Cecile's Blog

  • EnfinLeSilenceKarlHeinzOttCe qui m’a fait emprunter à la bibliothèque ce livre, c’est que quand je l’ai ouvert au hasard je suis tombée sur la page 131

    Pour la première fois de ma vie, j’étais confronté à quelqu’un à qui la distance instinctive était inconnue. Même s’il m’était déjà souvent arrivé de me faire prendre au dépourvu, importuner ou contraindre à des choses que je devais subir, ne serait-ce que de supporter des invités qui s’incrustent dans votre cuisine jusqu’à l’aube bien que vous bâilliez depuis des heures, ou bien de se laisser imposer des sujets de cours ou de séminaire qui vous ennuient à mourir, tout cela restait vivable. Ça n’allait pas sans tension intérieure, mais ça passait. Cela faisait partie de la gestion du quotidien, parce qu’il faut bien s’arranger avec les autres, qu’on est soumis à des règles et qu’on ne peut pas passer pour un sauvage, et surtout parce qu’on craint secrètement d’avoir un jour besoin d’aide mais de s’être acculé à une solitude irrémédiable à force de s’être trop mis en marge.

    Je me suis dis c’est moi cela (même si je rencontre plein de gens qui ne respectent pas mes distances à moi, il faut dire que j’ai une très faible tolérance à propos de cela) et je crois que je n’ai même pas fini de lire la quatrième de couverture et je l’ai embarque. Bonne pioche et donc bonne découverte !

    Le narrateur est professeur de philosophie, spécialiste de Spinoza, à Bâle. La seule chose que je sais de Spinoza c’est ce qui est dit dans la quatrième de couverture. Il a fait une théorie sur le libre arbitre. Tout cela pour dire qu’il y a sûrement plein d’aspects de ce roman qui m’ont échappé mais j’ai aimé quand même.

    Je reprends sur le narrateur : il vient de cesser la vie commune avec sa copine, même s’ils continuent à se fréquenter et qu’elle a un autre amoureux. Le point de désaccord était que notre narrateur était un indécis, qui n’était pas assez ferme et qui attendait trop souvent que la situation se règle d’elle-même.

    Pour se consoler il a été faire une petite excursion à Amsterdam (je ne suis plus sûre) et fait au retour une escale à Strasbourg, où il a été la dernière fois avec sa copine. Sur le parvis de la gare, il rencontre Friedrich, musicien allemand, qui s’incruste avec lui (il manque deux pages au livre de la bibliothèque et je ne peux donc pas vous en dire plus sur le pourquoi du comment). Ils passent la soirée ensemble à aller de bar en bar. Passer la soirée ensemble est un bien grand mot car en fait, la narrateur passe toute la soirée à écouter Friedrich en pensant que c’est un poison et en se disant que demain il en sera débarrassé car il ne doit rester que la soirée à Strasbourg. il lui donne une fausse adresse et un faux numéro de téléphone pour ne pas que Friedrich le recontacte.

    Après quelques temps, le narrateur oublie l’aventure même si intérieurement elle le rend mal à l’aise car il n’a pas su mettre de frein à sa nouvelle connaissance. Un jour, il reçoit un coup de fil de Friedrich qu’il va passer par Bâle en allant à Zurich. Le narrateur essaie de s’en débarrasser en disant qu’il va aller trois mois aux États-Unis. Il croit que c’est bon mais il a un ami qui arrive pour quelques jours à l’aéroport. Et là, stupeur de chez stupeur, l’ami est accompagné de Friedrich qu’il a rencontré dans l’avion.

    Vous aurez compris que cela sonne le glas de la tranquillité de notre narrateur qui vient pourtant d’entamer ses vacances universitaires. Friedrich va s’incruster pour des semaines mettant bien à mal la patience du narrateur. La fin m’a fait rire même si elle n’est pas drôle car elle est identique au film de Tom Tykwer que je regardais en même temps, Winterschläfer.

    C’est un livre qui est très agréable à lire : histoire bien menée, personnages bien décrits, style pas complique, pas trop simple. Je n’ai pas vraiment grand chose à en dire car je ne suis pas assez littéraire pour cela. Ce qui fait le plus du livre, c’est la manière dont l’auteur arrive à faire voir le point de Friedrich à travers celui du narrateur. Le narrateur est le narrateur, c’est lui qui raconte tout au long du livre. Si l’auteur s’était contentée de quelque chose de classique, on n’aurait du avoir que son point de vue alors qu’ici l’auteur arrive à nous suggérer que peut-être l’histoire est tout autre que celle que l’on croit. Il le fait à plusieurs reprises semant ainsi le doute sur notre sentiment. C’est ce que personnellement j’ai beaucoup aimé.

    Références

    Enfin le silence de Karl-Heinz OTT – traduit de l’allemand par Françoise Kenk (Phébus, 2008)

  • Il y a une ou deux semaines, Magali Homps, une des responsables de la maison d’édition Zinnia, a mis un commentaire sous mon billet de La Maladie de Alberto Barrera Tyszka, m’expliquant que sa maison d’édition avait fait paraître deux nouvelles de cet auteur et que peut-être elles pourraient me plaire.

