Cecile's Blog

  • Quatrième de couverture

    Il est illettré, alcoolique, père de trois enfants, sans travail ni avenir. Il survit près d’une décharge publique, quelque part dans le sud-ouest des États-Unis. Mais l’Amérique ne l’a pas tout à fait oublié. Un inconnu, producteur de snuff films, lui propose un marché : sa vie contre trente mille dollars. Il s’appelle Rafael, et il m’a plus que trois jours à vivre… Avec ce roman, Gregory McDonald n’a pas seulement sondé le cœur de la misère humaine, il lui a donné un visage et une dignité.

    Mon avis

    Attention, je raconte toute l’histoire car j’ai eu besoin d’écrire tout ce que j’avais ressenti en lisant ce livre. Ne lisez pas ce billet, si vous n’avez jamais lu le livre !

    Je remercie Ys pour cette lecture car en 2005, quand le livre est sorti en poche, je m’étais que ce n’étais pas une lecture pour moi parce que l’histoire semblait cousue de fil blanc. Rafael allait passer un marché pour vendre sa vie puis allait essayer d’y échapper à tout prix pendant ses derniers jours mais le producteur allait le rattraper (et franchement à regarder la bande-annonce du film The Brave adapté de ce roman c’est ce que je comprends toujours). Puis je l’ai vu sur la liste d’Ys et il était à trois euros à Gibert, je me suis dit que cela valait le coup d’essayer tout de même.

    L’histoire n’est pas du tout celle que je croyais. Rafael arrive un lundi dans le bureau du producteur de snuff movies. L’auteur nous le décrit comme un jeune type de 27 ans, alcoolique. On a un peu l’impression que c’est un paumé qui se croit très malin et qui ne sait plus trop quoi faire pour gagner l’argent qui lui paiera sa boisson. On lui propose d’être payer 30000 euros pour tourner un film. Il essaye de négocier pour avoir les 30000 euros tout de suite mais le producteur ne propose qu’une avance et de signer un contrat prévoyant que le reste de la somme sera versé à la fin du tournage. Il ne dit pas non. Dans le chapitre 3, le producteur prend un malin plaisir à raconter comment va se dérouler le tournage. Je rappelle que les snuff movies c’est des films mettant en scène la mort « réelle » d’un individu (on peut résumer cela en disant qu’on film la mise en scène d’un assassinat qui se passe pour de vrai). J’étais dans le bus à 7h00 du matin en train de lire mon chapitre 3 et franchement, je me suis demandée si je n’allais pas vomir. C’est juste atroce. L’auteur dit en avertissement qu’on peut sauter ce fameux chapitre mais je crois que ce serait stupide. C’est comme si vous vous fermiez les yeux dès qu’il y a un peu de sang dans un film d’horreur ou que vous pensiez que ce que vous ne savez pas n’existe pas. Cela existe malgré tout et ce chapitre 3 vous oblige à voir la réalité en face.

    Le tournage est dans trois jours. Rafael repart avec son avance de « environ » trois cents dollars, après avoir signé un contrat qui n’en ai pas un puisque qu’il ne sait ni lire ni écrire et qu’il ne sait surtout pas ce que c’est qu’un contrat. Le roman c’est l’histoire de ces trois jours, en sachant que Rafael a vraiment l’intention de revenir au studio le jeudi car le producteur l’a menacé de tuer toute sa famille. Dès lors, notre regard sur Rafael va changer du tout au tout : on comprend pourquoi Rafael boit, quelle est la situation désespérée qui l’a amené à accepter ce pacte avec le diable. Rafael habite depuis son enfance, dans une caravane posée dans un taudis, juste à côté d’une décharge, avec sa famille et d’autres personnes. C’est devenu un taudis au cours des années mais il y est tombé amoureux de sa femme et ils ont eut trois enfants très rapprochés qu’il faut nourrir. La mère de Rafael est morte d’une sorte de cancer en n’ayant vu aucun médecin car personne ne veut se déplacer dans ce petit village que même les autorités ne reconnaissent pas. Gregory McDonald décrit aussi l’envie de rester digne, d’être propre, de prendre soin de ses enfants, de rester honnête et de ne pas devenir des voleurs malgré toute une société qui se retourne contre cette communauté.

    Après avoir passé trois jours avec Rafael, on a espoir qu’il ne le fasse pas, qu’il renonce à ce marché, que quelqu’un les aide à déménager, à trouver du travail, un meilleur terrain … vous pensez n’y va pas Rafael, n’y va pas mais là encore cela aurait été pensé que la vie n’est qu’happy end et où je raconte la fin (donc faite attention !) : mais Rafael partira seul en plein soleil attendre le bus qui le mènera à la mort en laissant le pseudo-contrat que personne ne peut comprendre sous l’oreiller de sa femme (en sachant que dans le livre on nous met le fac simulé du contrat c’est encore plus triste). Heureusement que le livre se termine à ce moment là car vous avez les yeux plein de larmes.

    Merci Ys !

    Lu dans le cadre des 12 d’Ys dans la catégorie auteurs en Mc.

    Références

    Rafael, derniers jours de Gregory McDONALD – traduit de l’américain par Jean-François Merle (10/18, 2005)

  • Quatrième de couverture

    Il était une fois un petit garçon très intelligent passionné par les chapeaux, les dictionnaires, les samouraïs et la délicatesse infinie des sans-culottes. Un jour, il se pique de doter son zoo privé d’hippopotames nains du Liberia, et qu’importe que l’espèce soit en voie d’extinction ! Il les aura car papa peut tout. Papa est riche et puissant : il travaille dans la cocaïne. Depuis la forteresse où il vit reclus avec son narcotrafiquant de père et sa cour, le « Candide » observe un monde fantasmagorique et pourtant réel qui répond au moindre de ses désirs. S’il paraît extravagant, il est plein, en vérité, d’une cohérence implacable : le caprice puéril n’est qu’une réplique en miniature de la démence adulte.

