Cecile's Blog

  • LeUn65_VaticanJ’avais dis il y a longtemps que je voulais vous parler un peu plus de revues mais je ne l’ai fait qu’une fois. Aujourd’hui, je vais vous parler d’un journal que j’achète pratiquement tous les mercredis, depuis sa première parution. Les sujets ne sont pas toujours dans mes centres d’intérêts mais je pense que parfois il est bien de lire sur des sujets qui sortent de notre zone de confort. Cela ouvre l’esprit, cela permet de ne pas être complètement déconnecté de ce qui se passe autour de soi (et peut jouer sur la vie quotidienne) … Pour cela, le 1 est vraiment très bien car il propose une synthèse actuelle et intéressante sur un sujet donné. Mais trêve de plaisanterie, étudions tout cela !

    L’originalité du journal : son pliage. Le journal n’est constitué que d’une grande page quasi-A0, pliée deux fois.

    Cela donne à lire, sans faire de grandes manipulations de dépliage, la page de couverture (l’illustration), l’arrière du journal, deux pages intérieures en format quasi-A4. Ce sont les pages que je lis dans le RER quand je viens de l’acheter et que je suis debout. Sur la page de couverture, il y a donc le titre, un petit édito pour donner le contenu du journal, et quelques extraits d’articles présents à l’intérieur. Sur l’arrière du journal, il y a une petite BD et deux chroniques, en lien avec le thème de la semaine : une relève de l’anecdote, toujours bien choisie, pas forcément rédigée par le même journaliste, l’autre est une chronique de Robert Solé, qui commente un mot chaque semaine. J’adore la manière dont il écrit, dont il pense… C’est un bonheur d’intelligence. Ensuite, vous ouvrez le journal (cela vous donne un format magazine ouvert) et vous tombez sur les deux pages littéraires du journal : à gauche une poésie, choisie par Louis Chevaillier, et un texte d’auteur. Je ne suis pas très poésie habituellement mais j’aime beaucoup les choix de Louis Chevaillier, qui me font voir un type de littérature auquel je suis frileuse. Le texte,souvent déjà été publié, permet une bonne entrée en matière dans la thématique

    Vous dépliez encore et là vous atteignez le format A3. Je le lis quand je suis assise, une fois passée la défense. A gauche, vous trouvez par exemple une Histoire illustrée en rapport avec le thème de la semaine, au milieu un entretien avec un spécialiste, à droite cela peut varier mais je trouve qu’en général, il s’agit plutôt d’une mise en perspective ou en lumière d’un point.

    Ensuite, vous dépliez encore une fois et vous arrivez au format quasi-A0. Je ne lis pas cela dans les transports très clairement,. Même si j’avais la place de le faire, je n’aurais pas les bras assez longs. Donc je l’étale sur mon bureau, en même temps que je mange. Cela permet de voir la page en entier.Sur cette grande page, il y a une belle iconographie (des dessins, des cartes très grandes …), des articles, des entretiens … plus longs. C’est un peu une page d’approfondissement sur le thème de la semaine.

    En tout, la lecture du journal en entier dure moins d’une heure.

    Je vous mets un lien vers une vidéo qui vous permettra de voir un peu la manière dont le journal est plié et de son encombrement dans les transports en commun 🙂

    Le slogan du journal : « Chaque semaine, une question d’actualité, plusieurs regards » Comme vous l’aurez compris, le journal traite une thématique par semaine. Interviennent dans le 1 des professeurs spécialistes du sujet, des journalistes, des artistes, les articles peuvent être inédits ou non, neufs ou vieux. Le but est vraiment d’aborder la thématique avec la vue la plus large possible. Ce n’est à mon avis pas un journal partisan ; on ne donne pas son point de vue mais on explique pour que les lecteurs puissent se former leur propre point de vue. On en ressort donc plus intelligent et plus impliqué.

    Le numéro de cette semaine a comme sujet le Vatican. C’est typiquement un sujet dont je ne suis pas particulièrement fan mais que j’ai trouvé de manière intelligente. J’ai donc appris des choses dans ce numéro, en particulier les enjeux du Jubilé lancé par le « nouveau » pape. C’est le premier numéro de la nouvelle série d’été consacrée aux petits états en taille mais qui ont pourtant une très grande influence. Les numéros suivants seront donc consacrés à Djibouti, au Qatar, à Singapour, au Panama et aux îles Samoa.

    Je ne sais pas si vous voyez mais l’illustration en bas au milieu de la couverture est une comparaison entre le IIe arrondissement de Paris et le Vatican. Je vous laisse deviner qui gagne.

    On déplie une première fois. Le poème de cette semaine n’est pas un poème mais plutôt un cantique de Saint François d’Assise. Le texte littéraire est un extrait du livre de Mario Puzo, Le Sang des Borgia (cela m’a fait penser que je l’ai dans ma PAL).

    On déplie une seconde fois. Les repères dessinés sont consacrés à une brève histoire du Vatican. Dans deux articles d’experts, on parle des relations conflictuelles entre le Vatican et le pape François. Dans un autre article, on rappelle les faits et conséquences du Vatileaks.

    On ouvre encore une fois pour arriver à la grande page A0, où il y a une carte « originale » du Vatican, réalisée par Ale+Ale, un duo d’illustrateurs, permettant de suivre un article de Ignazio Ingrao (le plus passionnant du numéro à mon avis), qui propose une visite du Vatican sur les traces du pape. Le journaliste présente donc les bâtiments mais aussi la vie quotidienne du pape ainsi que les enjeux de ses déplacements à l’intérieur de l’État. Enfin, il y un entretien avec Philippe Levillain, sur l’influence du Vatican sur le monde.