    Intriguée, j’ai découvert sur leur site que Zinnia est une maison fondée en 2013, à Lyon, qui se consacre exclusivement à la promotion et à la diffusion des littératures latino-américaines. J’ai donc feuilleté le catalogue parce que quitte à commander des livres, autant ne pas en commander deux. Finalement, j’ai utilisé mon compte PayPal pour en commander trois. Les ouvrages sont disponibles en papier et en numérique (ils sont moins chers alors). J’ai choisi le papier car le site dit qu’un soin particulier est accordé à la création du livre.

    J’ai reçu les trois livres dans la semaine. Première constatation : en effet, ils sont très beaux. Ce sont des nouvelles donc ce sont des petits formats. C’est un peu le même type de texte que l’on vend avec les magazines féminins ou Le monde l’été sauf que là, c’est une maison d’édition qui le fait, par des gens qui lisent et donc ils savent que un beau texte est lu et gardé dans une bibliothèque et ne doit pas tomber en ruine au bout de deux lectures. Ils sentent, ils sont cousus, les couvertures sont discrètes et de bon goût avec un léger relief, le papier est épais, la police est à la bonne taille. Un livre quoi, pas un assemblage de papier.

    J’ai lu cette semaine les deux nouvelles de Alberto Barrera Tyszka. J’en ai préféré une par rapport à l’autre.

    CorrespondanceDesAutresLa Correspondance des autres est l’histoire d’un professeur qui décide d’aller enseigner bénévolement la littérature dans une prison de Caracas. Il va avoir des élèves, tous volontaires, qui vont l’écouter. Jusqu’au jour où une émeute va se produire et va bouleverser la vie du professeur mais aussi de ses nouvelles.

    Le texte fait une vingtaine de pages et j’ai eu du mal à comprendre ce que l’auteur avait bien pu vouloir signifier. À mon avis, le texte parle de l’importance de la maîtrise de la parole et de l’écrit et surtout du pouvoir que cela donne par rapport à ceux qui ne l’ont pas (ou qui l’on perdu). Le texte, à travers les différentes situations et les différents personnages, envisage ces situations. La dernière image du livre est inoubliable et très significative.

    C’est un texte, bien écrit et bien amené. Il fait passer beaucoup d’idées en très peu de pages. Cela aurait peut être demandé plus de pages.

    Je dis cela car la veille j’avais lu Balles perdues, plus longe puisqu’il fait une cinquantaine de pages. Je vous recommande absolument ce deuxième texte. Balles perdues est l’histoire d’un père qui voit à la télé son fils aîné se faire tirer dessus lors d’une manifestation et disparaître dans la foule. Le choc est d’autant plus que personne ne comprend ce qu’il faisait dans cette manifestation politique puisqu’il était le plus apolitique de la famille.

    BallesPerduesLa famille après vérification s’inquiète et voudrait savoir ce qu’il est devenu. Elle va voir les hôpitaux, les morgues, la télévision (pour voir s’il n’y aurait pas d’autres images qui en disent plus). Rien, pas de nouvelles. Cependant, la famille se divise sur la stratégie à apporter : aller voir les télévisions, oui mais lesquelles, celles pro-gouvernement, celles anti-gouvernement ? On voit les dissensions arriver, chacun choisissant sa voie mais surtout il y a un grand absent dans le texte, c’est le disparu. La chute est d’autant plus marquante pour le lecteur.

    En peu de pages, l’auteur passe d’un thème un peu thriller (dans le sens d’évènement palpitant), au drame familial, à la chronique des divisions d’un pays et de l’influence des médias sur les gens. On ne perd jamais le fil même en véhiculant autant d’idées, l’histoire est menée de mains de maître. Tout est logique et naturel. C’est une vraie nouvelle avec un fond intéressant et mémorable.

    C’est un très bon texte. Si toutes les nouvelles étaient comme cela …

    Références

    La correspondance des autres de Alberto Barrera Tyszka – traduit de l’espagnol par Nicole Rochaix (Zinnia Éditions, 2013)

    Balles perdues de Alberto Barrera Tyszka – traduit de l’espagnol par Nicole Rochaix (Zinnia Éditions, 2013)

  • LeMielSlobodanDespotJ’ai pris ce livre sur la table des coups de cœur de ma librairie préférée. Je l’ai dévorée en deux journées de RER. C’est typiquement le genre de livre que j’adore : il vous emmène ailleurs tout en vous faisant prendre conscience de réalités que vous n’avez même jamais effleuré.

    Le narrateur est dans le cabinet d’une herboriste, assez extraordinaire, qui lui raconte l’histoire qu’il nous retranscrit ensuite. Un jour, à la suite de la panne de son bus sur l’autoroute, elle remonte à pied une bretelle et aperçoit une voiture en panne où elle entend un homme crié sur un plus vieil homme en le menaçant plus ou moins de mort. L’herboriste voit rouge et intervient en payant les réparations de la voiture de l’homme, ce qui était l’objet de sa colère. Elle vient de faire la connaissance de Vesko le Teigneux.

    Elle l’oublie mais un jour, elle le voit arriver au cabinet avec 50 kg de miel (en pleine pénurie) et son argent. Vesko est toujours aussi teigneux mais explique que c’est son père qui a voulu rembourser les dettes (qui n’en étaient pas puisqu’elle ne voulait pas de remboursement). Elle lui demande pourquoi tant de haine envers son père et il lui raconte (ce qui le soignera de sa haine progressivement).

