Cecile's Blog

  • Je me suis procurée cette bande dessinée suite à l’avis d’Aifelle. J’aime Stefan Zweig depuis plein de temps même si je n’ai pas tout lu, même si je ne connais pas sa vie (à part son suicide) et je voulais lire le livre de Laurent Seksik quand il est sorti mais les trop bonnes critiques m’ont fait fuir. Le dessin de couverture, que j’aurais bien vu chez Futuropolis, a fini de me donner envie.

    Commençons donc par parler du dessin et des couleurs. J’ai aimé les couleurs chaudes, la lumière, les pauses théâtrales et très démonstratives des personnages, un peu comme si ils oscillaient entre tristesse et joie (je crois franchement que c’est le cas en plus). Ce que j’ai moins aimé, c’est la coloration des visages qui m’a semblé donner une teinte artificielle, factice, un peu trop brillante.

    Pour ce qui est de l’histoire, il s’agit de la fin de Stefan Zweig et pour le coup, il m’a un peu déçu ce Stefan. Tout simplement parce que je ne connais pas l’histoire. La bd raconte son exil au brésil avec sa seconde femme beaucoup plus jeune que lui, elle asthmatique, lui extrêmement pessimiste (il faut dire qu’il y avait de quoi à cette époque là). J’en viens donc à ce qui m’a déçu, le fait que Stefan utilise son influence sur sa femme (ou plutôt utilise l’admiration de sa femme) pour la pousser à l’accompagner dans le suicide alors qu’elle, elle n’était pas sûre. Elle ne demandait qu’une chose, être heureuse avec son mari. Je me suis demandée sur quoi l’auteur s’appuie pour étayer cette version des faits : a-t-on des lettres de la femme ? en tout cas la dernière (celle écrite à la femme de ménage comme dans le livre) ? est-ce que Stefan Zweig a envisagé de se suicider seul ? est-ce que cela n’aurait pas trop dévasté sa femme ? (on se pose toujours la question quand quelqu’un se suicide à mon avis). J’aimerais bien savoir ce qui est vrai, ce qui est inventé et ce qui est supposé mais la bande dessinée ne le dit pas.

    Références

    Les derniers jours de Stefan Zweig de Guillaume SOREL (dessin) et de Laurent SEKSIK (adaptation scénaristique) (Casterman, 2012)

  • Un extrait

    Non, l’urgence n’est pas un don, c’est une quête. Elle s’obtient par l’effort, elle se construit par le travail, il faut aller à sa rencontre, il faut atteindre son territoire. Car il y a bien un territoire de l’urgence, un lieu abstrait, métaphorique, situé dans des régions intérieures qui ne s’abordent qu’au terme d’un long parcours. C’est par l’immersion qu’il faut l’atteindre. Il faut plonger, très profond, prendre l’air et descendre, abandonner le monde quotidien derrière soi et descendre dans le livre en cours, comme au fond d’un océan. On n’atteint pas le fond tout de suite, il y a des étapes, des paliers de décompression. Dans les premières phases de la descente, on pressent encore le monde visible au-dessus de soi, on peut encore le voir, on peut encore s’en inspirer. C’est qu’on n’est pas descendu assez profond, il faut descendre encore, persévérer. À partir de 130 mètres, on ne voit quasiment plus rien, on commence à deviner des ombres nouvelles, le souvenir des personnes réelles s’estompe, des créatures fictives apparaissent et nous entourent, un grouillement de micro-organismes vivants de tailles et de formes diverses. Nous sommes dans un monde trouble, entre la réalité et la fiction. On descend encore, et, au-delà de 200 mètres, plus aucun rayonnement solaire ne nous parvient. C’est que nous avons atteint le territoire de l’urgence, le monde des abysses, plus de 300 millions de kilomètres carrés d’obscurité et de silence où règnent des pressions écrasantes et où prolifèrent d’incessantes présences aveugles, d’infimes potentialités de vie en mouvement. Nous y sommes, c’est la bonne profondeur, nous avons maintenant le recul nécessaire, la distance idéale pour restituer le monde, pour retranscrire, dans les profondeurs mêmes de l’écriture, tout ce que nous avons capté à la surface.

