Cecile's Blog

  • QuatreBakerStreetTome4

    Présentation de l’éditeur

    Londres, 1891 …

    Sherlock Holmes n’est plus ! C’est du moins ce qu’annoncent les journaux… Lors d’une ultime confrontation avec le diabolique Moriarty, le célèbre détective a été précipité dans les chutes de Reichenbach. Sous le choc de cette tragédie nouvelle, nos francs-tireurs de Baker Street sont en plein désarroi et, après une dispute de trop, le petit groupe vole en éclats.

    Billy le fin limier, Black Tom le monte-en-l’air et Charlie le garçon manqué (sans oublier le matou Watson !) vont suivre chacun leur chemin – et se retrouver très vite dans de terribles ennuis. Privés de leur mentor, ils vont devoir braver seuls les pièges et les dangers des bas-fonds londoniens… Et pour couronner le tout, un de leurs ennemis les plus redoutables est sur leur piste, bien décidé à s’offrir la peau des Quatre de Baker Street.

    Mon avis

    Une fois n’est pas coutume, je vais jouer ma râleuse alors que j’ai énormément aimé ce quatrième album des aventures des Quatre de Baker Street (cela reste de la très très bonne BD : histoire prenante, magnifiques dessins avec des couleurs attirant l’œil). On retrouve tout ce qui fait le charme des trois précédents opus : l’action, l’amitié, la reconstitution sans faille du Londres de l’époque (le passage où Charly est dans une maison de travail m’a beaucoup plu par exemple), le docteur Watson égal à lui-même (gentil, attentionné avec son épouse, attentif aux enfants, prêt à l’action à tout moment) …

    Ce n’est tout de même pas la même chose que d’habitude. Bien sûr, il n’y a pas Sherlock Holmes mais surtout il n’y a pas d’enquête et les Quatre de Baker Street ne sont pas réunis. On perd car il n’y a pas d’enquête, tout passe dans les actions séparées des personnages principaux. Il n’y a pas non plus assez d’alternance dans le récit qui en devient du coup un peu mono-ton. On perd le côté amitié aussi.

    C’est ce qui fait que j’ai trouvé le titre un peu moins bon que les trois précédents.

    L’avis de Lily Tigre.

    Je remercie mon frère de m’avoir offert cette BD pour mon Noël.

    Références

    Les Quatre de Baker Street – tome 4 : Les orphelins de Londres de J.B. Djian et Olivier Legrand (scénario) et David Etien (dessin et couleur) (Vent d’Ouest)

    MiniLogoDilettantes

  • LeDemonKenBruen

    Présentation de l’éditeur

    Pauvre Jack Taylor ! Lui qui pensait prendre un nouveau départ aux États-Unis, il s’est fait refouler par la police des frontières et l’avion a décollé sans lui… Il renoue alors une idylle désabusée avec l’Irlande, son pays, dont les vieux démons ont été réveillés par la crise.

    Carburant au cocktail Xanax-Guiness-Jameson, Jack s’engage dans une affaire diabolique : des cadavres martyrisés selon un rituel satanique font surface dans les rues de Galway. Surtout, il ne cesse de croiser la route d’un mystérieux Mr K., sans jamais réussir à le cerner…

    Avec l’aide de ses fidèles acolytes – Stewart, le dealeur zen repenti, Ridge Ni Iomaire, la fliquette lesbienne [très machiste comme présentation], et le père Malachy –, Jack Taylor s’engage dans un combat contre le mal qui redonne du piment à sa vie.

    Considéré comme un maître du roman noir, Ken Bruen brosse un portrait caustique de notre époque, à travers le regard d’un Irlandais perdu, pathétique et drôle. Le Démon est la huitième enquête de Jack Taylor.

    Mon avis

    Je n’ai pas vu passé les 360 pages de ce livre (s’il en fait bien 360 pages comme annoncés par l’éditeur car je l’ai lu en électronique et n’en ai donc aucune idée). La raison est simple : je me suis demandée pendant tout le livre si le démon existait vraiment (je suis crédule … ceci explique cela) ou si tout était dû aux addictions de Jack Taylor et le fameux cocktail Xanax-Guiness-Jameson(-nicotine sur la fin du livre) (dont il est vrai Ken Bruen nous le dit très très souvent dans le livre).

    Par rapport aux autres volumes de la série, j’ai un peu mieux senti Jack Taylor même si j’ai tout de même toujours du mal à croire à son caractère – comportement. Il faut bien voir que dans le livre, c’est Jack Taylor qui parle et donc en toute logique, on est dans sa tête et on doit suivre ses pensées, ses sentiments … Je ne le comprends pas tout le temps. C’est clairement un gars bien, qui déteste les méchants, aime les gentils sans se soucier de qui ils sont … Il nous est présenté comme quelqu’un capable de stratégie mais aussi de violents coups de sang. C’est le moment où je ne le comprends pas et je crois que c’est de la faute de son créateur. Il tire deux balles dans les genoux de quelqu’un et le fout à l’eau comme vous (moi en tout cas) iriez prendre un paquet de chips dans le placard. Il ne réfléchit pas et ne se « débriefe » pas. J’ai du mal à croire au fait qu’il ressasse ses idées noires (d’un autre côté il est sous Xanax) ou même qu’il est toujours le grand lecteur de ses débuts (est-ce que franchement vous arriveriez à lire avec tout cela dans le sang).