    Vous lisez peut-être vous aussi le 1 ou vous l’avez peut-être testé pour le premier numéro … Dans tous les cas, je suis curieuse d’avoir votre avis.

    P.S. Je viens de penser que son prix vous intéresserait peut être : 2,80 euros par semaine. Si cela vous paraît cher, je vous conseille de tester sur un sujet qui vous intéresse pour vous faire une idée (ou peut être de l’emprunter à la médiathèque, dans la mienne il n’y a pas mais on ne sait jamais …)

    Le site du journal

  • LEnferDeChurchStreetJakeHinksonJ’ai vu cette nouvelle collection sur plusieurs blogs mais j’avais résisté, toujours à cause du fameux Sukkwan Island, aux éditions Gallmeister. Sauf que je suis allée au Divan à Paris. Et il était dans les coups de cœur des libraires. J’ai donc acheté le livre et l’ai lu rapidement. Et c’était du pur bonheur ! Vraiment.

    Je l’ai commencé mardi, en lisant les 150 premières pages, et terminé mercredi, en lisant les 80 dernières. Cela m’a confirmé que les transports en commun (surtout les gens qui sont dedans en fait) gâchaient mes lectures parce que sur les 80 dernières pages, j’en ai lu 50 dans le RER et 30 à la maison. J’ai trouvé que pour les cinquante pages le rythme avait changé, que cela s’essoufflait, qu’il n’y avait plus d’humour alors que pour les trente dernières pages, cela reprenait. Ce qui n’a absolument aucun sens. J’en suis donc venue à la conclusion que c’était un problème de concentration. Je vous raconte tout cela car je me suis achetée un nouveau carnet de lecture où il faut noter tous ces éléments qui peuvent jouer sur l’avis que l’on peut se faire d’un livre.

    Commençons maintenant. La première partie est une sorte de courte introduction. Un homme en fuite tente de braquer quelqu’un pour manger et avancer dans sa fuite. Après avoir écarté plusieurs proies potentielles, il porte son choix sur Geoffrey Webb, un homme obèse qui semble facile à braquer. Celui-ci se révèle en réalité très difficile à braquer car il a du bagou. Il persuade notre braqueur de monter avec lui pour faire un bout de route, le temps qu’il lui raconte son histoire. À la fin du trajet, il lui donnera tout son argent (3000 dollars tout de même).

    Le braqueur accepte d’aller à destination, c’est-à-dire Little Rock en Arkansas. La confession commence. Geoffrey Webb n’a pas toujours été l’homme qu’il est aujourd’hui. Un jour, il a été jeune et fringant ! Si, si ! Il a eu une enfance difficile, a un jour été emmené dans une église baptiste par un oncle où il a découvert sa vocation, inspiré par le Frère Leonard : entrée en religion mais non par conviction. Jugez plutôt :

    J’avais aussi découvert une profession. Le Frère Leonard devint mon modèle, et en le regardant travailler pendant les années qui suivirent je commençai à comprendre que son boulot était une arnaque écœurante.

    Le ministère peut être un métier dur, j’en suis sûr. Les prêtres voient les gens dans leurs pires moments, et on fait parfois appel à eux pour jouer les médiateurs dans des litiges d’une rare violence et être les témoins des plus affreuses tragédies humaines. On attend d’eux qu’ils apportent la lumière dans les ténèbres les plus obscures.

    Mais c’est exactement la raison pour laquelle la religion, pour l’essentiel, est une escroquerie. En dépit de toute son histoire et de son prestige, de tous les bâtiments construits pour l’honorer et de tout le sang versé pour la diffuser, la religion n’a rien de différent de la lecture des lignes de la main ou de l’interprétation du marc de café.

    Leonard, l’homme au grand cœur et au large sourire, ne travaillait probablement pas plus de trois heures par semaine. Mais il était payé comme s’il en faisait cinquante ! Il entretenait une femme et deux enfants adolescents en lisant des histoires de la Bible le mercredi soir. Cet aspect ne fut pas sans importance à mes yeux.

    Cela me frappa de plein fouet, comme une inspiration divine. La religion est le boulot le plus génial jamais inventé, parce que personne ne perd d’argent en prétendant parler à l’homme invisible installé là-haut. Les gens croient déjà en lui. Ils acceptent déjà le fait qu’ils lui doivent de l’argent, et ils pensent même qu’ils brûleront en enfer s’ils ne le paient pas. Celui qui n’arrive pas à faire de l’argent dans le business de la religion n’a vraiment rien compris.

    Donc une fois sa vocation déterminée, il ne lui reste plus qu’à faire les études qui vont avec et trouver un travail. C’est ce qu’il va faire avec brio, en se retrouvant après quelques années aumônier à Little Rock, Arkansas, dans une église baptiste gérée par Frère Card. Il est en charge du groupe des jeunes, et en particulier d’animer une réunion le mercredi soir. Il fait la connaissance de Frère Card, de sa femme, de leur fille Angela mais aussi des paroissiens qui sont soit des bien pensants en puissance ou des trafiquants. Les premiers sont bernés par le bagou de Webb mais les seconds le percent assez rapidement à jour. Par contre, on ne rencontre pas beaucoup de « gens normaux » dans ce livre.

    Comme vous l’aurez vu à la couverture, il s’agit d’un roman noir. Il y aura donc des crimes et des meurtres (et pour le coup vraiment beaucoup), mais cela je ne vais pas vous en parler.

    Le roman en lui-même est excellent : l’histoire, les personnages … Tout est absolument original et personnel. Trois éléments m’ont particulièrement intéressée dans ma lecture : l’humour de l’auteur et le rythme qu’il donne à son récit mais aussi le thème de la religion traitée de manière si irrévérencieuse (j’espère que vous l’avez vu à l’extrait).