    Alors que la Yougoslavie était devenue une multitude de pays : il a été obligé de faire le trajet de Belgrade à la province de Krajina, pour récupérer son père. Celui-ci avait réussi à survivre par chance (ou miracle) au passage des Croates après l’abandon du terrain par les Serbes car au moment de l’attaque, il était auprès de ses ruches, en hauteur et est resté caché là-bas tant qu’il y a eu du danger. Ses deux fils, inquiets, veulent le mettre en sécurité chez Vesko où ils habitent tous les deux. L’ainé ne peut pas y aller car il a fait partie de l’armée serbe et il faut traverser la Croatie. C’est donc Vesko qui va s’y coller.

    Vesko est serbe mais n’a pas pris part à ce qui c’est passé. Il a regardé la guerre comme quelqu’un d’extérieur. La nouvelle situation du pays lui semble assez extraordinaire. Des pays qui étaient sa patrie sont maintenant étrangers et même dangereux pour lui. En plus, il n’a jamais été « courageux » (je pense qu’on serait tous dans le même cas que lui). Il doit donc affronter une peur d’autant plus grande en traversant des pays où il pense que les gens vont l’assassiner à la moindre parole en entendant qu’il est serbe. Au fur et à mesure d’un trajet initiatique ou de quête, il va pourtant rencontrer des gens de toutes origines qui vont l’aider, même un peu, avec beaucoup de gêne, car il n’y a plus que cela à faire maintenant. Il ne changera pourtant pas d’avis, ni de sentiments sur les gens qui l’entourent.

    Ce que j’ai pensé en tant que lectrice, c’est que Vesko était hargneux parce qu’il n’était pas fier de ce qu’il était devenu, un homme indifférent, manquant de vie tout simplement : il va au travail, rentre s’occuper de sa famille, est content d’avoir son appartement, a des amis exactement comme lui. C’est à mon avis, c’est ce que à quoi son père le renvoie C’est l’herboriste qui va le réconcilier avec lui-même et avec son père.

    Le roman raconte donc l’aller-retour Belgrade-Krajina. J’ai 31 ans et pour moi les guerres des Balkans, ce sont des images à la télévision qui sont imprimées dans ma tête mais qui n’ont pas de réalité. Ce livre m’a donné le sentiment de voir un peu mieux ce qu’étaient ces guerres mais surtout comment cela s’est passé après, une fois que l’on n’en a plus parlé, de la difficulté de revivre ensemble après tout cela. L’avantage avec le roman de Slobodan Despot, c’est qu’il n’y a pas de gentils ni de méchants, pas de réels parti-pris même si l’histoire est racontée du point de vue serbe ; ses personnages sont des gens normaux, comme vous et à moi.

    J’ai beaucoup aimé l’écriture car je l’ai trouvé très naturelle. C’est censé être la retranscription par le narrateur du récit de l’herboriste avec des passages éliminés car sans rapport. L’auteur a adopté un ton plutôt récit de coin du feu. On regarde le feu tout en écoutant et on voit les personnages prendre vie autour de nous. C’est le sentiment que j’ai eu en tout cas.

    En conclusion, un très bon roman.

    Un extrait

    Le  beau-frère se disait « charcutier de piquet » ; avant la guerre, on lui amenait d’office tous les Turcs et les Macédoniens qui, descendant d’Allemagne pied au plancher, s’endormaient au volant juste dans leur zone, après une douzaine d’heures de conduite. À présent, les Mercedes surchargées ne circulaient plus sur l’autoroute défoncée par les blindés, mais il était de service vingt heures par jour. Il réparait à la hâte des blessures qui n’étaient pas très différentes de celles dont il avait l’habitude, mais imprimées dans des chairs très jeunes, affrontant les regards d’adolescents surpris et scandalisés de se découvrir invalides, eux qui la veille encore décrochaient les paniers de basket-ball ou coursaient les filles les plus désirées. C’est dans l’odeur de boucherie et de désinfectant et dans le bourgeonnement absurde de leurs membres déchiquetés qu’ils comprenaient que la guerre n’était pas un sport comme les autres et que l’infirmité serait leur seul métier pour le restant de leur vie.

    Références

    Le miel de Slobodan DESPOT (Gallimard, 2014)

  • LAmeNoireLiamOFlahertyJ’ai acheté ce livre avec ma mère à l’île d’Oléron en 2004 quand on y est allé faire notre généalogie. Je m’en rappelle bien car à ce moment là on était dans notre période irlandaise (ma mère avait deux pays de prédilections : l’Irlande de sa lune de miel et la Russie de son voyage dans le Transsibérien ; elle a contaminé toute la famille). Ce livre a fait dix ans de purgatoire PAL. Je dis cela pour que les autres ne désespèrent pas en me lisant.

    C’est l’histoire d’un homme qui revient de la guerre, complètement brisé psychologiquement. Pour se remettre, on lui conseille de se rendre sur la petite île d’Inverara. Il logera chez des gens du coin : la petite Mary (qui est la plus grande des environs) et John le Rouge (à cause de sa femme), mariés depuis cinq ans, mariage toujours pas consommé.

    Il est tout de suite dégoûté par ces gens, qu’il pense très inférieurs à lui l’intellectuel dont le père a défié les curés et qui a été à l’université et même vu le monde. Pourtant la petite Mary voit en lui le prince charmant qui la sortira des griffes de son rustre de mari, elle la fille naturelle d’un noble. Tout cela se passe en hiver. La petite île est battue par les tempêtes, ce qui joue énormément sur les caractères surtout sur celui de notre étranger. Il est la plupart du temps renfrognée, solitaire. Il est aussi impulsif que les bourrasques qui frappent l’île.

