Cecile's Blog

  • LaBelleDeJozaKvetaLegatovaJ’ai repéré ce livre en ebook sur Feedbooks mais le soir même, je suis allée au Relay de la gare de Paris Saint-Lazare et je l’ai vu ! Donc je l’ai acheté en papier. Parce que je suis faible.

    C’est de la littérature tchèque, publiée pour la première fois en 2002 et en 2008 en France (je n’en avais même pas entendu parler, comme quoi les rééditions en poche ont du bon). Je vous précise les dates car cela m’a étonné au vu du sujet et de son traitement. Je pensais plutôt à un livre, publié dans la deuxième moitié du vingtième siècle.

    Eliška est une jeune doctoresse pleine d’avenir. Elle est jeune, belle, jolie, brillante, a un amant (marié) bien en vue. Elle est sûre d’elle, moderne, pleine de caractère. Sauf qu’on est en pleine Guerre mondiale et qu’elle doit donc fuir la Gestapo. Pour se protéger, un de ses amis lui « ordonne » de se marier avec un de ses patients, Joza. Celui-ci est un peu considéré comme l’idiot du village mais Eliška et lui ont bien accroché. Bien que réticente, elle se range à cette solution et se retrouve en pleine montagne, dans un tout petit hameau, Želary, qui vit complètement hors du temps et surtout de la guerre. C’est donc bien le refuge idéal.

    Eliška méprise, au départ, la vie rurale et les activités simples, en apparence, qui occupent les villageois. Au fur et à mesure, elle va s’ouvrir à eux et à leur mode de vie. Ils vont la prendre sous leurs ailes et lui apprendre tout pour pouvoir s’intégrer et vivre parmi eux. Une intégration toute simple, sans question. Elle va prendre goût à cette nouvelle vie et même sur la fin, dénigrer son ancienne vie et en comprendre la futilité.

    Cela va de pair avec l’amour qu’elle va développer pour Joza. Celui-ci incarne la gentillesse et la compréhension à l’état pur. Il ne crie pas, ne la bat pas, ne la critique pas quand elle fait mal à manger. Il ne cherche qu’à lui faire plaisir et ne souhaite que son bien. Elle découvre avec lui le « véritable » amour, alors qu’elle croyait l’avoir trouvé avec son amant médecin.

    Ce qui m’a plu dans cette histoire, c’est la « renaissance »de Eliška. Au début du roman, elle fait garce tandis qu’à la fin elle est une femme apaisée. L’auteure, par sa description des personnes qui habitent le village, nous donne à nous aussi une impression de sérénité, d’être hors du temps.

    C’est vraiment une lecture très apaisante, hors du temps en cette rentrée littéraire. J’ai bien envie de découvrir le deuxième livre de cette auteure, publié en France par les éditions Noir sur Blanc en 2010, Ceux de Želary et qui se passe donc dans le même village d’après le titre du livre.

    L’avis de Claude (avec plein d’extraits)

    Références

    La Belle de Joza de Květa LEGÁTOVÁ – traduit du tchèque par Eurydice Antolin avec le concours de Hana Aubry (Libretto, 2014)

  • BoseGeisterPeerMeterGerdaRaidtJe viens de découvrir la chanson des Kinks, A well respected man grâce à l’émission de Christophe Ono-Dit-Biot avec Philippe Djian sur France culture. Je l’écoute en boucle depuis ce matin. Du coup, je suis de très bonne humeur et dynamique donc billet de blog !

    J’ai repris mes lectures en allemand, lecture simplifiée dont je ne vous fais pas de billets (à moins que cela vous intéresse) et BD. Peer Meter, le scénariste de Böse Geister, est aussi celui de L’empoisonneuse qui était sorti chez Actes Sud il y a quelques années (normalement j’ai prévu de le lire en allemand bientôt), et de Haarmann le boucher de Hanovre que j’avais beaucoup aimé.

    Ici, point d’histoire glauquissime, mais histoire triste quand même. Le narrateur, âgé d’une soixantaine d’années, revient dans le quartier de son enfance car il va bientôt être détruit. Il cherche donc son ancienne maison, dans un quartier complètement bouclé, y pénètre et les souvenirs commencent à remonter. Quand il était petit garçon, il habitait juste au dessus d’un homme qui vendait des imprimés (comics …). Comme le narrateur n’avait pas d’argent, le monsieur le faisait travailler dans la boutique en échange de BD sur les esprits, les revenants … Quand son père meurt lors d’un accident de travail, il décide d’imiter ses héros et de communiquer une dernière fois avec son père. Cela va finir tragiquement.

    Il n’y a pas du tout d’histoire de revenants, de communication avec les morts. C’est plutôt une bande dessinée où la nostalgie et la tristesse est omniprésente. Le narrateur essaie de se pardonner à lui-même ce qui s’est passé quand il était petit car bien sûr il se sent responsable. Je ne pense pas que le public visé est un public adulte comme dans Haarmann par exemple, même si l’histoire est un peu dure quand on est un enfant. J’ai pris plaisir à lire cette histoire mais je n’y ai pas de trouvé d’intérêt particulier au scénario. C’est un bande dessinée sympathique mais pas inoubliable.

    Les dessins sont en noir et blanc, et plutôt très bons. Pour moi, ils arrivent parfaitement à refléter le monde d’un enfant, isolé et rêveur. La couverture est un très bon exemple de l’intérieur du livre (je précise que sur le fond ce n’est pas des étagères mais les tuiles d’un toit ; je dis cela parce que c’est ce que j’avais cru au départ et c’est pourquoi j’ai acheté la BD).

    Concernant la langue (puisque je lis des BD en allemand pour me perfectionner), les dialogues sont plutôt simples et les dessins très explicites. La BD peut donc se lire sans dictionnaire. Ce qui est particulièrement agréable. On peut ensuite chercher les mots que l’on n’a pas compris. J’avais noté une quinzaine de mots ; ce n’est donc pas énorme.

    En résumé, une BD sympathique pour perfectionner vous, ou vos enfants, en allemand.

