Cecile's Blog

  • Je ne sais si vous vous rappelez qu’à la rentrée (littéraire) 2016, j’avais adoré le livre d’Emmanuel (et avais lu deux livres de lui juste après, tellement j’avais aimé). Il y a deux semaines est paru un petit article dans Le Canard Enchaîné sur un nouveau livre de cet auteur. Il était donc assez logique je me précipite dessus pour le lire immédiatement.

    Ici, on a une petite nouvelle d’une trentaine de pages (pour cinq euros), reprenant la forme d’un compte-rendu de justice sur une affaire bien particulière.

    Un homme interné en hôpital psychiatrique a décidé d’attaquer en justice l’hôpital au motif que l’hôpital est responsable de la destruction d’une de ses œuvres artistiques. L’ouvrage est court donc je vais éviter de donner la nature de l’oeuvre d’art. Si vous avez déjà lu Emmanuel Venet, vous savez que c’est forcément cocasse, en rapport aussi avec la condition du plaignant.

    L’humour de la situation est contrebalancée par tout le sérieux que peut avoir un compte rendu de justice. Le lecteur sourit en prenant connaissance des arguments de chacune des parties tout en continuant à lire quelque chose de sérieux.

    Par ce texte, l’auteur questionne aussi sur le statut d’une oeuvre d’art : qui peut créer une oeuvre artistique ? qui décide qu’une oeuvre est artistique ? à qui appartient-elle ? mais aussi sur la justice face au sens commun.

    Une bonne mais trop courte lecture.

    Références

    Plaise au tribunal de Emmanuel VENET (La fosse aux ours, 2017)

  • Cela fait longtemps que je n’ai pas écrit ici, tout simplement parce que je n’ai pas fait de lectures extraordinaires qui justifiaient que je prenne le temps de pianoter sur mon clavier pour en parler. Mais récemment ma chance de lectrice est revenue avec quatre lectures plutôt pas mal coup sur coup.

    Comme je le disais dans un précédent billet, je lis un peu en allemand pour essayer de développer mon vocabulaire. Pour trouver des idées de lecture, j’utilise un blog mais qui pour l’instant présente des livres trop compliqués pour mon niveau et les chaînes YouTube en allemand, particulièrement celle-ci. La booktubeuse a deux grands avantages pour une personne essayant de perfectionner son niveau en langue : elle parle sans accent et très distinctement. De plus, cette dame a à peu près les mêmes goûts que moi. Du coup, après avoir vu la deuxième partie de sa vidéo sur les livres au sujet des livres, j’ai décidé de me lancer dans la lecture de ce livre-ci (vu que j’avais déjà lu les deux autres livres).

    C’est un petit livre, d’environ 150 pages, un hardcover avec un signet dans la reliure, avec une très belle pagination, où domine le rouge et un dégradé de marron. Il s’agit non pas d’un essai ou d’un roman mais d’un abécédaire, où chaque thème est traité sur deux-trois pages. Chacun des thèmes se termine par un petit exercice portant sur la manière de lire du lecteur qui a en main le livre. Il y a parfois des intermèdes sur des sujets précis. De plus, les thèmes sont entrecoupés de pages de citation d’auteurs célèbres.

    Pour donner des exemples, on peut citer les thèmes suivants : auteur, copyright, les lieux où l’on vend des livres, les lieux où on lit, les prix littéraires. Les informations qui sont délivrées ne sont pas forcément extraordinaires ou très nouvelles, même si j’ai appris des petites choses que je ne connaissais pas, notamment sur le copyright. De plus, c’est intéressant de voir comment sont envisagés la lecture et le marché du livre outre-Rhin.

    Ce qui fait que ce livre est une bonne lecture, c’est tout simplement l’humour. Tout est raconté du point d’un insider (comme le dit le livre), donc d’un livre. Visiblement l’auteur a choisi de faire un livre particulièrement facétieux et au caractère bien trempé, qui n’hésite pas à interpeller le lecteur sur des comportements contre ces objets pleins de pages. J’ai souri à de nombreuses reprises durant ma lecture, ce qui est plutôt bon signe.

    Pour terminer, l’auteure Sabrina Notka est allemande mais travaille actuellement dans l’édition au Luxembourg. D’ailleurs la maison qui édite ce livre est luxembourgeoise et édite quelques livres en français d’auteurs de ce pays.

    Pour terminer, une citation dont j’aimerais me rappeler mais que j’oublie souvent :

    « Es wäre gut, Bücher zu kaufen, wenn man die Zeit, sie zu lesen, mitkaufen könnte, aber man verwechselt meistens den Ankauf der Bücher mit dem Aneigen ihres Inhalts »

    Arthur Schopenhauer (1788-1860)

    En résumé, voilà donc une bonne lecture, qui m’a changé les idées, divertit, appris des petites choses sur les livres et beaucoup fait progresser mon vocabulaire (car oui, il y a quand même beaucoup de mots que j’ai dû chercher). Que puis-je demander de plus ?