    Les saisons avancent, le climat s’éclaircit et devient plus paisible. Les affaires de la petite Mary s’éclaircissent de même puisqu’elle arrive à séduire l’étranger, encore rebelle au printemps mais complètement conquis en hiver. L’automne verra la conclusion de cette histoire.

    Le livre suit donc les saisons. Sur une île irlandaise, le climat est extrêmement changeant, imprévisible, fuyant. C’est exactement le caractère de l’étranger. Personnellement, j’ai beaucoup de mal avec les gens qui changent cinquante fois d’avis en cinq minutes et c’est exactement ce qu’il fait. Il aime Mary, puis deux lignes après il sort un argument fallacieux pour dire qu’elle ne l’aime pas, qu’elle se joue de lui. C’est fait sans transition, sans même qu’on puisse comprendre ce qui s’est passé dans sa tête. C’est très dur de rentrer dans la psychologie d’un personnage dans ces conditions. C’est ce que j’ai trouvé plutôt faible dans ce livre (je ne sais pas qui je suis pour dire cela mais vous me permettrez). Le personnage de Mary et celui de John le Rouge sont statiques par rapport et semblent plus simple à comprendre dans mon cas.

    Par contre, ce qui est fantastique dans ce livre, c’est la description des phénomènes météorologiques, de la nature en général. On s’y croirait. Alors que j’ai eu du mal à croire à l’histoire d’amour, j’étais en train de me promener sous la tempête à Inverara. La lectrice que je suis a aussi admiré la manière dont les images du temps se superposaient à celles des variations du caractère du personnage principal. J’en ai conclu que Liam O’Flaherty était particulièrement doué pour peindre les paysages et la vie quotidienne (regardée ici sans concession), moins pour les personnages.

    Ce qui m’a confirmé cela, outre la postface de Tim Robinson, c’est le fait que le personnage principal s’interroge toujours sur la place qu’il a dans la société. Il se pose tout le long du roman la question de savoir si la posture de l’intellectuel peut lui apporter quelque chose ainsi que la société. L’étranger semble justement toujours intégré, ne trouve jamais sa place. En lisant la postface qui reprend des éléments biographiques de Liam O’Flaherty, j’ai pensé que l’auteur avait trop vécu pour pouvoir être normal, lui aussi avait cette position hybride (quoique inversé par rapport au personnage principal). Plus que les déboires amoureux du héros, ce sont ses réflexions sur qui il est vraiment qui m’ont intéressée.

    Références

    L’Âme noire de Liam O’FLAHERTY – traduit de l’anglais par Béatrice Vierne (Le serpent à plume – collection Motifs, 2004)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1981
  • ImHimmelIstJahrmarktJe voulais vous faire un billet sur deux livres e Dorothy B. Hughes qu’il faut absolument que vous lisiez. C’est ma dernière découverte ; j’adore cette auteur, la manière dont elle sait saisir une ambiance est au dessus de tout. Ce billet devra attendre car je suis surexcitée ce soir : je viens de finir mon premier livre en allemand (entendons nous bien : j’ai déjà lu pas mal d’ouvrages en lecture simplifiée mais là c’est un vrai livre (pour être plus précise une vraie BD) destiné à un public germanophone) !!! Je suis juste trop contente et je voulais donc en faire profiter tout le monde et surtout pouvoir me rappeler plus tard du premier livre que j’ai lu en allemand (comme je me rappelle que mon premier livre en anglais en entier c’est Darcy’s Diary de Amanda Grange).

    Dans Im Himmel ist Jahrmarkt, Birgit Weyhe reconstitue l’histoire de ses grand-parents à l’aide de photos, de lettres, de souvenirs. Elle réalise ce travail pour plusieurs raisons. Elle a hérité des albums photos de son père et de sa grand-père que personne ne voulait. Elle s’est en outre rendue compte qu’elle ne savais pas identifier les gens sur les photos (il y avait les noms mais elle ne sait pas qui cela désigne). Ensuite, elle a du aider son fils à rédiger son arbre généalogique et que sa prof lui a plus ou moins dit que c’était un travail bâclé parce qu’il manquait plein de dates et que c’était fouilli.

    Birgit Weyhe parle de sa grand-mère paternelle, Marianne (1908-1979), en premier. C’est une femme que l’on prend tout de suite en sympathie. Très jeune, elle s’émancipera de sa famille, des codes et convenances pour ouvrir une boutique de chapeau, élever seule son fils qu’elle a eu avec quelqu’un du marché noir, garder son employée juive alors que tout le monde l’aurait renvoyée, réussir à relever son magasin après la guerre. En gros, une femme forte qui ferait une excellente héroïne de roman.

