J’ai repéré ce livre à plusieurs reprises : en librairie, sur un blog (mais je ne sais plus lequel, je pense sur celui de Charybde 27) et aussi dans Le Matricule des Anges. C’est après la lecture de ce journal que j’ai acheté le livre.
C’est un très court roman (140 pages), écrit par un diplomate irlandais vivant en français. Le livre a d’ailleurs été écrit entièrement en français.
L’histoire se situe au début des années 90 et commence par la mort du père de Dimitris, un an après que ce dernier ait quitté l’IRA. Cela avait fait suite à l’exclusion de son frère Nico, après qu’il ait tué un des membres de l’organisation. Son père étant très respecté, Nico n’a pas été tué en représailles mais a été banni d’Irlande. Il est donc parti à Soukhoumi, en Abkhazie (Géorgie), région de naissance de la mère des deux garçons (elle est partie peu de temps après la naissance des deux enfants). Or, à l’époque, ce pays est aussi en guerre pour son indépendance. Nico manque « énormément » à son frère Dimitris, même si l’entente n’était pas bonne. Je dis cela car il y pense tout le temps et semble être présent tout le temps malgré qu’il n’apparaisse pas en tant que tel.
À la mort du père, l’IRA demande à Dimitris de livrer son frère, il sera ensuite réintégrer dans l’organisation car il ne peut pas rester « seul » comme cela. Dimitris refuse de donner sa réponse immédiatement mais il sait déjà qu’il refusera. Après un certain temps, il agira de manière définitive et partira d’Irlande pour s’exiler lui-aussi dans ce pays en guerre qu’il n’a jamais vu. Commence alors son périple à travers l’Europe, d’ouest en est. On peut d’ailleurs visualiser le « voyage » de Dimitris pour retrouver son frère Nico sur ce lien.
La manière dont est narrée cette histoire m’a complètement fasciné. Dimitris est décrit dès le début comme un personnage sans sentiment, ou plus exactement vide. Il ne semble rien ressentir. À la mort de son père, il est « seul » car il n’est pas proche de son voisinage. Il va (commencer) à agir mécaniquement, dans un état quasi-hypnotique. Pendant tout le livre, il reste dans cet état. Quand il traverse l’Europe, rencontre d’autres personnes, il ne s’ouvre pas ; ces rencontres ne le changent pas du tout. Il est derrière la vitre d’un train, en train d’observer. À un moment, il rencontre en Abkhazie un femme qui désire l’aider et il reste sur ses gardes. Quand il est seul là-bas, alors qu’il ne comprend même pas la guerre qui se déroule dans ce pays, il ne ressent ni peur, ni angoisse ; il agit pour ne pas mourir pour une guerre qui n’est pas la sienne.
Sans trop en dévoiler, il utilise lui-même beaucoup la violence (et pas seulement en Irlande ou en Abkhazie, pays en guerre). Finalement, on lit le livre dans l’état d’esprit du personnage, hypnotisé, sans réfléchir, sans que rien ne nous choque, en état de survie.
Ce livre est un premier roman écrit dans une langue qui n’est pas celle de l’auteur. La maîtrise de l’atmosphère du roman est a ce titre doublement remarquable ; c’est aussi ce qui fait de cette lecture, qui n’aurait pu être qu’une agréable lecture, une lecture excellente.
Références
Mer Noire de Dov LYNCH (Editions Anacharsis, 2015)
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