Cecile's Blog

  • WeHaveAlwaysLivedInTheCastleShirleyJacksonJ’étais persuadée avoir repéré ce livre sur le blog de Mrs Pepys mais je n’arrive pas à retrouver son avis sur son blog. Je me rappelle juste avoir acheté ce livre après avoir lu un billet sur un blog.

    J’ai sorti de ma PAL (il y a traîné un peu longtemps, comme d’habitude) quand j’ai cherché le premier livre de Paul Lynch dans ma PAL. En fait tout s’est écroulé (quatre pile en tout mais aucun livre n’a été blessé) ; j’ai donc dû tout ranger et relire toutes les quatrièmes de couverture bien évidemment (c’est un peu le plaisir d’avoir autant de livres). Je suis tombée sur ce livre et je me suis dit que cela faisait longtemps que je n’avais pas lu en anglais. En plus le livre est court puisqu’il ne fait que 150 pages. Ceci entraînant cela …

    La première paragraphe accroche de suite le lecteur :

    My name is Mary Katherine Blackwood. I am eighteen years old, and I live with my sister Constance. I have often thought that with any luck at all I could have been born a werewolf, because the two middle fingers on both my hands are the same length , but I have had to be content with what I had. I dislike washing myself, and dogs, and noise. I like my sister Constance, and Richard Plantagenet, and Amanita phalloides, the death-cup mushroom. Everyone else in my family is dead.

    Mary Katherine, ou Merricat pour les intimes, vit avec sa soeur Constance et son oncle Julian dans la demeure familiale, que l’on appellera plutôt le château, et cela depuis que tout la famille est mort empoisonnée six ans auparavant par un poison présent dans le sucre.

    Merricat, alors âgé de douze ans, était allée se coucher. Constance, la cuisinière, a échappée à la mort car elle ne mange jamais de sucre et Julian a été empoisonné mais a survécu, tout en restant gravement handicapé. Il est évident que Constance a été tout de suite soupçonnée, cela a été jusqu’au procès mais elle a été acquittée.

    Depuis, elle ne sort pas de la propriété, Julian ne pouvant rien faire lui même, c’est Merricat qui deux fois par semaine fait les courses au village, subissant les remarques désobligeantes des villageois. Les autres jours, elle vit tranquillement sa vie dans son monde, son espace que représente le domaine familial. Elle veille surtout à ce que rien ne vienne perturber l’univers, le petit espace de paix qu’elle s’est créée autour du reste de sa famille. Elle vérifie que les barrières fermant les sentiers sont bien fermées, elle enterre des objets … La seule dérogation est la visite une fois par semaine pour le thé d’une femme du village. Merricat est heureuse, même si elle sait qu’elle devra se battre pour préserver ce bonheur fragile.

    J’ai beaucoup aimé cette première partie car je me suis un peu identifiée à Merricat. J’aime aussi que les choses ne changent pas quand tout se passe bien mais je ne suis pas si extrême. En effet, Merricat a clairement un problème psychologique. On ressent dès le début le lien très fort qui existe entre les deux sœurs. Merricat se figure protéger Constance alors que c’est plutôt celle-ci qui la préserve du monde extérieur et lui permet de faire un peu tout ce qu’elle veut. Julian semble un peu exclu, même si Constance s’occupe constamment de son bien être, de ses désirs.

    Tout va changer à l’arrivée du cousin de Merricat et Constance. Il est tout de suite antipathique au lecteur car il semble plus intéressé par l’argent de la famille (et pour cela, on voit clairement qu’il veut se marier avec Constance) que par une réconciliation avec cette branche de la famille. Merricat va perdre son univers, devoir se battre pour le garder. L’ambiance change du tout au tout. On passe d’une ambiance étrange et hors-norme à une ambiance électrique, où on sent que tout peut se passer et tout va se passer. Je n’avais pas entièrement deviné la fin mais quand même un peu. Pourtant, j’ai lu sous tension ce livre jusqu’au dénouement.

    Je trouve que cette construction en deux parties fait la force de ce roman car la première partie, qui pourrait apparaître un peu longue au vu du nombre de pages, pose très clairement la psychologie des deux héroïnes. Le lecteur se sent capable de comprendre et d’anticiper les comportements des deux sœurs. La deuxième partie sert à amener la tension et à faire de ce livre une sorte de thriller, genre (il me semble) de prédilection de Shirley Jackson. L’auteur arrive à surprendre sur les évènements mais aussi sur le comportement de Constance dans cette deuxième partie.

    Mon édition est complétée par une postface de Joyce Carol Oates. J’ai trouvé que l’auteur allait très loin dans l’interprétation du rôle de la nourriture dans le livre mais c’est quand même un point extrêmement important dans le livre.

    Constance nourrit sa sœur, leur lien passe par là. La pièce principale de la demeure familiale est clairement la cuisine, où beaucoup de scènes se passent. Si vous lisez ce livre ou si vous souhaitez relire ce livre, je vous conseille d’y prêter attention (j’avoue que j’ai lu la postface au milieu du livre …) Parce que bien sûr je vous conseille ce livre que j’ai beaucoup aimé.

    Les avis de Titine et de Lewerentz (c’est elle qui m’a donné envie de lire ce livre, c’est écrit dans ses commentaires).

    Références

    We have always lived in the castle de Shirley JACKSON – postface de Joyce Carol Oates (Penguin Classics, 2009)

    Un siècle de littérature américaine – Année 1962
  • NeigeNoirePaulLynchComme promis, je reviens aujourd’hui pour vous faire un billet sur le deuxième livre de l’irlandais Paul Lynch, La Neige noire. Je vous ai parlé du premier la semaine dernière (je dis cela pour ceux qui étaient en vacances).

