Le titre de livre est assez racoleur parce que Borges, c’est cinq pages du roman. Par contre, c’est un roman absolument génial, genre coup de cœur.
L’objet-livre est d’une qualité exceptionnelle (surtout pour 19,90 euros). Le papier est épais tout en étant souple, la couverture est solide avec deux rabats. Pour témoigner de la qualité du livre, après une semaine de lecture dans le métro à le trimbaler dans mon sac à main, il est comme neuf. Il n’y a pas les marques de salissures sur la tranche, la couverture n’est pas cornée, sale ou chiffonnée (en fait, un coin si mais je l’ai fait tombé). Il y a certaines grandes maisons d’éditions qui devraient en prendre de la graine (je ne cite personne mais G… édite plutôt des livres à lire chez soi, à mon avis).
On est à Harvard, un an avant la mort de Borges. Notre narrateur principal (parce qu’il va y en avoir deux), lecteur d’espagnol à l’université, est appelé par le célèbre écrivain. Au rendez-vous, Borges lui explique qu’il va lui dicter un songe qui va prendre la forme d’un roman. Passé la première stupeur, Borges n’ayant jamais écrit de roman, notre narrateur accepte évidemment.
On va se retrouver à Prague, en 1665, dans le cimetière juif, en compagnie du docteur Marcus Marci, recteur de l’Université Caroline, et du fossoyeur Zounek. Ce dernier va raconter les événements qu’il a vécu à la cour de Rodolphe en 1608-1609 au recteur. C’est à partir de de moment que le livre est extraordinaire parce que tout simplement on y est : tout s’efface autour de vous pour laisser la place à une Prague sombre, pleine de magie, de mort, de sortilèges et de croyances étranges. Le livre est construit en cinq actes comme une pièce de théâtre ; l’auteur organise des respirations pour nous rappeler l’histoire de 1665 et de maintenant mais finalement, ce que l’on retient c’est les événements de 1609.
Zounek est fils d’un savetier, non juif, installé dans le ghetto. Son père est savant et s’intéresse à l’alchimie et aux choses un peu magique. Il va se retrouver emprisonner au château de Rodolphe mais avant, il fait promettre à son fils de fuir. Celui qui n’a alors que seize ans ne va pas obéir et décide même de tuer Rodolphe. Il se rend au palais où après une méprise, il se retrouve serviteur de l’empereur sous un faux-nom. Il parcourt le palais, y trouvant notamment des fosses puantes où sont entassés des prisonniers jusqu’à leur mort. Il découvre aussi des personnages extraordinaires, tirés de roman : Kepler (pas du tout présenté comme un scientifique d’ailleurs), John Dee et Edward Kelley (dont une jambe a été amputée suite à la chute d’une tour d’où il tentait de s’évader), Catherine la vierge qui fut la maîtresse de Rodolophe. C’est cette ambiance un peu cour des miracles, magique … qui m’a énormément plus et surtout dépaysée. L’histoire est celle du fossoyeur mais est aussi centrée sur la manuscrit de John Dee, qui verse dans l’alchimie. La chute avec Borges est aussi très bien. Blanca Restra est une auteur qui sait terminer ses romans.
En plus, le livre est très facile à lire car il est constitué de chapitres très courts (trois pages au maximum avec une mise en page aérée), qui rythme le récit, même quand on se dit qu’il ne se passe rien.
En gros, il faut le lire (même si mon billet est brouillon).
Références
Le songe de Borges de Blanca RIESTRA – traduit de l’espagnol par Aline Janquart-Thibault (Éditions Orbis Tertius, 2013)