    Puisant avec brio à la source de l’ironie pour bâtir ce court roman philosophique, l’auteur brandit le pouvoir subversif de la dérision pour pointer une violence mexicaine prégnante et l’affilier, surtout, à une longue tradition humaine. Il semblerait, en effet, que toutes les civilisations comptent leurs coupeurs de têtes et qu’il ne soit pas si rare que les petits lapins blancs se transforment en serpents à sonnette.

    Mon avis

    Le texte est très bien écrit car il y a le ton faussement naïf de l’enfant qui utilise ses mots pour décrire ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il comprend et surtout ce qu’il pense. Malgré tout, il ne voit pas grands choses puisqu’il est cloîtré en haut d’une colline pour le protéger de l’extérieur : il connaît au maximum 15 personnes (un peu plus si on compte les mortes). Pourtant, l’extérieur arrive chez lui par son père, par ses gardes du corps où il se retrouve à élucider des phrases mystérieuses sans connaître le contexte extérieur tout en trouvant absolument normal le trafic de drogue de son père. C’est ce qui est intéressant car cet enfant a une vie normale (d’enfant riche tout de même) mais son éducation, non scolaire mais familiale, va faire qu’il va trouver normale des choses qui ne le sont pas, reprendre les idées de son père (sans les comprendre) et même avoir des réactions conditionnées par cette éducation.

    Le livre comprend bien sûr une très forte dénonciation de la violence au Mexique et en Amérique latine due aux trafics en tout genre. Pourtant, j’ai été très déçue quand j’ai lu un commentaire qui disait que les noms des personnages avaient une signification qui était décrit comme très métaphorique. Sauf que moi je ne parle pas espagnol et que le traducteur ou la traductrice n’a pas voulu mettre de notes de bas de pages et j’ai eu l’impression qu’une dimension du roman m’avait échappé pour le coup.

    C’est une lecture à rapprocher d’une lecture que j’avais faite au début de l’année Les travaux du Royaume de Yuri Herrera.

    Lecture faite pour le challenge des 12 d’Ys dans la catégorie Auteurs latino-américains

    Références

    Dans le terrier du lapin blanc de Juan Pablo VILLALOBOS – roman traduit de l’espagnol (Mexique) par Claude Bleton (Actes Sud, 2011)

  • Ils sont trois et il devrait être plus si il y avait une justice dans ce bas monde. Je parle des trois volumes constituant la série des Laidlaw de William McIlvanney. C’est les livres qui m’ont occupés pendant trois semaines, qui m’ont empêché de vous faire des billets de lecture sur des livres que je suis la seule à trouver intéressant, c’est les livres qui m’ont guéri d’une de mes nombreuses déprimes. Il faut donc les lire ! J’ai déjà mis d’autres livres de l’auteur (et de son fils Liam McIlvanney) dans ma PAL car il faut ce qu’il faut dans la vie.

    Ils sont donc trois, dans l’ordre, Laidlaw, Les papiers de Tony Veitch et Étranges Loyautés. Je les ai lu dans l’ordre inverse et franchement cela se lit très bien aussi !

    Quatrième de couverture de Laidlaw

    L’inspecteur Laidlaw enquête sur le meurtre d’une jeune fille. Laidlaw veut identifier le meurtrier, mais il veut aussi le soustraire à la vengeance populaire. Car, dans l’ombre de Glasgow, la pègre recherche l’assassin pour le mettre à mort.

    Quatrième de couverture des Papiers de TonyVeitch

    « Glasgow, un vendredi. La ville où l’on se dévisage. En descendant du train à la gare centrale, Mickey Ballater eut la sensation de débarquer dans le Nord, mais aussi dans son passé… »

    Ainsi commencent Les papiers de Tony Veitch, qui narrent le destin pathétique d’un étudiant idéaliste à la recherche de son identité et qui, parmi d’autres, succombera, victime innocente d’un règlement de comptes entre truands. Dans cette affaire, l’inspecteur Laidlaw débusquera la vérité en dépit des doutes et des sarcasmes de ses collègues.

    Quatrième de couverture d’Étranges Loyautés

    Dan Scoular, « Big Man », est parti un matin et n’est jamais revenu. Un chauffard l’a écrasé sur la route. Sa veuve n’a pas besoin d’un « pleureur », mais d’un champion, quelqu’un qui fera justice pour son mari.

    Jack Laidlaw relève le gant. Lui-même est au-delà des larmes. Son frère est mort et il cherche à comprendre pourquoi : suicide, accident ou meurtre ? Au cours de sa quête, Laidlaw croise les fantômes de son passé : rêves jeunesse déçus, amours perdues et ces « étranges loyautés » personnelles qui amènent les êtres à trahir les idéaux promis.

    Mon avis

    Les trois volumes sont de facture identique, c’est du très très bon. On n’est pas dans le whodunit avec des enquêtes où l’important est de trouver le meurtrier après un raisonnement très compliqué. On est dans le roman bien noir de chez noir, avec un enquêteur qui descend dans les bas-fonds de Glasgow.

    Glasgow est un des personnages principaux de cette trilogie. Il s’agit du Glasgow d’avant et de la réhabilitation de quartier entier. C’est un Glasgow pauvre, ouvrier, où la débrouille règne, où les décisions se prennent dans des pubs, ou il y a des règlements de compte à foison mais on reste tout de même entre gentlemen. Londres est très très loin des préoccupations des habitants ; on ressent le particularisme écossais (ils ne sont pas anglais). William McIlvanney, né dans le Ayrshire, à Kilmarnock, sait de quoi il nous parle en tant que fils de mineur, enseignant à l’Université de Glasgow dans les années 60-70.