    Ce livre se déroule dans les années 50, dans le Donegal, région de naissance de l’auteur. Les personnages principaux sont une famille : le père Barnabas, revenu des États-Unis, après avoir participé à la construction des gratte-ciels du pays, avec dans ses bagages une femme, Eskra, américaine avec des origines irlandaises, et Billy leur fils, qui est adolescent dans le roman. Barnabas a racheté une ferme et des terrains pour devenir paysan. Il a à son service le vieux Matthew Peoples.

    Le roman commence avec une scène très violente : l’incendie de l’étable de la ferme, avec toutes les vaches à l’intérieur. En essayant de sauver le bétail, Matthew Peoples va mourir, brûlé, et Barnabas, sauvé in extremis par un voisin, va être très fortement intoxiqué par la fumée. Les voisins compatissent avec la perte des vaches, même si l’assurance va payer, mais lui en veulent aussi de la mort du vieil homme. Surtout que c’est lui qui l’a poussé à l’intérieur de l’étable. Barnabas lui envisage rapidement que l’incendie ait été volontaire car il s’est produit par temps sec, en sortie d’hiver.

    Au cours du roman, on va découvrir les petites rivalités entre voisin, le couple va se déliter car Barnabas change, en soupçonnant tout le monde, tandis que Eskra aimerait qu’ils reprennent le cours normal de leurs vies. On va aussi suivre les pensées de Billy par de courts intermèdes dans le texte. On « découvre » aussi le côté très croyant de cette partie de l’Irlande. En effet, quand Barnabas décide, sur les conseils de son voisin, de prendre des pierres de maisons abandonnées pour reconstruire son étable, les autres s’offusquent car ce sont les « tombeaux » des morts de la famine.

    Paul Lynch va aborder ces thématiques de manière très singulière, car tout va passer par le ciel et la terre. Si on regarde bien, il ne se passe pas grand chose dans cette histoire (sauf à la fin bien évidemment, qui rappelle un peu celle du premier livre), les sentiments des uns et des autres vont peu évoluer mais la manière dont Paul Lynch va les décrire oui. Tout va évoluer grâce aux saisons, au climat, à la lumière. Là où j’ai trouvé, dans le premier livre, les descriptions climatiques de Paul Lynch, certes, très belles mais un peu lourdes, ici elles sont juste magnifiques. J’ai retrouvé l’Irlande que j’ai visité, il y a déjà 17 ans. Une lumière changeante, avec des passages très sombres, des passages lumineux, une nature rude, parfois accueillante, parfois hostile. Le bandeau de couverture est magnifique car il rend bien cela. Dans le livre, on voit les nuages passés ! On est tout simplement en Irlande. C’est pour cela que ce livre restera très longtemps dans mon cœur !

    C’est un livre difficile à lire, plus difficile en tout cas que le premier car il demande beaucoup de concentration pour pouvoir intégrer justement cette langue « minérale » (j’ai pris ce terme dans le supplément de Livre Hebdo consacré à la rentrée car je le trouve très bien choisi). On ne peut pas lire ce livre comme un page-turner, où si on a un moment d’inattention, on peut se rattraper par la suite. J’ai voulu le faire à plusieurs reprises mais dans ces moments-là, j’avais le sentiment que le livre traînait en longueur, alors qu’en reprenant le même passage par la suite, je le trouvais tout simplement magnifique.

    Comme vous l’aurez compris, ce roman est fait pour les amoureux de l’Irlande. D’ailleurs la quatrième de couverture cite une phrase de Robert McLiam Wilson « un roman sur une Irlande que je reconnais, et que devraient envier tous les écrivains ».

    Références

    La neige noire de Paul LYNCH – traduit de l’anglais (Irlande) par Marina Boraso (Albin Michel, 2015)

  • UnCielRougeLeMatinPaulLynchJ’ai ce livre dans ma PAL depuis sa sortie. Je l’en ai sorti car j’ai lu dernièrement le second livre de Paul Lynch, La Neige Noire, paru en cette rentrée littéraire aussi chez Albin Michel. La Neige Noire a été un tel coup de cœur que je me devais de continuer de lire cet auteur et très franchement, je trouve que celui-ci est un cran en dessous (entendons-nous, il est quand même très bon, je lui ai mis 4/5 sur LibraryThing).

    On est en Irlande, dans le Donegal, à Inishowen plus précisément (extrême nord de l’Irlande), en 1832. Coll Coyle apprend que le propriétaire de sa terre, Hamilton, a décidé de l’expulser sans aucune raison. Il décide de lui parler, les deux hommes s’emportent et la « conversation » tourne au drame puisque Hamilton est tué. Coll Coyle doit fuir, abandonné son frère, sa mère, sa femme, sa fille et son enfant à naître d’autant que le régisseur du domaine, que l’on soupçonne être le vrai peur de Hamilton, a décidé de ne pas faire intervenir la justice et de faire vengeance lui-même.

    La chasse à l’homme commence en Irlande dans le Donegal. On découvre dans toute cette première partie, la vie à l’époque en Irlande : la pauvreté, la précarité, la solidarité aussi. C’est une partie extrêmement violente car tous les soutiens proches, ou non, de Coll Coyle vont être torturés et tués par l’équipe du régisseur.

    La seule possibilité de Coll Coyle est de partir, de s’exiler en Amérique. La deuxième partie raconte le voyage en bateau et la troisième narre la vie sur un chantier ferroviaire de Coll Coyle. J’ai aimé ces deux parties pour le côté historique de la migration irlandaise à l’époque, celle de personnes extrêmement pauvres, prêtes à accepter des situations insoutenables dans le but d’avoir une vie meilleure (vous allez me dire que c’est toujours le cas pour des migrations économiques …) Ils bravent la mort 100 fois, sont prêts à travailler comme des bêtes pour pouvoir avoir de l’argent pour faire venir leur famille. La troisième partie en Amérique est intéressante car elle donne à voir la manière dont les États-Unis se sont construits.