    L’auteur a un humour un peu pince sans rire. Ce n’est pas la franche rigolade mais plutôt une remarque, une manière de dire quelque chose qui détend l’atmosphère. Cela fait sourire pendant la lecture. C’est donc un peu comme du sport. Le rythme est ce qui m’a tout de suite scotché au livre. Les idées et les actions fusent sans pause. Je vous mets le premier paragraphe pour que vous puissiez juger :

    Je travaillais depuis trois semaines dans une usine de plastiques dans le Mississippi lorsque le contremaître – un bouseux à la dentition en décapsuleur du nom de Cyrus Broadway – commit l’erreur de me traiter de connard feignant. Alors bon, je suis peut-être feignant, mais je suis aussi méchant comme une teigne. J’ai fréquenté des prisons et des cellules de dégrisement partout dans ce pays, depuis les cachots poussièreux à la frontière du désert Mojave jusqu’aux cabanes humides sur une île au large de la côte du Maine. Et personne ne peut m’insulter impunément, même si, pour ce gars-là, ce n’est qu’une plaisanterie. Le temps qu’on me sépare de Cyrus Broadway, je lui avais tellement écrasé la gueule qu’elle n’était plus de la chair à saucisse. Ses grandes dents de cheval étaient dispersées sur le sol de l’atelier, à côté de lui.

    Je ne me suis pas donné la peine d’attendre les flics du Mississippi pour leur raconter. Je suis parti le soir même. J’ai traversé la Louisiane en catimini, je me suis infiltré au Texas, et j’ai fini par me retrouver à traîner autour d’une station Texaco à la sortie de Sallisaw, dans l’Oklahoma.

    Je pense que cet extrait permet aussi de voir l’art de l’auteur pour dresser des portraits, situer des personnages.

    J’espère que vous avez aussi été, comme moi, frappé par la manière de traiter la religion. J’ai déjà lu des ouvrages qui critiquent ou qui dénoncent en montrant, mais je n’avais jamais lu ce genre de phrase, surtout dans le livre d’un auteur américain. C’est irrévérencieux et assez violent (on peut diverger sur le fait que cela soit vrai ou non). Il y a une sacrée liberté de ton pour le coup. Cela a l’air assez caractéristique de cette collection car je suis en train d’en lire un autre, Cry Father de Benjamin Whitmer et c’est un peu la même chose.

    Je vous recommande donc très fortement ce roman noir, sauf si la religion est un élément très important de votre vie et sur lequel vous ne supportez pas que l’on parle.

    L’avis de Sibylline sur Lecture/Écriture.

    Références

    L’enfer de Church Street de Jake HINKSON – traduit de l’américain par Sophie Aslanides (Neonoir/Gallmeister, 2015)

  • JeVaisMourirCetteNuitFernandoMariasJe ne sais même plus comment j’ai entendu parler de ce livre. Je crois que je l’ai tout simplement repéré dans les parutions de Babel (je l’ai dans ma PAL depuis le 27 février donc cela pourrait correspondre à cela, ou c’est l’avis de Sandrine qui me l’a fait noter et j’ai attendu la sortie en poche). Je l’ai lu maintenant car j’avais envie d’un livre court et il ne fait que 120 pages.

    Je ne l’ai pas lu d’une traite mais en deux fois. J’ai été emballée par la première partie (les 70 premières pages) mais pour la deuxième j’ai réfléchi.

    Le 24 décembre 1990, un homme, un ancien commissaire reçoit une lettre fleuve écrite par un homme seize ans auparavant. Cet homme était un trafiquant d’art de haut-vol, que notre commissaire, Delmar, a coffré pour un délit mineur (Delmar s’est contenté de peu mais il le voulait absolument sous les verrous). Or, le trafiquant s’est suicidé en prison le 24 décembre 1974, ne pouvant plus supporter la petitesse de la vie en prison. Avant de mourir, il a « engagé » quelqu’un pour accomplir sa vengeance, qu’il a entièrement planifiée. C’est ce qu’il raconte dans cette lettre, seize ans de destruction progressive de la vie du commissaire Delmar, devant aboutir le 24 décembre 1990 au suicide de celui-ci. Le récit est au passé mais décrire un futur pour l’auteur de la missive.

    Le premier intérêt du livre est donc : le trafiquant a-t-il réussi à prévoir tout dans le moindre détail ? Est-ce qu’un imprévu s’est glissé dans cette vengeance ? Et finalement, s’est-elle accomplie ? (tout simplement) Tous ces éléments ne sont dévoilés qu’à la fin. Il faut aussi noter qu’au départ, nous n’avons aucune information sur Delmar et ce qu’il est devenu (dans quel état se trouve-t-il ?) Je pense que cet élément de suspense nous tient jusqu’au bout. Quelle crédibilité doit-on accorder à cette lettre ?

    Dans la première partie de la lettre, le trafiquant avoue son trafic réel, trafic dont Delmar n’avait jamais soupçonné l’ampleur ni même l’existence. En tant que lecteur, on ne peut qu’être appâté par cette ouverture : l’existence d’un inédit réel de Dostoïevski. La machination mise en place et décrite ici en détail est tout à fait fascinante, et pourrait faire l’objet en soi d’un roman.

    Les rebondissements lors de la vengeance du trafiquant sont dignes d’un téléfilm américain de l’après-midi : drogue, sexe, enlèvement, meurtre … Ce serait un peu beaucoup si on parlait de vous et moi mais ici, on parle d’un commissaire super-star ! L’intérêt de cette vengeance est qu’elle dure seize ans. Pour un scénario, cela serait plié en trois mois (cela fait des économies sur le budget maquillage à mon avis). Le problème est que comme cela est décrit, cela fait tout de même trop (le livre est court et on n’arrive pas à se rendre compte de la temporalité des évènements). On enchaîne les rebondissements en sachant ce qu’il va se passer (il suffit de regarder beaucoup de séries). On est fasciné par l’inéluctabilité des faits mais c’est tout. L’ampleur de la machinerie mise en place n’est décrite qu’à la fin, donc on ne peut pas admirer cela non plus.

