon cas en tout cas).

    En bonus, il y a les esquisses de Paris, au crayon noir donc, entre les chapitres qui sont absolument magnifiques, très finement travaillées.

    En conclusion, si vous avez l’occasion de lire cette bande dessinée, cela peut vous faire passer un bon moment de lecture.

    Références

    Le Salon de Nick BERTOZZI – traduit de l’anglais (États-Unis) par Christophe Grosdidier (Cambourakis, 2011)

  • Présentation de l’éditeur

    C’est un scorpion tatoué au dos d’une jeune Française que le narrateur a rencontrée un soir, dans un dancing, sur la côte israélienne. Il hante chaque nuit ses rêves, tente d’escalader le miroir de sa chambre, n’y parvient pas, tombe et recommence sans cesse, ruisselant de sueur. Mais un scorpion, qui ne boit pas d’eau, qui n’a pas de pores, peut-il transpirer ? Et s’il transpire, reste-t-il le même, ne perd-il pas tout son venin ?

    Construit de bout en bout sur cette métaphore, ce roman d’Akram Musallam dénonce la situation issue des accords d’Oslo et de l’échec de la deuxième intifada. Et il le fait avec beaucoup de lucidité et d’amertume, et avec cette autodérision qui est l’une des principales caractéristiques de la littérature palestinienne. L’impuissance du scorpion est aussi celle du père du narrateur, qui a perdu une jambe, et sa virilité avec, rouillé. Il demande néanmoins à son fils de lui masser la jambe amputée ou de la laver, ne pouvant reconnaître la perte ou l’accepter. D’autres figures apparaissent au fil du récit pour aussitôt disparaître, dont celle d’un prisonnier, « mulet de la révolution », qui vient d’être libéré après dix-huit ans d’incarcération, et qui se trouve contraint de se remettre au service de ceux qui l’ont toujours considéré comme un vrai mulet…

    En campant de tels personnages, dotés chacun d’une forte charge symbolique, et grâce à une écriture à la fois sobre et dense, Akram Musallam se place parmi les plus talentueux écrivains palestiniens d’aujourd’hui.

    Mon avis

    J’avoue volontiers que je n’ai pas tout compris au livre, en particulier à ce qui semble être le principal, la métaphore du scorpion. J’ai donc lu ce livre il y a trois semaines et je ne sais toujours pas quoi en penser. Il ne m’a pas semblé qu’il y ait d’histoires au sens le plus basique du terme (ces choses avec un début, un milieu et une fin).

    Ce que j’ai ressenti c’est l’omniprésence du vide dans ce texte, un vide qui dans la tête du narrateur semble détruire tout mais qui semble aussi caché quelque chose vers lequel il faut aller. Le principal vide c’est la jambe du père du narrateur. Que le père en soit éprouvé même vingt ans après c’est je pense logique mais même le narrateur est très marqué par cela (il venait de naître quand l’accident c’est passé) : il y voit des symboles (perte de la virilité mais aussi perte de souvenirs) Il y a le cinéma-club où il a rencontré la fille au scorpion qui sera détruit lors de frappes aériennes. Là encore, il ressent très vivement ce vide que lui laisse les décombres. Il perd une partie importante de sa vie. Dans tout le roman, il semble pourtant courir après quelque chose mais je n’ai pas compris quoi.

    Ce qui m’a fait penser à cela, c’est un procédé narratif que l’auteur utilise de manière très étrange. Il s’agit de ses discussions avec le « mulet » de la quatrième de couverture. Il ne parle pas de ce qu’il ressent mais plutôt de comment il doit écrire dans ce roman ce qu’il ressent. Il fait en quelque sorte intervenir les réflexions qu’il a eu en écrivant son roman. On a l’impression qu’il tourne autour du pot comme si il tournait autour de ce qu’il ressentait.

    En conclusion, je pense que ce roman aurait mérité, dans mon cas au moins, une préface ou une postface parce qu’on sent qu’il y a quelque chose mais nous aussi on court après ce quelque chose, même si on ne connaît pas sa nature.

    Références

    L’histoire du scorpion qui ruisselait de sueur de Akram MUSALLAM – roman traduit de l’arabe (Palestine) par Stéphanie Dujols (Actes Sud / Sindbad, 2010)

  • Matilda avait parlé dans son billet de la série de Malika Ferdjoukh Quatre Sœurs qui lui avait beaucoup plu. Puis Niki a parlé de la série aussi, mais en livre et en bd et là j’ai compris que l’album dont je voyais la couverture partout était issue de cette série (j’ai l’esprit très vif parfois).