    Mon avis

    Je n’avais pas aimé (ou pas compris) son Faire l’amour. L’autre jour, ils ont parlé du livre au Masque et la Plume et franchement cela avait l’air plutôt pas mal. Puis j’ai lu l’avis de Yokai sur LibraryThing (elle l’a aussi publié sur son blog). Puis encore après je l’ai vu sur Feedbooks et du coup je l’ai acheté et lu tout de suite parce que cela faisait trop de coïncidences et que surtout, je suis faible.

    J’ai beaucoup aimé cette lecture, en fait, j’ai adoré. J’ai recopié énormément de passages dans mon carnet de lecture (je ne vous ai mis que mon préféré). C’est un tout petit livre constitué de 11 essais sur la manière d’écrire, de lire, de s’enthousiasmer de Jean-Philippe Toussaint. Ce qui est intéressant, c’est que l’auteur nous livre son expérience avec ses anecdotes et pourtant on n’a pas l’impression de lire la vie de Jean-Philippe Toussaint : il généralise assez facilement son discours (pas dans le sens où il pense que tout le monde fait comme lui). J’ai eu aussi l’impression de rentrer dans sa vie, de l’accompagner en quelque sens dans ses réflexions sur sa manière de travailler, comme si il discutait avec moi (voilà que je me flatte toute seule maintenant).

    Pour un peu parler, il parle de ce qu’il l’a décidé à écrire, de ses bureaux, du processus d’écriture d’un livre (dans l’essai qui donne son nom au livre), de littérature et cinéma (il pense qu’entre la littérature et le cinéma il y a le même antagonisme qu’entre mathématiques et biologie. Il parle Proust, Dostoievski, Jérôme Lindon et Beckett et maintenant je veux lire Beckett. Genre là, maintenant, ou plutôt comme lui dans le bus 63 qui va de l’institut Goethe à Gibert. Je suis comme cela, une vraie copieuse !

    Références

    L’urgence et la patience de Jean-Philippe TOUSSAINT (Les éditions de minuit, 2012)

  • J’ai bien rigolé avec ce comics. Les auteurs revoient plusieurs nouvelles de Conan Doyle mais à la sauce Muppet. Il s’agit de The Speckled Band, A Scandal in Bohemia, The Red-Headed League, The Musgrove Ritual. Tous les éléments y sont mais le côté bras cassé de Holmes et Watson fait trop rigoler (je sens que mon billet va être trop constructif). Pour donner une idée, la première présentation de Watson est celle-ci :

    London is the town I call home. But then, why call home ? If I’m far enough to call, I know I’m not there to pick up. This is Baker Street. My name is Dr. John Watson, PhD, Asc, Dds, Html, Nba Mvp, Eieio. Vc E Bar, Crufts 1855 best in show. I practice medicine, badminton and improv. I’m the only doc in town who can remove a heckler’s appendix by backhand lift ! I’ve just moved in with an odd natured but even tempered fellow. Many call him « the world’s greatest detective (19th century only) but I call him. Actually, I just call him Holmes. Not to be confused with London, which London, which I call home, or house, who is nothing like Holmes. Ouch, I’ve got a homonym headache…

    La seule chose que je pourrais regretter, c’est les couleurs orange et violette des personnages (Lestrade est une grenouille très verte, un peu comme les petits pois en Angleterre) qui ont agressé mes yeux fragiles.

    Rien que pour voir Irene Adler vous écrire « Kissy – kissy ! », ça vaut le coup d’être vu.

    Références

    Muppet Sherlock Holmes de Patrick STORCK (writer), Amy Mebbergon (artist), Braden Lamb et Amy Mebberson (colors), Deron Bennett (letters) (Boom Kids, 2011)

  • Quatrième de couverture

    Willa Cather (1873-1947) a déjà établi sa réputation de grand écrivain américain lorsqu’en 1930, au cours de l’un de ses voyages en France, elle rencontre Caroline Franklin-Grout, la nièce de Gustave Flaubert, qui fut élevée par son fameux oncle, dont elle est l’exécutrice testamentaire.

    La Nièce de Flaubert dresse le portrait d’une femme surprenante, lien vivant entre un XXième siècle déjà éprouvé par la guerre et l’âge d’or de la littérature française, dont Flaubert est l’un des plus grands représentants. Ce texte est avant tout un éloge ardent de la littérature et de la lecture, non comme passe-temps mais comme raison de vivre.