    Références

    Unter Bücher – Enthüllungen eines Insiders de Sabrina NOTKA (Éditions Guy Binsfeld, 2014)

  • J’ai pris trois BD à la bibliothèque, deux que je voulais lire depuis longtemps et celle-ci trouvée par hasard. Finalement, c’est la seule que j’ai réussie à terminer.

    Simon Schwarz est un auteur de bandes dessinées allemand. Dans les glaces est son deuxième livre paru en français, après De l’autre côté qui avait pour sujet le mur de Berlin. Cette fois-ci, l’auteur s’attaque aux explorations arctiques par le prisme de l’histoire de Matthew Henson, le grand oublié de cette époque effervescente.

    Matthew Henson est un Noir-Américain qui s’engage dès l’âge de 12 ans (en 1879) sur un bateau de la marine marchande. Il voyagera ainsi en Asie, en Afrique et en Europe. Il tirera de ces expériences une très grande dextérité et débrouillardise. De plus, le capitaine du bateau, le capitaine Childs, se prend très vite d’affection pour le jeune garçon : il lui apprend à lire et à écrire, pour pouvoir vivre une vie intéressante. Après la mort de son mentor, Matthew arrête les voyages en mer et se retrouve au Nicaragua pour le projet de construction d’un canal transatlantique. Il y fera la rencontre de Robert Peary qui est connu pour avoir atteint le premier le pôle Nord, après plusieurs tentatives. On sait aujourd’hui que ce n’est sûrement pas vrai mais à l’époque et on le croyait. Mais en fait, même cette croyance n’est pas vraie.

    Matthew Henson a participé à toutes les expéditions polaires de Robert Peary, qu’il a grandement aidé car visiblement Robert Peary manquait parfois de sens pratique. Par exemple, Matthew Henson, dont la profession était charpentier de marine, a construit pratiquement seul un abri au Groenland pour l’expédition. Un autre exemple : c’est lui qui a réussi à communiquer avec les Autochtones pour obtenir de l’aide et des informations. Il a été un maillon essentiel des expéditions de Robert Peary.

    Lors de la tentative heureuse, Robert Peary n’était plus accompagné que de Matthew Henson et de quatre guides inuits (c’était une zone dans laquelle les Inuits n’allaient pas car d’après leurs croyances, le pôle Nord était la demeure de l’équivalent de notre diable). Peary a fait partir devant Henson et en réalité ce serait donc Henson qui serait arrivé le premier sur le site et c’est donc lui qui aurait été le premier à arriver au pôle Nord (avec un Inuit qu’on oublie souvent aussi, visiblement). Après l’événement, on ne retient finalement que deux hommes, Peary et Cook, et leur querelle. On oublie le pauvre Matthew Henson qui retombe rapidement dans l’anonymat et la pauvreté (dans le sens où il ne profite pas de la réussite de l’expédition).

    La BD fait bien le parallèle entre la situation de Matthew Henson à la fin de sa vie et l’important rôle qu’il a joué dans toutes les expéditions de Peary, qui n’avait que mépris pour lui, pour mieux illustrer l’injustice de la situation.  Un autre point intéressant de cette BD est l’illustration des légendes inuites sur le pôle Nord.  N’y connaissant rien, cela m’a beaucoup intéressé. J’ai beaucoup apprécié les dessins que je situerai entre des dessins classiques et des dessins de presse. La colorisation en bleu et noir rend très bien l’atmosphère du pôle Nord.

    Une chronologie très complète à la fin du livre permet de savoir ce qui était vrai et ce qui tenait des arrangements littéraires dans la BD.

    En conclusion, une très bonne BD, mettant en lumière une histoire méconnue du grand public (en tout cas de moi, je fais des généralités mais bon). Apparemment, il est fait allusion à Matthew Henson dans Ultima Thulé de Jean Malaurie. C’est un livre que je souhaite lire depuis très longtemps mais j’ai peur qu’il soit trop compliqué. Si quelqu’un l’a lu, je veux bien des avis et des conseils sur la manière de l’aborder. Et qu’apporte le beau-livre des éditions du Chêne par rapport à l’édition de Terres Humaines ?

    Références

    Dans les glaces de Simon SCHWARZ – traduit de l’allemand par Aurélie Marquer (Sarbacane, 2013)

  • J’ai acheté ce bouquin à Gibert Joseph au début de l’année je pense car il me faisait de l’œil depuis sa parution en hardback. C’était encore un achat inconsidéré, vu que j’ai deux autres de ses livres dans ma PAL (et qu’en plus, je n’ai jamais lu cet auteur). Finalement, après lecture, ce n’était pas un achat si inconsidéré que cela vu que j’ai adoré ce livre. Rose Tremain trouve sa place dans mon panthéon littéraire juste à côté de Jennifer Johnston (et si vous suivez ce blog depuis longtemps, vous savez tout ce que cela veut dire pour moi).

    The Gustav sonata se divise en trois parties, les trois parties ayant en commun Gustav, le héros de ce roman, mais à des âges différents.