    Références

    Böse Geister de Peer METER et Gerda RAIDT (Reprodukt, 2013)

  • FaceAuxTenebresWilliamStyronHier, j’ai été à l’exposition du Musée du Luxembourg sur Paul Durand-Ruel. J’ai trouvé que c’était magnifique (les tableaux, l’accrochage, la lumière … je voulais partir avec deux tableaux, un de Sisley et un de Monet) mais c’était vraiment très court. Il n’y avait que quatre salles (je ne savais pas trop à quoi m’attendre vu que je n’étais jamais allée dans ce musée). Je vous dis cela pour justifier que je n’ai pas fait de billets hier alors que j’ai fini des livres cette semaine.

    J’ai acheté hier Face aux ténèbres – Chronique d’une folie de William Styron et je l’ai fini aujourd’hui. Je commence bien sûr par le dernier que j’ai terminé … C’est vraiment n’importe quoi.

    J’ai voulu lire ce livre après avoir vu la réponse de Cathulu à un commentaire lui demandant les différents livres traitant de la dépression (c’était à la suite de son billet sur le livre de Céline Curiol dont le Masque et la plume a dit tant de bien).

    Une note de l’auteur nous indique comment ce livre a vu le jour. Il est issu d’une conférence que William Styron a donné à Baltimore en mai 1989 « à l’occasion d’un symposium sur les troubles de l’affectivité ». Le texte de la conférence, « considérablement étoffé », a été publié par Vanity Fair en décembre de la même année. Le format ne satisfaisait pas entièrement l’auteur. Il a donc légèrement retouché son texte, qui a pris la forme du livre que je vous présente ici.

    Pendant 120 pages, William Styron va nous expliquer sa dépression, comment il a plongé dans cet état, comment il était à ce moment-là, comment il s’en est sorti. Bien sûr, il essaie de tirer de son expérience personnelle des considérations plus générales. Le livre ne suit pas le plan chronologique que je viens de vous décrire.

    L’auteur commence son récit par une description d’un voyage de quatre jours, en 1985, à Paris, pour recevoir le prix Cino Del Duca. À moment-là, il était déjà dépressif depuis plusieurs mois. il décrit très bien le fait de ne pas réussir à être heureux alors que tout le monde le serait à sa place. Il décrit aussi l’état de torpeur et de paralysie qui le gagne quand il s’agit de participer à une conversation. Il parle de l’envie de ne plus bouger de son lit.

    Après ce voyage, il consulte un psychiatre. Cela l’entraîne à aborder le traitement. Doit-il prendre la forme d’une thérapie, des médicaments, des deux ? J’ai trouvé que ce qu’il disait était vraiment intéressant car pour lui, à une dépression correspond une personne. Finalement, la souffrance d’un individu est difficile à prendre en compte et surtout à comprendre. L’auteur insiste sur le désarroi des psychiatres à comprendre la douleur engendrée par une dépression, un désarroi qu’il tente de cacher en prescrivant uniquement des médicaments (pas d’écoute …)

    La conclusion du texte est qu’il vaut mieux être averti de ce qu’est une dépression, ne pas craindre de se faire aider, ne pas craindre forcément l’hôpital, ne pas tarder à consulter et ne pas attendre de plonger définitivement.

    Personnellement, j’ai trouvé ce texte très intéressant dans la démarche et dans l’ordre suivi pour expliquer la dépression. On comprend bien le comment, la rapidité et l’ampleur que peut prendre une telle maladie, le pourquoi (un petit peu expliqué mais parfois incompréhensible), la guérison. La partie qui m’intéressait le plus était sur les symptômes de la dépression. Comment est-ce dans la tête d’un malade au moment de la maladie ? Je suis un peu déçue car l’auteur le montre comme s’il était une personne extérieure. Il raconte des situations mais ne note que ce qu’aurait pu noter ses proches, ses amis. Par pudeur et par tact, il ne raconte pas ce que lui a pensé à ce moment-là (je ne sais d’ailleurs pas s’il le pourrait). Par contre, quand il parle de suicide, il raconte ce qu’il se passait dans sa tête. Finalement, il raconte cela uniquement quand il était au fond du trou alors que ce qui pourrait aider c’est de raconter ce qui sa passait dans sa tête avant.

    Mon passage préféré est celui qui parle d’Albert Camus et de Romain Gary. Albert Camus vient de mourir dans un accident de voiture. Roman Gary raconte à William Styron les forts moments de mélancolies de l’auteur de L’Étranger. Il lui explique que l’accident de voiture est une forme de suicide car Albert Camus savait que le conducteur de la voiture était un chauffard.  Romain Gary n’a jamais compris les moments dépressifs de son ami et ne comprend pas son geste final. Quelques années, il sera lui aussi dépressif et se suicidera. Par cette « anecdote », l’auteur cherche à illustrer que c’est un mal qui peut toucher tout le monde, même ceux qui se croient à l’abri.

    En conclusion, je dirai que ce texte a un peu vieilli. Il a été publié pour la première fois en 1990 mais depuis, le grand public est, je pense, plus informé de ce qu’est une dépression. Cependant, le texte incarne, d’une manière personnelle, pour le cas de William Styron, les conseils que l’on peut lire aujourd’hui dans les journaux ou sur internet. C’est ce qui fait clairement sa valeur.

    Références

    Face aux ténèbres – Chronique d’une folie de William STYRON – traduit de l’américain par Maurice Rambaud (Folio, 2013)

    Première parution aux États-Unis : 1990

    Première parution en France (aux éditions Gallimard) : 1990

    Un siècle de littérature américaine – Année 1990
  • SousLesCouverturesBertrandGuillotJ’ai vu la première fois ce livre sur le blog de Cuné ; son billet était tellement sincère que je me suis dit que ce livre était pour moi. Sauf qu’elle a fait le billet en août et je l’avais un peu oublié puis le jour de la parution sont parus les billets de Leiloona, Jérôme et Stéphie pour me faire un pense-bête. Je l’ai donc acheté et lu (en général, les livres sur les livres restent peu dans ma PAL).