    Du point de vue humain et historique, le livre est excellent. On s’attache à Coll Coyle et à sa situation désespérée car l’auteur arrive à nous faire sentir ses sentiments. Comme dans La Neige Noire, l’auteur utilise un style très imagée pour décrire la terre et les éléments (la météo principalement). L’écriture de Paul Lynch est reconnaissable et surtout admirable pour cela. Là où je suis sceptique c’est qu’ici cela s’intègre moins bien dans l’histoire. Cela permet au lecteur de s’imaginer dans l’environnement décrit mais cela ne fait pas avancer l’histoire, ne joue pas sur les sentiments du personnage (à part quand il pleut, l’avancée est plus lente et on est donc plus démoralisé). Je n’ai pas ressenti l’attachement à la terre pour la partie irlandaise (120 pages) et encore moins pour la partie américain (d’un autre côté, il n’a pas à être attaché à cette terre vu que ce n’est pas la sienne).

    Le livre est très bon, l’histoire est intéressante, se suit très bien dans le sens où on a envie de tourner les pages mais il y a un côté qui peut paraître factice au niveau de l’écriture. L’avantage est que ce roman est plus simple à lire que La Neige Noire.

    On se retrouve bientôt pour en parler.

    L’avis de Cryssilda et d’autres avis sur Lecture/Écriture.

    Références

    Un ciel rouge, le matin de Paul LYNCH – traduit de l’anglais (Irlande) par Marina Boraso (Albin Michel, 2014)

  • S63JeanBernardPouyJ’ai découvert cette petite nouvelle à Gibert Joseph, sur la table des petits éditeurs.

    S63 est paru dans une coédition entre le Musée des Confluences et les éditions Invenit. C’est un ouvrage de la collection Récits d’objets. Les collections du Musée des Confluences « constituent, par leur diversité, un véritable cabinet de curiosités du XXIe siècle ». Les objets sont « de toutes matières, de toutes provenances, issus de la nuit des temps comme du monde contemporain, ces objets sollicitent l’imaginaire ». Le Musée a décidé de convier des écrivains à mettre en scène ces objets. Ici, c’est le téléphone S63, téléphone que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, puisque datant de 1963. Photos ?! On avait le même dans notre cave, quand j’étais petite.S63

    Le narrateur de cette nouvelle est chroniqueur d’art dans un magazine féminin ; « il n’y a pas de sot métier » d’après lui. Il a une passion cachée : se faire un cabinet de curiosités dans son garage avec toutes les « mer… » qu’il trouve en brocante (sa femme n’en veut pas dans la maison). Un jour, en Bretagne, il achète un tableau pour vingt euros, qui pourrait avoir beaucoup plus de valeur, daté du XVIIIe siècle et avoir été peint par un peintre d’école flamande ou hollandaise (vous savez, ceux qui peignaient des intérieurs). C’est son voisin, spécialiste de la restauration d’œuvre d’art qui lui confirme cette impression après l’avoir nettoyé un peu et qui lui propose de le confier à un vrai spécialiste pour lui faire toute sorte d’analyses. Ils découvrent que le tableau a deux « sur-couches » dont une particulièrement épaisse. Le narrateur décide d’écarter les deux autres et de se débrouiller seul pour les gratter. Il étudie puis le réalise et découvre sous la couche la plus épaisse un téléphone S63 (celui de la photo, qui date de 1963). Cela sent un peu l’arnaque. Il décide donc de chercher le peintre (dans quelle époque vivait-il ???) et d’autres toiles. Il en trouve d’autres en effet, mais où il voit un hélicoptère et une ambulance alors que c’est tout à fait impossible.

    Plusieurs pistes se présentent au lecteur et au narrateur : la folie des autres, qui ne voient pas la même chose que lui, sa folie, qui lui fait voir ce qu’il veut voir, le paranormal, la prescience …

    C’est toutes ces pistes que va explorer l’auteur au cours de cette petite nouvelle, absolument pas policière. Le narrateur est un personnage sympathique au lecteur (pas forcément pour sa femme) car il a l’ironie amusante et que toute l’histoire est écrite avec ce style. On a un peu du mal du coup à croire qu’il est inquiet ou fou à un quelconque moment. Il a trop de détachement pour cela. C’est une nouvelle sympathique pour se détendre. Le dénouement est par contre extrêmement bien trouvé et inattendu, ce que j’apprécie particulièrement pour une nouvelle.

    Références

    S63 de Jean-Bernard POUY (Musée des Confluences / Éditions invenit, 2015)

  • UnMoisALaCampagneJLCarrJ’ai acheté ce livre au mois de mars, car LibraryThing me le conseillait (je ne sais plus à cause de quel livre par contre). J’ai décidé de le lire maintenant car je suis en train de regarder la série Grantchester. Je ne sais pas si vous connaissez cette série mais de toute manière je vais vous en faire un petit résumé. Sydney Chambers, pasteur dans la ville de Granchester (tout près de Cambridge), est revenu il y a sept ans de la Seconde Guerre mondiale, traumatisé comme beaucoup (il fait encore des cauchemars) mais la vie semble reprendre le dessus pour lui. Il est amoureux de Amanda Kendall, qui vient d’ailleurs lui rendre visite toutes les semaines depuis Londres. Sauf que les choses vont commencer à changer car Amanda va se marier (et le mari est jaloux d’une telle complicité). Pourtant, Sydney a de quoi faire : il est beau (mais vraiment beau) et très gentil donc tout le monde se confie à lui. Et comme on est en Angleterre, il y a des meurtres partout ! Il va donc enquêter car un pasteur se voit confier les plus sombres secrets. Il assiste avec brio Geordie Keating, un policier de métier, qui le prend pour collègue mais le considère surtout comme un ami. Au passage, je précise que cette série est aussi une série de livre de James Runcie.