    Dans la première partie, on découvre l’enfance de Gustav, en Suisse, dans la petite ville de Matzlingen, de 1947 à 1952. Gustav est un enfant solitaire, vivant seul avec sa mère, suite au décès de son père qu’il n’a jamais connu. La mère n’aime pas son enfant et celui-ci s’en rend compte. Il essaie depuis toujours d’apprendre à sa mère comment l’aimer. Il ne comprend bien sûr pas les préventions de sa mère. Lui est content de leur vie, de leur appartement (certes petit mais très propre grâce à sa mère), de leurs routines alimentaires aussi. Il voue une vénération à sa mère, cherche à la préserver de toutes les déceptions pour qu’elle l’aime (tout simplement). Néanmoins, tout son amour ne change rien à ce que sa mère pense de lui.

    Un jour, sa vie change quand un nouveau arrive au jardin d’enfants, Anton. Celui-ci vient de déménager dans la petite ville avec ses parents (le père est banquier et la mère est femme au foyer visiblement). Anton pleure sans pouvoir s’arrêter. Gustav sera le seul à pouvoir arrêter ces pleurs. À partir de ce moment-là, une amitié indestructible se créera. Gustav sera invité dans la famille d’Anton, découvrira d’autres plaisirs (la patinoire, les vacances à Davos, les jeux à deux), admirera Anton jouer de la musique. En effet, celui-ci aura très tôt l’envie de devenir musicien professionnel. Il souffre cependant d’une sorte de phobie de la scène, qui l’empêche de donner le meilleur de lui-même. Gustav, dès cet âge-là, va jouer un rôle de protecteur et de confident pour Anton (je n’ai pas trouvé que c’était réciproque par contre), un peu le même rôle qu’il joue déjà pour sa mère Emilie (c’est un trait de caractère à ce niveau-là). Emilie reproche ouvertement à Gustav cette nouvelle amitié pour deux raisons : elle a peur que le petit garçon n’arrive plus à se contenter de sa vie ; elle lui jette aussi à la figure la religion juive de son nouvel ami et de sa famille en lui disant que c’est à cause de ces « gens-là » que son père est mort, en essayant de « les » sauver. À huit ans, c’est un peu le cadet des soucis de Gustav, d’autant qu’Emilie ne lui a jamais raconté l’histoire de son père.

    Le lecteur aura le privilège, lui, dans la deuxième partie, de connaître l’histoire d’Emilie et de son mari, avant la naissance de Gustav (cela correspond aux années 1937 à 1942). La troisième partie, elle, se déroule entre 1992 et 2000. On y découvre la vie de Gustav, la manière dont il a réussi à se construire entre cette mère mal aimante et son amitié si forte avec Anton.

    Clairement, on peut reprocher à Rose Tremain la structure bancale du roman. Pendant toute la première partie, le lecteur, encouragé par la quatrième de couverture, croit lire l’histoire d’une amitié qui se développera peut-être en amour. Arrive la seconde partie et là, le lecteur (en tout cas, la lectrice que je suis) se dit que finalement, il va plutôt lire un roman sur la Suisse dans la Seconde Guerre mondiale. À la troisième partie, on reprend l’histoire d’amitié, en se demandant ce que la deuxième partie apporte finalement au récit, même si c’est toujours intéressant d’apprendre de nouvelles choses ; l’histoire du père de Gustav est en effet basée sur une histoire vraie. Rose Tremain a peut-être voulu trop en mettre.

    Pourtant, quand j’ai refermé le livre, j’étais sûre d’avoir aimé, certes en y ayant vu les défauts au cours de ma lecture. Je crois que ce sentiment s’explique pour plusieurs raisons. En premier, j’ai lu le roman comme l’histoire de Gustav, non pas comme une histoire d’amitié ou comme un cours d’Histoire. Ce qui m’a fait prendre ce parti, c’est que Rose Tremain se focalise sur le point de vue de Gustav. J’ai trouvé qu’on n’arrivait beaucoup moins bien à comprendre ou même à saisir la personnalité d’Anton. Il est donc plus difficile dans ces conditions de voir dans ce roman un livre sur l’amitié.

    Deuxièmement, Rose Tremain, comme Jennifer Johnston, vous raconte leur histoire avec une prose magnifique mais surtout très empathique. Elles vous vont ressentir jusque dans vos chaires les blessures intimes de leurs personnages. Ici, finalement, ce qui frappe, c’est bien la construction de la personnalité d’un enfant mal-aimé. J’ai lu le roman avec cette perspective et je peux vous dire que comme cela, j’ai adoré ce roman.

    Je vous mets un lien vers une vidéo YouTube, qui explique beaucoup mieux que moi, tout ce que ce livre est. À noter aussi que ce livre sort en français chez JC Lattès le 10 mai 2017 avec un titre très original Sonate pour Gustav.