    Le point le plus intéressant de cette série de Ken Bruen est la description de la « vraie » Irlande, pas celle du vert émeraude. Comme dans les autres volumes, on a le vieux Galway contre le récent Galway, les traditionnels « mauvais » quartiers où on trouvait les vrais délinquants opposés à la délinquance nouveau genre qui roule dans des voitures de luxe. Ce qui est nouveau, c’est que dans ce volume, l’Irlande est en plein dans « LA » crise (je l’écris comme cela car je n’arrive plus à comprendre si on en a changé ou si on est toujours dans la même mais je suis sûre que vous vous serez). Franchement, en lisant ce livre, on se dit qu’on est vraiment tous dans le même bateau, ce qui n’était pas évident à la lecture des journaux.

    Comme je l’ai déjà dit sur le blog, c’est pour moi l’essence du roman noir : capter la société avant qu’elle ne se comprenne elle-même. En cela, Ken Bruen réussit un excellent roman. Les aventures de Jack Taylor restent un très bon fil conducteur pour cela à mon avis.

    L’avis très positif de de Yvon et plutôt mitigé de Cathe.

    Références

    Le démon – une enquête de Jack Taylor de Ken BRUEN – traduit de l’anglais (Irlande) par Marie Ploux et Catherine Cheval (Fayard Noir, 2012)

    Pourquoi a-t-il changé d’éditeur pour ce livre ? Mystères et boules de gomme !

  • ABepsokeMurderEdwardMarston

    J’ai trouvé ce livre lors de mon avant dernier passage à W.H. Smith. Cette librairie est tout de même juste à côté du cours d’allemand bien évidemment et qu’il faut bien patienter quand on arrive en avance (Concorde – Iéna = 2km, c’est rien du tout).

    C’est la couverture qui attirée mon regard car je ne suis que futilité et le résumé était prometteur pour une bonne lecture détente

    May 1915. While thousands of Britons fight in the trenches, a severely depleted police force remains behind to keep the home front safe. In London, the sinking of the Lusitania sparks an unprecedented wave of anti-German riots and arson attacks across the city. Among the victims is the immigrant tailor Jacob Stein, found dead in his burn-out shop.

    Detective Inspector Harvey Marmion and Sergeant Joe Keedy must take on this case of cover-ups and contradictions and track down Jacob’s killer – a hunt which carries them from the crime-ridden streets of wartime London to the chaos of the front line. But is the murder simply the result of a tragic excess of wartime hysteria, or perhaps a more premeditated crime ?

    Pour ceux qui ne comprennent pas l’anglais (mais il faudra attendre la traduction), l’histoire se passe à Londres en 1915. On est donc dans un pays en guerre, où beaucoup de jeunes se sont engagés et où les femmes, jeunes et moins jeunes, travaillent. L’auteur insiste bien sur les changements sociétaux qui se sont produits au moment de la Première Guerre mondiale.

    L’action se situe juste après le torpillage du Lusitania, le 7 mai 1915, par un sous-marin allemand. Les conséquences politiques et militaires ne sont pas abordées dans le roman. On est plus dans le genre roman policier que roman d’espionnage. Ce sont plutôt les conséquences intérieures qu’Edward Marston va décrire : une vague anti-allemande sans précédent. Des émeutes vont se produire, des tabassages en règle aussi, des faux de boutique vont être déclenchés. Jacob Stein, tailleur de profession, va en être une des victimes londoniennes.

    C’est ce que l’on croit au début mais en réalité, il ne sera pas victime de l’incendie de sa boutique mais sera assassiné à l’aide d’un couteau ! Lorsque l’émeute a commencé, il avait envoyé sa fille chercher de l’aide à la police mais celle-ci sera violé par deux soldats alcoolisés, sur le point de partir au front.

    C’est dans cette enquête que l’on fait la connaissance des deux inspecteurs récurrents de cette série : Harvey Marmion (père de famille, un fils au front, une fille, Alice, qui veut s’engager dans les Women’s Emergemcy Corps, une femme qui s’inquiète pour tout le monde) et Joe Keedy (célibataire, toujours très bien habillé, la trentaine, qui éprouve une attirance réciproque pour Alice). Pour leurs enquêtes, nos deux inspecteurs ne vont pas ménager leurs efforts : ils vont aller dans les tranchées belges, infiltrés les mouvements anti-juifs de l’époque, chasser le malfaiteur dans les rivières. L’enquête allie actions et réflexions. Il y a même une certaine liberté puisque Joe Keedy est autorisé à suivre son intuition. Les enquêteurs peuvent se tromper.

    J’ai trouvé les personnages récurrents de cette série très attachants. Joe Keedy et Harvey Marmion forme un bon duo, très complémentaire aussi. C’est pourtant le premier tome de la série. Les personnages reliés à l’enquête sont aussi très bien campés car décrits par quelques traits de caractères, que l’on retrouve dans des dialogues efficaces.