    Puis, on passe à l’autre grand-mère, Herta (1913-2005), qui m’est apparue beaucoup moins sympathique. Elle était la fille d’un riche fabriquant. Quand son père lui a dit que c’était la famille (et l’argent) ou l’homme qu’elle fréquentait, elle a choisit la famille après avoir fait un essai avec l’amoureux (qui vivait dans un trop petit appartement). Elle a été malheureuse toute sa vie puisqu’elle a toujours suivi les desiderata de son père. « Marie-toi avec lui ! Il a plein d’argent, il est bien plus vieux mais bon … » C’était une femme de tête, une femme forte mais qui n’osait pas briser les convenances comme Marianne. Pour montrer un exemple de sa force, on peut citer le fait qu’en 1945, réfugiée en Hongrie, elle veut rejoindre son père à Berlin, prend sa voiture seule sans savoir précisément où est le front. C’est là où elle rencontrera son deuxième mari (père de la mère de Birgit) qu’elle tyrannisera beaucoup car lui était trop gentil.

    C’est la deuxième partie de la BD : la vie des deux grand-pères. Ils ne sont clairement pas à la hauteur même si le mari d’Herta est très sympathique.

    J’ai beaucoup aimé l’histoire que raconte cette bande dessinée car elle ne semble pas trop romancée. Elle est marquée par l’admiration de l’auteur pour les personnages-parents qu’elle a découvert. Comme le dit la quatrième de couverture, on découvre un bout de l’histoire allemande du 20ième siècle sans s’appesantir pour autant sur la Seconde Guerre mondiale (même si le changement de point de vue m’a fait très bizarre quand Herta a voulu rejoindre Berlin ; j’ai pensé qu’elle voulait fuir l’Allemagne pour aller à l’Est ou aller en France pour aller en territoire contrôlé par les Alliés puis après je me suis rappelée qu’elle était allemande et qu’elle n’avait aucun intérêt à se mettre dans cette situation).

    Je ne suis pas fan des dessins par contre. Pour quelqu’un qui apprend comme moi, ils sont très bien car l’image correspond au texte (et cela permet de bien deviner le sens de la phrase même si un mot échappe). Si le texte avait été en français, je n’aurais pas pris cette BD car le dessin manque de recherche au niveau de l’expression des visages (je suis incapable de faire pareil). La BD parle principalement de personnes et donc les cases sont majoritairement occupées par des visages. Les pleurs sont marquées par des grands traits qui descendent, l’étonnement par des yeux tout ronds … C’est un petit peu simple je trouve. À mon avis, cela vient du fait que l’auteur a voulu respecter l’aspect de ses ancêtres et qu’il est un peu dur de retrouver les expressions de visage sur des photos, statiques par définition. Je pense que la qualité de son dessin est à juger sur d’autres types d’histoires.

    Pour conclure, c’est une agréable découverte et je suis contente d’avoir pris ce livre à la bibliothèque !

    Références

    Im Himmel ist Jahrmarkt de Birgit WEYHE (Avant-Verlag, 2013)

  • LaClaireFontaineDavidBosc

    En automne dernier, je disais à mon libraire tout mon désappointement devant la rentrée littéraire de septembre où aucun des sept romans que j’avais lu n’avait trouvé grâce à mes yeux. Dépitée je m’en étais tournée vers des textes plus anciens. Mon libraire ne perdant pas espoir m’a conseillé deux livres dont La claire fontaine de David Bosc. Pour vous dire comment il est fort, il m’a fait acheté un livre d’un auteur que je ne voulais plus lire tellement je m’étais ennuyé à la lecture de Milo.

    J’ai pourtant adoré ce livre. David Bosc raconte les dernières années de la vie de Gustave Courbet durant son exil en Suisse après la Commune. L’artiste devait, selon le nouveau président français Mac-Mahon, financer la reconstruction de la colonne Vendôme (devis estimé à 323000 francs). Après négociations (qui dureront des années), Gustave Courbet obtient de payer 10000 francs pendant 33 ans. Il mourra avant d’avoir versé le moindre sou.

    David Bosc dresse le portrait d’un homme et d’un artiste, avec creux et bosses. L’homme est montré comme entier, bon vivant, accueillant, généreux, ayant des idées de liberté et d’épanouissement qui ne conviennent pas à une vision politique de cette même liberté. L’auteur décrit Courbet comme un homme simple, plutôt rustaud, ne théorisant pas son art, n’ayant pas d’idées préconçues. J’avoue que ses difficultés avec l’orthographe m’ont fait sourire.

    Parallèlement David Bosc décrit un artiste inspiré et génial, qui fait la différence entre la peinture de commande et l’art, qui a des facilités surprenantes. David Bosc montre l’œil du peintre, sa manière de voir la nature et de la ressentir mieux que n’importe quel humain. Cela a été l’argument décisif de mon libraire (et il avait raison). Je venais de finir Pietra Viva de Léonor de Récondo, livre pour lequel j’étais resté sur ma faim quant à la description des impressions de l’artiste. Dans ce livre, ce n’est pas du tout le cas et j’ai donc été servi.

    David Bosc emploie différents niveaux de langage pour nous parler du personnage : une langue pleine d’images poétiques pour décrire le peintre et une langue plus parlée pour nous décrire l’homme. Les deux ont en commun d’être rapide, véhiculant plusieurs idées, images, actions par phrase. Par exemple, les personnages sont décrits en quelques lignes comme dans le premier paragraphe (en le lisant j’ai tout de suite su que j’aimerais le livre) :

    De corps fatigué, avec sur ses cheveux comme une pelleté de centre, cinquante-quatre ans, les épaules chargées d’un sac, Courbet enquilla la rue de la Froidière, la barbe ouverte d’un sourire de bel entrain. Là où les pavés cessent, il se retourna, faisant se tordre l’écharpe bleue de sa pipe. Le jeune Ordinaire, son élève, s’était noué sur le visage une expression bien grave, jetant de droite et de gauche des regards de sentinelle et montrant, c’était drôle, qu’il était paré pour la bagarre, l’héroïsme même.