    Au cas où quelqu’un ne sache pas, je rappelle que l’histoire parle de cinq sœurs, les Sœurs Verdelaine, Charlie, Enid, Hortense, Geneviève et Bettina, qui vivent toutes seules dans la grande Vill’Hervé, depuis la mort dans un accident de voiture de leurs parents. Ce n’est pas évident car elles ont entre 9 et 23 ans, ont leurs petits problèmes (d’adolescence surtout) mais aussi leurs gros problèmes (un arbre qui s’écrase dans le puits, une vieille chaudière) mais tout cela se règle dans la bonne humeur (pour beaucoup) et dans le fouillis (un petit peu). C’est une chouette histoire qui m’aurait énormément plu quand j’étais plus jeune parce que j’étais fan de la série La Vie à cinq et que cela ressemble quand même beaucoup.

    Venons-en à ce qui a moins plu à Niki (ce qui est bien puisque cela m’a valu l’envoi de l’album donc je suis contente), les dessins. Je les ai trouvé assez enfantin. Comme dit Niki, les frimousses des enfants sont très mignonnes, bien rondes. Les filles ont le teint frais avec des joues bien roses (du au grand air sûrement). Dans mon cas, plus que les dessins, je dirais que ce sont les couleurs qui m’ont gênée car elles donnent un aspect très vieux à ce roman graphique. On a l’impression qu’il a été édité au temps de ma mère ou de mon temps à moi (cela m’a rappelé les triplés aussi). Même la mise en page fait vieillotte. La police d’écriture en rajoute. L’impression que j’ai eu c’est celle d’un roman graphique pour petite fille modèle, bien sage, bien coiffé avec la petite barrette dans les cheveux et tout et tout. C’est même l’appréciation générale que je donnerais de l’album : « mignon ».

    Au départ, je m’étais dis que cela vaudrait le coup de le mettre dans les mains d’un enfant pour lui donner envie de lire la série mais en y réfléchissant je ne crois pas car moi (je suis vieille donc cela ne compte pas), cela ne m’a pas donnée envie de lire les livres (les avis que j’ai lu oui mais pas ce livre).

    Références

    Quatre soeurs – tome 1 : Enid de Malika Ferdjoukh et Cati Baur (Delcourt, 2011)

  • Encore une bande dessinée que j’ai prise complètement au hasard à la bibliothèque (heureusement que je ne paie pas) et qui m’a bien plu pour le coup (il y avait Stalingrad dans le titre et j’étais à peu près sûre de ne pas me tromper).

    On est donc en 1942 à Stalingrad, en plein hiver. Les Soviétiques et les Allemands se battent depuis juillet dans la ville. Le combat est rude. Staline a décidé de faire un film exaltant le courage de ses troupes. Quatre hommes vont s’en charger.

    Manque de chance, quand on envoie tout le monde en camp de redressement, il ne reste plus grand monde. Le réalisateur, Yaroslav, est là grâce au piston de son oncle, le redoutable procureur Vichinski. Yaroslav est mort de peur dans cette ville de combat qu’est devenue Stalingrad (étant priviligié, il n’a pas vraiment compris ce qu’était la guerre : privations, morts …) et en plus il est mauvais cinéaste (en tout cas un des plus mauvais car il n’est pas Eisenstein, Tchaoreli …) Ce n’est pas moi qui le dit mais Abel Kazakstov, alias Simon, qui est le deuxième homme de l’équipe. Avant d’être interné en camp de redressement (par une décision de Vichinski) , il était directeur du centre cinématographique soviétique et n’a jamais voulu de Yaroslav. Tout cela pour dire que les deux hommes ont un compte à régler ! Cela joue assez petit comme règlement de compte dans ce premier tome en tout cas. Deux soldats sont là pour arbitrer le match : le chef, qui joue sa vie dans la réussite de la mission, et un autre soldat qui est là pour pourvoir aux besoins des trois autres hommes.

    Ce premier volume est plutôt un volume introductif pour installer les personnages et les relations entre eux. Il met du temps à commencer pour ce qui est de l’action pure, celle que l’on attend, où les hommes seront pris entre deux feux, où il y aura un risque permanent.