    J’en viens au livre maintenant. On est en 1920. Tom Birkin, rescapé de la Première Guerre mondiale, vient accomplir un travail de restauration dans l’église d’Oxgodby, après s’être fait quitté par sa femme, Vinnie. Une vieille femme a en effet laissé un legs pour que des recherches soient effectuées : à l’église, où elle supposait qu’une fresque monumentale était recouverte de chaux et dans un champ à côté, où elle supposait qu’un très ancien ancêtre était enterré à côté du cimetière (car il s’était déshonoré). Ce n’est pas Tom Birkin qui va accomplir ce deuxième travail, mais un deuxième rescapé de la Grande Guerre, Charles Moon, archéologue. Celui-ci ne va en fait pas chercher l’ancêtre mais mettre au jour un plus ancien vestige qui lui permettra de publier. Les deux hommes vont tout de suite sympathiser, tout en restant très solitaire dans leur travail.

    Pourtant, Tom Birkin va s’attirer la sympathie des habitants du petit village, particulièrement de la famille du chef de gare, les Ellerbeck, et de la femme du pasteur, Alice Keach. Ainsi il va participer au sermon du dimanche de l’église « concurrente » de celle où il travail, arbitrer des matchs sportifs, participer aux fêtes du village … Il va s’intégrer entièrement dans la vie du village. Cela lui permet de se « remettre » psychologiquement des évènements qu’il a vécus. On voit bien les traumatismes de la guerre sur Moon et Birkin (surtout que ce dernier en garde des traces physiques) mais surtout la vie d’un petit village anglais à cette époque est extrêmement bien retranscrit.

    Tom Birkin, 50 ans plus tard, est le narrateur de cette histoire, où il se rappelle ce « merveilleux été ». Il le raconte par petits épisodes, petites touches cocasses, drôles et tendres. On retrouve un peu l’atmosphère de Cranford et de tous ces romans décrivant le fameux petit village anglais. Il n’y a pas de meurtre, pas vraiment d’histoire mais l’auteur réussi à baigner le lecteur dans cette atmosphère. On sent le petit brin de soleil, la lumière, la légère brise, la campagne, la joie de vivre toute simple … toutes ces petites choses qu’on se sent dans ce livre comme chez soi, bien. C’est pour cela que ce livre et la série Grantchester font écho en moi.

    Références

    Un mois à la campagne de James Lloyd CARR – roman traduit de l’anglais par Pierre Girard (Actes Sud, 1992)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1980
  • AtlasDesRefletsCelestesGoranPetrovicJ’ai lu il y a très longtemps (en 2010) le précédent livre de Goran Petrović Sous un ciel qui s’écaille que j’avais déjà beaucoup aimé. En relisant mon billet, je me rends compte que je vais redire exactement la même chose. Je l’avais repéré dans la rentrée littéraire, justement parce que j’avais lu le précédent. Sauf qu’après j’ai lu la quatrième de couverture et je me suis dit que ce n’était pas pour moi. Je l’avais noté dans ma liste à lire en ebook (éventuellement si je n’avais plus de livre à lire …) Tout cela pour dire qu’il n’était pas près d’être lu. MAIS j’ai reçu un mail de Babelio le proposant. J’ai postulé et je l’ai eu (je n’achète jamais aucun des livres de cet auteur visiblement, c’est un peu une honte). Tout cela pour dire que ce livre a été le début d’une série de coup de cœur en cette rentrée littéraire, tellement il est une bouffée d’air frais dans ce monde !

    Je vous mets quand même la quatrième de couverture pour que vous puissiez juger :

    En lisant l’Atlas des reflets célestes on pourra s’initier à une géographie singulière, observer huit rêveurs dans une maison qui n’a d’autre toit que le ciel, mener une partie de cache-cache interrompu, apprendre à se défendre des voleurs de rêves, découvrir la nature secrète des miroirs, goûter un baiser simple comme un gâteau saupoudré de sucre glace, se familiariser avec l’infini palimpseste qu’est l’encyclopédie Serpentiana, battre les « dix millions de grands chemins de l’espoir » et aborder autant d’autres sujets décoiffants …

    « Au cours d’une vie, mais aussi après elle, les rêves peuvent rapetisser, croître, se léguer, se perdre, être empruntés, offerts, volés. Il faut veiller soigneusement sur eux. Il n’est pas que la taille totale d’un individu qui en dépende, mais, une fois faite la somme de tous les rêves, la taille totale de l’humanité. »

    Goran Petrović est l’un des écrivains serbes contemporains majeurs. Atlas des reflets célestes est son quatrième roman traduit en français.

    Le roman est beaucoup moins loufoque que ce que ne laisse entendre la couverture. Le livre commence par la destruction du toit. Les huit habitants (je ne suis pas sûre du chiffre car certains personnages arrivent au milieu du livre) décident d’enlever le toit de la maison où ils habitent ensemble. Comme c’est le début du livre, je me suis posée des questions sur la santé mentale des personnages mais j’ai apprécié la réponse qu’ils donnent à la question de leurs voisins sur l’absence d’un toit à leur habitation. En substance, cela donne « mais si, notre maison a un toit, il est bleu ». Une note explique le pourquoi de manière plus précise :

    De l’obscurité cavicole et faîtière

    Il est proprement incroyable que l’homme puisse de son plein gré accepter de passer le plus clair de sa courte existence entre deux obscurités. Se croyant naïvement protégé par la solidité du plancher et la charpente du toit, il ne songe même pas à la nocivité d’un tel mode de vie. Il est vrai qu’il lui arrive rarement de tomber dans l’obscurité de sa cave ou de recevoir celle du grenier sur la tête. La mort dite « Mangeuse d’âmes » a des souliers lents, une pèlerine toute de silence et un masque insidieux. En effet, les forces magnétiques sournoises, dont le règne s’étend aussi entre ces deux obscurités, provoquent l’attraction progressive mais inéluctable de ces dernières. Avec le temps, son confortable gîte devient pour l’homme un piège perpétuel. Alors, coincé dans sa petite boîte, il s’avise de la fatalité de son illusion, mais, le plus souvent, n’a pas assez de force pour s’en affranchir, si bien que, se débattant frénétiquement pour essayer d’arracher son âme aux chaines qui l’entravent, il voit périr son corps dans l’horrible souricière. (D’après l’encyclopédie Serpentiana, article « Manière commune de vivre et de mourir »)

    Cette petite note m’amène à parler de la structure du livre et de l’encyclopédie Serpentiana.