    Références

    The Gustav sonata de Rose Tremain (Vintage, 2017)

  • Je précise que le livre dont je vais parler n’est pour l’instant disponible qu’en allemand. Je me suis fixéecomme objectif de lire régulièrement dans cette langue pendant l’année 2017. C’est un challenge pour moi car mon niveau ne me permet pas d’avoir une lecture aussi fluide que je le voudrais. C’est le troisième livre que je lis en allemand cette année, après deux romans policiers. Ce dernier genre n’est pas forcément mon genre préféré, même si pour le cas allemand, cela permet de découvrir la géographie du pays (vu le nombre de policiers régionaux) et il me tenait à cœur de lire enfin un roman. Pour me faciliter la tâche, j’ai choisi un roman d’une auteure dont l’allemand n’est pas la langue maternelle, mais est écrit dans cette langue. C’est un conseil qu’on nous a donné pour commencer à lire car souvent pour ce type de livre, la maîtrise de la langue est excellente, le vocabulaire est complexe mais la structure de la phrase n’est pas alambiquée. Cela s’est bien vérifié pour ce livre-ci.

    Il s’agit du premier roman d’Anna Galkina, née en Russie dans un petit village proche de Moscou. Elle a immigré avec ses parents en Allemagne en 1996. Dans ce livre, elle s’inspire de son expérience pour raconter l’enfance et l’adolescence de Nastia (jusqu’à son départ du pays). Nastia, comme Anna Galkina, est née dans un petit village, près de Moscou. Elle habite seule, avec sa mère et sa grand-mère, dans une maison vétuste, voire délabrée. La bâtisse ne dépare pas dans le quartier et même dans la ville en fait. Dans les chapitres traitant de l’enfance (les meilleurs à mon avis), Anna Galkina insiste sur la mémoire des sensations de l’enfance (odeurs, couleurs et lumière). Elle arrive à recréer très précisément un village et sa vie au travers des yeux d’une enfant. On voit déjà l’adolescente que sera Nastia avec les tours qu’elle joue à sa grand-mère, les soucis qu’elle donne à sa mère. En y réfléchissant, je trouve fascinant qu’un auteur arrive à recréer l’enfance de cette manière car finalement, c’est la manière dont on se rappelle son enfance (pour moi c’est le cas, en tout cas) : des sensations et certains événements, et pas forcément une chronologie. Déjà dans le livre de Alai Sources lointaines (livre dont je parlais dans le billet publié avant celui-ci), l’auteur utilisait ce procédé.

    Les chapitres sur l’adolescence m’ont moins convaincu parce que peut-être j’ai trouvé cela moins nostalgique. J’ai cependant admiré l’énergie de l’adolescente (voire le côté extrême de ses expériences) que retranscrit très bien l’écriture. Dans ces chapitres, Anna Galkina adopte une narration plus chronique, avec un panel de personnages plus larges et récurrents. Elle décrit une Nastia plus attentive à son environnement. Par exemple, on a des chapitres sur son amitié avec des filles qui ne peuvent qu’avoir une mauvaise influence, la queue pour le premier concert, l’arrivée de l’amoureux de la mère, les changements que cela provoque dans la famille et dans la maison, le premier amour, les fugues pour le suivre, le premier travail…

    J’ai aimé ce livre pour la précision de la reconstitution de l’enfance et de l’adolescence, pour l’écriture dynamique et énergique à l’image de Nastia. D’un point de vue pratique (et dans l’optique de mes progrès en allemand), j’ai aimé le fait que les chapitres soient courts, les personnages secondaires suffisamment remarquables pour ne pas être oublié entre les chapitres (même dans le cas d’une lecture lente). Cela permet de soutenir l’attention, de motiver à continuer la lecture, même si certains passages sont difficiles à comprendre.

    Comme je l’ai déjà dit, j’ai beaucoup aimé lire ce livre. J’ai tourné les pages avec plaisir, même avec entrain. Je ne me suis pas ennuyée ; mon intérêt a été maintenu jusqu’au bout. Pourtant, j’ai fermé le livre en me disant tout cela pour cela. Et finalement, je n’ai même pas envie de vous le conseiller.

    C’est un avis très court, qui n’aura sûrement d’intérêt pour personne, mais cela me permet à moi de garder une trace de cette lecture (et ainsi me souvenir de mes débuts de lecture en allemand).

    Références

    Das kalte Licht der fernen Sterne de Anna GALKINA (Frankfurter Verlagsanstalt, 2016)

  • J’ai demandé ce livre à la bibliothèque pour enfin lire un livre écrit par un auteur tibétain et dont l’histoire se passe au Tibet.

    On suit l’auteur (je pense en tout cas qu’il s’agit de lui) dans deux périodes de sa vie : son enfance et la période de ses vingt-trente ans. Les deux « moments » sont reliés par deux sources (celles avec de l’eau qui coule) et l’imaginaire que l’auteur s’est construit autour d’elles. Ce qui est particulièrement intéressant est que les deux moments de sa vie correspondent aussi à deux périodes de l’histoire du Tibet. L’auteur a été enfant au début de l’occupation du Tibet par la Chine et a vécu ensuite la plus grande permissivité des autorités chinoises, ainsi que les progrès techniques amenés par ces mêmes autorités.

    Au lieu de vous dire tout de suite ce qui m’a plu dans ce livre, je vais essayer de vous raconter tout de même de manière plus précise ce qui se passe dans ce livre.