    Mon avis

    J’ai piqué cette idée de lecture chez Matilda et je l’en remercie parce que j’ai adoré. J’aime le côté admiration dans un milieu feutré, le grand écrivain qui se rapetisse devant la grande dame.

    Parce que oui, Caroline Franklin-Grout est une grande dame pas seulement parce qu’elle est la nièce de Flaubert. Elle est juste extraordinaire et est une femme entière. Elle édite la correspondance de son oncle et Bouvard et Pécuchet parce qu’elle vous une admiration sans borne à son oncle. C’est une admiration de l’ordre de l’affectif mais aussi une admiration de l’esprit. C’est lui (et ses visiteurs) qui lui a fait découvrir la vie, la littérature, l’écriture. Il en a fait la femme qu’elle ait, une femme curieuse de tout et qui porte une soif de vivre, de comprendre fascinante. C’est le genre de personne qu’on aimerait rencontrer pour nous aider à apprécier la vie.

    Willa Cather devant une telle personne, rencontrée par hasard, se livre a un très bel exercice d’admiration pour cette femme et aussi pour Flaubert, dont elle semble très bien connaître l’œuvre. Pour elle, l’important est d’avoir Flaubert en soi et non les livres de Flaubert ou des objets de Flaubert. Willa Cather marque ainsi ce qu’apporte la littérature dans la construction d’une personne. C’est justement ce qui fait le relation de connivence qu’il y a tout de suite entre les deux femmes. La narration de Willa Cather fait que le lecteur est à côté de ces deux femmes, à écouter bouche-bée, cette « amitié » savoureuse. C’est un peu comme si vous étiez invité à une conversation entre deux personnes très intelligentes, très instruites et que vous étiez obligé de vous taire pour profiter de tout, de tout retenir, de vous imprégner de tout.

    Caroline Franklin-Grout est le genre de femme que l’on rêverait de ne jamais voir mourir. Pareil pour Willa Cather car, malgré le succès, elle a su garder une belle âme, une âme qui permet d’admirer, voire de vénérer.

    Références

    La Nièce de Flaubert de Willa CATHER – préface et traduction d’Anne-Sylvie Homassel (La petite collection des éditions du sonneur, 2012)

  • Quitte à être en hiver, autant aller en Sibérie, en Sibérie orientale (près de l’Océan Arctique et de la Mer de Béring) (pour ceux qui ont un doute sur leur géographie, aller voir la carte). Omruvié, éleveur de rennes, journaliste et écrivain, écrit ici un roman fort dépaysant et aussi très instructif car il se passe au moment de la collectivisation des terres des Tchouktches dans les années autour de la Seconde Guerre mondiale.

    Si vous vous rappelez Himalaya (c’est le film qui a fait rêver toute ma famille pendant des années : on se le passait à chaque Noël), c’est un peu pareil. Un village, composé de plusieurs familles, s’établit pour une saison à un endroit. Les femmes travaillent à la préparation de l’hiver, à la confection des habits, à la préparation de la nourriture … tandis que les hommes s’occupent d’élever les rennes. Si j’ai bien compris, une personne possède les rennes mais fait vivre toutes les personnes l’aidant dans l’élevage, normalement cette aide est décente et peu de personnes sont dans la pauvreté. Les terres sont un peu à n’importe qui et celui qui s’établit pour l’année ne se fait pas chasser. Les enfants sont élevés dans les familles où ils apprennent les traditions, la langue, le métier d’éleveur de rennes. Une femme est considérée comme belle si elle est travailleuse et courageuse, pareil pour un homme.

    Ce qui est intéressant dans le roman d’Omruvié, c’est qu’il ne contente pas de montrer ce côté idyllique mais aussi les tensions, les jalousies, les vols de rennes, les combats … entre personnes et villages. Il n’associe pas forcément cette évolution des mentalités par rapport à cet ancêtre aux évènements politiques de la Russie de l’époque puisqu’il décrit cela avant la collectivisation. Pour tout cela sera augmenté quand on imposera la collectivisation. Les enfants seront élevés à la ville près des côtes, ne parleront plus que russe, n’auront plus dans leurs têtes les connaissances ancestrales. Les éleveurs ne posséderont plus leurs rennes : au départ, la collectivisation sera volontaire puis forcée et entraînera des « rebellions » ; cela distendra un peu plus la communauté.