    Je retire l’impression que pour ce livre, le suspens repose sur la crédibilité des révélations et l’ampleur de ce qui a été mis en place ; le cœur des évènements n’est guère passionnant (j’ai un peu peur de dire commun car cela fait un peu blasé). Vous allez me dire mais pourquoi l’as-tu lu jusqu’au bout. Tout simplement, pour savoir la fin mais aussi parce que l’écriture de l’auteur m’a donné l’impression de sentir le sort qui avance, d’un destin qui avance et on ne peut pas arrêter cela tout simplement. Cela m’a fait penser au monologue mis en place par Horacio Castellanos Moya dans La mort d’Olga María.

    Cette lecture m’a surtout donné envie de lire L’enfant des colonels du même auteur car cet auteur est clairement très intéressant.

    Notez aussi que Sandrine en a fait un coup de cœur ! Vous pouvez aussi lire l’avis d’Athalie.

    Références

    Je vais mourir cette nuit de Fernando MARÍA – roman traduit de l’espagnol par Raoul Gomez (Babel, 2015)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1992
  • LeCorpsDesLibrairesVincentPuenteVous avez du voir ce livre un peu partout dans vos librairies. En tout cas, cela a été mon cas dans toutes celles que j’ai fréquentées pendant ce premier semestre 2015. Il était toujours présent sur la table des coups de cœur des libraires !

    De toute manière, je ne peux pas résister à un livre parlant de livres ou de libraires.

    Ce livre est constitué de petites histoires (des anecdotes pourrait-on dire) relatives à des librairies du monde entier connues uniquement par les initiés, entre des bibliophiles. Ces histoires sont toutes tellement extraordinaires que je me suis demandée de nombreuses fois si elles étaient réelles (et j’en doute franchement ; en plus, il est difficile de vérifier puisque ces librairies ne sont pas connues). J’ai particulièrement aimé les histoires concernant les librairies tellement encombrées que seuls les libraires peuvent chercher dedans, le client étant cantonné à rester au comptoir. J’ai aimé aussi l’histoire de la librairie hongroise, détruite par un torrent de boue, devenue par la suite une hôtel pour spéléologue bibliophile. Il y a aussi l’histoire de la librairie tellement labyrinthique, qu’à sa fermeture, on y a perdu un libraire, qui heureusement avait un garde-manger dans son rayon.

    J’ai aimé dans ce livre l’humour pince sans rire et les bons jeux de mots de l’auteur. C’est ce qui donne aussi un certain charme au bouquin.

    Je ne voulais pas trop vous parler de ce livre mais plutôt vous citer un extrait qui m’a fait rire (parce que je m’y suis reconnue un peu, sur la fin…)

    La librairie est un métier de lenteur à bien des égards. Comme pour n’importe quelle autre profession, sa science et ses rouages s’acquièrent aisément. Avec de la pratique, on peut au bout de quelques années être capable de vendre tous les livres, y compris ceux que l’on n’a pas lus. L’acquisition et l’organisation d’un catalogue mental de références nécessitent, en revanche, une carrière, sinon une vie.

    La mémoire du libraire, si longue, si lente à s’établir, requiert paradoxalement une application immédiate : à l’heure où les réseaux sociaux permettent la fabrication d’amis instantanés, le libraire doit avoir conseillé un livre à même de devenir le fidèle compagnon d’une vie. Le reproche qu’on pourrait faire au libraire tient au fait qu’il n’est pas en mesure de vendre avec ses livres le temps nécessaire à leur lecture.

    La dernière phrase fait écho à une phrase de Schopenhauer dans (je m’excuse pour l’anglais car je l’ai lu dans un livre en anglais et je ne vais pas me lancer dans une traduction boiteuse) On Reading and books :

    It would be a good thing to buy books if one could also buy the time to read them; but one usually confuses the purchase of books with the acquisition of their contents.

    C’est ce qui m’a fait sourire dans le passage du livre de Vincent Puente. Visiblement le problème ne date pas d’hier …

    Edit : en fait, il n’y en a aucune qui existe … Ben du coup, Vincent Puente a une sacrée imagination !

    Références

    Le Corps des libraires – Histoire de quelques librairies remarquables et autres choses de Vincent PUENTE (Éditions La Bibliothèque, 2015)

    P.S. Accessoirement, je vais bien. Je suis juste fatiguée. Donc la plupart du temps, j’ai du mal à mobiliser assez de mon cerveau pour écrire un billet (et puis le peu de temps que j’ai, je l’utilise pour le jardin). J’espère que vous allez bien.

  • GlobeTerrestreJe viens de lire sur un blog américain un billet très intéressant pour tout ceux qui comme moi rêvent de lire un livre venant de chaque pays du monde. Il y a quelqu’un qui l’a déjà fait (et qui continue à le faire si j’ai bien compris).

    Ann Morgan, la personne en question, tient un blog, a fait une liste d’une importance capitale et a même écrit un livre, Reading The World, sur son expérience.

    Ma journée commence donc très très bien ! J’espère que pour vous aussi.

  • LHistoireFoxyMollCarloGeblerJ’ai lu L’orangeraie de Larry Tremblay avant ce livre-ci mais je voulais absolument vous en parler avant. J’ai dans ma PAL Comment tuer un homme de Carlo Gébler (et en grand format en plus) mais j’ai quand même acheté en ebook le dernier livre du fils d’Edna O’Brien (que je n’ai pas lu non plus).