    L’autre personnage principal, c’est Laidlaw. Un flic pas comme les autres. Il est bien sûr dépressif et alcoolique. Cependant, il a une exigence de vérité (sur les affaires qu’il cherche à résoudre ou même sur la société en elle-même), de refus de l’hypocrisie humaine qui le dépasse lui-même je crois (c’est ce qui à mon avis en fait d’excellents romans noirs. C’est cela pour moi leurs fonctions. Dire ce que la société n’a pas encore vu). Comme on est jamais mieux décrit que par les autres, je vous cite la description de Laidlaw faite par sa femme :

    Elle entendit Jack redescendre l’escalier. Un court instant, elle pensa avec nostalgie à la façon dont ils avaient été dans le passé. Mais cette quête intense qui était en lui et qui l’avait d’abord attirée, était également ce qui les avait séparés, parce qu’elle n’avait jamais cessé. Elle avait pensé qu’elle tendait vers quelque chose où elle aurait sa part. Maintenant, elle était convaincue que le plus loin qu’il irait sur cette voie serait le moment où on lui fermerait les yeux. Il fouillait tout jusqu’à la moelle puis passait à autre chose.

    Elle l’entendit remonter l’escalier pour se coucher. Chevalier errant de la Brigade Criminelle, pensa-t-elle amèrement. Le problème avec lui, se prit-elle à remarquer, c’est qu’on ne savait jamais si on était la princesse ou le dragon.

    Il y a aussi la description de Laidlaw par son nouveau collègue, Brian Harkness que l’on suivra pendant les trois volumes :

    La chose la plus frappante chez lui et qu’Harkness avait remarquée chaque fois qu’il l’avait vu, c’était la préoccupation. On ne le trouvait jamais l’esprit vide. On pouvait imaginer que s’il y avait un débarquement sur une île déserte pour le secourir, il aurait quelque chose à terminer avant qu’on l’emmène. Il était difficile de l’imaginer flânant, c’était toujours vers des destinations précises qu’il allait. Harkness se souvint qu’il était l’une d’elles. D’autres infinies possibilités devraient attendre.

    Ce qui m’a frappé, c’est que lorsqu’on lit les trois volumes d’affilés, on observe la lente désagrégation de l’intégration sociale de Laidlaw. Dans le premier tome, il est marié, pas très heureux en ménage. Dans le deuxième, il est séparé, vivote avec sa maîtresse. Dans le troisième, il est divorcé, en voie de se séparer de sa maîtresse. Il se sent seul après la mort de son frère, continue à entretenir des relations avec ses connaissances mais il ne va plus laisser personne l’approcher. Il est seul, se détruit lui-même (comme si il en avait déjà trop vu à 40 ans, comme si il était désespéré parce qu’il avait vu). C’est comme si une telle personne ne pouvait pas s’adapter à la société, comme si il fallait forcément abandonner tout ce que l’on pense, faire comme les autres pour pouvoir avoir une petite place dans la vie.

    Laidlaw c’est une faculté qu’on reste humain même quand on est un criminel au contraire de ce que l’on peut lire dans les journaux où dès lors que vous avez commis quelque chose, vous ne pouvez plus être humain car sinon cela signifie que tous les humains peuvent faire la même chose. Un dialogue dans le premier tome illustre bien cela :

     – Et merde, dit Harkness. C’est sans espoir. Comment doit-on faire des rapprochements avec un truc pareil ? Comment doit-on le relier à ça ?

    – Parce qu’il est relié avec nous.

    – Parlez pour vous.

    -Comment ça ? dit Laidlaw. Vous reniez l’espèce ?

    – Non. C’est lui qui l’a reniée.

    – Pas aussi simple que ça.

    – Pour moi, si.

    – Alors, vous êtes un cave. Bientôt vous allez me dire que vous croyez aux monstres. J’ai un gosse de six ans qui a le même problème.

    -Vous n’y croyez pas ?

    – Si c’était le cas, il faudrait que je croie aux fées. Et je n’y suis pas tout à fait préparé.

    – Que voulez-vous dire ?

    Laidlaw avait fini de manger. Il but une gorgée de son café.

    – Écoutez. Ce que je veux dire, c’est que c’est la fausse noblesse qui fait les monstres. On n’a pas l’une sans l’autre. Pas de fées, pas de monstres. Simplement des gens. Vous savez ce qu’est l’horreur de ce genre de crime ? C’est l’impôt que nous payons pour l’irréalité dans laquelle nous avons choisi de vivre. C’est la peur de nous-mêmes.

    Harkness réfléchissait.

    – Et alors, qu’est-ce qu’on est là-dedans ?

    – Des doublures, dit Laidlaw. Les autres peuvent se permettre de coller l’étiquette « monstre » dessus et de le mettre aux oubliettes. Je suppose que la société ne peut pas faire autrement ou alors, ça ne marcherait pas. Il lui faut faire comme si de telles choses n’étaient pas vraiment le fait des gens. Nous, on ne peut pas se le permettre. On est cette putain de machine urbaine à tête d’homme. C’est-à-dire des policiers.

    Harkness remuait gentiment la cassonade avec sa cuiller.

    – Allons, dit-il. Allez voir dehors. C’est une belle matinée de printemps. Ces gens qui marchent, là, ce qu’ils font est différent du mode de vie de cet individu.