    Omruvié ne parle pas politique, ne juge pas les évènements ou quoique ce soit mais se demande ce que va devenir ce peuple. Il se pose la question de l’évolution et non de la disparition, révélant une vision très distanciée des choses, je trouve.

    Références

    Éleveurs de rennes de OMRUVIÉ – traduit du tchouktche et préfacé par Charles Weinstein (Autrement, 2000)

  • Quatrième de couverture

    La publication en 1906 des Ailes de Mikhaïl Kouzmine (1877-1936) fut un énorme scandale. Pour la première fois en Russie un écrivain russe publiait un roman ouvertement homosexuel suscitant la fureur de la critique conservatrice qui ne voyait dans cette œuvre que « pornographie », tandis que de nombreux lecteurs prenaient ce court roman comme une véritable libération à propos d’un sujet qui demeurait tabou. L’histoire de ce jeune homme, découvrant la vie à travers des rencontres avec des êtres qui lui font prendre conscience de la sensualité, de la beauté de la vie, de la liberté indispensable à l’épanouissement de la personne humaine, assurera la gloire à son auteur, surnommé le « Wilde de Pétersbourg », mais elle en fit par la suite un marginal honni avec le triomphe de la morale petite-bourgeoise du stalinisme.

    Mon avis

    J’ai moyennement aimé ce livre. Tout le côté description des sentiments, de l’attirance du jeune héros pour un homme plus mûr, anglais, charismatique est très très bien écrit et décrit car l’auteur envisage tout une gamme de sentiments, sans être péremptoire ou consensuel. On se sent proche de Vania.

    Le roman est soft et plutôt évocateur et dans la suggestion que dans la description crue (Kouzmine avec ses Ailes n’est pas Oscar Wilde dans Teleny). Pourtant le roman est très osé surtout dans sa fin, dans le fait que l’auteur donne à Vania le pouvoir de se rendre compte par lui-même de ses sentiments sans tenir compte de son milieu ou de son environnement social.

    Ce qui a gâché ma lecture, c’est la construction du roman en courtes scènes, très détachée les unes des autres, rendant difficiles une lecture continue car il faut sans cesse se réadapter (et cela j’ai du mal dans la vie comme dans les livres). C’est encore plus difficile ici car j’ai eu énormément de mal à mémoriser tous les noms (il y a beaucoup de personnages qui peuvent réapparaître après plusieurs dizaines de pages sans n’avoir rien fait de mémorable pendant leur première apparition).

    C’est pour cela que je suis un peu déçue par cette lecture.

    Références

    Les Ailes de Mikhaïl KOUZMINE – roman traduit du russe et présenté par Bernard Kreise (Éditions Ombres, 2000)

  • Quatrième de couverture

    Une enfant bizarre rend visite à une vieille femme malade, plus bizarre encore. Le quotidien d’un coin perdu de Grèce du Nord transfiguré par le souvenir et l’imagination… Un monde à part, étrange et familier. La vie est pleine de merveilles, et la mort aussi, semble nous dire Zyrànna Zatèli, la magicienne au sommet de son art.

    Entre innocence et cruauté, Le Vent d’Anatolie est une nouvelle d’une rare beauté.

    Mon avis

    J’avais déjà lu, il y a longtemps un recueil de nouvelles de cette auteure, La Fiancée de l’an passé, que j’avais trouvé très mystérieux et un peu écrasant (j’ai envie de le relire maintenant pour confirmer cette impression).