    L’histoire est bien faite car le mystère n’est pas résolu en faisant intervenir d’autres personnages ou sur des éléments qui n’auraient été connus que des enquêteurs. Le contexte historique est intéressant. Il ne prend pas le pas sur l’histoire mais complète habilement l’enquête.

    Une très bonne lecture détente comme je le disais au début. Le deuxième tome est sortie aussi fin octobre (en ebook et en papier). Edward Marston est l’auteur d’énormément de série de romans policier historiques dont au moins une traduite en France, celle de Nick Bracewell, se passant sous Elizabeth Ire (je le sais car j’en ai un volume, que je n’ai pas réussi à finir, dans ma PAL)(je vais peut être me replonger dedans du coup).

    Références

    A bespoke murder de Edward MARSTON – The Home Front Detective Series : 1 (Allison & Busby, 2012)

  • LEspritDeMesPeresPatricioPron

    Présentation de l’éditeur

    Au chevet de son père mourant, un jeune écrivain argentin découvre que son père nourrit depuis des années une véritable obsession pour un homme assassiné dans de mystérieuses circonstances en 2008. Sans le vouloir, il se lance sur les traces de son histoire familiale en cherchant à comprendre pourquoi son père traquait le moindre indice concernant ce fait divers. D’une écriture incisive, presque chirurgicale à la façon d’un Truman Capote, Patricio Pron met en scène les malaises d’une société argentine toujours malade de son passé. Ce n’est plus son histoire ni celle de son père qu’il raconte mais la douleur de toute une génération d’enfants en attente de réponses, si douloureuses soient-elles.

    Mon avis

    Ce livre est une histoire vraie, l’histoire de Patricio Pron, de son père, de sa famille, de son pays. L’auteur a cependant ajouté des éléments de fiction pour les besoins de son projet ; son père a jugé bon d’apporter des corrections, des observations. On peut lire son texte ici (en espagnol).

    Le texte que nous livre ici Patricio Pron est touchant pour deux raisons :

    • sa sincérité ;
    • son incapacité à raconter l’histoire de son père, de la génération de celui-ci. Il raconte seulement sa génération. Il n’arrive pas à retrouver son père malgré ses efforts à mon avis.

    Je m’explique un peu mieux. Quand j’ai ouvert le livre, je m’attendais à lire un livre classique sur l’envie de mieux comprendre ses parents avant qu’ils ne meurent. Dans le cas d’un écrivain argentin, je m’attendais aussi à lire l’histoire de disparus de la dictature. Il y a de tout cela mais le récit n’est pas classique car il ne cherche qu’à atteindre la vérité et non une vérité.

    Patricio vivait en Allemagne depuis huit ans, sans aucune envie de retourner au pays pour voir sa famille par exemple. Il travaillait dans une université, n’avait pas d’appartement fixe car il préférait vivre chez les autres, se gavait de cachets pour oublier. Quoi ? On ne le sait pas vraiment et Patricio, lui, ne le sait plus vraiment tellement il en a pris. Patricio va chercher à transcrire cet état semi-comateux dans ce livre racontant la recherche du père, et ce même si le livre est écrit a posteriori. Cela passe par une construction originale : les chapitres sont extrêmement courts, pas numérotés dans l’ordre (beaucoup de numéros sont sautés). Tout cela est dans le but de nous faire ressentir une attention s’attachant à des détails qui disparaissent plus ou moins de suite, une attention ne voyant pas la globalité des choses. C’est ce qui à mon avis est le plus déroutant dans le livre, même si c’est aussi le plus touchant car le plus sincère.

    Un jour, il reçoit donc un coup de téléphone lui expliquant que son père est dans le coma, qu’il est mourant et que la famille l’attend. Il y va donc souffrant du syndrome du touriste dans son propre pays. Ce qui est normal après autant d’absence. La première partie raconte le départ d’Allemagne, l’arrivé en Argentine, les retrouvailles de la famille (sa mère, un frère, une sœur), la première visite à l’hôpital.

    La deuxième partie, très importante en volume, raconte la découverte par l’auteur d’un dossier, dans le bureau de son père, sur la disparition d’un homme en 2008. Cet homme a été retrouvé tué dans un puits. Il s’avèrent que c’est une sombre histoire d’escroquerie, où cet homme qui a toujours été seul a été abusé par une jeune femme, qui lui a pris son argent … et elle était assisté de son mari bien sûr. Il s’avère que le disparu est le frère d’une disparue de la dictature, que l’argent était celui de l’indemnité qu’il avait reçu pour cette disparition. Le père de l’auteur était un ami très proche de la disparue mais, on croit le comprendre à demi-mot, il avait aidé à ce que l’homme est cet argent. À travers la disparition du frère, le père de l’auteur voulait comprendre une disparition, celle de la sœur, qui n’a jamais été élucidée.

    L’auteur fait clairement le parallèle entre la recherche du père avec celle que lui entreprend sur son père. C’est ce qu’il raconte dans le reste du livre.