    Je ne sais pas comment vous faites pour classer vos livres dans votre liseuse mais dans la mienne, c’est classé par pays sauf les nouveautés qui sont dans un même dossier (genre « rentrée littéraire janvier 2015 »). Au bout d’un moment, je ne sais absolument plus de quoi parle le livre. Du coup, pour choisir j’ouvre les fichiers un par un et je lis les premières phrases. Le premier livre auquel j’accroche sera ma prochaine lecture. Je n’arrive à faire cela qu’avec les ebooks avec les livres papiers je me sens obligée de revenir à la quatrième de couverture. Et comme pour les ebooks, il y a rarement la quatrième de couverture au début et parfois il n’y a même pas la couverture… Ceci implique cela.

    Tout cela pour dire que pour ce livre-ci, on est happé dès le départ.  Carlo Gébler se base sur un fait divers de 1940 pour écrire son histoire. Pour citer la quatrième de couverture,

    Une femme de trente-neuf ans aux mœurs légères, Moll McCarthy, fut assassinée de deux balles en pleine tête. Aussitôt l’un de ses voisins, Harry « Badger » Gleeson, fut arrêté, jugé et condamné à mort malgré des preuves approximatives.

    L’auteur explique, dans une postface, que les faits ont été décrits dans leurs réalités dans un livre de Marcus Rourke Murder at Marlhill: Was Harry Gleeson Innocent ? Lui a repris ces faits mais les a transformés, arrangés, réinventés dans un but narratif. Ce n’est donc pas une reconstitution documentaire et on ne peut savoir ce qui est vrai sans avoir lu le livre de Marcus Rourke.

    L’histoire de Foxy Moll nous est raconté par son petit fils. Le livre commence donc par un prologue puis se plonge dans le passé. L’histoire en elle-même débute par celle de la mère de Foxy Moll qui était elle aussi une femme légère. Après la naissance de sa fille, elle l’a placée dans un couvent puis l’a reprise quand elle en a eu besoin pour prendre soins de ses vieux jours. C’est même elle qui l’a encouragée (et même poussée) à commencer ses « activités ». Le désavantage de Foxy Moll par rapport à sa mère est qu’elle aime être le centre des attentions d’un homme. Elle n’est pas amoureuse, mais tout comme, tandis que sa mère est froide et calculatrice, dans ses affaires et celles de sa fille.

    Comme elle ne sait rien faire d’autres, Foxy Moll va continuer ses « affaires » même après la mort de sa mère. Les hommes et les bébés vont s’enchaîner à un rythme assez rapide. En fait, elle fréquente le plus souvent un homme pendant plusieurs mois. Celui-ci lui offre des présents, de la nourriture. Puis, madame mets le holà ou bien il y a grossesse, là l’homme offre un très beau cadeau et s’en va à tout jamais. Foxy Moll ne se fait pas de soucis car il y en a toujours un autre pour prendre la suite. Elle fréquente tout de même un brigadier, un membre de l’IRA, les gros fermiers du coin, un noble …

    Une des seules personnes à ne jamais abuser d’elle, et qui était pourtant en âge de le faire, est Badger, celui qui sera accusée plus tard de son meurtre. En effet, Foxy Moll a très peu de soutien, on peut s’en douter. Il y a ses voisins (Badger tient leur ferme) et une demoiselle de la noblesse qui lui fournira les différentes affaires nécessaires à ses grossesses par exemple.

    La force du roman ne tient pas du tout en un quelconque mystère. Les évènements de la vie de Foxy Moll sont présentés sous forme de courts chapitres et donnent l’impression d’évènements inéluctables. On voit clairement ce qu’il va se produire. On doute pourtant que cela va se produire ; on ne peut pas y croire. A mon avis, cela vient du fait que l’histoire prend partie pour Foxy Moll et ne présente pas d’alternance de point de vue. Ainsi, elle nous apparaît d’emblée comme un personnage fort sympathique et généreux, un peu facilement amoureuse. Son « métier » nous apparaît comme un métier comme un autre. Après tout, elle est mère de famille.

    C’est justement cette proximité avec le personnage qui m’a fait bouillir devant tant d’hypocrisie. Chacun des enfants a un père différent (je crois qu’elle en a au moins six ou sept tout de même) et pourtant ils semblent comme nés de personne. Le curé ne veut pas les baptiser car la faute retombe sur leur mère bien évidemment. Quand Foxy Moll meurt, personne n’aide car personne ne la connaissait très bien. Puis personne n’a rien vu, ni ne sait rien. Finalement, Badger et Foxy Moll sont deux innocents broyés par l’hypocrisie d’une société. J’ai trouvé que ce roman était très démonstratif pour cela mais pas du tout donneur de leçon.

    En conclusion, j’ai complètement adoré ce livre. Sachez en plus qu’il présente une très galerie de personnages, très bien campés mais surtout très réalistes. Je pense que ce livre peut convenir aux personnes ayant aimé par exemple L’affaire de Road Hill House de Kate Summerscale mais aussi aux personnes n’aimant pas la narration de faits divers.

    Références

    L’histoire de Foxy Moll de Carlo GÉBLER – traduit de l’anglais (Irlande) par Bruno Boudard (Éditions Joëlle Losfeld, 2015)

  • VoixDeLaNuitUlliLustMarcelBeyerJ’ai découvert cette BD à la bibliothèque de l’Institut Goethe de Paris, où Ulli Lust est venue faire une conférence (je n’y suis pas allée parce que je rentre trop tard mais n’empêche). Ce roman graphique est l’adaptation du roman éponyme de Marcel Beyer (paru en France, en 1997 chez Calman-Levy). Il s’écrit dans l’alternance de deux histoires : celle de Hermann Karnau, acousticien pour le IIIe Reich et Helga, la fille aînée de Magda et Joseph Goebbels (cela m’a un peu rappelé le livre Magda de Meike Ziervogel ; les deux auteurs ont choisi de s’intéresser à Helga car sa mort n’a pas exactement été celle de son frère et de ses sœurs).