    De Gustave Courbet, je ne connaissais que deux tableaux, L’Origine du Monde et son Autoportrait où il se prend la tête, et pourtant ce livre m’a passionné et m’a donné envie d’en savoir plus.

    Références

    La claire fontaine de David BOSC (Verdier, 2013)

  • AvantQueJeMeConsumeGauteHeivollCe livre est merveilleux mais je n’ai pas réussi exactement à comprendre pourquoi.

    Gaute Heivoll est né en 1978. Cette même année, sur quelques moi, son village natal connaît une série d’incendies, huit au total. Au début, on ne s’inquiète pas mais au fur et à mesure il faut bien se rendre à l’évidence, ces incendies sont d’origine criminelle. C’est cette histoire que l’auteur essaie de nous faire partager en s’attachant à tous les protagonistes, l’auteur des faits, sa famille, la brigade des pompiers volontaires, les victimes, les familles des victimes…

    À cela, Gaute Heivoll entremêle sa propre histoire, lui qui n’a pas connu les incendies mais qui est né avec. Il parle surtout de sa relation avec son père. Il essaie de revivre ce que celui-ci a fait durant les faits mais il revisite aussi la période de la maladie de son père qui a précédé sa mort. C’est aussi l’occasion pour l’auteur de décrire son processus d’écriture, le pourquoi il écrit…

    On ne s’ennuie pas une seconde dans ce livre même si on connaît tout de suite le coupable. On s’attache à tous les personnages sans aucune exception.

    Au début, j’ai pensé que ce livre me plaisait à cause de l’écriture mais en relisant des paragraphes, je me suis rendue compte que les phrases étaient simples, normales je dirais (je lisais Les boutiques de cannelle de Bruno Schulz, ceci explique cela).

    Après réflexions, je pense que c’est la sincérité de l’auteur qui m’a fait aimé ce livre. Dans les parties où il parle de lui et de sa famille, il ne cherche pas à mentir ou à se faire passer pour meilleur qu’il n’est ou qu’il n’était. Il se juge sans complaisance et a un regard attendri pour son père, sa grand-mère… ses morts de manière générale. Quand il parle des protagonistes des incendies, c’est toujours lui qui est derrière. Je n’ai pas eu l’impression d’en apprendre beaucoup sur eux ou sur la vie d’un petit village en Norvège en 1978. Par contre, même à travers des évènements qu’il n’a pas vécu, j’ai eu l’impression d’avoir accès à l’auteur (il n est pas moche en plus), à sa vision du monde et plus particulièrement de son environnement.

    Cela m’a fait penser à des livres où les auteurs partent à la quête de leurs ancêtres, ne les trouvent pas ou ne les comprennent pas mieux (dans le sens où ils les interprètent toujours avec leurs yeux) mais se comprennent mieux, eux.

    Références

    Avant que je me consume de Gaute HEIVOLL – traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud (JC Lattès, 2014)

  • LeCheminDuSerpentTorgnyLindgrenQuand j’ai vu à Gibert ce magnifique petit livre, je l’ai pris sans même savoir de quoi cela parlait, ni même qui était Torgny Lindgren. Maintenant, je regrette que personne ne m’ait jamais dit que cet écrivain était génial. Heureusement qu’Actes Sud sait faire vivre son fonds. Ils ont lancé, en novembre 2013, une nouvelle collection « les inépuisables » dans ce but. Ils expliquent comment dès le début du livre

    Si vous avez acheté ce livre il y a de grandes chances que vous le transmettiez un jour à votre descendance. « les inépuisables » réalisent, en effet, une promesse que se font sans doute beaucoup d’éditeurs : rassembler dans une collection de prestige quelque-uns parmi les plus beaux titres du fonds, et apporter à ces ouvrages une présentation particulièrement soignée. Imprimés au début du troisième millénaire, alors que souffle sur le livre un vent de dématérialisation, « les inépuisables » réaffirment, par une fabrication exigeante, la pérennité d’un objet aussi choisi que son contenu : comme leur nom le suggère, « les inépuisables »sont conçus pour durer des siècles.

    Dans Le Chemin du Serpent, on est en Suède dans la deuxième moitié du XIXe siècle, une Suède que l’on pourrait qualifier de très religieuse, tout du moins dans les campagnes. Un homme simple interpelle Dieu pour qu’Il lui explique la destruction de sa famille. Le grand-père de cet homme s’est endetté au près du propriété du magasin de la région. Il se suicide en laissant sa femme, sa fille, veuve, et son petit-fils qui vient juste de naître se débrouiller avec la ferme. Le propriétaire du magasin en prend le contrôle et vient demander un fermage. Les habitants ne pouvant pas payer, il exige que la jeune fille paye en nature. Cela recommencera chaque année comme cela et cela ira même en s’aggravant puisqu’il leur ouvre un crédit qu’ils ne peuvent payer que par la même méthode.

    Quand le propriétaire meurt, le fils prend le relais. Pourtant, cela s’arrangera quand un homme arrivera pour aider la famille qui s’est agrandit entre temps. Cela durera un peu, jusqu’à ce que le nouveau propriétaire fasse enfermer l’homme. La femme aura eu deux enfants de lui.