    La première partie fait une cinquantaine de pages et raconte la jeunesse de l’auteur dans un petit village isolé, où il y a une source qui paraît assez magique au petit garçon de l’époque. Notre narrateur a une enfance assez isolée en réalité car l’enfant est assez solitaire. Pourtant, il a un confident, Gongpo, un homme qui lui aussi est solitaire car il est mal vu du reste de la population à cause d’importants problèmes de peau. Gongpo a comme occupation de garder les chevaux qui ne servent plus à rien puisque la population n’est plus autorisée à « bouger » (sans autorisation) après l’occupation du Tibet par la Chine. Gongpo raconte au jeune garçon une histoire à propos d’une autre source, encore plus magique que celle du village, d’autant qu’elle est devenue inaccessible à cause des restrictions de circulation. Imaginez un peu une source qui guérit, avec des jeunes gens heureux se baignant nus, avec des grandes fêtes … Cela ressemble un peu à un paradis perdu. Dans cette première partie, l’auteur raconte aussi les odeurs, les couleurs, les paroles de son enfance et entre autres les histoires de sa tante, de sa cousine qui était possiblement amoureuse de Xianba, dont le jeune garçon se sentait proche mais dont il était profondément jaloux. Xianba s’est sorti du village en ayant été choisi pour intégrer l’armée populaire de Chine.

    Dans la deuxième partie, on retrouve notre narrateur dix ans plus tard. Les conditions ont changé pour le Tibet (motorisation des trajets, une plus grande liberté de circulation) mais aussi pour lui puisqu’il est devenu photographe pour un journal. Il n’a pas oublié les récits de Gongpo et le jour où il se retrouve dans la région, qui par le plus grand des hasards est dirigée par Xianba (il est sous-directeur plus précisément), il cherche enfin à voir cette fameuse source. C’est l’occasion de se confronter à son enfance : il se rend compte qu’une distance inaccessible est faisable en quelques heures en voiture, que la source, même moins fêtée, reste magique pour son côté nature préservée. Xianba a cependant d’autres projets pour cette source et c’est ce que va raconter cette deuxième partie.

    Plus encore que le côté dépaysant de cette nouvelle, c’est vraiment l’ensemble de l’histoire et des idées sous-entendues qui m’ont plu. En 120 pages, tout en pudeur, l’auteur raconte à travers son expérience professionnelle l’histoire du Tibet, en décrit l’évolution, donne les points positifs et les points négatifs (plus nombreux). C’est sa pudeur donc qui m’a plu mais aussi sa lucidité, finalement un peu son côté dépassionné. Dans tout le livre, par l’histoire et par l’écriture, on ressent toute la grandeur et la beauté de l’auteur.

    Il y a un autre livre de l’auteur, paru en français, Les pavots rouges chez Philippe Picquier (le nom de l’auteur n’est pas écrit pareil mais c’est bien le même). Il est dans ma PAL. Quelqu’un l’a-t-il lu ? Y avez-vous trouvé les mêmes idées ? Tout cela, pour savoir si je dois le sortir de ma PAL rapidement ou s’il peut encore attendre un peu.

    Références

    Sources lointaines de A Lai – roman traduit du chinois par Marie-France de Mirbeck (Bleu de Chine, 2003)

  • Je suis tombée sur ce bouquin par le plus grand des hasards à la bibliothèque. Je vous ai sûrement parlé de mes super-techniques pour trouver des livres à la bibliothèque : j’arrive avec deux titres, avec des auteurs dont le nom commence par deux lettres différentes. Je prends les livres, puis je reste planter devant l’étagère en regardant méthodiquement les titres, auteurs, couvertures. Je lis les quatrièmes de couverture de ceux qui m’inspirent et j’emprunte ceux que j’ai envie de lire parce que toute manière cela ne coûte rien d’essayer.

    C’est comme cela que je suis tombée sur ce tout petit livre d’une auteure particulière. Contrairement, à ce que l’on pourrait penser, le livre a été écrit directement en français, en 1923 exactement d’après la signature à la fin du livre. Kikou Yamata, Kikou voulant dire chrysanthème en japonais, est franco-japonaise. Son père, descendant d’une lignée de Samouraï a été envoyé par le Mikado à Lyon, vers la fin du XIXème siècle, pour y découvrir les secrets de l’industrie textile. Il y rencontre une Lyonnaise, qu’il finira par épouser et auront ensemble une fille Kikou en 1895. Ses débuts se sont faits sous le parrainage d’André Maurois, Paul Valéry et Anna de Noailles. Masako a été édité par Jacques Chardonne et fut un véritable best-seller de son temps, puisqu’il a été réimprimé 22 fois. Aujourd’hui, son oeuvre est quelque peu oubliée en France mais reste au contraire très étudiée au Japon.