    Le livre est constitué en chapitres, qui se divisent eux-mêmes en trois parties : le « texte » lui-même, où l’auteur écrit l’histoire des huit personnages de la maison, des notes qui suivent le texte, un article encadré. Les notes sont en générales très longues, et aussi importantes que le texte. Elles expliquent le mécanisme physique, psychologique, morale … du monde, que créé Goran Petrović dans le texte. L’article encadré décrit un monde « réel » d’objets inventés, en rapport avec le texte précédent. Par exemple, l’auteur décrit des tableaux imaginés, des mythes inventés … Tout cela contribue à vous englober dans un autre monde.

    L’encyclopédie Serpentiana fait partie de cet autre monde. C’est une encyclopédie sans début ni fin, qui s’ouvre automatiquement à la « bonne page », celle contenant la réponse à la question que l’on se pose, si on sait lui parler bien sûr.

    Comme je l’ai dit, ce livre est une bouffée d’air frais dans ce monde où tout est grave et où on va tous mourir prochainement. Il invite à voir la vie avec un peu plus de hauteur mais aussi de logique, avec une dose de fantaisie et d’imagination. Goran Petrović écrit un livre remarquable et passionnant par le monde qu’il invente pour nous, par la vision de la vie qui sous-tend le livre, mais aussi par les trouvailles stylistiques, les images mises en place … C’est un livre dépaysant, qui nous aspire complètement. Finalement, je ne retiendrais pas sur le long terme l’histoire (la vie des huit habitants de la maison) mais plutôt les sentiments que j’ai pu éprouver tout au long de ma lecture, l’émerveillement ayant prédominé.

    En conclusion, c’était ma première lecture de la rentrée littéraire et mon premier coup de cœur (et cela m’a mis dans de très bonnes dispositions en plus).

    Extraits

    Je sais que ce n’est pas bien de mettre d’aussi longs extraits, mais je ne peux pas résister à les partager quand je les relis. Vous n’êtes pas obligé de les lire bien sûr …

    De la perméabilité de l’âme

    À ce jour, on n’a pas encore découvert les principes qui régissent la perméabilité de l’âme humaine. Alors que dans les unes tout s’écoule aussitôt comme à travers un tuyau sans rien ennoblir au passage, dans les autres pas une goutte de ce qui les pénètre ne ressort, comme si tout butait contre une plaque de granit. On en trouve qui laissent passer seulement certains éléments, mais jamais selon des lois établies ou du moins pas selon des lois qui nous soient connues. Il en est dont le mécanisme consiste à cristalliser l’essence des phénomènes entrants et à en rejeter le superflu. Et puis, il y a celles qui renvoient dans le monde précisément l’essentiel et, qui sait pourquoi, gardent jalousement en elles l’insignifiant. C’est ainsi que par d’innombrables synthèses et analyses, selon de mystérieux processus, les âmes laissent  sortir ou retiennent certaines choses et pas d’autres, engendrant ainsi ce qui les différencie les gens entre eux.

    Anatomie I

    Bien sûr, pour approcher un homme, il faut franchir fortifications, douves, chemins de ronde, ponts-levis ou ponts fixes, passages dérobés, ou encore parcs, grand-routes, jardins… À ce dont un homme s’entoure on peut deviner bien des choses de lui. D’aucuns tablent surtout sur la défense et ne laisseront personne, pas même leurs connaissances, arriver jusqu’à la porte d’entrée. D’autres ne se soucient pas d’un danger éventuel, vivent en terrain découvert, sans nul abri ni obstacle, et ne dissimulent pas aux inconnus rencontrés fortuitement les coins les plus secrets de leur être.

    En rapport avec ce qui vient d’être dit se poursuit la dispute pluriséculaire entre les tenants des accès interdits et ceux des accès libres. Les premiers lancent un avertissement en rappelant la mésaventure de l’un des comtes palatins de la ville de Heidelberg. Cet ingénu est entré dans l’histoire pour avoir fait abattre l’enceinte de son château afin d’agrandir son parc. Il a payé de sa vie sa témérité, après avoir été réduit à l’esclavage par le maître du fief voisin qui, peu après son geste inconsidéré, l’avait traîtreusement attaqué. Les seconds se réfèrent également à cette même histoire, mais en présentant ce comte de Heidelberg comme un homme au grand cœur, aimant la nature et la vie libre, sans barrières.

    En sus de ce qui vient d’être dit, et pour essayer de donner, par amour de la vérité, une image aussi complète que possible, il nous faut encore évoquer ceux, nombreux, qui s’entourent de faux accès. En effet, il n’est pas rare que derrière des murailles de plusieurs mètres d’épaisseur, grises et envahies de ronces, on tombe sur de somptueux palais baroques riches de précieux ornements et de fenêtres ouvertes. Et enfin, c’est bien connu, il n’est pas rare non plus qu’après des kilomètres de parc irréprochable, parsemé de jets d’eau et de statues dorées, on tombe sur des ruines qui laissent à peine deviner ce qu’il y avait là autrefois.

    Anatomie VII

    Une cloison imaginée , mais non moins réelle, traverse tout individu, divisant sa personnalité en deux versants : l’adret et l’ubac.

    L’ubac est le versant de la personnalité humaine qui ne voit pas le soleil, à l’abri des vents chasseurs de pénombre et de brouillard, si bien que mousses, champignons et moisissures y prospèrent. De ce côté-là l’humidité s’accumule au point que, sous forme de larmes, elle remonte parfois même jusqu’aux yeux. Le passé, le désespoir, la mélancolie et le deuil y prennent leurs quartier.