    En fermant ce récit, je me suis dit que Patricio Pron s’était exposé devant mes yeux tel qu’il est. C’est un livre touchant de sincérité car il ne donne pas l’impression d’avoir été arrangé dans l’histoire mais aussi dans la construction. Ce que j’en retire, c’est qu`à la fin du livre, l’auteur commençait à reprendre sa vie en main, que ce livre était un livre de reconstruction car il acceptait enfin de se souvenir de son enfance, de sa terreur aussi. Pourtant, je n’ai pas eu le sentiment que l’auteur avait mieux compris son père et c’est peut être aussi parce que moi je n’ai pas compris qui était ce père, grand absent dans le livre (forcément puisqu’il ne peut pas parler), quel avait été son combat.

    Des extraits

     « En reposant les photographies sur le bureau de mon père je compris qu’il s’était intéressé au sort d’Alberto Burdisso parce qu’il s’était d’abord intéressé à celui de sa sœur Alicia, et que cet intérêt était la conséquence d’un fait que mon père n’avait peut-être pas pu s’expliquer – mais qu’il avait tenté d’élucider en réunissant tout ce matériaux -, à savoir qu’il l’avait initiée à la politique sans savoir qu’elle y laisserait la vie ni qu’il lui en coûterait des décennies de peur et de remords, et que j’en subirais le contrecoup, des années plus tard. En essayant de me détacher des photographies que je venais de voir, je compris soudain que nous devrions, nous fils des jeunes des années 70, élucider le passé de nos parents, tels des détectives, et que nos découvertes ressembleraient beaucoup trop à un roman policier que nous aurions préféré n’avoir jamais acheté, mais je compris aussi qu’on ne pouvait pas raconter leur histoire à la manière du genre policier, et que d’ailleurs adopter ce modèle serait trahir leurs intentions et leurs luttes, car rendre compte de leur histoire à la manière d’un récit policier reviendrait simplement à admettre l’existence d’un système de genres, c’est-à-dire d’une convention, et donc à trahir leurs efforts, qui avaient visé à mettre en doute ces conventions, les conventions sociales et leur effet dans la littérature. »

    « Naturellement, une minute ne pouvait pas non plus être comptée de façon consécutive et linéaire, et mon père avait sans doute cette idée en tête quand il me dit qu’il aurait aimé écrire un roman, mais que celui-ci n’aurait jamais pu être raconté sous cette forme. Naturellement aussi, je n’aurais pas été en conformité avec ce que mes parents faisaient et pensaient si j’avais adopté cette façon de l’écrire ; s’interroger sur la façon de raconter leur histoire revenait à se demander comment l’évoquer et comment les évoquer, ce qui suscitait d’autre interrogations : comment raconter ce qui leur était arrivé si eux-mêmes n’ont pu le faire, comment raconter une expérience collective, de façon individuelle, comment rendre compte de ce qui leur est arrivé sans laisser penser qu’on veut faire d’eux les protagonistes d’une histoire qui n’est pas collective ? Et quelle place occuper dans cette histoire ? »

    Références

    L’esprit de mes pères de Patricio PRON – traduit de l’espagnol (Argentine) par Claude Bleton (Flammarion, 2012)

    Prix Courrier International – sélection 2012

  • 89-Mystery-of-Mrs-Blencarrow-web

    L’image illustre l’intérieur du livre (la première page quand on ouvre le livre et la dernière quand on le ferme). Ces jolis intérieurs sont la marque de fabrique des éditions Persephone puisque toutes les couvertures sont grises avec un rectangle blanc pour le titre (comme le livre dont je vous ai parlé ici). Il existe des éditions moins chers où la couverture est conventionnelle (avec image …) mais la mise en page du livre est identique.

    Je continue mon exploration du catalogue de cette maison d’édition par un titre de l’Écossaise Mrs (Margaret) Oliphant (1828-1897), écrivaine victorienne en puissance. L’ouvrage rassemble deux nouvelles, très atypiques, The Mystery of Mrs Blencarrow et Queen Eleanor and Fair Rosamond.
    Vous allez avoir l’impression que je dévoile beaucoup de l’histoire mais en fait, pour nous, lecteur moderne, le mystère semble évident tellement nous sommes habitués aux manipulations en matière amoureuse dans les romans.

    La première histoire parle d’une femme, Mrs Blencarrow, veuve, hautement respectée dans son entourage (géographique et personnel). Elle gère seule (comprendre sans l’aide d’un homme) ses nombreux enfants, leurs fortunes car son mari l’avait jugée comme une femme avisée qui pouvait très bien se débrouiller toute seule. Elle est très bien secondé par un homme de confiance, Mr. Brown. Bien sûr, les gens du voisinage admirent mais sont extrêmement jaloux. Alors, quand par le plus grand des hasards, on apprend que Mrs Blencarrow s’est marié en secret … Les ragots commencent à circuler … Le pire est que ce mariage a eu lieu il y a trois ans ! Elle était veuve mais tout de même. Bien sûr, personne ne pense à se renseigner sur l’identité du mari. On comprend très vite que c’est le fameux Mr. Brown, même si Mrs Oliphant ne l’annonce pas avant la toute fin de cette nouvelle de 100 pages. Ils vivent leur amour en secret des enfants, du voisinage (même de nous).