    Ici, il s’agit donc d’une courte nouvelle (50 pages) extraite du recueil Gracieuse dans le Désert. Comme le dit la quatrième de couverture, une enfant bizarre vient voir une vieille femme, Anatolie, contre l’avis de tous le village car la vieille dame est atteinte d’une tuberculose galopante qui dure depuis au moins deux décennies. Pourtant, l’enfant ne peut s’empêcher d’aller la voir car elle lui raconte des histoires sur le passé, a des images un peu fantastique …

    Ce qui est important dans ce type de texte, je crois, c’est l’atmosphère, la poésie. Ici, on a l’impression que dans le village il n’y a que deux personnes. Les autres villageois sont une masse diffuse, un peu menaçante sur l’amitié qui se créé. Il y a aussi un côté hors du temps car il n’y a pas de repère temporel ou très peu pour savoir sur combien de temps l’histoire se passe (même si le début permet de voir que la narratrice fait un retour assez lointain dans son passé), ou même combien de temps la petite fille reste (cela semble durer toujours une très longue journée comme si ses parents ne s’intéressaient pas à elle). La poésie est bien présente rien que dans le titre dont on comprend la portée à la fin et dont on ne peut pas se douter en achetant l’ouvrage.

    À noter, une chose que j’ai découvert l’autre jour, c’est que publie.net a une collection grecque (re)publiant en numérique des traductions (plus disponibles) de Michel Volkovitch dont La Fiancée de l’an passé.

    Réféfrences

    Le Vent d’Anatolie de Zyrànna ZATÈLI – traduit du grec par Michel Volkovitch (Quidam, 2012)

  • J’avais vu cette bande dessinée traînée sur les blogs (mais je ne sais plus lesquels …) Je l’avais noté dans ma tête. L’autre jour, le volume était devant moi à la bibliothèque alors je l’ai pris sans aucune gêne et sans me cacher.

    La couverture illustre très bien le texte : foisonnant, fourmillant, évocateur au travers de l’histoire d’une femme que l’on découvre petite fille. Maraki Zatu, je précise qu’on est au Japon dans les temps ancestraux, est orpheline de père et vit seule avec sa mère. Pourtant, elle est l’héritière du clan. La première scène montre Maraki Zatu partie à la chasse avec les trois voisins. Un drame se passe et fait peur à la fillette. Elle part au galop sur un lac gelé, celui de la vallée de Chambara. Manque de chance la glace cède et elle tombe à l’eau. Au lieu de la secourir les trois voisins décident de la laisser périr car l’un veut la mère, l’autre le pouvoir, l’autre la richesse. Elle survivra aider par un vieil ermite qui lui apprendra à se battre et à assassiner de sang-froid. Elle préparera sa vengeance pendant une dizaine d’années. Cette vengeance sera la deuxième partie du volume. L’histoire est originale, bien menée car sans temps morts et pour faire clair, on y croit à la lecture.

    Les dessins sont vraiment très très intéressants (Mango, dont j’ai mis l’avis en lien en parle beaucoup mieux que moi). Ils m’ont permis de découvrir un auteur qui a un style très particulier. Les visages semblent taillés à la hache, un peu grossier avec des traits forts. Comme dit Mango, ils sont très caricaturaux, surtout ceux de l’ermite et des voisins. Les yeux des personnages sont grands ouverts, un peu fou même. Les couleurs donnent une impression de vie car elles sont très différentes, accentuant ainsi le contraste. Pourtant, elles semblent un peu terne pour bien marqué que l’on est dans le passé.

    Je pense aussi qu’il y a eu une part importante de recherche pour ce travail car l’auteur prend soin de reconstituer les décors et surtout les costumes.

    J’ai trouvé que c’était un très bon album comme d’habitude chez Futuropolis.

    D’autres avis

    Ceux de Mango, Choco (qui illustre son billet de planches représentatives de la bd), …

    Références

    Le chien dans la vallée de Chambara de Hughes MICOL (Futuropolis, 2011)

  • Présentation de l’éditeur

    L’ambulance file à travers la ville. Il saigne, on lui tire dessus.

    Dans son esprit embrumé, dans son délire, surgissent des souvenirs, des bribes de son passé, le petit garçon qu’il était, assis à l’arrière de l’Aronde familiale, les femmes qu’il a aimées, les rêves qui l’ont nourri …

    Il y a cette belle fille aussi, celle qui vient de le quitter, de l’abandonner, sous les néons d’un centre commercial. Et puis ce café un peu poussiéreux, où il aime s’accrocher à ses chimères d’écriture. La vie est difficile pour les tendres.

    Mais tout s’emmêle, tout se mêle, les histoires, les visages, les mots même …

    Il saigne, on lui a tiré dessus.