    Tout au contraire de l’ubac, l’adret accueille très tôt le printemps. De manière générale, l’adret d’une personnalité est tel qu’il devance celle-ci dans le temps à venir, ne serait-ce que d’un sourire. Sur lui soufflent les vents agréables, il est ensoleillé, habité par la salubrité, l’insouciance et l’opulence.

    Bien qu’au début de la vie les aspects de la personnalité humaine ainsi décrits soient à peu près équivalents, avec le temps l’un des côtés prend le dessus au détriment de l’autre. Si l’on ne fréquente pas, ou si l’on fréquente peu l’un des côtés, celui-ci peut rapetisser, fondre, et même totalement disparaître. Le premier expert en anatomie venu est en mesure d’aider le non-initié à choisir dans quel sens faire pencher sa personnalité.

    Références

    Atlas des reflets célestes de Goran PETROVIĆ – préface d’Alberto Manguel – traduction du serbe par Gojko Lukić (Notablia, 2015)

  • CeGenreDEChosesNArriveJamaisMikaWALTARIJ’ai pris ce livre la semaine dernière à Gibert Joseph car je trouvais la couverture extrêmement jolie. La quatrième de couverture a aussi joué, bien évidemment.

    On est à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la situation est extrêmement tendue mais la guerre n’est pas encre déclarée. Un homme part de chez lui, en Finlande, pour un voyage d’affaires dans le sud de l’Europe.

    Le premier chapitre raconte sa « dernière soirée »en Finlande, avant son départ. On se rend rapidement compte qu’il est triste, solitaire et insatisfait. Son couple n’en est plus un : sa femme sort seule, il passe ses soirées seul, elle ne s’intéresse à ses voyages que pour les cadeaux qu’il peut lui rapporter. De par la situation, il décide de faire le tri dans ses papiers et il s’aperçoit que c’est plus facile qu’il ne le croyait. En lisant cela, le lecteur ne peut que penser que sa vie est vide, ou plutôt n’a aucune sens.

    Le deuxième chapitre se passe à l’aéroport. Les vols vers le sud sont interrompus, il se retrouve bloqué dans la salle d’attente avec une femme. Là-dessus, un pilote fait un esclandre ; il veut ramener son avion dans son pays. Son radio a été arrêté « illégalement » mais il décide qu’il est capable de tout faire. Au final, le radio est libéré et ils partent donc à quatre : le pilote, le radio, l’homme et la femme (j’ai oublié de préciser qu’aucun des deux ne sera jamais nommé). Il n’y a plus franchement d’appui ; ils ne connaissent pas la situation « en bas » – le pays existe-t-il encore ?, si oui, est-il ennemi ou ami ? Le voyage est périlleux et finit mal : l’avion se crashe sur une montagne (toute ressemblance avec des faits réels n’est que fortuite), dans un pays inconnu. Le crash tue les pilotes mais pas les passagers. Commence alors pour eux un long voyage, dangereux, plein d’imprévus et de rencontres (le livre ne fait que 110 pages par contre) mais au cours duquel ils vont se redécouvrir.

    J’ai personnellement trouvé la trame de l’histoire très intéressante. Je n’avais jamais réfléchi sur ce type de situation, l’entre-deux entre paix et guerre. Ce livre soulève cette question ainsi que ce qu’est un pays, le symbole comme la réalité. J’ai été moins persuadé par la « redécouverte » des personnages. Cela vient à mon avis du fait que justement ils ne sont pas suffisamment creusés au niveau psychique pour qu’on puisse s’y attacher. Il répète comme un mantra « nous avons survécu », abandonnons ceci, abandonnons cela mais la lectrice que je suis n’y a pas cru. Autant on n’arrive à se figurer le paysage, la situation, la tension mais pas les personnages.

    Ce livre a aussi souffert de ma lecture précédente La neige noire de Paul Lynch. Alors que Lynch a un style très riche, très évocateur, le style de Waltari m’a semblé très sec, très, voire trop direct. Paul Lynch se focalise dans son roman sur les personnages alors que Mika Waltari favorise l’intrigue et la description.

    J’aime énormément les romans courts mais je trouve que ce livre aurait gagné en épaisseur pour affermir le propos. Avez-vous lu Sinouhé l’Égyptien ? Est-ce du même genre ?

    Références

    Ce genre de choses n’arrive jamais de Mika WALTARI – roman traduit du finnois par Anne Colin du Terrail (Actes Sud, 2015)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1944
  • MerNoireDovLynchJ’ai repéré ce livre à plusieurs reprises : en librairie, sur un blog (mais je ne sais plus lequel, je pense sur celui de Charybde 27) et aussi dans Le Matricule des Anges. C’est après la lecture de ce journal que j’ai acheté le livre.

    C’est un très court roman (140 pages), écrit par un diplomate  irlandais vivant en français. Le livre a d’ailleurs été écrit entièrement en français.

    L’histoire se situe au début des années 90 et commence par la mort du père de Dimitris, un an après que ce dernier ait quitté l’IRA. Cela avait fait suite à l’exclusion de son frère Nico, après qu’il ait tué un des membres de l’organisation. Son père étant très respecté, Nico n’a pas été tué en représailles mais a été banni d’Irlande. Il est donc parti à Soukhoumi, en Abkhazie (Géorgie), région de naissance de la mère des deux garçons (elle est partie peu de temps après la naissance des deux enfants). Or, à l’époque, ce pays est aussi en guerre pour son indépendance. Nico manque « énormément » à son frère Dimitris, même si l’entente n’était pas bonne. Je dis cela car il y pense tout le temps et semble être présent tout le temps malgré qu’il n’apparaisse pas en tant que tel.

    À la mort du père, l’IRA demande à Dimitris de livrer son frère, il sera ensuite réintégrer dans l’organisation car il ne peut pas rester « seul » comme cela. Dimitris refuse de donner sa réponse immédiatement mais il sait déjà qu’il refusera. Après un certain temps, il agira de manière définitive et partira d’Irlande pour s’exiler lui-aussi dans ce pays en guerre qu’il n’a jamais vu. Commence alors son périple à travers l’Europe, d’ouest en est. On peut d’ailleurs visualiser le « voyage » de Dimitris pour retrouver son frère Nico sur ce lien.