    À la lecture, cette nouvelle m’a paru incompréhensible. Elle était veuve, bon sang de bon soir ! J’ai lu ensuite la postface du livre, écrite par Merryn Williams, qui explique la vie de Mrs Oliphant mais aussi le contexte de cette nouvelle. D’après la postface, l’allusion est très claire à la reine Victoria, qui quand elle a perdu son mari en 1861, s’est vu soupçonné d’avoir une liaison avec un de ses domestiques, John Brown. Elle aussi était veuve, elle aussi avait beaucoup d’enfants à charge (9 si je ne me trompe pas). Il était humain qu’elle connaisse de nouveau l’amour à quarante ans (âge qu’a aussi Mrs Blencarrow dans la nouvelle). Visiblement non. La postface explique que les enfants dans le cœur des héroïnes de Mrs Oliphant tiennent un plus grand rôle dans leurs vies que leur féminité (c’était vraie aussi pour ma mère). Cela s’explique aussi parce que c’était ce que vivait l’auteur dans sa vie personnelle. Elle avait une famille nombreuse à charge et il est reconnu qu’elle n’a pas écrit que des chefs d’œuvre car elle était obligée d’écrire vite.

    La deuxième nouvelle, d’une centaine de pages, est aussi absolument extraordinaire ! Avez-vous déjà lu dans des livres écrits à cette époque une histoire de double vie, dans le sens un homme est marié avec une femme puis en épouse une seconde. J’avais lu des histoires où on croyait le mari/la femme morte mais en fait ce n’était pas vrai mais la femme/le mari se sont mariés entre temps. Dans cette nouvelle, c’est clairement assumé ! Un homme, la cinquantaine, marchand à Liverpool, bien établi avec plein d’enfants est secondé avec succès par sa femme qui est clairement un élément de sa réussite. Tout à coup, il prétexte des voyages d’affaires à Londres qui doivent se répéter souvent car les affaires péricliteraient là bas. Là encore, lectrice moderne, j’avais flairé la double vie ! J’étais cependant fasciné par le fait de savoir si elle allait l’écrire. Oui, elle l’a fait. Le mari écrit un jour à la femme qu’il est malade et qu’il reste à Londres plus longtemps que prévu, la femme se précipite à Londres, ne le trouve pas au départ, le cherche et le trouve comme un jeune marié dans la maison d’une jeune demoiselle. Là encore, la première réaction est comment sauvegardé les enfants d’une telle infamie et cela va être l’obsession de la femme bafouée. J’ai trouvé cette nouvelle étonnante de modernité.

    Un très bon recueil à mon avis, mais un peu triste car c’est tout de même deux mariages qui échouent.

    Références

    The Mystery of Mrs Blancarrow, suivi de Queen Eleanor and Fair Rosamond de Mrs Margarat OLIPHANT – postface de Merryn Williams (Persephone Books numéro 89, 2010)

  • Suite à mes deux billets précédents concernant La plume empoisonnée en livre, en « dramatisation » et en téléfilm, j’ai regardé les deux épisodes de la série, où Joan Hickson joue le rôle Miss Marple, et inspirés par ce livre d’Agatha Christie.

    Comme je le disais à Niki, Joan Hickson me fait dormir, pratiquement systématiquement. Par précaution, je l’ai donc regardé au début de l’après-midi. Je n ai dormi que très très peu à la fin du premier épisode. Je m’améliore donc lentement.

    Ici, on a à faire à une adaptation fidèle du texte original. Les personnages et leurs rôles dans l’histoire sont de manière générale très bien respectées. La personne qui a réalisé l’adaptation a du aussi trouver que l’apparition très tardive de Miss Marple dans le texte était dommageable pour l’aspect policier de l’histoire et fait donc apparaître la vieille femme au début. Jerry enquête donc par conséquent moins que dans le livre. Tant mieux ! Miss Marple a sa façon bien à elle d’enquêter. Sans avoir l’air d’y toucher, elle ne fait qu’écouter les ragots du village en les encourageant (ouvertement) très peu et elle en tire les conséquences pour la résolution du problème. La police semble dépassée, et ce beaucoup plus que dans le livre. Miss Marple enquête en parallèle, met la police au courant à la fin et lui laisse toute la gloire, avec une petite remarque laconique et un sourire ironique. J’ai trouvé la partie enquête policière beaucoup plus réussie que dans le livre pour le coup. En plus, Miss Marple livre plus d’explications que dans le texte (j’ai donc compris des choses que je n’avais pas compris dans le livre … honte à moi).

    Comme je le disais, il y a aussi quelques arrangements avec le livre. La ville ne s’appelle plus Lymstock mais Lymstone. Pourquoi ? Mystère et boule de gomme. Un autre changement est le fait que dans la série, le personnage de Béatrice, bonne chez Emily Barton et qui s’en va très tôt dans l’histoire à cause d’une lettre anonyme laissant à penser qu’elle a eu une aventure avec Jerry Burton, se retrouve bonne chez les Symmington et que c’est donc elle qui va se faire assassiner à la place d’Agnes qui n’existe donc pas dans la série. On fait des économies là où on peut, n’est-ce pas ?