    Présentation de l’auteur (par l’éditeur)

    René Corona vit entre la Calabre et la Sicile, où il enseigne les beautés de la langue française et cultive son spleen au bord du Détroit ou face à l’Etna. Il s’intéresse à l’histoire de la langue, à sa traduction, à la poésie, sujets sur lesquels il a publié quelques essais. Il lui arrive aussi de traduire en français des poètes italiens et de traduire en italien des écrivains français qu’il admire. Henri Calet par exemple, dont il vient de traduire l’Italie à la paresseuse.

    Quelques extraits et citations

    Il apprit la joie des mots et l’amertume des jeux de mots. Quand un mot glisse, il se fait mal et il fait mal.

    La vie, c’est comme la rentrée des classes, on pousse, on pousse pour rien, pour que dalle au fond, juste une petite place près de la fenêtre pour regarder les feuilles tomber et puis voilà que le pion ou le maître ou un plus gros que toi te pousse vers une autre place…

    Le ciel devenait sombre et un ou deux corbeaux dansèrent sur le trottoir. Un corbeau ? ici ? quelle idée ! plus probablement un merle ? un corbeau, nevermore nevermore et hop il était mort, pas de poe ! L’humour des derniers instants, ricana-t-il en son for intérieur, maintenant qu’il savait qu’il allait mourir, il n’avait plus qu’une hâte, que tout se termine rapidement, tout ce cinéma, l’entracte avec naissance et enterrement, le film de sa vie, jadis, naguère, autrefois, aujourd’hui et demain. Après-demain.

    Revenir en arrière toujours toujours, comme si à piétiner son passé on pouvait y changer quelque chose. Il a plus de souvenirs que s’il avait… il a pluie de souvenirs, trempé jusqu’aux larmes à se secouer les puces et vous verrez qu’elles tomberont, les larmes-Calet, sur ce coin de trottoir, comme le dernier des mots et des camps, la dernière séquence des scouts feu de bois et croix de fer, on n’en reviendra jamais au bois charmant mesdames, c’est bien fini, une fois jeunesse passée on ramasse à la pelle nos souvenirs comme sur la plage de Prévert, vite fait en traînant cette petite brouette Godot pleine de ramassis et de feuilles mortes et de pleurs et d’histoires, de chagrins, de chat gris, de magma confus confits de mots et de paperasses, nos premières années, nos tendres années, nos nounours arrachés, nos osselets, nos billes de toutes les couleurs, vite vite, ne poussez pas, il y a assez de place pour tout le monde, la paille qui danse dans le verre de grenadine, nos bécanes au bois joli, les palissades du bois de Vincennes, les flaques et les vêtements du dimanche et les manèges ah la tête qui tourne, mon manège à moi entraîné par la foule, les manèges, Paris, Paname… et le pont de Charenton… À la pelle les souvenirs, dans une brouette que l’on traîne d’un trottoir à l’autre, vous n’allez tout de même pas nous ressasser ces vieilles histoires qui n’intéressent pas grand monde, allons allons lalonlonlaire, soyons sérieux, à votre âge, on se met devant une télé et on ferme sa gueule.

    Mon avis

    J’ai acheté ce livre au Salon du Livre le mois dernier, avec un livre d’Italo Svevo, après avoir écouté l’éditrice (je suppose) m’expliquer un petit peu le sujet. Je vais vous raconter l’histoire un peu comme elle l’a fait : un homme, qui vient de se disputer avec sa compagne, Lucy Fair, se fait tirer dessus en descendant dans la rue. Il tombe sur le bitume et se remémore sa vie, pendant que l’ambulance arrive et les médecins le soignent. Il repense à tous ces moments perdus, aux personnes célèbres, écrivains, chanteurs, qu’aujourd’hui il admire et qu’il aurait pu rencontrer dans sa jeunesse, mais il est né trop tard et n’a pas pu les apprécier au bon moment. Il pense à sa jeunesse, à ses conquêtes. Tout cela entraîne une réflexion sur sa vie, sur la vie. La fin, où nous est dévoilé l’identité du tireur, est, je trouve, hautement ironique par rapport à ce qui a été dit avant.

    J’ai beaucoup aimé cette réflexion sur le temps qui passe, sur le fait d’être né trop tard. De nombreuses fois, je me suis dit que je m’étais intéressé trop tard à la lecture car il y a de nombreuses éditions aujourd’hui épuisées qui étaient encore disponible dans les années 90.