    – Ils se servent d’un langage, dit Laidlaw. Votre mode de vie vous est enseigné comme une langue. C’est de cette façon que vous vous exprimez. Mais tout langage en cache autant qu’il en révèle. Et il y a un tas de langages. Tous sont humains. Le meurtre est un message tout ce qu’il y a d’humain. Mais il est codé. C’est à nous d’essayer de déchiffrer le code. Mais ce que nous recherchons, c’est une partie de nous-mêmes. Si on ne sait pas cela, on ne peut rien entreprendre.

    – Excusez-moi s’il y a une parties de nous-mêmes qui me rend malade.

    – D’accord, dit Laidlaw. Vous pouvez même pleurer si vous voulez. Ça éclaircit le regard.

    À noter, William McIlvanney est considéré comme un des inspirateurs du Tartan noir.

    Le style peut dérouter pour deux raisons : il y a beaucoup de dialectes (cela se comprend très bien néanmoins) et il y a des vérités vraies sur la société humaine qui semblent plaquer dans le texte.

    Laidlaw se souvint que l’une des choses dont il avait le plus horreur était l’élitisme. Nous faisons partie des autres sous peine de nous renier.

    Prises séparément, elles vous mettent une grande claque dans la tête sauf que quand il y en a trop vous ne savez plus trop où vous êtes. C’est un peu pareil pour les images qui arrivent tout d’un coup.

    Je n’en ai pas fini avec cet auteur parce qu’il me semble qu’il a encore des choses à me dire.

    Références

    Laidlaw (1977), Les Papiers de Tony Veitch (1983), Étranges Loyautés (1991) de William McILVANNEY (1936 – ) – traduit de l’anglais par Jan Dusay (pour les deux premiers volumes) et par Freddy Michalski (pour le troisième)(Rivages Poche)

    Livres lus dans le cadre des 12 d’Ys dans la catégorie Auteur en Mc.

  • Quatrième de couverture

    Dans une ville du nord de l’Angleterre, peu après Noël, un homme est retrouvé mort dans son appartement. Une enquête est aussitôt ouverte, rythmée par les voix de ses amis – tous des toxicomanes qu’il hébergeait en échange de menus services -, décidés à l’accompagner jusqu’au bout et à comprendre comment il a pu se retrouver seul, à court de vivres. Au fil des squats et des ruelles, ils lui rendent un dernier hommage, se remémorant leurs souvenirs avec lui, ainsi que leurs propres trajectoires.

    Intense, exaltant, autant animé par l’espoir que par la colère, Même les chiens est une exploration intime des marges de la société, à la lumière de sentiments d’amour, de perte, de désespoir et d’un éclair de rédemption.

    Mon avis

    La première chose à faire est de lire l’article de Maryline Desbiolles, paru dans Le Monde, sur ce livre car il est d’une justesse ! C’est exactement ce que j’ai ressenti à la lecture. Si vous avez la flemme de cliquer sur le lien et de lire un véritable écrivain vous parler de ce livre, je vais quand même écrire un billet, moins bien écrit, moins intéressant mais c’est vous qui l’aurez voulu.

    Le résumé de la quatrième de couverture est parfait : un homme, marginal, est mort pendant la semaine de Noël alors qu’il avait plein d’ami, ou plus exactement de compagnons d’infortune. Il les laissait venir si il lui amenait alcool et nourriture car il ne voulait plus sortir de chez lui, de peur qu’on lui prenne son appartement, seul vestige de son mariage. Les gens viennent, s’en vont … et forment une petite communauté. Ils vivant les uns à côté des autres en se connaissant mais pas forcément en se comprenant. Les uns voient les autres par rapport à ce qui peut leur être apporté. Il n’y a pas de notion d’amitié. Ils sont justes compagnons de galère. Pourtant le décès d’un des leurs les fera réfléchir sur leurs vies. Enfin, c’est ce qu’on croit.

    Dès le début du livre, on est interpellé en tant que lecture. On suit les gens qui suivent le cadavre sans savoir qui sont vraiment ces gens. On comprend au fur et à mesure que c’est l’entourage du mort qui monte avec lui dans l’ambulance, jusqu’à la mort, assiste à l’autopsie mais on ne comprend pas pourquoi. (Et là je spoile d’un coup d’un seul : l’entourage, tous drogués, meurt d’une overdose très peu de temps après la première mort, pas en même temps car ils auraient pu tout empêcher. La seule survivante sera la fille du monsieur qui ne sortait plus de son appartement et un gars qui s’était fâché avec tout le monde quelques semaines avant Noël). C’est très impressionnant car on suit les personnages sans être dans leur tête au moment des faits mais en ayant leurs regards en rétrospectif. Cela donne une drôle d’impression : celle d’être là sans être là, de comprendre ce qui se passe sans pour autant le vivre. Le chapitre sur l’autopsie est aussi hyper-marquant car il nous réduit au plus simple appareil : celui de viande avec un passé qui explique l’état actuel.

    Il ne faut pas être déprimé quand vous lisez ce livre. Il n’est pas poisseux de bons sentiments ou de jugements péremptoires mais comme le dit un avis sur la quatrième de couverture (celui de Mark Haddon), il est plein d’une « empathie profonde ». Si vous même vous êtes plutôt empathique, ce livre vous touche au cœur. Ce qui ne gâche rien : l’écriture Jon McGregor est magnifique.

    Références

    Même les chiens de Jon McGREGOR – traduit de l’anglais par Christine Laferrière (Christian Bourgois, 2011)

    Livre lu dans le cadre des 12 d’Ys dans la catégorie auteurs en Mc.