    J’ai beaucoup aimé le livre mais je n’aime pas du tout la couverture. Heureusement que je vais voir sous les couvertures …

    Je résume rapidement l’histoire même si vous l’avez sûrement déjà lu 500000 fois. C’est l’histoire d’une librairie qui périclite, qui survit en fait alors que les autres du quartier ont l’air de mieux marcher. Le libraire est « vieux » et n’a pas su s’adapter au « nouveau marché ». Il met en avant les livres qui « marchent » et pas du tout ceux qu’il aime en pensant que c’est ce que les gens demandent. Ils dépriment donc. En plus, son fils est un des conseillers du patron d’Amazon pour exercer des pressions à Bruxelles. À côté de cela, le libraire a une apprentie qui a plein d’idées pour améliorer la librairie. Elle est apprentie donc son patron ne l’écoute pas … et donc elle déprime. Le roman parle d’une remise en main de la librairie. Au début du livre, tout le monde est déprimé puis à la fin tout le monde y croit.

    Les deux personnages ne sont pas les seuls à vouloir se battre. Il y aussi les livres de la librairie. Ceux qui ne sont pas sur la table des best-sellers veulent s’y mettre et donc chasser ces horribles bouquins dont tout le monde parle. En alternance avec les points de vue des « personnages humains », on va suivre cette passionnante bataille des livres, qui se fera avec violence mais aussi avec les mots !

    Clairement, j’ai trouvé la bataille des livres beaucoup plus intéressantes que le point de vue du libraire et de son apprentie. C’est tout simplement beaucoup plus subtil. Le point de vue des personnages ressemblent à tout ce qu’on peut lire sur la librairie. Oui, il y a des librairies qui marchent. Oui, il faut se battre, suivre ses idées, son petit bonhomme de chemin. Les librairies qui ne marchent pas sont celles qui font de la vente de livre plutôt que du conseil …

    Je peux vous dire que je vais dans trois librairies à Paris (un peu plus en fait mais là c’est celles où je vais souvent) et je n’ai pas l’impression qu’elles ne marchent pas. Par contre, quand je vais à la FNAC à côté du travail, il n’y a clairement pas beaucoup de monde le midi alors que les autres magasins sont plein.

    J’ai donc trouvé un manque d’apport au débat, dans les chapitres concernant ces personnages humains. Par contre, ils sont tous les deux très attachants, bien décrits.

    La bataille des livres, que l’on suit en alternance avec les personnages humains, est plus subtile et plus personnelle car l’auteur nous y dévoile ce qu’il pense de ce qui fait un bon livre et un mauvais livre. Quand les livres se combattent par les mots, il y a des répliques passionnantes sur les figures de styles, les ficelles … utilisées par les auteurs de best-sellers qui sonnent plus justes que n’importe quel long discours. Avant de se combattre par les mots, les livres se combattent par la violence. Forcément, les best-sellers vont l’emporter car la quantité l’emporte toujours sur la qualité. L’auteur présente aussi la hiérarchie des livres. Les classiques sont indéboulonnables, les best-sellers sont mis en avant, puis au milieu, il y a les autres, ceux qui risquent le carton de retour tous les lundis. Dans ces oubliés, il y a aussi une hiérarchie interne : les vieux auteurs ayant connus la pile, les jeunes auteurs médiatiques, les auteurs qui font peu parler d’eux mais qui écrivent de merveilleux livres, les révolutionnaires, les courageux … Quand ces oubliés discutent entre eux, on voit ce que peut apporter la littérature dans un débat en diversité de monde, de point de vue. L’auteur met aussi en scène les auteurs de ces livres lors d’un salon littéraire. Quand ils discutent entre eux ce n’est pas du tout la même chose. Bien que les auteurs aient la personnalité de leur roman, ce n’est pas la même. Ils ne s’expriment pas « entièrement » en publique. Le débat n’est pas identique. Les auteurs ne se parlent pas forcément et pas forcément ouvertement. Le sentiment que cela m’a donné est que c’est un peu au lecteur de faire parler les livres entre eux. La bataille des livres donne l’exemple de ce qu il pourrait obtenir.

    J’ai beaucoup aimé ce livre. Le point négatif du livre est que je n’ai pas trouvé les points de vue entre livre et humain très bien articulé et coordonné. Les points positifs sont les personnages, l’humour de l’auteur (je n’en ai pas parlé mais il est là) et les réflexions sur le monde du livre.

    Les avis de Leiloona, Stéphie, Jérôme et Daniel Fattore.

    Références

    Sous les couvertures de Bertrand GUILLOT (Rue Fromentin, 2014)

  • PromenadeDuCrimePeterGuttridgeJe recommence à ne plus réécrire de billets régulièrement. Je pense que cela vient du fait que j’ai repris les cours d’allemand la semaine dernière. Cela m’a bien déprimé aussi car le groupe a changé en partie et il y a forcément des gens que j’aime moins que les autres. Voilà quand même un billet !

    J’avais ce livre dans ma liseuse depuis sa sortie en grand format. Je l’ai ressorti l’autre jour parce que j’ai vu que le troisième tome était sorti. Comme vous pouvez le voir sur la couverture, il s’agit en effet d’une trilogie, la Trilogie de Brighton et ici, c’est le premier volume. Après lecture, je peux vous dire que j’ai bien fait d’attendre car clairement il n’y a aucune réponse à la fin de ce livre et pourtant le livre ne cesse de poser des questions.

    L’histoire consiste en deux enquêtes une actuelle et une passée, une sorte de cold case.