    Masako est un livre court, 140 pages, écrit gros et raconte un événement étrange, en tout cas pour le lecteur contemporain. On est au Japon au début du XXème siècle, Masako, descendante d’une lignée de Samouraï  par sa mère, vit avec son oncle et sous la surveillance morale de ses tantes, du fait de la mort de sa mère adorée. Son père intervient très peu dans sa vie. Après des études de langues dans un couvent, elle rentre vivre chez elle, avec sa vieille nourrice pour s’occuper d’elle. Bien sûr, le but maintenant est de lui faire faire une « beau » mariage. Après plusieurs déceptions, on trouve enfin un prétendant correct, Naoyoshi. Le problème est que lorsque les deux jeunes gens se rencontrent c’est plus ou moins le coup de foudre. Sauf qu’au Japon, dans ces familles-là, à cette époque-là, cela ne se fait pas ; les tantes s’opposent au mariage au grand dam des amoureux …

    Il s’agit donc ici d’une histoire d’amour très originale, dans un contexte on ne peut plus original également. Kikou Yamata en très peu de pages fait passer Masako par tous les états amoureux possibles : l’ennui, la langueur, le désespoir, le doute, le bonheur (pas forcément dans cet ordre en fait). On découvre la vie à l’époque dans les maisons nobles japonaises, ses habitudes et ses traditions. Rien que pour l’histoire, je trouve que le livre est plutôt intéressant. Le récit est servi par une écriture très poétique et lyrique, avec une grande économie de moyens :

    Mes tantes sont venues, puis revenues. Leurs visages qu’elles ne fardent plus, dépouillés du sourire bienveillant, ont pris la roideur de l’ivoire. Le téléphone résonne, des voix graves répondent au lieu du joyeux « moshi moshi ! ». Toute la maison est mystérieusement affairée. Il semble qu’un mort la quitte, qu’un malade l’habite ou qu’un enfant vient de naître. Mon oreiller, ce matin, était trempé de pleurs et Baya [sa nourrice] n’a pas osé le faire sécher au soleil. Chacun aurait mesuré mon chagrin.

    Le seul bémol que je mettrais est justement que parfois cette prose a un peu vieillie. Je me suis donc ennuyée en lisant certains passages. Cela reste cependant un livre intéressant à lire.

    Références

    Masako de Kikou YAMATA (Bibliothèque cosmopolite / Stock, 1995)

  • Encore un livre que j’ai découvert grâce au compte Twitter Quatre Sans Quatre (@4sanswebzine) du site du même nom. Vous pouvez lire leur chronique sur ce lien. Vous devriez comprendre facilement pourquoi j’ai voulu lire ce livre : l’avis est excellent et surtout le choix de la photo ne pouvait que me convaincre.

    On est en Lozère, sur le plateau de la Margeride, dans un petit village déserté par les femmes (il en reste quand même un peu mais elles ne pensent qu’à partir) ; seuls restent les hommes pour affronter des conditions de vie très difficiles. Événement notable : en août 1983 vient s’installer une jeune institutrice et sa petite fille, Juliette (cela fera trois enfants dans l’école en tout et pour tout, c’était une tout autre époque visiblement). Elles fuient la région parisienne : les loyers trop chers pour une mère nouvellement célibataire mais aussi les galères de la banlieue (drogue, violence…). Cette installation est censée permettre à Juliette, au caractère particulier et bien trempé, de se développer sans soucis.

    Elles sont, assez rapidement, soutenus par les habitants du village, qui se prennent d’affection pour les deux nouvelles habitantes. Elles ne feront cependant jamais partie entièrement du village, la population les observant toujours comme des étrangères (les réunions avec le curé qui prédit les problèmes…) Deux hommes vont s’occuper plus particulièrement des deux nouvelles arrivantes : Lucien, le vieux voisin, et le cafetier (le village voit passer beaucoup de routier à cause de la mine toute proche). Ils sont là pour l’épauler lors des rigueurs climatiques de l’hiver mais aussi lorsque les problèmes de la ville vont s’immiscer dans leur nouvelle vie. Ce qui est assez intéressant est que comme je le disais, elles ne sont pas intégrées comme membres à part entière du village et le village va donc décider de régler les problèmes de l’institutrice sans lui en parler, en se basant juste sur leurs observations.

    L’auteur va donc raconter séparément l’histoire du point de vue des habitants du village, en faisant intervenir l’institutrice pour préciser ou corriger des faits. Le récit de cette dernière se situe temporellement le plus souvent en 2015, au moment où elle est clouée sur un lit d’hôpital par un cancer, se remémorant un peu dans le brouillard ces deux années de sa vie.

    Concernant l’histoire, j’ai trouvé que c’était assez réaliste dans le sens où on lit souvent dans les journaux que contrairement à une idée reçue, les petites villes mais aussi les campagnes ne sont pas épargnées par les problèmes de (petite) délinquance, les habitants ne faisant ici que se défendre pour éviter justement l’arrivée de ces problèmes sur leur plateau (et garder leur institutrice aussi). Il y a un moment où j’ai eu du mal à y croire ou sinon, je me demande combien de cadavres sont en train de pourrir en terre, en France, en dehors des cimetières (mais pourtant, là aussi, les faits divers donnent à penser que tout est possible). Pour moi, l’histoire du roman vaut surtout pour l’ambiance noire qui se dégage mais aussi pour la description des relations entre les habitants, extrêmement réussie à mon avis. En conclusion, c’est donc un très bon roman noir !