  • L’histoire est vraie : c’est celle d’Olivier Ka, l’auteur du texte de cette bande dessinée. Pierre, un prêtre sympa, qui n’a pas l’air d’y toucher. Il devient l’ami de la famille, propose d’emmener Olivier dans son camp de vacances ; il ira pendant plusieurs années mais une année Pierre lui demandera de lui frotter le ventre, il fera descendre sa main plus bas, lui demandera de dormir dans le même sac de couchage. Cela ne se produira qu’une fois. L’enfant pense que ce n’est pas si grave que cela : il sait que c’est grave mais ne pense pas que cela aura des conséquences, promet de ne rien dire. Il enfouira cela dans sa mémoire. Olivier Ka présente aussi l’après : l’adolescence (il décroche à l’école, ses parents divorcent), le moment où il en parle à sa mère, mais surtout le moment où tout va ressurgir, où surtout il va avoir besoin de savoir pourquoi (avant il y pense, se rend compte qu’il est victime mais il ne pense pas aux conséquences que cela a sur sa vie) : c’est la naissance de son premier enfant. C’est ce qui va déclencher le fait qu’il aura besoin de retourner sur les lieux du crime ; il y retrouvera Pierre par hasard. Ils s’expliqueront et c’est seulement à ce moment là que l’évènement prendra sa place dans la vie d’Olivier.

    L’histoire est intéressante car elle présente le comment c’est arrivé, les suites au niveau social, familial … et surtout bien le long parcours qu’il a fallu à Olivier Ka pour se sortir de cela (si on s’en sort jamais).

    L’adaptation du texte et les dessins ont été réalisés par Alfred. Il y a pas mal de bonnes trouvailles, notamment la taille des personnages qui change avec l’âge d’Olivier (Pierre est énorme au départ; il ressemble à un gros nounours), les photos quand Olivier Ka et Alfred retourne à la colonie de vacances. Il y a aussi l’expression des sentiments qui passent plutôt par l’image que par des expressions de visage.

    Pour les couleurs, je suis plutôt mitigée car je les ai trouvé trop enfantines, plus exactement pas assez discrètes : on a l’impression d’un clou trop enfoncé. Le texte et les dessins sont suffisant ; ce n’était pas nécessaire d’insister avec les couleurs à mon avis.

    Références

    Pourquoi j’ai tué Pierre de Alfred (adaptation et dessin), Olivier Ka (texte) et Henri Meunier (couleurs) (Mirages / Delcourt, 2006)

    Livre lu dans le cadre des 12 d’Ys dans la catégorie Romans graphiques / intégrales.

  • Quatrième de couverture

    « Anna s’arrêta, eut envie de s’approcher de lui, puis changea d’avis et sortit dans la cour. La neige descendait imperceptiblement ; un début de printemps s’annonçait dans le ciel délicat, chatoyant et doré, qui perçait à travers les nuages. La cour, les bâtiments, les arbres étonnèrent Anna par leur aspect désert. Elle fit quelques pas. C’était comme si elle sortait pour la première fois après une grave maladie. Le monde était beau, infiniment lointain. Anna alla jusqu’au verger, leva les yeux. Dans le ciel, entre les nuages vaporeux, s’élançait, immobile, effrayant dans son incommensurable distance, le soleil, un soleil qui semblait appartenir à un autre monde. »

    La révolution russe est en marche. On collectivise sauvagement les terres. Tout n’est plus que compromission ou désespoir. Pourtant, dans une des dernières fermes épargnées par les expropriations, la jeune et belle Anna, véritable héroïne tragique, tente encore de lutter contre un monde qui sombre dans la violence.

    Extraordinairement rythmé, ce récit est un des plus brillants de Boris Zaïtsev, cet exact contemporain de Boris Pasternak et de Anna Akhmatova, longtemps oublié en France où il mourut en 1972.

    Mon avis

    Mon plan pour choisir des livres à la bibliothèque est très simple : soit j’ai regardé des titres avant (juste avant de venir, au travail en fait)(mes visites ne sont pas planifiés de longues dates ou quoi que ce soit) pour combler certaines envies de lecture soit j’ai regardé dans mon carnet Moleskine (vous savez le book journal … où les livres sont classés par ordre alphabétique), je choisis une lettre où je n’ai pratiquement pas lu d’auteur dont le nom commence par cette lettre, je me place devant l’étagère et je regarde les éditions que j’aime ou les auteurs ou les titres dont j’aime le son. Je prends au hasard. Je n’ai aucun scrupule à rendre le livre si il ne ma plaît plu tant que ça, que je l’ai ouvert juste un peu ou quoique ce soit. De toute manière, il sera encore là dans longtemps. C’est le principe d’une bibliothèque.

    Tout cela pour dire que dans mon carnet commencé en février, il n’y a plus de place pour les M ni pour les G (ça ne m’empêche pas d’en lire, c’est juste que je les inscris ailleurs dans le carnet)(l’année dernière deux semaines après que j’ai commencé l’autre carnet, il n’y avait plus de place pour les W, il faut dire que j’étais en train de lire Oscar Wilde et Virginia Woolf)(les V pareil, Vila-Matas était passé par là) mais qu’il y a plein de place pour les Z (comme pour les Q d’ailleurs) et il y a tout de même 5 pages à remplir. Donc à la bibliothèque, je me suis placée devant les Z et j’ai pris sans lire la quatrième de couverture Anna de Boris Zaïtsev complètement au hasard parce que j’aime les éditions Autrement. Bien m’en a pris car j’ai découvert un chef d’œuvre.