    L’enquête actuelle

    Le livre s’ouvre sur une scène d’assaut. La police assiège une maison, où elle suppose trouver un homme qu’elle recherche. Le quartier est maintenu par des familles de malfrat. Les forces de l’ordre se base sur le tuyau d’un indicateur et sont donc sur d’elles. Sarah Gilchrist fait partie de l’équipe d’intervention. Elle sent tout de suite le coup fourrée ou plutôt l’opération mal préparée. La suite lui donnera raison car quatre personnes seront abattues sans raison par la police et l’homme recherché ne se trouve pas dedans. Ce carnage provoquera deux nuits d’émeute. Robert Watts, gros bonnet des forces de l’ordre de Brighton, non présent (et même pas au courant) au moment des faits, prend tout de suite la défense de ses hommes. Cela provoque un tollé car on suppose que la police va couvrir ses arrières. Pour calmer le feu, on oblige Bob Watts a démissionné, sans auparavant avoir démoli son mariage avec Molly en dévoilant publiquement sa relation d’un soir avec Sarah Gilchrist. Sauf que Bob croit à la conspiration et il est teigneux. Le voilà donc parti en campagne pour comprendre ce qui s’est passé ce soir-là. Il sera aidé par Tingley, un ami qu’il a connu pendant sa période militaire, et par Sarah. Il est conforté dans son idée par le fait que plusieurs officiers impliqués ce soir-là sont tués et les autres menacés. De plus, ses supérieurs étouffent l’affaire en obligeant les personnes restantes à démissionner pour raison de santé.

    Le cold case

    Kate est la fille d’un politique, « ami » de Bob Watts. Elle travaille à la radio locale. Un jour, elle reçoit un coup de fil du propriétaire d’un hôtel qui dit avoir retrouvé les anciens dossiers d’un meurtre datant de 1934, le meurtre à la malle. On avait trouvé les bouts de corps d’une femme, découpée donc, en gare de Brighton (dans une malle) et de Londres (je ne me rappelle plus laquelle). Elle va consulter les dossiers dans l’idée d’en faire une émission rétrospective. Elle se prend de passion pour ce cas et décide de plus ou moins enquêter. Elle demande l’assistance de Bob Watts qui n’a plus rien à faire puisqu’il a été viré. Leurs enquêtes mettra au jour que le grand-père de Kate et le père de Bob (toujours vivant et écrivain de romans policiers), alors policiers, ont été mêlés de très près à l’enquête.

    Mon avis

    Clairement, le livre est mal écrit (ou il y a un problème dans la traduction, je ne sais pas). On suit trois personnes : Kate, Bob et Sarah. Pour Bob, on est au « je » et pour les deux autres, à la troisième personne du singulier. Le changement de point de vue se fait à l’intérieur d’un chapitre. Il faut quelques lignes pour comprendre qu’on a changé de personnages. Ce mode de narration est perturbant dans ce contexte car cela casse le rythme, pourtant haletant tout au long du roman, et en plus cela paraît complètement artificiel comme découpage. Par exemple, il y a, dans certains cas, des cliffangers à la fin des paragraphes

    C’est par contre un roman qu’on ne lâche pas facilement. Les personnages sont très bien campés, tant au niveau du physique que du caractère. Comme je l’ai vu dans beaucoup de billet, la réussite de l’auteur est la description de Brighton. Pour moi, Brighton = station balnéaire. Pour Peter Guttridge, il y a bien la mer, mais il y aussi le sexe, la débauche de la ville et celle importée quand les gens viennent de Londres en villégiature, le crime à tous les étages, la drogue … Les gens ne sont pas tous heureux à Brighton, que ce soit chez les policiers ou chez le commun des mortels. C’est une description de Brighton que l’on sent vraie. L’auteur confirme dans la postface que plusieurs des affaires criminels dont il parle dans le livre sont réels. On peut citer par exemple, le gars qui sous l’effet de la drogue arrache les dents de sa copine à la tenaille (inutile de vous dire qu’elle ne s’en est pas remise).

    Clairement, je vais continuer cette série car je n’aime pas ne pas savoir et qu’aucune des deux enquêtes n’est résolue à la fin de ce livre. Même pas le début d’une piste (pour moi en tout cas).

    P.S. : J’ai oublié de préciser que si je me base sur LibraryThing, il s’agit plus d’un quartet que d’une trilogie. J’espère quand même avoir la solution au bout de trois tomes.

    Références

    Promenade du crime de Peter GUTTRIDGE – traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue (Éditions du Rouergue, 2012)

  • JournalDeLaChuteMichelLaubEn ouvrant ce livre, vous avez l’impression de tomber sur une des histoires les plus idiotes qu’un écrivain ait pu écrire : un type de quarante ans nous raconte comment lors d’une Bar Mitzvah d’un camarade de classe, ils se sont tous ligués pour le laisser tomber sur le dos lorsqu’ils auraient dû le faire sauter en l’air. Le jeu des gamins est stupide mais en plus, ressassé cela à quarante ans, en cherchant le pourquoi du comment c’est stupide.

    Vous continuez quand même le livre et vous vous rendez compte que Michel Laub a construit son roman de manière parfaite. À partir de ce simple évènement, Michel Laub raconte l’histoire de trois générations, trois histoires de chute. Son grand-père est arrivé au Brésil après avoir séjourné à Auschwitz. Avant de mourir, il a écrit seize cahiers sur la vie telle qu’elle devrait être et non comme elle le sera pour lui. Ainsi, il n’y parle pas de Auschwitz, n’y parle pas des problèmes de grossesse de sa femme, de sa belle-famille qui le rejette.

    Le narrateur n’a pas connu son grand-père mais c’est à travers son père qu’il fera sa connaissance. Non que ce dernier lui en parle souvent mais, justement, la fameuse année de la chute du camarade verra le narrateur se rebeller et rejeter sa religion, son histoire familiale … C’est à ce moment-là que le père raconte l’histoire à son fils et lui dévoile la manière dont son grand-père est mort et tout ce que cela représente pour lui. À cet épisode père-fils de la jeunesse du narrateur répond un autre épisode, un épisode actuel où le fils s’occupe de son père qui vient d’apprendre qu’il a Alzheimer.

    Comme vous le constatez, les thèmes de la mémoire et de la transmission entre père et fils sont omniprésents dans le livre, par les histoires mais aussi par l’écriture. À la lecture, j’ai eu la sensation d’un mouvement perpétuel de ressassement, un mouvement donc sans frottements, un mouvement infini. Il creuse en déterrant toujours de nouveaux détails, lui permettant de comprendre autrement. L’histoire nous est livrée assez vite mais jusqu’à la dernière page, on apprendra de nouveaux éléments.