    Ce que l’éditrice n’avait pas défloré, c’était le style de l’auteur qui m’a enchanté. René Corona utilise l’association d’idées, de sons, de mots pour construire de longues phrases où toute une pensée se déroule. Parfois, c’est ardu à comprendre mais à d’autres moments, on ne peut qu’être impressionné. L’auteur réinvente avec malice parfois l’orthographe parfois la ponctuation. Le livre en devient très vivant, très rythmé. Un peu comme d’antan (enfin j’imagine) avec la gouaille parisienne des bistrots.

    En conclusion, une lecture intéressante grâce au style très particulier de l’auteur.

    Références

    L’hébétude des tendres de René CORONA (Finitude, 2012)

  • Quatrième de couverture

    Dans ce récit initiatique, datant de 1917, le jeune narrateur – le Pèlerin – évoque d’abord sa vie paisible chez ses parents, jusqu’au jour où, alors qu’il contemple la route en bas de chez lui, apparaît un mystérieux Homme en noir qui lui dit : « Ne fixe pas la route ; suis-la. » Une force mystérieuse le pousse alors à quitter sa maison et à suivre la route. jusqu’où ? « Puisqu’il m’avait dit de la suivre et non de l’emprunter jusqu’à un certain point, je devais la suivre sans m’arrêter, jusqu’au bout… »

    Qui est l’Homme en noir et quel est l’objet de la quête qui jette le narrateur sur la route ? Comme dans tout conte initiatique, il sera soumis à la tentation et subira diverses épreuves, dont, d’étape en étape, il sortira vainqueur. Arrivé au bout de la route, quelle sera sa découverte ultime ?

    Un extrait

    Je n’ai plus jamais connu ni tranquillité ni bien-être. Ma vie, à partir de cet instant, devint pâle et creuse. Moi qui avais tout, tout me manquait. Je ne désirais rien et je désirais tout. Si en rêve j’essayais d’imaginer un plaisir qui aurait pu me satisfaire, une [un espace en blanc est laissé ici par l’auteur] qui m’aurait calmé, je n’y parvenais pas. Je ne savais quoi rêver pour me sentir satisfait rien qu’en la rêvant. Des choses de ma vie simple, celles qui auparavant passaient inaperçues commencèrent à m’importuner, et celles qui étaient agréables commencèrent à passer inaperçues ou à devenir étranges, comme des fleurs sans couleur ni parfum. Je ne saurais dire si elle fut lente ou rapide, cette transformation qui fit de moi un autre.

    Mon avis

    C’est un texte non terminé de Pessoa. Il a été organisé par deux femmes : on a donc dans un premier temps des chapitres finis, des textes qui ne sont pas des chapitres mais qui sont remis dans l’ordre et un récapitulatif et résumé de la fin du récit. Mine c’est un ensemble assez cohérent malgré une différence de forme.

    Pessoa décrit un voyage initiatique où le pèlerin vaincra successivement les incarnations féminines du Plaisir, de la Gloire, du Pouvoir, de l’Amour, de la Sagesse, de la Mort, de sa propre Personnalité … jusqu’à à atteindre son objectif : l’Homme en Noir, celui qui l’a mis sur la route.

    C’est donc le deuxième ouvrage de Pessoa que je lis et je suis toujours subjuguée par cette écriture qui vous touche au cœur par des phrases simples, un style sans fioriture car cet inconnu semble savoir ce que vous pensez sans que vous le connaissiez (en tout cas, c’est le cas pour moi). Il semble qu’ici le style utilisé est volontairement très sobre pour mettre plus en évidence la parabole.

    La préface est très instructive sur les croyances religieuses de Pessoa (non sans rapport avec le texte) mais aussi sur la genèse du texte et de sa publication.

    Il me reste deux textes de Pessoa dans ma PAL, dont Le livre de l’Intranquilité et je m’en réjouis d’avance.

    Références

    Le pèlerin de Fernando PESSOA – texte établi et organisé par Ana Maria Freitas et Teresa Rita Lopes – préface de Teresa Rita Lopes – traduit du portugais par Parcídio Gonçalves (La Différence, 2010)