    L’action du livre se situe juste après les révolutions russes de 1917, en pleine collectivisation de tout. Anna travaille chez ses oncle et tante, deux lettons qui se sont expatriés en Russie pour élever des cochons. En fait, ce n’est pas vraiment ses oncle et tante mais elle les appelle comme cela ; c’est plutôt de la famille éloignée. Anna est jeune, belle et surtout libre. La situation de la Russie la préoccupe uniquement par le fait qu’elle rend plus difficile la vie d’Arcady, son amoureux, son fiancé, qui en a séduit plus d’une (il faut dire qu’il est beaucoup plus vieux qu’Anna). Arcady habite (squatte si on veut employer nos termes contemporains) chez les voisins d’à côté, des nobles à qui on est en train de tout prendre mais qui garde une certaine joie de vivre et un sens de la fête assez prononcé. Ils, Anna et Arcady, se retrouvent entre les deux maisons. Ils vont se marier dès lors que le divorce d’Arcady sera prononcé. C’est sans compter sur le fait que celui-ci a un passé dissolu dans l’alcool ce qui lui vaudra une maladie des reins. Anna se précipitera pour le soigner, quittant sa famille, où elle ne se sent plus vivre car détesté par sa tante, aimé par son oncle comme une femme et non comme une nièce. Cependant, il mourra. Elle devra retourner chez ses oncle et tante où l’Histoire, celle avec un grand H, la rattrapera (plus exactement elle courra à sa rencontre). Elle devra aussi subir la jalousie de sa tante.

    Toute cette histoire se passe en 120 pages. Le livre ne manque donc pas de péripéties ou d’histoire mais ce qui frappe dans ce livre, et ce qui fait qu’on peut se souvenir de ce livre, c’est le personnage d’Anna car c’est un caractère passionné, entier, libre, qui n’a pas peur du qu’en dira-t-on. Le contexte aussi est intéressant et on se rend bien compte que Boris Zaïtsev est un écrivain de l’émigration car personne de l’intérieur n’aurait pu écrire autant de vérités sur la collectivisation aveugle dans les campagnes. Sur Amazon, j’ai lu un commentaire où l’auteur disait que ce qui était beau, c’était le climat ouaté qui se dégageait et ce amplifié par la neige. C’est exactement cela : on a l’impression d’une bulle au départ, d’être d’en la ouate puis à la mort d’Arcady, cette bulle éclate (après un délais de repli sur soi tout de même) au visage d’Anna (c’est l’extrait que les éditions Autrement ont mis sur la quatrième de couverture). La vie du pays lui revient en pleine figure ainsi que la méchanceté de son entourage. Cela en sera trop pour elle.

    En conclusion, j’ai trouvé que c’était magnifique (je l’ai lu d’une traite car il était très court). Ce qui est intéressant, c’est que dans la postface, extrait de l’Histoire de la littérature russe chez Fayard, Georges Nivat nous explique qu’Anna n’est un texte mineur dans la production de Boris Zaïtsev.

    Références

    Anna de Boris ZAÏTSEV – traduit du russe par Ludmila Savitzky – postface de Georges Nivat (Autrement, 1999)

  • Quatrième de couverture (en fait un extrait du livre)

    « J’en saisis un que j’ouvris, c’était Dostoïevski. Gros comme deux gaufres ! Je me mis à lire la première phrase du premier que j’ouvrais de ma vie, Notre bagne se trouvait à l’extrémité de la forteresse, au bord du rempart. Elle était courte.

    Comment l’auteur avait-il fait entrer dans une phrase aussi courte le bagne, la forteresse et le rempart ?

    J’étais accroché. Je poussai jusqu’à la deuxième phrase. Quand, à travers les fentes de la palissade, nous cherchions à entrevoir le monde, nous apercevions seulement un pan de ciel étroit et un haut remblai de terre, envahi par les grandes herbes, que nuit et jour les sentinelles arpentaient. Ça me plaisait. Surtout le pan de ciel étroit. Je le voyais ! C’était un miracle que les deux premières phrases du premier livre que j’ouvrais dans ma première librairie me plaisent du premier coup ! Bagne ! Forteresse ! Rempart ! Remblai ! Sentinelles ! Pour un cadeau à une jeune fille, je n’y allais pas de main morte ! Au fond, je n’en revenais pas que Mathilde m’ait choisi, embrassé, aimé … Une bibliothécaire ! »

    Mon avis

    Si vous vous posez la question de quel livre de Dostoïevski le narrateur parle dans cet extrait, c’est Souvenirs de la maison des morts.

    C’est un joli conte que nous raconte Jean-Marie Gourio mêlant livre, lecture et amour. Une princesse, Mathilde, bibliothécaire de son état, tape dans l’œil du narrateur, militaire en permission, dès qu’il la voit lire dans le parc. Il l’aborde.  Elle lui parle de son livre Le Savon de Francis Ponge. Voilà notre amoureux bien désarçonné car il n’a jamais ouvert un livre de sa vie. Pourtant Mathilde va lui prêter pour qu’il puisse en discuter à la prochaine permission du jeune homme. C’est ce qui se passera mais il se retrouvera avec un autre livre à lire, Kafka. Il essaye, il essaye mais franchement la lecture ce n’est pas sa tasse de thé.

    Pourtant, sa mère aimait les livres. En tout cas, c’est la légende familiale que son père entretient bien soigneusement car pour lui, c’est le plus grand hommage qu’il puisse rendre à celle qu’il est morte trop tôt noyé après avoir reposé, sur la plage, son livre, les 1275 âmes de Jim Thompson. Le narrateur nous parle de ce que le livre représente dans sa famille, plutôt pauvre : 21 volumes d’encyclopédie (on ne les ouvre pas trop car sinon le savoir de la Terre risquerait de s’échapper) et des Selection du Reader’s Digest (la quintessence du livre : on sélectionne le meilleur du livre car le reste ce n’est que du « gras »)(ma grand-mère lisait cela tous les soirs et cela ne l’a pas empêché d’avoir comme écrivain favori Pierre Loti, d’avoir lu tous les Mazo de la Roche et Pearl Buck et d’acheter des livres dès qu’elle avait trois sous de côté et ce dès son plus jeune âge donc à mon avis, ce ne doit pas être si mal que cela).