    On va commencer par l’histoire qui m’a le moins intéressée, même si c’est la plus originale. Ce qui est assez normal puisque Hermann Karnau est un personnage de fiction. Il commence sa carrière en faisant la sonorisation pour les meetings nazis avent et tout au début de la guerre. Ce n’est pas par convictions politiques qu’il fait se métier mais vraiment car il est passionné par les voix : où faut-il placer le micro pour placer toutes les tonalités de la voix de l’orateur ? comment capturer une ambiance ? Le premier « chapitre » est vraiment très intéressant s’il on est intéressé par cela, même si le personnage semble un peu trop monomaniaque (genre il fait des dissections d’animaux pour mieux comprendre ce qu’est la langue).

    Puis la guerre éclate. Il est envoyé au front, en tant que civil, pour capter le maximum de sons des lignes ennemies. Quand il est démobilisé, il est invité à faire une communication à un congrès, où il expose une théorie digne d’un nazi : on ne connaît un homme qu’en le connaissant de l’intérieur, et le seul reflet de l’intérieur est la langue bien évidemment. De plus, si les étrangers ne peuvent pas apprendre l’allemand, c’est qu’ils ne sont pas physiologiquement fait pour cela. À partir de ses théories plus que stupides, il va commencer les expériences sur les prisonniers. Il va dès lors monter dans la hiérarchie du IIIe Reich, jusqu’à se retrouver dans le Bunker avec Hitler lors des derniers jours du mois d’avril 1945.

    En parallèle, on suit donc la vie d’Helga, en commençant par sa vie de petite princesse, épargnée par la guerre (il y a des restes d’innocence au début de la narration), même si son père est de plus en plus absent et sa mère de plus en plus mal. Puis les choses se dégradent pour elle et ses frère et sœurs. Pour l’auteur, elle est lucide très tôt sur ce qui va se passer pour eux. Comme on le sait, la famille Goebbels est aussi présente les derniers jours du mois d’avril 1945 dans le bunker. Cette partie m’a plus intéressée car elle montrait une autre idée que celle du livre Magda dont je parlais plus tôt. Alors que le roman donnait à voir une jeune fille, souhait vivre intensément, ici on lit plutôt l’histoire d’une fillette innocente, puis lucide qui sait qu’elle ne vivra pas toutes les choses qu’on lui a promises.

    Dans le bunker, les deux histoires se rejoignent car les enfants Goebbels sympathisent avec Karnau par l’intermédiaire du chien de celui-ci (ils se connaissaient déjà avant mais là le contact s’avère plus simple puisque les enfants ont besoin de distraction et que le chien Coco est idéal pour cela).

    Dans l’ensemble, j’ai donc trouvé l’histoire intéressante mais je ne suis pas sûre d’avoir compris où l’auteur voulait en venir (il faut voir que Karnau survit au bunker et qu’il y a donc une partie, très minime, du récit qui se passe maintenant). Comme pour toutes les adaptations de romans, je me suis demandée s’il y avait beaucoup de choses de couper par rapport au roman, ou de changer carrément. Peut être que je lirais le roman un jour mais je ne pense pas maintenant par contre.

    Les dessins sont plutôt du type comics. On est sur les grands traits des personnages. On reconnaît les enfants Goebbels par leurs tailles ; Goebbels lui-même par son crâne proéminent. Par contre, je n’aurais pas reconnu la mère si on ne me l’avait pas dit. Mais par exemple, Helga et les petites filles en général ont un énorme buste et des jambes de la grosseur d’allumettes. J’ai trouvé le personnage de Karnau plus travaillé au niveau des expressions du visage (et même du visage tout simplement). Les décors sont aussi très minimalistes. Par contre, j’ai beaucoup aimé le choix des couleurs pour marquer les différentes histoires et l’évolution des différents personnages (joie de l’enfance, tristesse, réussite, échec).

    Soyons franc, la BD allemande a son style : on adhère ou on n’adhère pas ; à mon avis, il y aura très peu de BD du type de celles de Futuropolis, dont j’adore les très souvent magnifiques dessins, en Allemagne (je dis cela après avoir parcouru le rayon BD de l’institut ; j’ai sûrement un point de vue biaisé car le rayon est assez petit). Pour l’histoire, en général, cela va du plutôt pas mal au très bon, voire excellent. Je vous conseille donc de vous tourner vers cette BD si l’histoire vous inspire (ou vers le roman s’il est disponible dans votre bibliothèque). Les graphiques sont bons mais il ne faut pas vous attendre à un choc esthétique non plus.

    Références

    Voix de la nuit de Ulli LUST et Marcel BEYER – traduit de l’allemand par François Mathieu (Éditions Ça et Là, 2014)

  • LeGarconAuxIconesDesmondHoganMercredi, je suis aussi allée à la librairie mais pas n’importe laquelle, c’était Le Divan à Paris. Cela faisait 9-10 mois que je n’y avais pas remis les pieds. Je n’avais pas déserté les librairies mais je m’étais contentée de Gibert Joseph (car c’est la librairie la plus directe pour moi).  Gibert est top quand vous savez ce que vous cherchez (et c’est encore mieux quand ils l’ont en occasion) ou quand vous voulez avoir un panel d’à peu près toutes les nouveautés. Sauf que parfois vous pouvez louper un chef d’œuvre. Au Divan, vous n’avez peut être pas tout (et encore : ils ont beaucoup de nouveauté et un fond extraordinaire) mais sur la table des coups de cœur, vous savez que vous allez trouver une pépite à chaque fois, et souvent une pépite dont vous ignoriez l’existence. Parce que oui, alors que je suis allée à Gibert depuis le premier avril, date de sortie du livre, et que j’adore la littérature irlandaise, j’ignorais complètement l’existence de ce livre. Au Divan, il était sur la fameuse table magique pleine de pépites avec écrit dessus coup de cœur. Quand j’ai vu que c’était irlandais, je l’ai pris sans aucune hésitation.