    On parle beaucoup en cette rentrée littéraire de L’oubli de Frederika Amalia Finkelstein. Je ne l’ai pas lu mais j’ai l’impression qu’il traite du même thème. Comment vivre avec les camps de concentration quand on est de la troisième génération ? Jusqu’à présent, j’avais surtout lu des livres où les gens cherchaient à comprendre pourquoi et comment cela avait pu se produire, à travers le prisme familial. Dans ce livre, il y a une autre approche. Le narrateur sait les évènements, le contexte … mais cela ne lui donne pas à sentir son grand-père. C’est un être qui lui échappe. C’est ce qui lui manque. Ainsi la chute du narrateur a commencé par la chute de son camarade, qui l’a entraîné dans son histoire familiale dont il n’a pas réussi à sortir. Michel Laub met donc au centre de son roman l’humain et non l’Histoire. Le texte prend alors une portée assez universelle.

    Finalement, ce livre en dit beaucoup plus que ce que l’on pourrait penser au départ et prête à réfléchir.

    Le seul bémol que je mettrais à ce livre est que je l’ai lu en électronique (je ne sais donc pas si c’est pareil pour l’édition papier) et que chaque paragraphe a un numéro comme si c’était un chapitre. Je n’ai pas compris l’intérêt de ce découpage. Comme le texte est fluide, on n’y prête pas vraiment attention au cours de la lecture mais cela surprend.

    Références

    Journal de la chute de Michel LAUB – traduit du portugais (Brésil) par Dominique Nédellec (Buchet-Chastel, 2014)

  • DansLesRuesDeLondresVirginiaWoolfLundi, j’étais un peu énervée, dans le sens où j’avais une idée dans la tête qui me tourmentait (sur une chose que l’on m’avait dite dans la journée) et que je n’arrivais pas à me détendre. Dans ce cas-là, j’essaie de prendre un livre pour voir si cela me calme. J’ai pris ce livre de Virginia Woolf que j’ai acheté au salon du livre (l’auteur n’était pas là pour me le dédicacer …) Je me suis un peu forcée au début à me concentrer sur les phrases et très rapidement, je me suis retrouvée à me promener dans les rues de Londres avec Virginia Woolf.

    Un soir d’hiver, Virginia Woolf sort, pour traverser tout Londres, sous le prétexte d’aller chercher un crayon à papier. Rapidement, les sensations l’envahissent, l’observation de son environnement prend le dessus.

    Peut-être nul ne s’est-il jamais pris de passion pour un crayon à papier. Mails il est des circonstances où il peut devenir suprêmement désirable d’en posséder un ; des instants où nous sommes déterminés à trouver un objet, une excuse pour traverser la moitié de de Londres à pied entre le thé et le dîner. Tout comme le chasseur de renards chasse pour préserver la race des renards et le golfeur joue au golf pour que les grands espaces soient préservés des bâtisseurs, ainsi, quand nous prend le désir d’aller flâner dans les rues, le crayon est un bon prétexte et nous disons en nous levant : « Il faut vraiment que j’achète un crayon », comme si à la faveur de cette excuse nous pouvions nous laisser aller sans danger au plus grand plaisir de la vie urbaine en hiver – flâner dans les rues de Londres.

    L’heure doit être le soir et la saison l’hiver, car l’hiver, l’éclat champagne de l’air et la socialité des rues sont plaisants. Nous ne sommes pas tourmentés alors comme en été par des envies d’ombre, de solitude, de douceur de l’air des champs de foin. Le soir nous donne également cette désinvolture que concèdent l’obscurité et la lumière des lampes. Nous ne sommes plus tout à fait nous-mêmes. Comme nous sortons de la maison un beau soir entre quatre et six, nous perdons le moi par lequel nos amis connaissent et rejoignons cette vaste armée républicaine des piétons anonymes, dont la société est si agréable après la solitude de sa propre chambre.

    Il s’agit des deux premiers paragraphes du livre. J’espère que vous appréciez autant que moi la manière dont elle glisse d’une idée à une autre (en deux paragraphes, elle en dit beaucoup, a créé une atmosphère un peu vaporeuse, un peu rêveuse). Elle décrit à merveille la lumière de l’hiver (il fallait la trouver cette couleur champagne). Je m’imaginais à la lecture dans les rues de Londres (j’étais dans Oxford Street mais vous pouvez imaginer n’importe quelle rue à votre convenance), avec les réverbères à l’ancienne, diffusant cette lumière. J’ai trouvé aussi ce qu’elle dit sur l’été très juste, par rapport à l’hiver. J’aime la lumière de l’été mais pourtant en hiver, on se sent plus léger, plus libre aussi, surtout quand il a neigé (à mon avis).

    Sur les cinquante pages de texte, elle raconte ses observations sur les gens … Elles ne parlent à personne (en tout cas, c’est l’impression que j’ai eu). Une autre phase m’a fait sourire parce que c’est exactement ce que je fais (inventer des vies aux gens du rer quand ils parlent dans leurs téléphones portables) :

    Le nombre de livres au monde est infini et il faut se contenter d’un aperçu, hocher la tête et poursuivre après un instant de conversation, un éclair de compréhension, tout comme, dans la rue, on attrape un mot au passage et d’une phrase au hasard, on fabrique tout une vie.

    Cette nouvelle raconte la promenade comme une aventure, comme un moyen de s’imprégner des autres, de vivre les autres. Virginia Woolf, que j’imagine solitaire, aime rentrer chez elle après autant de sensations :

    En chacune de ces vies on pouvait pénétrer un peu, assez loin pour se donner l’illusion qu’on n’est pas attachés à un seul esprit mais qu’on peut enfiler pour quelques minutes les corps et les esprits d’autres. On pouvait devenir une lavandière, un patron de bistrot, un chanteur de rue. Et y a-t-il délices et merveilles plus grandes que de s’écarter des lignes droites de la personnalité pour s’engager dans ces sentiers qui mènent sous les ronces et les épais troncs d’arbre au cœur de la forêt où vivent ces bêtes sauvages, nos semblables ?