    Les dessins des paysages sont apocalyptiques. Ceux des personnages sont intéressants : ils m’ont un peu fait penser à Fido Dido quand j’étais petite. Le trait est assez simple ; les personnages sont entre le croquis et le dessin. Dans l’ensemble, cela m’a rappelé les bandes dessinées de quand j’étais petite (cela m’a plu de faire un retour en arrière) mais en mieux, je ne sais pas pourquoi. C’est un album entre le genre bd de journaux et le genre hyper-travaillé qu’il y a maintenant. Les couleurs soulignent la perspective de manière très agréable. J’ai beaucoup aimé aussi  l’écriture des bulles, très grosses, très aérées, qui sont omniprésentes dans la page. Cela change des bandes dessinées, pleines de textes écrits en tout petit.

    Au final, j’ai énormément aimé et j’attends avec impatience la suite, qui promet d’être très intéressante, vu la fin de cet album.

    Exceptionnellement, je mets une planche parce que ce que j’ai dit sur le dessin ne lui rend pas justice.

    Références

    Stalingrad Khronika de Franck BOURGERON (dessins) et Sylvain Ricard (scénario) (Dupuis, 2011)

  • Présentation de l’éditeur

    « La liberté selon Camille effraie Luisa, elle signifie l’inconnu, le gouffre blanc, cette angoisse qui la fait se vider n’importe où, sans doute pour être plus légère, inconsistante, transparente. Comment dire à Camille qu’elle aime ça, servir, et non pas être serveuse comme au café mais servante ; que le contentement sur le visage d’Alice la bouleverse, que les demandes d’Étienne l’exaltent autant que la lumière du matin sur les monts Galibans et que c’est un tout, qu’on ne lui a jamais donné une dimension pareille au collège ni au village, ni même au café, sa propre maison.« 

    L’attachante Luisa, la lumineuse jeune femme qui comprend tout avant tout le monde, à laquelle sa mère a trouvé une place au « château » où elle est arrivée comme à Thornfield Hall, un exemplaire de Jane Eyre caché dans son sac, va trouver là sa place, sereine et libre auprès d’ »un maître incontesté, plus silencieux encore que la vieille femme dont il est le fils », écrivant en pensée les pages du livre de sa vie – dont elle deviendra peu à peu l’auteur souverain.

    Mon avis

    J’ai piqué cette idée de lecture chez quelqu’un mais je ne me rappelle plus chez qui. Si ce quelqu’un passe par ici, peut-il mettre le lien en commentaire. Ce serait très gentil.

    Voilà encore un très court roman (je ne lis que cela en ce moment car mon esprit n’arrive qu’à cela), dont les pages se tournent toutes seules. Pourtant, l’auteur arrive à nous mener dans un univers très particulier, à nous happer même. En fait, il y a plutôt deux atmosphères qui s’entremêlent. On est en province, dans le Sud, dans le début des années 70. Il y a ceux qui sont revenus de la guerre d’Algérie sans s’en remettre, ceux qui ne sont pas revenus. J’ai eu l’impression d’un ancien temps, où il fallait se placer quand on était jeune, ne pas faire d’étude, savoir rester à sa place. Pourtant, il y a des éléments de changements qui viennent (de Camille notamment qui essaye d’être une jeune femme libérée). J’ai eu l’impression que Luisa était dans cet entre-deux, qu’elle ne savait pas où se situer. C’est pour cela que durant tout le livre, elle cherche une place, sa place en réalité.

    Cependant, cet aspect d’époque reste en arrière plan car Luisa est une lectrice et une vraie, mais d’un seul livre, Jane Eyre. Quand sa mère arrivera à lui trouver une place de servante au « château », une place tellement prenante et tellement loin, qu’elle ne peut rentrer au village qu’une fois par mois, elle est heureuse et va vivre cela comme Jane Eyre (en tout cas ce que j’ai vu du film). Elle va tomber « amoureuse » du maître mais ne va pas déclarer sa flamme car elle reste à sa place comme sa mère lui a dit ; elle va être silencieuse, rêveuse, travailleuse (même plutôt besogneuse). Elle se créera son film toute seule parce qu’elle pense avoir trouver sa place, quitte à vraiment être très éloigné du monde contemporain.

    L’écriture de Marie-Claude Roulet est vraiment magnifique, très lyrique. Je pense que c’est cette écriture qui m’a fait ressentir cette dualité dans l’atmosphère et cet éloignement du temps, cette langueur aussi.