    La manière dont est narrée cette histoire m’a complètement fasciné. Dimitris est décrit dès le début comme un personnage sans sentiment, ou plus exactement vide. Il ne semble rien ressentir. À la mort de son père, il est « seul » car il n’est pas proche de son voisinage. Il va (commencer) à agir mécaniquement, dans un état quasi-hypnotique. Pendant tout le livre, il reste dans cet état. Quand il traverse l’Europe, rencontre d’autres personnes, il ne s’ouvre pas ; ces rencontres ne le changent pas du tout. Il est derrière la vitre d’un train, en train d’observer. À un moment, il rencontre en Abkhazie un femme qui désire l’aider et il reste sur ses gardes. Quand il est seul là-bas, alors qu’il ne comprend même pas la guerre qui se déroule dans ce pays, il ne ressent ni peur, ni angoisse ; il agit pour ne pas mourir pour une guerre qui n’est pas la sienne.

    Sans trop en dévoiler, il utilise lui-même beaucoup la violence (et pas seulement en Irlande ou en Abkhazie, pays en guerre). Finalement, on lit le livre dans l’état d’esprit du personnage, hypnotisé, sans réfléchir, sans que rien ne nous choque, en état de survie.

    Ce livre est un premier roman écrit dans une langue qui n’est pas celle de l’auteur. La maîtrise de l’atmosphère du roman est a ce titre doublement remarquable ; c’est aussi ce qui fait de cette lecture, qui n’aurait pu être qu’une agréable lecture, une lecture excellente.

    Références

    Mer Noire de Dov LYNCH (Editions Anacharsis, 2015)

  • TogetherAndApartMargaretKennedyJe n’avais jamais entendu parler de Margaret Kennedy avant de voir passer sur les blogs anglophones une semaine dédiée à cette auteure. Apparemment, elle a été traduite en français plutôt dans les années 50-60 et plus rééditée depuis, à une exception près au Mercure de France, en 2006. En effet, cette maison a réédité, sous le titre Tessa, ce qui semble être son œuvre majeure La nymphe au cœur fidèle. Je n’ai bien sûr pas lu ce livre …

    Together and Apart, c’est tout simplement l’histoire d’un divorce dans les années 40. Le roman commence par une lettre qui m’a tout de suite fait penser que ce livre me plairait. Lisez plutôt :

    […]

    Well now mother, listen. I have something to tell you that you won’t like at all. In fact, I’m afraid that it will be a terrible shock and you will hate it at first. but do try to get used to the idea and bring father round to it.

    Alec and I are parting company. We are going to get a divorce.

    I know this will horrify you: the more so because I have, perhaps mistakenly, tried very hard to conceal our happiness during these last years I didn’t, naturally, want anybody to know while there was still a chance of keeping things going. But the fact is, we have been quite miserable, both of us. We simply are unsuited to one another and unable to get on. How much of this have you guessed ?

    Life is so different from what we expected when we first married. Alec has quite changed, and he needs a different sort of wife. I never wanted all this money and success. I married a very nice but quite undistinguished civil servant. With my money we had quite enough to live on in a comfortable and civilised way. We had plenty of friends, our little circle, people like ourselves, amusing and well bred, not rich, but decently well off. Alec says now that they bored him. But he didn’t say so at the time.

    I must say it’s rather hard on me that he took so long to find out what he really wanted. He says it’s all his mother’s fault, and that she bullied him so that he was past thirty before it ever occured to him to call his soul his own. I dare say this is true, but I have to suffer for it.

    […]

    We no longer have the same friends. He seems to be completely submerged in the stage world. He is so popular and so genial. Everybody likes him and he likes everybody. Our house is perpetually crammed with people with home I have nothing in common, who simply regard me as « Alec’s wife » if they even know me by sight, which often they don’t, I really believe.

    […]

    Reading this over, I feel it sounds rather like a list of grievances, as if I were the only sufferer. But indeed Alec has suffered equally. I’m not the right woman for him any more, and he can’t be happy with me.

    […]

    Then why didn’t divorce him before ? Because of the children. I felt they ought to have a home, that we must all stay together as long as any decent appearance of harmony could be kept up. And now, because of the children, I have changed my mind. I now think that they would be happier if Alec and I gave up this miserable attempt. They are getting old enough to feel the stain and the tension, especially Kenneth, who quite realizes that Alec doesn’t always treat me considerately, and resents it violently. A father and son can mean so much to one another ; it would be terrible if they become permanebtly alienated. I don’t want the children to grow up with a distorded idea of marriage, got from the spectacle of parents who can’t get on. I think the time has come to be quite open with them about it.

    N’est-ce pas trop moderne ? Bien sûr, aujourd’hui on n’écrirait plus de lettre pour annoncer son divorce à sa mère mais par contre, les raisons sont toujours les mêmes. Tout le roman (400 pages apparemment ; je l’ai lu en électronique) est comme cela. C’est un livre qui n’est absolument pas daté en tout cas en version originale.

    Les parents décident de divorcer parce qu’ils ne sont plus aussi bien ensemble, même si à la description du couple, on se rend rapidement compte qu’ils sont fait l’un pour l’autre. Le mari se console avec une jeune demoiselle, éperdument amoureuse de lui depuis toujours (bien évidemment). Cela va « dégénérer » puisqu’elle va tomber enceinte, le mari l’épouse mais n’arrive plus à créer (alors que c’est son métier et ce qui lui permet de vivre). L’ex-femme cède aux avances d’un prétendant de toujours pour montrer qu’elle n’est pas en reste. Là-dessus se greffe des enfants adolescents, qui prennent partie, font de grosse bêtises car ils « ne sont plus surveillés ». Il y a aussi les parents du couple qui essaient de comprendre. Je trouve que c’est exactement ce qu’on pourrait voir aujourd’hui dans un film, que l’on regarderait pour se détendre.