    C’est vrai : s’échapper est le plus grand des plaisirs ; hanter les rues en hiver la plus grande des aventures. Pourtant, comme nous nous rapprochons de notre porte, il est réconfortant de sentir les vieilles possessions, les vieux préjugés, enroulés autour de nous ; et le moi, qui a été ballotté à tant de coins de rue, qui s’est cogné comme une phalène à la flamme de tant d’inaccessibles lanternes, abrité et enclos. Revoici la porte habituelle ; revoici le fauteuil tourné tel qu’on l’avait laissé et la coupe de porcelaine et l’anneau brin sur le tapis. Et voici – examinons-le avec tendresse, touchons-le avec vénération – le seul butin qu’on ait sauvé de tous les trésors de la ville, un crayon à papier.

    Le livre est illustré par les dessins de Antoine Desailly, qui sont très jolis mais je n’ai pas compris le rapport avec le texte. C’est une collection d’objets éparses, que l’on pourrait s’imaginer traînant dans les rues londoniennes. J’ai été gênée quand à la page 47, le dessinateur nous montre un beau stylo bic cristal alors que tout au long du texte, Virginia Woolf parle de crayon à papier. Ma conclusion est que nous n’avons pas lu le même texte et que c’est pour cela que je n’ai pas compris ces dessins (on s’excuse comme on peut).

    Par contre, la postface du traducteur est passionnante car il explique le pourquoi de la retraduction, et notamment sur la nature du flux de conscience que l’on a donné jusqu’à présent en français.

    Il me semble qu’en français, la notion de stream of consciousness a souvent servi d’excuse pour tirer davantage encore Virginia Woolf vers la fluidité, alors que c’est un courant heurté, à chaque instant arrêté, perturbé, détourné. C’est d’ailleurs le sujet même de Street Haunting, ce que fait le récit en même temps que ce dont il est fait et ce qu’il dit.

    J’ai conscience que ce n’est pas un billet très intéressant pour le lecteur du blog car il ne décrit pas bien le livre. C’est plus un billet pour moi, pour retenir les citations et ce que j’ai aimé. À mon avis et dans mon cas (de non littéraire), ce n’est pas une lecture qui doit se décortiquer mais plutôt une lecture qui se vit et qui se ressent, personnellement, au fond de soi … C’est clairement le meilleur livre de MA rentrée littéraire … (on passera sur le fait que le livre est sorti en mars et qu’il a été écrit il y a longtemps).

    Je voulais aussi demander votre avis sur un extrait :

    C’est toujours une aventure d’entrer dans une nouvelle pièce, car les vies et les caractères de ses propriétaires y ont distillé leur atmosphère et dès l’entrée, nous affrontons une nouvelle vague d’émotion.

    J’avais l’impression qu’on se se sentait pas à l’aise dans une pièce, à partir du moment où l’ameublement ne correspondait pas à notre caractère, et ce même chez des amis ou de la famille que l’on adore. Cette phrase me fait beaucoup réfléchir. Est-ce qu’on ne se sent pas à l’aise dans une pièce parce qu’on sent ce que les propriétaires y ont laissé, leurs humeurs, leurs colères … est-ce que c’est dû à une atmosphère qui se dégage de la pièce ou simplement aux meubles ? Cela me laisse assez perplexe, j’avoue.

    Références

    Dans les rues de Londres – une aventure de Virginia WOOLF – vu par Antoine Desailly – traduit par Étienne Dobenesque (Les éditions du chemin de fer, 2014)

    Une autre version de ce texte a paru, au début de l’année, aux éditions Interférences sous le titre Au hasard des rues – une aventure londonienne.

  • EtJePrendraiToutCeQuIlYAAPrendreCelineLapertotJ’ai acheté ce livre lors du dernier salon du livre, juste après avoir lu l’avis de Clara (quand je vois la date du billet, je me dis que soit j’ai lu le billet très en retard, soit ce qu’elle en disait m’avait beaucoup marqué). Je ne tenais pas particulièrement à lire ce livre et c’est donc l’occasion qui a fait le larron. Je l’ai donc lu début septembre je pense et il m’en reste encore beaucoup. Je peux donc vous dire que ce n’est pas un livre qu’on oublie sitôt fini.

    L’héroïne du livre s’appelle Charlotte. Elle a dix-sept ans et attend de pouvoir parler à un juge. Le livre va nous expliquer comment et pourquoi elle est arrivée là.

    Il y a trois fils qui s’entremêlent :

    • le premier fil, le plus important, est celui qui raconte l’histoire de Charlotte, de ses sept à ses dix-sept ans, du moment où son père à commencer à la maltraiter jusqu’au moment où il a arrêté. Charlotte raconte son histoire dans un cahier qu’elle écrit en attendant le juge (cela dure toute la journée tout de même) pour pouvoir le lui remettre quand elle le verra. En effet, elle n’arrive pas à prendre la parole sur ce qui lui est arrivé mais arrive à l’écrire. Les mots écrits ont une très grande importance pour elle.
    • le deuxième fil s’écrit aussi dans ce cahier. Charlotte dit par des courts paragraphes, percutants, ce qu’elle attend aujourd’hui de la vie, en mettant cela en parallèle avec des épisodes de son passé qu’elle vient de raconter.
    • le troisième fil raconte tout simplement le présent, comment Charlotte essaie de se reconstruire, ce qu’elle pense de son éducatrice, de son entourage, de sa mère, des gens.

    La narration mêle donc passé, présent et futur. Charlotte apparaît comme quelqu’un de très froid, mais surtout de très maîtrisé. Il n’y a pas de débordement de sentiments, tant dans un sens que dans l’autre. L’impression que j’en ai tiré est que tout est contenu en elle. Une partie du livre traite aussi de l’amour de la littérature de la jeune fille. Il faut lire la manière dont elle vit La Religieuse ou la mythologie grecque. Ce ne sont pas que des lectures pour elle : elle y trouve une réelle force. Quand elle parle de livre, elle s’anime, elle vibre et elle n’est plus froide.

    L’auteur est professeur de français et je ne pense pas que dans la réalité, les livres aident à ce point là un enfant battu. Dans un entretien, on entend l’auteur expliquer que c’est cet amour de la littérature qu’elle a en commun avec Charlotte (l’auteur n’a pas été battue dans son enfance, c’est bien un roman). Elle en parle avec la même force de caractère que son personnage.