    Je l’ai commencé (j’ai lu 50 pages) puis abandonné deux jours pour finalement terminer les 200 pages restantes d’une traite. Parfois cela fait du bien de se concentrer entièrement à un livre. Après en général, je me sens coupable parce qu’il y a tellement de choses à faire dans la maison, pour le travail … que du coup je ne fais pas. Mais là, ce livre en avait besoin (et moi aussi).

     C’est un roman qui est paru une première fois en 1976. Son auteur a été acclamé par la critique mais il a préféré fuir la scène littéraire. Il a quand même continué à écrire et à publier. Ce roman est reparu en 2013 et est traduit aujourd’hui (pour la première fois je pense) en français.

    On est dans le comté de Galway (patrie de Ken Bruen), à Ballinasloe exactement, en 1972. Le personnage principal est Susan O’Hallrahan, couturière, la cinquantaine, veuve, avec un fils Diarmaid, âgé de 18 ans. La vie n’a pas été facile pour Susan. Après avoir épousé George, le père de son fils, été à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale, son mari l’a quitté car cette vie ne lui convenait pas. Parti, il meurt peu de temps après. Elle va donc donc vivre seul avec son fils. À l’adolescence, elle va l’inscrire dans un internat où il fera la connaissance de Derek O’Mahony, souffre-douleur de ses camarades et qui finira par se pendre à un arbre. Très marqué par la mort de son ami, Diarmaid part à Londres, puis revient, puis repart.

    Tous ces évènements ne sont pas racontés comme cela, de manière linéaire dans le livre. La narration commence juste avant le retour de Diarmaid. Susan évoque son passé, sa solitude, son envie de voir son fils. Son fils arrive pour rester plusieurs mois. Elle commence à se rapprocher de lui, qui reste taciturne à faire des icônes. Chaque moment rappelle quelque chose à Susan. Au bout de quelques mois, une certaine complicité commence à renaître. Pourtant, il repart à Londres. Suite à un pressentiment, Susan part à sa suite pour le retrouver et voir s’il va bien.

    Tout le roman parle de solitude et du passage du temps. C’est particulièrement vrai pour le personnage de Susan. Elle n’est pas vraiment liée au reste du village et elle n’est pas plus liée à son fils. Elle l’aime bien évidemment. Elle vit, en regardant le temps passé, dans ses souvenirs, dans une vie rêvée un peu aussi. Elle est aussi très sensible et intuitive. En allant en Angleterre, elle retrouve sa jeunesse et un peu d’envie de vivre. Elle se réalise en redevenant quelqu’un. Sans aucune prétention. C’est très intéressant de lire l’évolution de ce personnage au fil du roman car sa personnalité semble marquée autant par les évènements que par le paysage. Diarmaid évolue aussi. Au début, il reste pour le lecteur un être énigmatique, renfrogné, marqué par le suicide de son ami mais au fur et à mesure du voyage de Susan en Angleterre, on le découvre à travers le regard des autres. Par contre, je n’en dirais pas plus pour ne pas dévoiler tout le roman non plus.

    L’écriture rend réellement ce livre formidable ; je pense que l’histoire seule n’aurait pas suffit. Le roman est raconté en suivant le personnage de la mère. On suit le vagabondage de ses idées. Ce n’est pas vraiment du flux de conscience mais cela y ressemble un peu. Dans le cas de notre « héroïne », un rien peu lui faire penser au passé. La narration n’est jamais monotone, la phrase change de rythme. Les idées se suivent de manière évidente ou non. C’est une manière de penser que je trouve très naturelle (en tout cas, dans mon cas). Desmond Hogan a très bien su rendre cela.

    Vous aurez compris que c’est un vrai coup de cœur pour moi. Si vous le lisez, n’hésitez pas à me dire ce que vous en aurez pensé (je signale quand même que sur LibraryThing, la majorité des gens ont mis une note de 3/5).

    Références

    Le garçon aux icônes de Desmond HOGAN – traduit de l’anglais (Irlande) par Pierre Demarty (Grasset, 2015)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1976
  • SukkwanIslandDavidVannBDJe tiens à m’excuser pour cette looooongue absence mais je n’avais pas assez le moral pour écrire des billets de blog. J’ai été en vacances toute cette semaine où j’ai fait de belles lectures, ce qui m’a redonné l’envie de les partager.

    Je suis à la bibliothèque du Trocadéro mercredi et en regardant les nouveautés, je suis tombée sur cette BD qui est l’adaptation en roman graphique du roman de David Vann. Elle était dans ma wish-list juste par curiosité mais je n’étais pas vraiment pressée de la lire (cela m’a donc évité un achat).

    Pour rappel et grosso modo, Sukkwan Island est l’histoire d’un père emmenant son fils adolescent une année sur île déserte d’Alaska pour faire de la survie dans une cabane, aventure qui va mal tournée. Je ne sais plus si j’en avais parlé ici mais je n’avais pas du tout aimé le roman de David Vann. Danièle Sallenave avait dit à la radio le fameux truc qui se passe à la page je ne sais plus combien parce que « tout le monde l’avait lu ». J’avais donc attendu un peu avant de le lire mais j’avais fini par le lire et là cela avait été la déception. Je n’avais pas vu en quoi le roman était intéressant mais surtout je n’avais pas compris la psychologie des personnages. Ce que j’avais par contre aimé, c’est la découverte de l’Alaska.