    Le problème est qu’à un moment elle devient trop vieille, et elle doit donc être remplacée …

    C’est une histoire tragique que raconte Torgny Lindgren puisque toutes les catastrophes s’abattront sur la famille au cours du temps (la mort, la pauvreté, la misère), que trois femmes subiront le joug de deux hommes abominables.

    Le narrateur raconte son histoire a posteriori dans un langage simple et comme souvent dans ce cas-là évocateur et poétique. Ce qui m’a touché au cœur c’est qu’il ne semble pas avoir compris d où venait ses malheurs et qui étaient les fautifs d’une telle situation. Il vit sa vie comme une fatalité, une vie décidée par avant, comme on lui a apprit à le penser. Il cherche maintenant pourquoi cela s’est produit comme cela (car en fait il y a une catastrophe ultime qui provoque la destruction de son monde), en quoi il est fautif. Pour lui, il n’est pas évident que les propriétaires du magasin ait été puni par Dieu. Il lui semble que c’est plutôt lui et sa famille. Pourtant Il ne lui en veut pas.

    C’est un livre court et admirable. Si vous avez envie d’avoir les larmes aux yeux en ce moment, il vous touchera aussi.

    Il m’a fait penser à un livre que j’ai lu récemment Le Mauvais Sort de Beppe Fenoglio. Le livre le plus connu de cet auteur est La Guerre sur les Collines. Ce petit texte, publié en 2013 par Cambourakis, est dans la même veine que Le Chemin du Serpent.

    LeMauvaisSortBeppeFenoglioLe narrateur est cependant plus averti, plus combattif, plus intelligent au monde qui l’entoure, moins crédule face à la religion. Il se résigne tout en songeant à mieux. On est dans les Langhes, une région du Piémont, région dont est originaire l’auteur, dans la période de l’entre-deux-guerres. Malgré les efforts du père, la terre de la ferme doit être vendu au fur et à mesure, et la culture ne permettent plus de nourrir la famille et surtout de payer le fermage au propriétaire. L’aîné des fils restera pour aider sa mère et son père, le dernier des fils partira dans les ordres puisqu’il est doué et surtout subventionné par une vieille dame. Agostino, le fils du milieu, sera lui placé dans une famille qui a besoin de bras supplémentaires pour l’entretien de sa ferme. Il sera comme un esclave, tout en étant comme un membre de la famille (du genre qui ne peut rien demander car il ferait répondre qu’il est un ingrat vu tout ce que l’on fait pour lui)(en plus, son propriétaire est un avare). Le narrateur nous raconte la vie simple, le travail harassant, ses premiers amours, les discussions autour du feu, ses « servitudes » … Il ne rêve que d’une chose, retourner dans sa famille, reprendre la ferme en main pour ne plus être sous les ordres de quelqu’un. Il lui semble que parfois cela peut se produire et parfois non. C’est cela dont parle ce livre que je vous recommande aussi.

    Références

    Le Mauvais Sort de Beppe FENOGLIO – traduit de l’italien par Monique Baccelli (Cambourakis, 2013)

    Le chemin du serpent de Torgny LINDGREN – roman traduit du suédois par Elisabeth Backlund (Actes Sud, 2013)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1922
    Un siècle de littérature européenne – Année 1982
  • J’ai été aujourd’hui à l’exposition Angkor, la naissance d’un mythe au musée Guimet, à Paris (parce que c’est juste à côté de l’institut Goethe). J’avais lu pour préparer ma visite le hors-série édité par Beaux-Arts et aussi le récit de voyage de Pierre Loti, ayant pour cadre sa visite aux temples khmers en 1901.

    WP_000038 (2)Partie supérieure de la restitution de la tour du Bayon (photo prise par moi-même, au musée Guimet, le 11 janvier 2014)

    Pour vous situer dans l’époque, les temples « khmers » ont connu un grand succès au niveau du public grâce à l’énergie de Louis Delaporte, en 1873, qui a ramené des moulages des sculptures des temples, des statuts, des aquarelles… (qui sont magnifiques, même si les décors autour des temples ne sont pas réalistes). C’était le thème de l’exposition au musée Guimet (les temples avaient été redécouvert quelque temps avant pour les occidentaux, les orientaux n’ayant jamais perdu leurs traces). Le Cambodge est dès lors apparu dans les expositions universelles, les revues où étaient racontées les voyages des explorateurs. Pierre Loti (qui je le rappelle était l’écrivain favori de ma grand-mère), quand il était enfant, dans sa maison de Rochefort, avait son musée personnel, où il avait « réuni beaucoup de coquillages, d’oiseaux des îles, d’armes, de parures océaniennes, tout ce qui pouvait [lui] parler de pays lointains ». C’est dans ce musée qu’il a lu le récit d’un voyage à Angkor, et surtout a vu des images qu’ils l’ont marqué pour la vie. En 1901, matelot (mais aussi homme de lettres), il profite d’une permission pour aller découvrir les temples. Il nous raconte dans ce texte, sa remontée depuis Saïgon, vers les temples khmers, sa découverte des temples et son retour vers Saïgon.

    Pierre Loti est un homme de terrain et de réflexion. Cela se sent dès le début du texte. Tout en décrivant précisément les variations de faunes et de flores dans son voyage vers Angkor, il nous décrit en passant dans les villes son sentiment sur le colonialisme, et particulièrement le colonialisme français (on peut même dire qu’il était un peu visionnaire). Il nous parle aussi de sa découverte des autochtones.