    Ce n’est donc pas un livre très drôle, très attirant … c’est un livre sobre sur un sujet difficile. Il apporte une chose importante à des gens qui n’ont pas vécu ce genre d’expérience : pourquoi les enfants ne parlent pas même si certains adultes tentent de voir ce qui se passe ? C’est un premier roman dont je vous conseille la lecture, pour vous aussi comprendre.

    Références

    Et je prendrai tout ce qu’il y a à prendre de Céline LAPERTOT (Viviane Hamy, 2014)

  • LesReputationsJuanGabrielVasquezC’est le deuxième livre de Juan Gabriel Vásquez que je lis, après Les Dénonciateurs, que j’avais aimé mais sans plus. J’avais découvert le livre dans une émission de Franz-Olivier Giesbert. Je ne comprends même pas rétrospectivement ce qui m’a poussé à lire ce livre parce qu’aujourd’hui, si je voyais la même émission, je fuirais le livre comme la peste. Cela ne m’a pas empêché de mettre Histoire secrète du Costaguana dans ma PAL (je m’étais montrée plus raisonnable avec Le bruit des choses qui tombent). Bien sûr, je ne l’ai pas lu et il est encore plus évident qu’il fallait que je lise son dernier livre, en toute urgence.

    Si on résume, je me suis retrouvée à lire ce livre parce que j’avais moyennement aimé l’auteur un jour. Tout va bien ?! Bien m’en a pris, tout de même. Parce que cette fois-ci, j’ai vraiment beaucoup aimé le livre, tant au niveau de propos, que de l’écriture et de la fluidité du texte. Comme quoi !

    Commençons par le propos. Javier Mallarino est un célèbre caricaturiste de Bogotá. Il exerce depuis quarante ans, dont de nombreuses années dans le même journal. Il a la réputation d’être un homme qui sait faire mouche, qui a du caractère (il a su à plusieurs reprises imposé ses dessins à des patrons de presse récalcitrant). Aujourd’hui, on le fête comme un héros, même les politiques qu’ils égratignent. D’ailleurs, une partie du roman décrit une cérémonie au théâtre Colón

    où la réputation du caricaturiste serait immortalisée.

    En tout cas, c’est ce qu’il aimerait penser. Bien évidemment, l’amitié et le respect des autres masquent souvent la peur qu’ils ont de Mallarino. Il y a une partie de l’histoire qui se déroule donc aujourd’hui. L’auteur réfléchit sur ce qui fait une réputation, une admiration aussi. Dans ce volet de l’histoire, on suit avec intérêt les pensées de Mallarino car il n’est dupe de rien et réfléchit beaucoup sur les autres. Il est aussi intéressant de voir comment les autres lui apparaissent car il les voit beaucoup les gens comme des caricatures. Il remarque toujours le trait sur lequel il insisterait. Cela rend le roman très visuel et très drôle. Le fait qu’il soit plutôt sur la fin de sa carrière le fait beaucoup réfléchir personnellement sur ce qu’il a accompli (c’est une réflexion honnête car il ne se base pas sur ce que les autres pensent), sur sa vie de famille (il est divorcé mais revoit souvent sa femme, il a une fille dont il n’est pas très proche). Mallarino dit d’ailleurs dans le roman cette phrase on ne peut plus vraie :

    Je veux dire qu’il faut bien peu de choses pour que les gens portent quelqu’un au triomphe.

    L’autre volet de l’histoire parle d’une vieille histoire ; les deux périodes temporelles se mêlent. Au moment de son divorce, il a aménagé dans une maison dans la montagne et a donc quitté Bogotá. Pour que sa fille et lui s’approprie la maison, il a décidé de pendre la crémaillère. Il avait invité beaucoup de ses connaissances et Beatriz une amie, Samanta Leal. À la suite d’une bêtise, les deux petites filles se retrouvent endormies à l’étage dans le même lit. Sur ce, Mallarino reçoit la visite surprise d’un député dont il se débarrasse rapidement. Celui-ci ne part pas et se retrouve dans la chambre des deux gamines. Le père de Samanta arrive, va chercher sa fille dans la chambre et découvre le député. Il s’en suit un scandale que Mallarino caricature le lendemain. Comme je l’ai dit plus haut , il n’est pas homme à laisser agir la censure. Du coup, son dessin va passer tel quel. Le deuxième volet du livre est consacré à l’influence sur la réputation du caricaturiste et sur celle du député de ce dessin.

    Juan Gabriel Vásquez réfléchit donc sur ce qui fait la réputation d’un homme. L’auteur apporte une réponse pleine de bon sens. La réputation ne tient pas au mérite mais aux gens que l’on fréquente. Elle est d’autant plus difficile à garder intact que les gens sont versatiles, peureux et sensibles à leurs intérêts. Je trouve très intelligent la manière dont il a mêlé deux situations complètement différentes : un homme qui a « bonne » réputation et un homme qui est entrain de perdre sa « bonne » réputation. C’est ce qui m’a beaucoup plu dans le propos.

    Je crois me rappeler que dans ma lecture des Dénonciateurs, ce qui m’avait peu plu c’était le style que j’avais trouvé lent, alambiqué, très long … En gros, je m’étais ennuyée parce qu’il y avait un manque d’adéquation entre moi et le rythme du livre. Dans ce livre, pas du tout. Les phrases sont plus courtes, moins adjectivées. Le propos s’y prête. Juan Gabriel Vásquez arrive avec ce style à expliciter mieux son propos. Cela lui permet de sortir des phrases plus percutantes, sur ce qui fait une réputation. Il ne brise pas le rythme de son texte. Si il avait eu un style plus lent, plus descriptif, il n’aurait pas pu faire ce genre de phrase car cela aurait été noyé. En écrivant ce paragraphe, je me rends compte que ce choix de style est peut être du au personnage de Mallarino, qui sait juger et voir vite une situation, un personnage, ou bien du au fait qu’on est dans le milieu de la caricature où finalement on va à l’essentiel et où on se doit d’être percutant. Je me demande donc comment sont écrits les autres livres de l’auteur.