    Ce livre est exactement cela. Un moment sympathique de lecture, qui détend, le niveau d’anglais n’étant pas particulièrement difficile en plus. En plus, la narration est rondement menée, avec suffisamment de rebondissements pour que l’attention du lecteur ne faiblisse passe. Je tiens à souligner encore une fois que ce texte devait être assez osé pour l’époque à mon avis.

    Avez-vous déjà lu ce type d’histoire dans des romans de cette époque ? Anglais ou autres.

    Références

    Together and Apart de Margaret KENNEDY (Vintage Books, 2014)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1936
  • LogicomixJe l’ai enfin lu !!! Je l’avais repéré après avoir lu un autre livre de Apostolos Doxiadis, Oncle Petros et la conjecture de Goldbach. Je ne l’avais toujours pas acheté ou même emprunté à la bibliothèque, mais je continuais à le lorgner à chaque fois que je passais au rayon vulgarisation de la librairie Eyrolles. Sauf que début août, j’ai lu Amour et maths de Edward Frenkel. Cela a été un tel bonheur que j’ai voulu continuer dans cet univers et donc j’ai choisi ce comics dans ma LAL.

    La narration mêle trois épisodes – périodes :

    • Une période « actuelle », décrivant la manière dont ce comics a été conçu : le but du livre mais aussi les questionnements pour trouver le meilleur scénario pour atteindre ce but. On apprend notamment dans ces parties que l’idée du comics n’est absolument pas de faire une histoire de la logique mais plutôt d’établir une sorte de relation entre les hommes, leurs folies et la logique. Comme si le fait de faire des recherches mathématiques sur la logique, et plus particulièrement à l’époque dont il est question dans Logicomix, par le fait qu’elles touchent les fondements même des mathématiques (vues par certains comme fondements du « monde ») rendaient fous les hommes qui abordaient ces questions par trop métaphysiques.
    • Vous allez me dire, mais quelles questions … C’est Bertrand Russell, célèbre mathématicien – philosophe – pacifiste – éducateur …, dont on peut voir dans toutes les librairies l’Éloge de l’oisiveté (chez Allia), qui va vous l’expliquer lors d’une conférence. Cette conférence s’est tenue en 1939 sur un campus américain et a été « perturbée » par des manifestants pacifistes demandant le soutien de Russell (pacifiste lui-même lors de la Première Guerre mondiale). Pour répondre aux manifestants, Russell choisit de retracer sa vie depuis son enfance. Il a été éduqué par une grand-mère très stricte, après la mort de ses parents et de son grand-père. Celle-ci lui a procuré une très bonne éducation, en particulier grâce à un précepteur en mathématiques. Dès lors, une question l’a obsédé : les fondements des mathématiques. En effet, lorsqu’il a travaillé sur Euclide, il a « découvert » que les théorèmes … reposent tous sur des axiomes, par définition non prouvés. Les vérités mathématiques, qui lui semblaient être des valeurs refuges dans ce monde incertain, lui ont semblé tout à coup particulièrement branlantes, le pire étant que personne ne se rendait compte de ce grave problème.
    • B. Russell décide de consacrer ses études et sa vie à trouver les bases qui feraient des mathématiques une science exacte et fondée. Pour cela, il va à l’Université, fait une déviation vers la philosophie, rencontre les grands maîtres de la logique (et de la théorie des ensembles) : Cantor, Frege, Peano, Wittgenstein (qui a été l’élève de Russell, ce que je ne savais pas du tout), travaille lui-même sur une nouvelle théorie. Russell retrace ainsi toute l’histoire de la logique, la recherche des fondements mathématiques en particulier, jusqu’à l’arrivée de Gödel et de son théorème d’incomplétude. Il y a même Hilbert et Poincaré en guest stars !

    Je n’ai jamais étudié la logique à l’Université parce que j’avoue que cela ne m’intéressait pas franchement. Pourtant j’utilise tous les jours les concepts dont parlent le livre. J’ai trouvé particulièrement intéressant de voir dans quel cadre et avec quelle cohérence ils ont été introduits, n’ayant jamais non plus étudié l’histoire des mathématiques. Les mathématiques ne sont ni trop ni pas assez présentes dans cette bande dessinée (dans Amour et maths il y a des maths, des vraies et qui quoi qu’en dise l’auteur ne sont pas compréhensibles par tous, dans Logicomix ce n’est pas le cas : rassurez-vous !).

    J’ai trouvé que la travail de vulgarisation était très bien réalisé car les auteurs insistent sur ce qui peut le plus intéresser les lecteurs : les mathématiciens plutôt que les mathématiques. J’avoue adorer quand on parle des mathématiciens car ce sont des gens qui peuvent être réellement très spéciaux. Le point de vue adopté (la logique mène à la folie ou vice-versa) est parfois un peu extrême, il y a une sorte de détournement de l’Histoire pour servir un point de vue.

    À partir ce tout petit bémol, je ne regrette pas du tout d’avoir acheté et lu ce comics. Je vous le conseille si vous êtes (un peu) intéressé par les maths pures, la logique … Si vous êtes complètement allergique, ce n’est pas la peine de vous faire violence non plus.

    L’avis de Keisha.

    Références

    Logicomix de Apostolos DOXIADIS (concept, histoire, script), Christos PAPADIMITRIOU (concept et histoire), Alecos PAPADATOS (personnages et dessins) et Annie DI DONNA (couleur) – traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat (Vuibert, 2011)

    P.S. : Désolée encore une fois pour mon absence. J’ai lu pas mal de livre en août mais surtout je suis partie en vacances une semaine (c’était la première fois en quatre ans). Je suis allée en Allemagne à Aix-la-Chapelle. J’ai repris le travail lundi et je suis déjà épuisée. Vivement les prochaines vacances 🙂