    Ce que je maintenant je reprocherais, c’est que la série a beaucoup vieilli. Je crois que cela vient du fait que les personnes semblent plus être des années 80 (surtout la coupe de cheveu de Megan et de Joanna, les manières de jouer aussi), qui est la date où la série a été tournée, et non des années 30-40. Cela date l’épisode alors que l’époque aurait été un peu plus respectée, je crois que je n’aurais pas eu cette impression. Par contre, les décors comme dans toutes les séries anglais sont impeccables.

    Je ne visionnerai pas l’épisode de la série où c’est Geraldine McEwan qui tient le rôle de Miss Marple car je ne l’ai pas dans ma DVDthèque. Vous êtes donc tranquille, je ne vous parlerai plus de La plume empoisonnée !

    Références

    La plume empoisonnée dans Miss Marple – saison 1 – 10 épisodes (BBC, 2006)

  • Quand j’avais encore la télévision, j’aimais particulièrement regardé cette série car je trouvais qu’elle mêlait habilement mystère, humour et beaux décors (époque année 30), jeux d’acteurs très théâtral.

    Pour ceux qui ne connaissant pas, il s’agit de l’adaptation en France des livres d’Agatha Christie. Cette série met en scène le commissaire Larosière, joué par Antoine Duléry, et l’inspecteur Émile Lampion, joué par Marius Colucci (le fils de Coluche). Ces deux acteurs sont absolument excellent, séparément et ensemble. Larosière est séducteur, mystérieux se contemple souvent en train de réfléchir, dispute et moque souvent son subordonné (il se veut la tête pensante du duo). Lampion est gentil, discret, familier, efficace, silencieux (c’est le gendre idéal mais malheureusement il n’est pas pour moi car il est homosexuel dans l’histoire). C’est un très beau duo, très complice, car comme le dit Larosière dans cet épisode Lampion est le fils que Larosière n’a jamais eu. Ils ont tous les deux un jeu que l’on verrait plus au théâtre que dans un téléfilm, les traits de caractères sont tirés au maximum, surjoués comme qui dirait. Cela donne cet humour si particulier à la série, qui ne se contente pas d’être une simple série policière.

    Dans cet épisode, Émile Lampion part se reposer à la campagne, dans le Nord de la France, suite à une blessure qu’il a reçu en arrêtant un malfaiteur. Larosière qui se sent coupable (car il l’avait envoyé seul pour mieux draguer dans un restaurant) lui paye la villégiature et se propose de veiller sur lui pendant son séjour.

    Ils arrivent dans une grande maison que leur loue, pour se faire des sous, une vieille dame, Émilie Dubreuil, très conservatrice (deux hommes dans une maison, ahhhh), qui ira dormir dans le lit de sa domestique (qui sera dedans aussi … il y a des choses qui choquent moins visiblement). En arrivant, Larosière s’est amouraché de la fille délaissée du notaire et souhaite mieux la comprendre (ainsi que le village). Il apprend rapidement que des lettres anonymes circulent dans le village mais surtout que celui-ci est peuplé de gens très très particuliers (eux aussi ont un jeu type théâtre).

    Tous les deux se retrouvent invités à un thé chez la femme du notaire, qui est complètement barré, et où seront présents tous les notables de la ville. Au cours de ce thé, Emilie Dubreuil mourra en avalant sa tasse de thé. Un peu plus tard, ce sera la bonne du notaire, puis la femme du notaire. Les deux policiers vont prendre l’enquête en main.

    L’épisode est très bien ficelé et on sourit beaucoup (j’ai même ri aux éclats quand Lampion et Larosière se retrouvent dans le même lit et sont observés par tout le village). Cette fois-ci, j’ai aussi pu observer le travail d’adaptation puisque je venais juste de lire le livre d’Agatha Christie. L’idée de départ est clairement respectée mais il y a plus de morts, il y a une intrigue parallèle qui se développe puisque seuls les meurtres qui sont repris du livre d’Agatha Christie sont expliqués à la manière d’Agatha Christie (et ce même s’ils ne meurent pas de la même manière). L’intrigue parallèle est vraiment intéressante car elle apporte un plus en complexité pour celui qui connaît bien le livre.

    De même, le téléfilm accorde moins d’importance à la vie à la campagne, plus à l’enquête policière et au duo d’enquêteurs. Les personnages sont plus importants séparément que les relations qu’ils entretiennent.

    C’est donc clairement une adaptation très libre du texte initial mais ce DVD coûtait 4 euros 70 sur Amazon. Alors je ne m’en suis pas privé et j’ai encore une fois passé un bon moment avec cette série.

    Références

    La plume empoisonnée – réalisé par Éric Woreth – avec Antoine Duléry, Marius Colucci – Anaïs Demoustier – scénario de Sylvie Simon (Les petits meurtres d’Agatha Christie, 2009)

  • Je n’avais pas le moral (comme d’habitude me direz-vous) et je me suis dit que ce qui marchait pour les autres pouvait marcher pour moi : lire un Agatha Christie (il faut voir que j’ai les quatre premiers volumes de l’intégrale dans ma PAL). J’ai choisi La plume empoisonnée d’autant qu’était disponible la « dramatisation » de la BBC.

