Je trouve que la couverture est absolument magnifique et mérite d’être regardé très attentivement pour distinguer tous les détails.
Présentation de l’éditeur
Daniel Rooke est un enfant exceptionnellement doué. Ses maîtres l’envoient étudier à l’Académie navale de Portsmouth où il se trouve embarrassé par son origine trop modeste et son intelligence trop vive. Son horizon s’élargit quand il découvre la navigation et l’astronomie. L’Astronome royal, qui a repéré en lui un esprit hors norme, l’envoie en expédition scientifique pour étudier le retour d’une comète qui ne sera visible que de l’hémisphère Sud. Il navigue donc vers la Nouvelle-Galles du Sud en compagnie de prisonniers anglais condamnés à vivre dans une colonie pénitentiaire. Le lieutenant Rooke s’installe à l’écart du camp pour y mener ses observations. Il prend petit à petit conscience de la présence des aborigènes, qui apparaissent et disparaissent, l’observent de loin ou pénètrent dans sa cabane par curiosité. Pendant ce temps le manque de nourriture fait monter la tension entre les nouveaux venus et les premiers occupants. Le lieutenant se lie d’amitié avec un groupe d’aborigènes et, en particulier, une jeune fille en qui il reconnaît sa propre soif de connaissance et dont il tombe amoureux. Elle lui apprend à parler sa langue. Il découvre la nature immense, il découvre la solitude, il découvre les Australiens et leur culture, il découvre avec exaltation qu’il peut employer son intelligence à la constitution de la connaissance de la langue de ce pays inconnu, jusqu’au jour où on lui demande de prendre parti dans un conflit sanglant. Ce roman est – librement – inspiré du journal de William Dawes, un officier anglais arrivé en Australie en 1788 avec la première vague de bagnards anglais.
Mon avis
Comme de coutume, on va commencer par les points positifs (même très positif dans ce cas-ci). Kate Grenville présente une très bonne réflexion sur la découverte d’une langue inconnue, non encore cartographié par les grammairiens de tout poil.
Il s’était estimé supérieur à Silk qui, plein d’une suffisance naïve, croyait que tous les mots avaient une équivalence précise et systématique dans une autre langue et que l’on pouvait les échanger comme un dollar espagnol contre deux shillings et cinq pence. Il s’apercevait maintenant qu’il avait fait la même chose. Il avait composé ces listes de verbes, ces alphabets et ces pages tendues comme des filets : autres formes du même verbe.
Mais la langue de Sydney ne suivait pas ces règles. Le langage et son apprentissage s’étaient tous deux échappés des limites dans lesquelles il avait essayé de les contenir.
Cette réflexion m’a beaucoup plu car je venais de me faire plus ou moins la même mais en moins élaboré. Je suis en train de réviser un peu mon anglais et je cherche à apprendre du nouveau vocabulaire. On m’a conseillé d’utiliser une dictionnaire anglais/anglais. Quand je cherche les mots, je suis impressionnée de me rendre compte qu’il y a des mots que je serais bien incapable de traduire en français par un seul mot. Il y a une telle richesse et une telle subtilité qui sont à mon avis intraduisibles dans notre langue. L’équivalence entre les langues marche pour des mots simples (les pieds, les jambes) mais pas si on cherche à exprimer des choses plus compliquées. C’est exactement ce que Daniel Rooke va découvrir au cours de son périple en Australie. Pour en apprendre une nouvelle langue, il n’est pas question uniquement d’apprentissage mais plutôt de s’ouvrir à l’autre en mettant sa culture un petit peu de côté.
Dans le cas de notre héros, son apprentissage passera par une jeune Aborigène. C’est le deuxième point qui m’a beaucoup plu. C’est l’approche de la colonisation anglaise de l’Australie (dans le cadre de l’ouverture de colonies pénitentiaires). Il y a l’approche brutale des marins et il y a celle de Daniel Rooke. Au départ, il se laisse dicter sa conduite face à ses préjugés par ses préjugés et la conduite des membres du bateau. C’est un garçon très intelligent alors il va évoluer au fur et à mesure ; il va passer par la curiosité, la découverte, l’échange curieux, la confiance, l’amitié. Il va s’ouvrir à l’autre, à celui qui ne lui ressemble pas. J’ai aimé voir ce point de vue.
La troisième chose qui m’a plu c’est les personnages principaux : Daniel Rooke et Tagaran, la jeune Aborigène avec qui il va se lier plus particulièrement. On suit Daniel Rooke depuis son enfance où il est un enfant trop intelligent pour être adapté à la vie
Que ce soit en raison de sa stupidité ou de son intelligence, le résultat était le même : il souffrait le supplice de ne pas être en phase avec le monde.
Une autre citation nous dit son impossibilité à être un autre :
Il aspirait à devenir un garçon plus ordinaire, mais il était impuissant à devenir autre chose que lui-même.
Ce qui est intéressant dans ce personnage est qu’on le voit évoluer quand il devient un homme, quand il s’affirme, quand il affirme ses convictions. Là-dessus, on est servi car Kate Grenville insiste beaucoup sur les sentiments de son héros et nous les décrit beaucoup et de manière précise. On arrive assez bien à se figurer ses réactions avant lui.
On ne connaît pas très bien le personnage de Tagaran car Kate Grenville ne nous parle pas de ses sentiments. Le traitement des deux personnages est donc différent puisqu’on est dans la tête de Daniel Rooke mais on admire son ouverture d’esprit, sa curiosité naturelle et sa vivacité d’esprit.
Passons à ce qui m’a moins plu : la description sentimentale des paysages. Cela vient du point de vue adopté par l’auteur. J’avais choisi de lire ce roman pour le dépaysement mais je ne suis pas arrivée à me mettre en Australie car les paysages sont vus avec les yeux de Daniel Rooke. Le problème c’est que je ne suis pas lui et je n’ai donc pas ce qu’il voit sous les yeux. Un exemple :
Il pouvait voir ce qu’il n’avait jamais vu avant : une étendue d’eau encerclant le globe, ses continents ne représentant rien de plus que des obstacles insignifiants autour desquels elle coulait sans effort. Les terres, et encore plus les hommes qui les peuplaient, n’avaient pas la moindre incidence sur cet énorme être vivant.
Une autre chose qui m’a parfois gênée, c’est la tendance à tout poétiser de l’auteur, à se lancer dans de grandes descriptions sentimentales alors qu’on est en pleine action : cela fait ralentir le rythme qui commence à monter.
En conclusion, j’ai trouvé que c’était une bonne lecture mais sur certains points, je m’attendais à plus que ce qui n’est écrit (c’est toujours le problème avec moi : j’attends trop et après, je suis déçue).
D’autres avis
Ceux de Keisha et Catherine (qui sont plus enthousiastes que le mien, ils sont donc à lire tous les deux)
Références
Le lieutenant de Kate GRENVILLE – traduit de l’anglais (Australie) par Mireille Vignol (éditions Métailié, 2012)
Livre lu dans le cadre des 12 d’Ys – catégorie Australasie