    Luisa comprend ça. Elle l’a observé à la dérobée au début, franchement maintenant, elle reconnaît à peine l’homme qu’elle a vu quelquefois au café ; le même mais un autre. Il n’a pas la forte personnalité de Mr Rochester, il est grand et mince, presque fragile, son visage aux traits réguliers est calme, et son regard hors d’atteinte. Il ne ressemble pas aux autres paysans, il a l’air de venir d’ailleurs. Sa présence creuse en elle un vide étrange, comme une faim. Il l’interroge parfois sans jamais le regarder ni prononcer son nom, elle se demande s’il se rend vraiment compte de sa présence. Elle pense à sa mère, à la distance qui les sépare, qui les a toujours séparées et c’est la même faim.

    J’ai trouvé la fin très triste même si elle semble heureuse car je n’ai pas eu l’impression que le choix qu’elle fait en restant au château en tant que femme mariée, soit un choix voulu mais plutôt une volonté de s’éloigner d’un monde dans lequel elle n’arrive pas à trouver où elle peut vivre.

    Références

    Luisa de Marie-Claude ROULET (Le temps qu’il fait, 2010)

  • Présentation de l’éditeur (1er tome)

    La première grande enquête du plus grand des détectives. Égypte, 1877. Sherlock Matthiews est un jeune archéologue fantaisiste et indiscipliné, incapable de mener sa vie autrement qu’au gré de ses caprices et autres coups de tête. Jusqu’au jour où une lettre en provenance d’Angleterre lui annonce le suicide de sa mère. Une terrible nouvelle qui a de quoi faire grandir brutalement le plus insouciant des adolescents… Terrassé par le chagrin, Sherlock retourne donc au manoir familial, à Bournemouth, afin d’y rendre les derniers hommages à celle qu’il aimait par-dessus tout, et dont il ne parvient pas à comprendre le geste. Et pour cause. Car si Isadora Matthiews est bel est bien morte la corde au cou, certains détails semblent montrer qu’elle ne se l’est pas passée seule… Sherlock décide alors de mener l’enquête. Sans deviner qu’il va ainsi donner naissance à un mythe, celui du plus incroyable de tous les détectives, dont l’œil habile et les déductions affûtées n’ont pas fini de fasciner les foules. Et de terrifier les criminels…

    Présentation de l’éditeur (2e tome)

    Le jeune Sherlock Matthews, archéologue de formation devenu détective après le meurtre de sa mère, vient de décrocher sa première grosse affaire : retrouver le chat de la soeur de Mme Hudson. Une enquête indigne de celui qui se fait désormais appeler Sherlock Holmes ! Mais qui le mènera avec cet étonnant sens de la déduction et ce cynisme las qui feront vite sa réputation. Sans se douter que cette affaire en apparence inintéressante le conduira bien vite vers un effroyable meurtre… ainsi que vers les plaisirs enivrants de l’opium…

    Mon avis

    J’avais découvert cette bd chez Matilda et j’ai donc pris les deux volumes à la bibliothèque vendredi soir après avoir parcouru plein de kilomètres à pied parce que les bus n’étaient que bondés de gens. Les bd ne restent pas dans les PAL et je les ai donc terminé aujourd’hui.

    Je voulais parler de trois choses mais si on me demande mon avis, je dirais que cette série est vraiment bien car elle est originale dans son explication de la jeunesse de Sherlock Holmes et de la jeunesse du mythe. Le seul point qui blesse à mon goût c’est le graphisme. Les dessins sont un peu taillés à la hache pour les visages (en général, ils sont donc assez peu expressifs : Sherlock a le même visage quand on lui apprend la mort de sa mère, quand il enquête sur sa mort et quand il découvre le commanditaire du meurtre alors que dans le texte il est précisé très clairement qu’il y a des changements physiques) et les décors ne m’ont pas semblé très fignolés (au contraire des bandes dessinées qui traitent de l’époque victorienne)(en général, en tout cas).