    Le livre ne fait intervenir Miss Marple qu’à la toute fin. En effet, le narrateur est Jerry Burton. Au début de l’histoire, il vient d’avoir un accident d’avion et ne tient plus beaucoup sur ses deux jambes. Pour sa convalescence, son médecin lui conseille d’aller à la campagne, où jamais rien ne se passe et où donc le repos est possible (c’est à mon avis une méconnaissance complète de la campagne anglaise). Il y va avec sa sœur Joanna, londonienne jusqu’au bout du doigt de pied et donc très délurée pour la campagne, pour que celle-ci puisse prendre soin de lui. Ils vont louer le cottage de Miss Emily Barton car celle-ci a besoin d’argent (elle ne logera pas loin car elle ira chez une ancienne domestique à elle). Le frère et la sœur commence à se faire à leur nouvelle petite vie tranquille quand ils reçoivent une première lettre anonyme où il est écrit noir sur blanc qu’ils n’ont pas les liens de famille qu’ils prétendent ! Bien sûr, c’est totalement faux.

    Ils vont d’ailleurs découvrir qu’ils ne sont pas les seuls victimes de ce corbeau. Sa caractéristique : ne jamais dénoncer les véritables scandales qui touchent la petite ville de Lymstock, mais seulement en inventer des totalement faux. Deuxième caractéristique : personne n’est épargner. Jusqu’au jour où ce fameux corbeaux va taper juste et où la femme du notaire va se suicider, laissant seul deux garçons et une fille d’un premier mariage. La petite ville rentre en émoi et demande l’arrestation de ce tueur par procuration !

    L’enquête commence alors réellement. Elle ne sera donc pas mener par Miss Marple mais par Jerry. Il interroge tout le monde sans avoir l’air d’y toucher, coopère avec la police et Scotland Yard. Il a des éclairs inconscient de lucidité mais c’est Miss Marple qui résoudra tout le problème.

    Il faut dire pour sa défense qu’il est bien occupé à tomber amoureux de la fille de la défunte, laissée pour compte par sa famille et par la village alors que Jerry va y déceler un diamant à l’état brut. Même sa sœur va trouver l’amour dans ce village (elle pour qui est tout est si facile aura tout de même du mal à saisir son amoureux).

    Vous l’aurez compris, il n’y a pas vraiment d’enquête mais plutôt une charmante description des mœurs de la campagne anglaise et de deux très gentilles petites histoires d’amour.

    Le dénouement n’en a été que plus surprenant pour moi puisque je n’étais absolument pas dans l’histoire du corbeau mais plutôt en train de siroter mon thé et de papoter tranquillement. Comme Joanna, j’avais repéré que Jerry s’aveuglait rapidement au sujet de la fille (j’avais parié que c’était elle mais ce n’est pas vrai rassurez-vous) mais c’est tout.

    La « dramatisation » du livre par la BBC adopte une narration totalement différente. Par exemple, Miss Marple apparaît dès la première piste du CD. Tout de suite, on sent que, pour la BBC, le mystère est plus important que la vie dans la campagne anglaise. On alterne une discussion entre Miss Marple et la femme du pasteur Mrs Dane Calthrop (c’est aussi elle qui dans le livre a appelé Miss Marple) avec des scènes prises dans le roman où on écoute Joanna et son frère échanger ensemble sur les évènements, ou bien celui-ci écouter les on-dits du village … Les dialogues de ces scènes respectent, par contre, très bien le roman d’Agatha Christie. Le rythme semble aussi très différent puisque chaque piste fait dans les quatre à cinq minutes donnant un tout autre rythme que celui du livre, qui est plus lent puisque plus linéaire. Cela peut aussi dérouter car il n’y a pas de transition entre les différentes pistes (pas de fond musical …)

    La « dramatisation » de la BBC m’a aussi permis de me rendre compte que, peut être (après tout c’est une adaptation aussi, la traduction du livre d’Agatha Christie m’a donné l’impression d’un texte léger (l’humour tant vanté m’a semblé parfois nunuche et trop appuyé), surtout dans le traitement des histoires d’amour, d’un rythme un peu mou aussi. Dans l’adaptation, ce n’est pas du tout le cas.

    Niki m’a confirmé que lire Agatha Christie en anglais, c’était faisable. Je vais donc essayer !

    Références

     La plume empoisonnée de Agatha CHRISTIE dans Agatha Christie – L’intégrale II – Miss Marple – volume 1 – traduction de l’anglais par Élise Champon (Le Masque, 2008)

    The Moving finger – a BBC full-cast dramatisation (BBC Audio Crime, 2006)

    Un siècle de littérature européenne : 5/100 (année : 1942)
  • J’ai commencé à lire il y a quelques mois les blogs anglo-saxons dans le but hautement élevé d’améliorer mon anglais. À peu près sur tous, je suis tombée sur des livres de la maison d’édition Persephone, plus ou moins spécialisée dans les auteurs des années 20 à 60. J’ai choisi de lire en premier un texte court, 100 pages, préfacé par P.D. James, d’une auteure qui semble avoir été assez connue outre-manche mais dont je n’avais absolument jamais entendu parler.