    Ce qui m’a enchantée : les descriptions de la nature et des conditions météorologiques. Je ne connais pas pour la plupart les arbres, les animaux … dont parle l’auteur, mais je peux vous dire que j’y étais. Je sentais la neige arrivée, le ciel bas, le renouveau du printemps… Je complète donc ma conclusion : c’est donc un très bon roman noir qui en vaut la peine !

    Références

    Sous la neige, nos pas de Laurence BIBERFELD (La Manufacture de Livres / collection Territori, 2017)

  • Cette semaine sera twitter ou ne sera pas. En novembre ou décembre, je ne sais plus, j’ai vu passer un tweet des Éditions Le Tripode au sujet d’une opération le Grand Trip’. Il s’agit pour 15 euros de recevoir deux livres, avant publication dans l’idée de permettre aux lecteurs de prendre le temps de découvrir des livres qui le méritent. Le premier livre, Au cirque de Patrick Da Silva, est donc arrivé fin décembre, alors qu’il a paru mercredi dernier, avec en plus des cadeaux (cela valait déjà plus de 15 euros je pense). La première surprise est que c’est un livre que je n’aurais jamais acheté par moi-même car j’apprécie beaucoup Le Tripode mais plutôt pour la littérature étrangère. Deuxième surprise, il ne s’agit pas d’un nouvel écrivain ; il a déjà publié treize livres mais je ne le connaissais pas du tout ! Troisième surprise, le livre n’a pas le même format que d’habitude (je ne sais pas comment cela s’appelle dans l’édition mais les pages doivent être coupées et elles dépassent de la couverture, ce qui est très pratique pour prendre des notes toutefois ; on me dit sur Twitter que cela s’appelle un livre non massicoté, voilà, voilà).

    Je l’ai commencé tout de suite, un mois après je le relisais tellement il m’avait plu. C’est suffisamment rare pour que vous puissiez vous rendre de tout l’amour que je porte à ce livre. On est en pleine campagne, dans une ferme « isolée ». Quatre enfants sont réunis après un drame touchant leurs parents :

    La mère est morte, pendue. Le père a été mutilé : les deux yeux arrachés, le sexe et la langue tranchés. Lui il s’en est tiré […] Ils étaient dans la grande ; tous les deux, dans le fenil de la grange. Le père en sang, étendu dans le foin, la mère au-dessus et au bout d’une corde. C’est leur plus jeune fille qui les a trouvés. C’est elle qui les a trouvés – le père, la mère – comme ça, dans la grange, dans le fenil de la grange […] Dans la chambre des parents c’était un grand désordre : le lit défait, les tiroirs renversés, l’armoire ouverte, tout le linge par terre […] Le collier de la mère a disparu.

    Parmi les quatre enfants, seule la plus jeune était resté à la maison. Elle s’entendait mieux avec son père qu’avec sa mère, car lui faisait un effort pour comprendre ses particularités. L’aînée des filles est partie faire ses études en ville, tandis que les fils ont quitté très vite la maison car il y avait une rivalité malsaine entre eux et leur père, par rapport à leur mère. Il faut dire que le père a longtemps été en prison, laissant seule la mère et ses quatre enfants.

    Mais voilà, suite au drame, les trois premiers enfants sont revenus à la maison, plus pour trouver le collier de la mère, que d’aider la sœur ou d’attendre la « guérison » de leur père. En tant que lecteur, notre idée est bien au comprendre qui a pu faire cela et qu’est-ce qui a mené à ces événements. L’auteur nous place dès le début dans cet état d’esprit. J’ai eu cette impression de participer à une humeur, une sorte de voix qui chuchote en ressassant les faits inlassablement. Sauf que comme je le disais la ferme est isolée et il s’agit d’un drame purement familial, l’auteur ne peut pas faire avancer son histoire et découvrir les faits en faisant intervenir d’autres personnages par exemple. Et c’est là qu’il, l’auteur, entre en jeu : il met ses personnages sur scène, en piste plus exactement, comme au cirque, pour les faire rejouer les scènes clés du passé. Il fait aussi ressasser ses personnages à qui échappent parfois des détails qui seront ressassés par la « rumeur » dont je parlais au début de mon avis. C’est cette écriture et ce procédé narratif qui m’ont complètement happé dès la première page.

    Un autre point qui m’a particulièrement plu, c’est tout simplement le dénouement. J’ai été soufflée car je n’avais tout simplement rien vu venir. En plus, l’auteur l’annonce plus ou moins au détour d’une phrase que j’ai dû relire pour être sûr d’avoir bien compris.

    Je vous conseille donc très fortement ce roman.

    Pour finir sur ce Grand Trip’, on a donné notre avis par mail et l’auteur a répondu : il a bien souligné qu’on avait pu voir dans son livre des choses qu’il n’y avait pas vues. Ne perdez pas de vue qu’il ne s’agit que de mon avis et de mon interprétation, ma lecture quoi. En plus, j’ai lu ce roman dans des conditions que je qualifierais d’idéales : je n’avais aucun a priori en commençant ma lecture et surtout j’avais le temps d’en profiter pour pouvoir m’approprier complètement le livre et l’histoire. J’espère avoir la même expérience avec le deuxième roman …

    L’avis de Ingannmic.