    Quand il arrive à Angkor, il est submergé par la beauté du site. Il découvre les restes de la culture khmers, et c’est bien de reste et de ruines dont on parle à cette époque-là. Cela entraîne Pierre Loti sur la réflexion de ce qu’était cette civilisation, de ce qu’elle était capable de faire à l’époque et surtout de ce qu’il en reste. Pourtant, Pierre Loti continue à être. Il part en exploration seule pour se donner le temps d’assimiler. Il est énormément quand même dans le contemplatif. Il souhaite s’imprégner (il n’utilise pas d’appareil photo pour se rappeler lui). Il est cependant moins descriptif que pendant son voyage (en tout cas il rentre moins dans les détails).

    Le retour est un retour sévère à la réalité du monde. On pourrait même dire à la médiocrité du monde. C’est la fin de cette parenthèse enchanteresse.

    Alors que dans certains livres de Pierre Loti le style est vieilli, ici, ce n’est pas du tout le cas. Le langage est enchanteur et évocateur, précis dans la description tout en laissant place à l’imagination et aux rêves.

    Une très bonne découverte.

    Références

    Un Pélerin d’Angkor de Pierre LOTI (éditions Kindle)

    Un siècle de littérature française – Année 1912
  • LougousLongueMainCela vous a peut être échappé mais cette année 2013 a vu l’apparition de la première collection dédiée à la mythologie gauloise. J’en ai entendu parler sur l’Alamblog. Cela m’a tout de suite intéressée parce que pour moi le Gaulois, c’est Asterix et la mythologie gauloise c’est Belenos (je ne le connais que de nom puisqu’il apparaît tout le temps dans les BD).

    Le premier volume de cette collection porte sur Lougous longue-main, qui correspond au dieux irlandais Lugh. Pour vous situer, le nom de Lougous se retrouve dans celui de la ville de Lyon. Donc son histoire est très importante.

    Lougous semble être le dieu le plus important et ce livre nous raconte son histoire. Argantorata, sa mère, était porte-pied à la cour du roi Matous. Il posait ses pieds sur elle parce qu’elle était vierge. Elle avait plusieurs frères qui était fou d’amour pour elle, et pas forcément d’un amour fraternel. Un jour, Matous, en rentrant de la guerre, découvre que son porte pied n’est plus vierge (il la fait marcher au dessus de sa baguette magique qui se tort -> c’est un mauvais signe apparemment). Furieuse (car elle ne le savait pas), elle laisse échapper un enfant déjà formé (tout juste s’il ne marche pas déjà), Cernounnos, et une sorte d’avorton à peine viable, Lougous. Pour ne pas mentir, Lougous n’a pas eu de nom pendant longtemps. Il a été pris en charge par son oncle Ollouidios qui lui a enseigné toutes les choses utiles pour un enfant dieu. Comme dirait Jane Austen, il en a fait un garçon accompli, prêt pour régir le monde. Encore faudrait-il que le monde le veuille bien.

    Pour cela, il a besoin d’un nom, d’armes et d’une femme. Tout ce que la mère ne veut pas lui donner. Ollouidios rusera et il aura tout. Il ira continuer sa formation chez Nectanos, qui s’est chargé de l’éducation de Cernounnos.

    Là, on le tient au courant que Aballon est tyrannisé par les Difformes. Lougous décide d’aller aider puisqu’il possède tous les arts. Avant, il demande à Nectanos qui est son père. Il va devenir le chef des enfants d’Ana dans la guerre et découvrir qui est son père. Je vous laisse un peu de mystère car je ne doute pas que vous lisiez ce livre.

    Pourquoi ? Parce qu’il est plein d’aventures plus invraisemblables les unes que les autres (le genre qu’on ne peut trouver que un monde peuplé de dieux), des tournures de phrases encore plus drôles que dans Asterix

    Nous les remplirons de crainte, quand ils auront été défaits par notre ruse, jusqu’à ce que leurs héros soient tombés, et nous les priverons de deux tiers de leur pouvoir en retenant leur urine.

    (ma mère aurait qualifié cette arme de décisive), que vous pourrez le lire avec vos enfants (et même leur transmettre car c’est un très beau livre). La seule chose qui ne m’a pas trop emballé c’est les dessins à la gouache qui illustre le livre. Ils sont beaux mais moi je pensais vraiment que les Gaulois ressemblaient à Asterix alors que là ils ressemblent à des guerriers d’Océanie (c’est une déception pour moi de penser qu’Asterix m’a menti pendant tant de temps).

    Pour finir de vous persuader, j’ai lu ce livre deux fois, le 24 décembre et le 31 décembre et à chaque fois, j’ai passé un excellent moment.

    Pour ceux que cela intéresse, par la suite, il y aura Argantorata Grande-Reine, Cernounnos Torque-d’Or, suivis de Nodons Main-d’Argent, Gobannos Feu-Hardi, Ambactos Corps-Dévoué, Nectanos Gardien-des-Eaux, Ollouidios Roue-du-Monde, personnages qui sont introduits dans le premier volume de cette série.

    Références

    Lougous longue-main de Jean-Paul SAVIGNAC et Jean MINERAUD (Les Hommes-Dieux / Éditions de la différence, 2013)