    Melanie est une jeune femme heureuse, mariée avec Guy, avec qui elle a eu il y a sept mois un joli petit garçon, Richard. Le problème est qu’elle ne l’a jamais vu car au début de sa grossesse, quatorze mois auparavant, on lui a diagnostiqué une tuberculose. On lui a déconseillé d’avoir le bébé mais elle a gardé l’enfant. Elle est alité depuis très longtemps et espère guérir rapidement pour reprendre sa vie.

    C’est d’ailleurs comme cela que commence le roman : Melanie demande au médecin si elle va mourir. Celui-ci botte en touche en lui disant que tout le monde est dans ce cas-là. Pourtant, elle pense aller mieux. Il lui laisse cependant un petit espoir de voir son fils si elle continue à se reposer et à passer ses examens de santé avec succès.

    En plus, aujourd’hui, le temps est suffisamment beau pour qu’elle puisse se reposer dans la chaise-longue victorienne qu’elle a acheté avant de tomber malade. Elle s’endort et se réveille dans une autre époque, dans un autre corps, celui de Milly, jeune femme très affaiblie, que sa sœur maintient enfermer, à l’écart de tous, à la suite d’un acte insensée commis par la jeune femme.

    J’ai beaucoup aimé ce texte pour plusieurs raisons.

    Marghanita Laski donne envie d’en savoir plus car elle sait égrainer tout doucement les éléments du suspens. Par exemple, pour ce qui est de Milly, on ne sait que très tard les raisons de sa maladie, les raisons de la « jalousie » de sa sœur. De même, on comprend très tard le lien entre l’entourage de Milly et celui de Melanie, même si on sait que l’on doit chercher les correspondances dans l’entourage.

    La deuxième chose que j’ai aimé, c’est la montée de l’angoisse dans l’histoire. On sent l’enfermement de Melanie dans le temps présent mais aussi dans le temps passé, l’angoisse de ne pas faire comprendre qu’elle vient du futur, de saisir les détails d’un nouvel environnement.

    Par contre, je préviens tout de suite, la fin fait pleurer.

    Le niveau d’anglais est de difficulté moyenne je dirais. Il y a plusieurs mots que je n’ai pas compris, notamment dans les descriptions assez présentes. Pourtant, l’histoire et les sentiments se comprennent bien.

    En conclusion, une très bonne nouvelle. En plus, les livres de cette maison d’édition sont magnifiques. Cela ne gâche rien.

    Références

    The victorian chaise-longue de Marghanita LASKI – préfacé par P.D. James (Persephone Books numéro 6, 1999)

    Un siècle de littérature européenne : 4/100 (année : 1953)
  • Dans ce roman, un homme nous parle de la perception qu’il a de sa vie. Vu de l’extérieur, il a tout ce dont peut rêver un homme : un appartement, un travail de free-lance en architecture, une copine … Vu de l’intérieur, c’est aussi le cas. L’homme est très intelligent. Il analyse finement ses relations aux autres : est-il très attaché ? qu’attend-t-il de ses amis ? des femmes ? de sa copine ? L’homme peut sembler très froid au premier abord (on a un peu l’impression de lire le roman d’un homme qui souffre de la solitude mais qui l’ignore), pourtant il semble très lucide sur sa vie. Il ne veut pas d’enfant et sa copine ne lui plaît qu’à moitié mais il a besoin d’une femme et des femmes en général. Il focalise sur son besoin de sexe et de poitrines féminines. Il entretient des relations vagues d’amitié avec un architecte travaillant dans un cabinet qui l’emploie le plus souvent. C’est intéressé bien évidemment.

    Le roman s’ouvre sur le décès de son ami. Il se met à fantasmer sur la veuve et alors on se rend compte que finalement l’homme n’est que posture. Il analyse très clairement ses sentiments mais les faits lui donnent tort. Il ne choisit rien mais subit tout : il subit sa relation avec la veuve, il subit sa mise en prison pour un acte de délinquance qu’il commet sans vraiment s’en rendre compte.

    Si je devais résumer le roman, je dirais que c’est le roman de l’impression que l’on se fait à soi-même. On croit pouvoir influer sur sa vie mais cela reste la plupart du temps impossible ; on se rend rarement compte qu’on la subit.

    C’est le premier roman que je lis de cet auteur allemand et je suis très séduite par l’écriture. Pour raconter un peu ma vie (pour changer), je suis en train de lire un pavé de SF et clairement, je suis emportée par l’histoire (l’auteur fait un travail de construction d’univers assez impressionnant) mais l’écriture me déçoit car elle me semble trop descriptive, trop simple. J’aurais vu la même histoire au cinéma, je n’aurais pas trouvé à y redire. Ici, ce n’est pas le cas. Dès les premières lignes, on comprend à qui on a à faire, on situe le personnage sans que pour autant l’auteur nous le décrive. Il arrive à faire passer des non-dits (ce que l’auteur de l’autre livre n’arrive pas à faire). Ici, il y a une partie du travail qui reste à faire par le lecteur. Je le lis souvent mais j’aime bien cette idée : la littérature, c’est un dialogue entre l’auteur et le lecteur. Ici, c’est ce qui se passe !

    Références

    Une petite lumière dans le frigo de Wilhelm GENAZINO – traduit de l’allemand par Anne Weber (Christian Bourgois, 2012)