    Mais le reste est parfait, absolument parfait (Convard est très fort pour raconter des histoires ; il m’avait déjà bien convaincu avec sa bande dessinée consacrée à Vinci). Les deux tomes peuvent être lu séparément. Le premier tome raconte donc la mort de sa mère par pendaison. Elle a été tué puis on a fait passer cela pour un suicide. Mais cela c’est Sherlock qui le découvre. C’est sa première enquête (tout le monde se demande ce que l’on va bien pouvoir faire de lui) et ce sera une réussite avec un dénouement complètement inattendu même si en y réfléchissant il y avait des indices semés tout du long. Dans le deuxième tome, l’enquête sur la disparition du chat de la sœur de Mrs Hudson m’a fait beaucoup rire ; la suite moins car assez difficile. Elle exploite l’histoire de l’Angleterre, en Inde et en Afghanistan, et aurait pu être écrit par Conan Doyle car elle a un faux air de Signe des Quatre.

    Dans les deux tomes, les auteurs expliquent un peu du mythe Sherlock Holmes. Dans le premier, le violon, le nom de famille, Moriarty, l’absence des parents dans la suite des aventures de Sherlock, la mère, Mycroft, Baker Street, Mrs Hudson. Dans le deuxième tome, on nous parle de l’addiction à l’opium, de la rencontre avec Watson. Tout est très ingénieux et ne semble pas sorti du chapeau ; il y a un côté innovation (on n’a pas copié sur les autres en gros).

    C’est une série à lire. J’ai une préférence pour le premier car je n’en revient toujours pas de l’apparition de Moriarty dans ce contexte.

    Références

    Sherlock de Didier CONVARD et Éric ADAM (scénario) et de Jean-Louis LE HIR (dessin et couleur pour le premier tome, dessin pour le second) et Véronique Robin (couleur pour le second tome)

    • tome 1 : Révélation
    • tome 2 : Les coquelicots du Penjab

    Glénat, 2008

  • Quatrième de couverture

    On a dû insister pour qu’Émile se mette à courir. Mais quand il commence, il ne s arrête plus d’accélérer. Voici l’homme qui va courir le plus vite sur la Terre.

    Mon avis

    Je suis sûre que vous avez entendu parler cent mille fois de ce livre mais il était toujours dans ma PAL et les 12 d’Ys (catégorie Auteurs francophones) m’ont permis de l’en sortir ! C’est donc l’histoire d’Émile Zatopek, coureur avant tout, coureur soviétique au temps de la guerre froide ensuite. On a donc les débuts, les performances, les résultats et les difficultés sportives et politiques tout en suivant le vieillissement du coureur. Rien de bien passionnant si vous êtes aussi sportif que moi.

    C’est Jean Echenoz qui a écrit le livre et ce n’est donc pas la même chose. Il ne rentre pas dans la tête de Zatopek, il ne reste pas en dehors en faisant une simple biographie. Il choisit un entre deux. Vous êtes le petit bonhomme sur l’épaule du coureur (c’est la seule possibilité de courir aussi vite pour nous simple mortel), à la fois lucide sur les performances et lié par une sorte d’affection pour votre porteur. Vous semblez plus comprendre le contexte politique, les raisons des actions que le héros lui-même mais vous regardes quand même les choses avec naïveté. L’auteur adopte un style assez familier, une langue qui ne semble pas soutenue. L’écriture est fluide et donc le livre se lit assez vite (je croyais que cela allait être très compliqué, c’est pour cela que je vous dis cela).

    En conclusion, outre m’apprendre que mourir et courir prennent tous les deux un seul r (ce n’était toujours pas rentrée dans ma petite tête)(sauf au conditionnel), le livre m’a appris qu’Émile était mariée avec une championne et surtout m’a fait découvrir le style Echenoz qui, quoique singulier, m’a fait passer un agréable moment de lecture.

    L’avis de Matilda.

    Lu donc dans le cadre des 12 d’Ys dans la catégorie Auteurs francophones

    Références

    Courir de Jean ECHENOZ (Les éditions de Minuit, 2008)

  • Quatrième de couverture

    On nous dit que l’amour rend aveugle. On nous dit que le romantisme est mort, que le discours amoureux est mièvre, que la passion, c’est de l’hystérie. Je dis qu’il n’y a rien de plus faux et de plus mensonger. Aimer, c’est connaître. L’amour ouvre les yeux, il est connaissance. Ce livre n’est pas la transcription ou la narration d’une histoire d’amour que j’aurais vécue dans ma vie, il est tout entier et à lui seul cette histoire d’amour.

    O.S.