    Pas rancunière, j’ai donc redonné une chance à cette histoire avec l’adaptation de Ugo Bienvenu. J’ai eu raison, sa BD se lit d’un trait ! Dans l’ensemble (je ne me rappelle plus non plus de tous les détails), l’adaptation est fidèle au roman.

    Les planches de paysages sont sublimes (cela donne envie de les découper). Il est à noter que les images sont en noir et blanc contrairement à la couverture. La scène de l’incendie de la cabane est grandiose !

    Ce qui m’a plu par rapport au roman, c’est que j’ai compris (et adhéré) au personnage du père. Ugo Bienvenu l’a dessiné comme un homme propre sur lui, l’homme typiquement américain dans les séries TV (celui qui a le sourire tout blanc, bien rasé … il ne faut pas oublier qu’il est dentiste tout de même). Il ne semble jamais très expressif la nuit quand il pleure sur sa vie ou le jour quand il donne des ordres, fait son fier-à-bras … Il ne rit pas ni même ne sourit, il n’a aucune complicité avec son fils. Par contre, toutes les expressions et sentiments du fils sont concentrés dans son regard : soit affolé, soit désabusé, toujours méfiant envers son père. Il a un peu toujours les mêmes yeux que sur la couverture. Il ne sait pas pourquoi il est là mais il ne le sent pas.

    Grâce aux dessins, j’ai mieux compris la première partie du livre. Par contre, j’avais trouvé la deuxième partie du livre plus intéressante car plus complète (et surtout moins froide) et là j’ai trouvé le roman graphique un peu plus léger. Pourtant, je n’ai pas l’impression qu’il manque des évènements (mais comme je le disais je n’en suis plus sûre).

    Si vous avez aimé le livre, je pense que cela peut vous plaire pour vous y replonger d’une autre manière. Si comme moi, vous n’aviez pas accroché, cela peut vous permettre de redonner une autre chance à cette histoire.

    Références

    Sukkwan Island de Ugo BIENVENU – d’après le roman de David Vann (Denoël Graphic, 2014)

  • AnatomieDUneNuitAnnaKimCe livre a été écrit par une allemande, vivant maintenant en Autriche, née en Corée, et il parle du Groenland. Cela peut sembler bizarre mais en fait, non car Anna Kim a vécu plusieurs mois dans une famille là-bas et à la suite cette expérience, elle a publiée « une enquête sur les conséquences de la colonisation danoise au nord du cercle polaire ». Elle a utilisé ce séjour et un fait divers comme matière pour ce livre.

    En effet, « dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2008, 11 personnes se donnèrent la mort dans une petite ville perdue du Groenland oriental ». Ce livre parle du même type de fait : le suicide en une nuit qui s’égraine tout le long du livre d’une dizaine de personnes. Une fois n’est pas coutume, je vais commencer parce qui est raté à mon avis : la différentiation des personnages. L’histoire le veut mais elle parle de plus d’une vingtaine de personnages. J’ai du arriver à reconnaître facilement à peine la moitié (le SDF, les jeunes, le flic, l’adolescente amoureuse …). J’ai éprouvé des problèmes pour les autres (souvent les femmes adultes), car ils avaient tous plus ou moins la même histoire (l’abandon de l’enfant, du pays, des problèmes de famille …) J’ai pu améliorer ma mémorisation des personnages en lisant le livre plus au calme mais voilà, soit il faut prendre des notes, lire le livre religieusement, sinon on s’y perd. Je vous aurai prévenu.

    Je vais quand même lever une inquiétude : les personnages ont quand même une certaine profondeur. Ils ne sont pas décrits uniquement par rapport à leurs actions durant cette nuit. Il y a des retours en arrière au moment fatidique ou avant, des liens qui s’établissent entre tous les personnages ; les évènements des jours précédents sont racontés aussi. Les personnages n’auraient pas été si difficiles à distinguer, j’aurais admirer la construction pour tout vous dire.

    Maintenant, passons à ce qui m’a plu : l’impression d’immensité bridée par une impression d’étouffement. En effet, l’auteur commence souvent par décrire le paysage autour de la ville, la nuit, parfois la neige, le vent. L’auteur passe ensuite aux personnages et alors on sent une sorte de pression, de touffeur car leurs destins semblent sceller. L’immensité de la nature ne les libère pas. Il y a une sorte de fatalité qui leur tombe dessus. Ils n’arrivent pas à vivre « légèrement », à rigoler par exemple.

    Une critique que j’ai lu sur internet mettait aussi le doigt sur autre chose : l’aspect anodin du suicide, pour des motifs qu’on ne comprend pas forcément. C’est la banalité de l’acte, la continuation de la vie : un moment la personne est là, puis le moment d’après elle n’est plus là. De tout le livre émane une certaine mélancolie.

    On peut lire aussi ce livre avec une point de vue plutôt ethnologique car il décrit assez bien l’aspect et la vie d’une petite ville groenlandaise et parle d’un fait reconnu : l’ »‘épidémie de suicide » au Groenland. Le fait que le livre soit un roman apporte à mon avis plus puisqu’il tente de nous faire comprendre le pourquoi des ces suicides et accessoirement de ces solitudes.

    Références

    Anatomie d’une nuit de Anna KIM – roman traduit de l’allemand par Marie-Claude Auger (Éditions Jacqueline Chambon, 2014)