    Je vous conseille donc ce livre car le propos du livre amène à réfléchir sur ce qui fait la réputation de nos hommes publiques. Je vous rassure Mallarino est un homme bien ; ce n’est pas un méchant héros.

    L’avis de George.

    Références

    Les réputations de Juan Gabriel VÁSQUEZ – traduit de l’espagnol (Colombie) par Isabelle Gugnon (Seuil, 2014)

  • J’adore ces romans de 500 pages où on passe plein de temps. Quand le livre est fini, on a pratiquement l’impression de quitter, pour toujours (ou jusqu’à relecture), des amis.

    LeComplexeDEdenBellwetherBenjaminWoodCe roman a reçu très récemment le prix mais j’avais décidé de le lire bien avant car cela se passait à Cambridge, en Angleterre. Je ne peux pas résister à cet argument (Oxford et Cambridge me font rêver, que voulez-vous).

    Le roman commence par un prélude, où on sait qu’à la fin du roman, on va avoir deux morts. Comme pour tous les préludes, je n’ai compris que les grandes lignes, vu qu’aucun personnage n’est posé. Mais bon, il y aura deux morts dans l’histoire.

    On fait ensuite la connaissance d’Oscar, jeune homme de vingt ans, qui a quitté sa famille à 17 ans car il voulait une autre vie. Son père était ouvrier en bâtiment et pensait que c’était la seule chose qui devait compter pour son fils mais celui-ci aurait préféré un monde plus « intellectuel » et surtout poursuivre des études. Il n’a pas pu le faire et travaille comme aide-soignant dans une maison de retraite cossue. Son patient préféré est Bram Paulsen, avec qui il prend grand plaisir à discuter des livres que celui-ci lui prête. Les livres sont signés Descartes … Un jour, Oscar se promène dans Cambridge et entend une musique provenant d’un Orgue. Cela le pousse à rentrer dans l’église où il y a un office. Il fait la connaissance d’Iris Bellwether dont il tombe immédiatement sous le charme. Le musicien est son frère, Eden. De fil en aiguille, il se lie d’amitié avec le frère et la sœur et leur bande d’amis, bande assez restreinte puisque constitué de trois autres personnes, Jane (la petite-amie d’Eden), Yin et Marcus. Il devient le petit-ami d’Iris, qui lui confie ne pas savoir si son frère est malade ou génial. Il croit pouvoir guérir avec la musique. Benjamin Wood fait de cette question une interrogation majeure de son roman : quel pouvoir a la musique ? Or, le docteur Paulsen lui présente Herbert Crest, psychologue qui s’intéresse au médecine alternative mais aussi aux personnalités hors-norme. Crest est lui-même intéressé par les pouvoirs d’Eden puisqu’il est atteint d’une tumeur au cerveau inguérissable.

    Benjamin Wood va, au cours de son roman, s’attacher à décrire le milieu de la famille Bellwether, Iris et Eden avec leurs parents, Theo et Ruth, car c’est très nouveau pour Oscar. La musique est donc aussi très présente dans ce livre et c’est à mon avis une des plus grandes réussites de Benjamin Wood car on sent tout l’intérêt qu’il porte à la chose.

    J’ai lu plusieurs avis qui disaient que ce livre avait les maladresses d’un premier roman, ce qu’il est soit dit en passant. Principalement, le livre serait trop long. Je ne comprends jamais très bien cette phrase. Je m’imagine toujours une bonne âme couper certains passages ou bien réécrire complètement l’histoire pour qu’elle soit plus nerveuse. Comme je l’ai dit, j’aime bien les gros romans car on a l’impression de suivre les gens. Je ne me suis pas ennuyée une seconde en lisant ce livre. Par contre, je suis d’accord qu’il y a quelque chose qui ne va pas.

    Je pense que c’est une question de point de vue. Toute l’histoire est donc racontée du point de vue d’Oscar. On adopte donc sa vision des choses, puisqu’on n’a que celle-là. J’ai eu l’impression d’être une ethnologue en exploration dans les milieux bourgeois de Cambridge. Par exemple, je n’ai pas ressenti l’amour éprouvé par Oscar pour Iris, je n’ai pas ressenti les liens d’amitié qui se sont soit-disant créés entre Oscar, Eden, Iris, Jane, Marcus, Yin. Je n’ai pas trouvé les personnages particulièrement bien décrits dans le sens où je ne me les imagine pas. Je n’ai ressenti aucun lien d’amitié dans le groupe (avec ou sans Oscar). Le personnage d’Eden reste lui aussi très dans l’ombre car finalement, on n’a pas son point de vue. Selon moi, le livre aurait donc gagné à devenir un roman chorale car là, on n’arrive à comprendre que Oscar. Pour compléter, les liens avec Herbert Crest ou le docteur Paulsen semblent véridiques et sincères, comme ceux avec l’infirmière de Crest, Andrea mais ceux avec les Bellwether … non. Je dis pourquoi pas si c’est ce qu’a voulu faire l’auteur. Je ne suis cependant pas sûre qu’il est voulu faire une sorte de roman ethnologique. Il visait soit le roman psychologique, un peu page-turner, soit le roman d’apprentissage, soit un roman sur le pouvoir de la musique à mon avis, soit un roman sur la folie et les personnalités narcissiques. Il a réussi ces passages sur la musique (les passages où Eden joue de l’orgue sont splendides), sur les pathologies psychiatriques mais pas sur la « vraie vie ». Ce n’est donc pas trop long mais surtout il manque quelque chose. Je pense que pour son deuxième roman il devrait plus s’attacher à ses personnages, amplifier le côté humain.

    En résumé, c’est un bon premier roman. C’est un roman ambitieux, qu’on ne peut pas lâcher, en tournant les pages sans relâche mais à mon avis, il manque un petit quelque chose au niveau des personnages.

    L’avis de Lewerentz

    Références

    Le Complexe d’Eden Bellwether de Benjamin WOOD – traduit de l’anglais par Renaud Morin (Zulma, 2014)