    Mathilde vient elle d’une famille de lecteurs et de possesseurs de livres. Il va donc falloir que notre héros s’y mette mais bon, la lecture franchement … Il va trouver une parade : au lieu de les ouvrir, il va s’attacher à l’objet livre. Il va construire des étages, se servir des livres comme une armure mais il va surtout s’ouvrir au fur et à mesure à ce qu’est un livre et il nous présente toutes les réactions des gens (lire c’est bien mais point trop n’en faut), il va nous parler de la gêne qu’il y a à acheter un livre ou même à rentrer pour la première fois dans une librairie. C’est un des aspects du livre : le livre et la lecture.

    Le deuxième aspect c’est l’amour entre notre héros et sa princesse (un amour qui est aussi charnel rassurez vous), l’amour entre notre héros et son père qui est amplifié par le souvenir d’une mère qui apportait la luminosité dans cette famille. La princesse, qui ressemble à la mère, va essayer de les guérir, de les rouvrir à la vie et à l’amour.

    C’est un livre qui fait du bien, qui vous met de bonne humeur, qui vous fait sourire. Il ne va pas vous entraîner dans de très longues réflexions sur des sujets susceptibles de sauver le monde mais pour ouvrir cet été qui s’annonce pluvieux, c’est un (très) bon livre.

    Références

    Chut ! de Jean-Marie GOURIO (Julliard, 1998)

  • Le point de vue des éditeurs

    « La réponse résidait dans la peau de l’amant. Ses pores contenaient de minuscules et invisibles traces de ce liquide noir qui génère tant de passions. Ce mélange dense et obscur au pouvoir illimité. De l’encre.« 

    Dans la Mayence de Gutenberg, au début du XXe, une femme vit une passion insensée. Tous les mardis, contre son gré, elle rejoint dans une chambre d’hôtel un amant dont elle ne sait rien, et qui exerce sur elle une aberrante emprise. Son mari, libraire, trouve dans les livres mille raisons à toutes sortes de passions, mais pas une à l’injustice qui le frappe. Se présente un jour à lui un mathématicien désespéré par la disparition de son fils qui poursuit la même quête à travers les chiffres. Les deux hommes s’allient pour composer l’ouvrage capable de les aider à s’affranchir du non-sens qui les hante.

    Avec ce court roman philosophique qui convoque tous les acteurs du livre et les appelle à unir leurs savoirs face à l’infortune humaine, Fernando Trías de Bes signe une œuvre fervente, dédiée aux sortilèges inépuisables de la lecture.

    Mon avis

    Je n’ai pas trop besoin de vous raconter comment l’idée m’est venue de lire ce livre ; tout est dans la quatrième de couverture : mathématiques et livres.

    Comme le suggère la quatrième de couverture, ce livre est un court conte philosophique dont la quête est un livre décrivant l’origine de toute chose. En effet, tous les personnages du roman ont eu à subir une perte, irrémédiable ou non, d’un être cher : le libraire a perdu sa femme au profit d’un amant (uniquement envisagé du point de vue sexuel), le mathématicien a perdu son enfant, noyé en Normandie, et sa femme, qui veut qu’il lui explique pourquoi, l’imprimeur a perdu son frère jumeau, suicidé car ridiculisé par ses pairs, le correcteur a perdu son amoureuse intrépide dans un accident d’avion, l’éditeur a perdu sa mère. Tous ont donc une bonne raison de faciliter l’arrivée de ce livre qui ressemble plus à une chimère qu’à autre chose pour l’observateur extérieur.

    Le libraire va prêter (plutôt donner) ses livres au mathématicien qui va déchirer des phrases qui se retrouvent de livres en livres (il est évident que cela n’aide pas le libraire car il finit par ne plus avoir de livres). Le mathématicien va assembler les phrases pour en faire un livre, qu’il devra ensuite faire imprimer. Vu le pouvoir du livre, il faut que le livre puisse être lu mais non conservé. L’imprimeur doit donc inventer une encre spéciale (ce sera de l’encre homéopathique). L’imprimeur le fera corrigé puis édité.

    le livre commence à devenir un peu fou quand il commence à penser que l’encre fait en majorité d’eau et avec quelques gouttes d’encre peut faire un livre comme il le désire. Mais c’est là aussi toute la révélation philosophique du livre : il n’est pas nécessaire de trouver une seule explication à toute chose mais tout simplement d’en trouver une en laquelle on peut croire et l’encrer très solidement dans sa tête. Une seule explication correspond à quelque chose qui n’existe pas ou qui est inatteignable.

    Le livre est très plaisant à lire car les péripéties et les idées s’enchaînent rapidement dans un style très classique. L’auteur ne cherche pas trop à faire revivre la Mayence de l’époque et se concentre plutôt sur LE livre. Pour la fin, il m’a rappelé Pour l’amour du chocolat de José Carlos Carmona que j’avais lu l’année dernière. Ce sont tous les deux des auteurs espagnols qui racontent une histoire qui ne se situent pas en Espagne, qui font preuve d’un art impressionnant pour dérouler de manière astucieuse leurs récits : il est suffisamment bien construit pour qu’on ne le lâche tout en se demandant où l’auteur veut nous emmener. Quand le dénouement arrive, les deux fois complètement inattendu, on est surpris alors qu’en fait l’auteur avait semé toutes les pistes pour comprendre avant.