    Références

    Au cirque de Patrick DA SILVA (Le Tripode, 2017)

  • Je regardai la semaine dernière twitter (comme tout le temps en fait) mais c’était le moment de la journée où le compte Tweet de couv’ (@lemotdulibraire) diffusait les photos de couvertures de livres avec le petit mot du libraire et je suis tombé sur ce petit livre, publié au Passager clandestin, dans la collection Dyschroniques. J’ai déjà lu deux livres de cette collection et à chaque fois je les ai beaucoup aimés. Pour rappel, sont publiées dans cette collection des nouvelles d’anticipation, écrites au XXème siècle (souvent au milieu des années 50). Les textes font le plus souvent écho à notre actualité.

    A voté est une nouvelle de 50 pages, publiée en 1955 par Isaac Asimov. On est en 2008, aux États-Unis, année d’élection présidentielle. Depuis une quarantaine d’années, le système a bien changé. Dorénavant, une seule personne élit le président des États-Unis, plus exactement une personne est désignée pour aider une machine à désigner le nouveau président. La machine dispose de tous les faits pour pouvoir juger de l’état du pays mais a besoin d’un homme pour faire rentrer l’aléatoire humain pour parfaire ses calculs. Vous avez bien lu : le vote n’est désormais accessible qu’à un homme, entre 20 et 60 ans. Les femmes doivent sûrement introduire trop d’aléatoire dans la machine … Bien sûr, on suit dans cette nouvelle le candidat de l’année, qui s’angoisse au sujet du poids qu’on lui a mis sur les épaules (parce que bien sûr, il n’est pas anonyme) tandis que sa femme est ravie de cette opportunité et que son beau-père regrette l’ancien système (celui que nous connaissons en réalité).

    Quand je lisais l’histoire, je me demandais ce qui faisait qu’Asimov avait eu l’idée de ce thème mais aussi quel écho on pouvait voir avec notre actualité (on voit avec cette affirmation que je suis lente à comprendre mais bon c’est la réalité). Je voyais bien le lien avec le big data : le fait qu’une machine puisse prédire, en fonction d’informations qui ne semblent rien à voir avec le phénomène que l’on cherche à prévoir, mais aussi influencer le comportement des consommateurs (parce qu’à ce stade-là, nous ne sommes plus des humains). Il ne me semble pas en fait que ces algorithmes puissent nous supprimer le droit de voter (dans le sens où nous restons toujours maître de nos choix dans l’isoloir mais aussi dans le sens que si à terme, nous n’avions plus le droit de vote, ce serait notre faute puisque nous aurions accepté quelque chose d’inacceptable ; les algorithmes n’y seraient pour rien), même si ces algorithmes/prévisions influencent plus ou moins notre choix aujourd’hui.

    La nouvelle est suivie du contexte  de publication. Dès 1936, avec Gallup, les sondages prennent une grande importance aux États-Unis car ils sont supposés pouvoir « déterminer l’opinion des gens en fonction de l’âge, du sexe, du lieu de vie, de la profession, de la religion … ». En 1951, l’Univaci est « le premier ordinateur commercial produit aux États-Unis. Son premier usage fut consacré au grand recensement de 1951. L’année suivante, il est utilisé par la firme CBS pour prédire le résultat de l’élection présidentielle : en s’appuyant sur un échantillon de 1% de la population votante , Eisenhower est donné vainqueur ». En 1952, il est élu avec 55,1% des voix. Après avoir lu le contexte, tout m’est apparu plus clairement. En fait, les méthodes de sondags ont évolué depuis mais restent des méthodes de sondage. Dans la nouvelle d’Asimov, il ne s’agit que d’une évolution logique des sondages vers le big data. Aujourd’hui, d’après ce que je sais, ces méthodes sont bien utilisées pour prédire les votes mais ne sont pas rendues publiques telles que (comme les sondages le sont). On pourrait pratiquement pousser un ouf de soulagement. Cependant, quand on voit aujourd’hui l’impact qu’ont ces méthodes sur les pratiques commerciales et surtout la passivité des gens par rapport à ces méthodes, on peut s’interroger à la suite d’Asimov sur le comportement des citoyens si on appliquait des algorithmes aux élections (présidentielles ou non). Je ne suis même pas sûre qu’on utiliserait un humain pour assurer l’aléatoire du procédé.

    J’ai beaucoup aimé cette nouvelle car tout simplement, elle m’a permis de voir et de réfléchir sur jusqu’où on pourrait se laisser envahir par des algorithmes, utilisés par des gens malveillants (pensant plus à l’argent et au pouvoir qu’à la démocratie). Je pense cependant perplexe sur un point qui n’est pas expliqué dans cette nouvelle : comment peut-on pour changer à ce point les modalités de scrutin sans que personne ne dise rien, en tout cas que la majorité reste silencieuse ? Si vous avez des conseils de lecture sur ce sujet (des romans, pas des essais par contre), je suis preneuse.

    Références

    A voté de Isaac ASIMOV – traduit de l’américain par Denise Hersant (Le Passager Clandestin / Dyschroniques, 2016)