    Mon avis

    Normalement, j’attends un peu avant de faire un billet, pour ne pas être fatiguée, ne pas être dans l’impression immédiate (mais je n’attends pas trop car sinon il n’y a plus de cœur mais seulement du cerveau dans les billets), pour me rendre compte de ce qu’il me restera du livre. Je lis en apnée, tout le temps. Je me laisse portée très facilement car je suis bon public. Si je n’attendais pas, vous auriez toujours des avis positifs (c’est quand même souvent le cas).

    Mais là je ne peux pas attendre parce que ce livre m’a subjugué pendant trois jours, quitte à me faire écrabouiller par le tram à Porte d’Orléans. J’ai eu l’impression de ne plus être seule, de ne plus être décalée, de ne plus être une extra-terrestre. Je me suis dit qu’il y avait d’autres gens qui vivaient dans l’extrême, à ressentir tout à l’extrême, la tristesse comme la joie, la déception comme le plaisir, l’amour aussi. Jérôme, un des personnages du livre, est devenu pour moi. Il habite Paris dans le livre et j’ai eu envie d’aller le voir, de le rencontrer comme si il était vraiment vivant.

    Pourtant l’histoire n’est pas particulièrement réaliste. Un soir, Jérôme, un jeune homme « issu de l’immigration », homosexuel, qui aime la baise mais pas l’amour par peur de l’engagement, assiste à un opéra à Madrid. Il glisse dans la main du chef son numéro de téléphone comme une bouteille à la mer, sans lui parler. Cela marche. Pierre, hétérosexuel, marié, un enfant, le rappelle. S’engage une correspondance par mail, par SMS, par téléphone, par courrier, par fax. D’une relation sentimentale naît une relation amoureuse empreinte de désir. Pierre est à L.A. et Jérôme à Paris. J’ai moins cru au personnage de Pierre mais Jerôme étant omniprésent, cela ne m’a pas dérangé.

    L’histoire est peu réaliste pourtant Olivier Steiner arrive à nous embarquer parce que son écriture est magnétique, envoutante. Il y a une voix dans le livre, l’impression que l’on ne nous cache rien, que l’on se livre complètement à nous. Pour mieux vous rendre compte, je vous signale que l’auteur a un blog qui peut vous aider à vous faire une idée. Un auteur qui écrit à propos d’Annie Ernaux

    Elle traite la surface des choses pour dire la profondeur

    ne peut qu’être formidable et à découvrir.

    En conclusion, je remercierai mon libraire qui a écrit en très gros COUP de CŒUR parce que sans lui, je serais passé à côté d’un énorme bonheur de lecture.

    Il y a au moins une personne qui est d’accord avec moi.

    Un extrait

    Bref, j’avale des pilules et le pire est que j’aime cette idée. J’ignore si ça me fait vraiment du bien mais ça me donne l’impression de me soigner, d’agir. Je vis en couple avec cette chimie. Certains amis me disent qu’il faut que j’arrête, que je suis camé, que je dois me secouer, qu’il faut faire gaffe avec une certaine « complaisance », que bien vivre est avant tout une question de volonté. Ils ne comprennent rien. Mais je ne leur en veux pas parce qu’ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne peuvent pas savoir que devant la dépression c’est toute la volonté qui se dérobe, elle n’est plus qu’un conte pour enfants, la volonté, un souvenir lointain, et le sujet, le moi, se désagrège. Il ne reste plus qu’à serrer les dents, attendre que ça passe, si ça passe, supporter l’idée que ça ne passera jamais. Mais parfois je sors du tunnel et ça me semble définitif, d’un coup tout va mieux, c’est merveilleux, le monde est à ma portée, si vaste et si accueillant, c’est de nouveau l’âge des possibles, mon énergie est immense, j’ai envie de tout embrasser, everything is absolutely beautiful, rien ni personne ne me résiste. Puis, catastrophe, les angoisses reviennent, l’inertie, la fatigue immense, cette obscure puissance qui emporte vers le fond, et la bêtise qui reprend sa place dans le cerveau … Chaque fois je crois que je vais crever, que je vais me jeter par la fenêtre par la fenêtre. J’ai des visions de défenestration au ralenti. Mais ça ne dure pas. Je ne crève pas. Je ne me jette pas dans le vide. Vous savez, Pierre, je crois que le grand mystère, ce n’est pas l’avenir, le destin ou le passé, le grand mystère, le truc vertigineux, c’est l’imminence, les dix minutes qui suivent. Tout le temps. Jérôme.

    Références

    Bohème de Olivier STEINER (Gallimard, 2012)