    Références

    Encre de Fernando TRÍAS de BES – roman traduit de l’espagnol par Delphine Valentin (Actes Sud, 2012)

  • J’ai découvert ce film en lisant le magazine XXI.

    Ce qui m’a attiré

    • Le film a été entièrement tourné dans la station polaire de Valkarkai qui se situe sur les bords de la mer des Tchouktches. Pour cela, le film tient toutes ses promesses. Vous voulez voir un film avec des grands espaces (beaucoup plus grands que dans Into the wild), pas de voisins, la mer, la montagne, le froid, le soleil. Il ne faut pas hésiter une seconde. Le film est en russe sous-titré anglais (ce qui est inquiétant c’est que j’ai mieux compris le russe) mais les images sont internationales et il y a vraiment très peu de textes (disons qu’on n’est pas fatigué d’entendre les acteurs à la fin du film).
    • Les acteurs (une fois que j’étais en train de visionner le film) : Grigory Dobrygin, très très beau, et Sergei Puskepalis qui est absolument très crédible dans le rôle du mec taciturne qui est enfermé dans sa station polaire depuis des années.

    Ce qui m’a le moins plu

    • J’ai trouvé la bande originale très peu adaptée aux paysages et surtout en totale inadéquation avec l’histoire.

    Ce que je n’ai pas compris

    Je vous entend trépigner d’ici en vous demandant quand est-ce que je vais raconter l’histoire ! Un jeune, Pavel (Pasha pour le diminutif), vient dans la station météo de Sergei pour passer l’été. Ils sont d’assurer la fiabilité des mesures météo qui sont relevées automatiquement. Deux générations s’affrontent : Pavel croit en la technologie et Sergei non. Sergei est très rapidement exaspéré. En plus, sa femme et son enfant lui manquent beaucoup. Ils décident de confier la station météo à Pavel pour aller à la pêche. Manque de chance pendant son absence Pavel loupe un relevé et craint la réaction de Sergei mais il reçoit surtout un message disant que la famille de Sergei est morte dans un accident.

    Il décide de ne pas lui apprendre cette dernière nouvelle. C’est à partir de là où je n’ai pas compris. J’ai pensé qu’il ne disait pas la nouvelle car c’est très difficile d’apprendre cela à un homme mais d’après les résumés que j’ai pu lire sur internet. C’est plutôt par idée de vengeance. À partir de là, ma version est que Pavel se monte la tête et croit que Sergei veut le tuer et s’enfuit donc de la station polaire pour survivre en pleine nature (avec des ours) mais sur internet, ils expliquent que c’est surtout parce que Sergei le menace réellement et qu’alors s’engage une chasse de l’homme (pourtant j’ai trouvé que dans le film Sergei était plutôt impassible).

    Je pense que les acteurs et/ou le réalisateur n’ont pas réussi à me faire passer l’émotion qu’ils étaient censés ressentir (ou sinon j’étais trop obnubilé par les jolis paysages). Je pense que cela vient aussi de la bande originale qui n’est pas adapté au film car souvent cela m’aide à mieux comprendre.

    Conclusion

    Un avis mitigé car je m’attendais à beaucoup mieux. C’est le premier film complètement russe (où il n’y a pas de coopérations avec d’autres pays) que je regarde. Il y a quelque chose qui m’a échappé. C’est tout de même un film qui change car pour s’entretuer il s’irradie avec une caisse radioactive qui a un peu l’air d’être tombé du ciel.

    Je vous mets quand même le trailer pour vous dépayser.

    [yframe url=’http://www.youtube.com/watch?v=ckyiMJXpV98′]

    Références

    How I ended this summer – un film de Alexei Popogrebsky (Russie, 2010)

  • Je finis de vous raconter mon marathon bd avec celle-ci qui m’a aussi fait découvrir de nouvelles choses (je ne sais pas pourquoi la bd m’emporte très facilement vers de nouveaux univers et me dépayse très facilement par la variété des histoires et des styles graphiques qui sont proposés).

    L’histoire se passe au Familistère de Guise. Je ne connaissais pas mais je vous conseille de lire l’histoire et la manière de fonctionner de cette utopie créée par Jean-Baptiste André Godin, totalement différente du paternalisme en vogue à l’époque.

    On est en 1914. Le Familistère doit faire face à une vague de meurtres. Dans cet univers d’entraide, de solidarité, cela fait scandale mais surtout cela donne l’impression que l’extérieur est entré dans ce havre de paix. C’est d’ailleurs pour cela que le premier suspect sera quelqu’un d’extérieur car il est plus facile de penser que c’est lui. Pourtant deux personnes ne se laissent pas berner : une jeune habitante et un journaliste. Il découvre alors un secret bien enfoui dans les fondations du familistère.

    L’histoire est parfaite car elle donne à découvrir le Familistère (j’ai du coup beaucoup aimé les décors très précis des auteurs), elle est dans le ton. On est imprégné de l’époque (en tout cas ce que j’en imagine) : il y a un air de Maigret, Agatha Christie, Rouletabille. Les dessins et les couleurs contribuent à nous mettre dans cette ambiance. Les personnages ont des moustaches, sont tous bruns, ont tous des manteaux marron, comme on le voit dans certains films. Les couleurs sont très sombres comme si l’approche de la guerre avait refroidi l’atmosphère.

    Je n’ai pas rendu justice à cette bd en vous livrant juste mes impressions de lecture mais je vous la conseille vraiment (d’ailleurs je l’ai mise dans ma future liste d’achat c’est pour dire)(parce que c’est un emprunt de la bibliothèque).

    Références

    De Briques et de Sang de Régis HAUTIÈRE (scenario) et David FRANÇOIS (dessins et couleurs) (KSTR, 2010)