Cecile's Blog

  • PietreVivaLeonorDeRecondoJ’ai lu ce livre dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire PriceMinister-Rakuten. J’avais envie de le lire (même si son précédent livre chez Sabine Wespieser est toujours dans mon livre en attente) et comme je suis un peu radine, cela m’a fait plaisir de le recevoir gratuitement grâce à PriceMinister (et Rakuten même si je ne sais pas qui c’est). Au vu des commentaires que j’ai pu voir par-ci par-là j’ai eu raison de commencer par celui-là car ce n’est pas autant un chef d’œuvre que le précédent. Pour moi, cela a plutôt été une très agréable lecture et une auteur qui me plaît beaucoup.

    Quand on ouvre le livre, la dédicace saute aux yeux

    Pour Cécile, ma mère, ma lumière.

    Pourtant l’histoire au premier abords ne semble pas avoir un grand rapport avec la mère de l’auteur.

    On est en 1505 à Rome. Michelangelo dissèque des corps qu’on lui amène dans le but de mieux connaître l’anatomie humaine. Le seul corps qu’il a pour l’instant refuser d’opérer est celui d’un bébé sous prétexte que sous le drap blanc il ne pouvait y avoir un corps humain. Aujourd’hui on lui amène sous le drap blanc le corps d’un moine. Quand il soulève le voile, il découvre le corps d’Andrea dont il admirait secrètement la beauté et la perfection plastique. Bouleversé, il s’enfuit et se réfugie à Carrare où il devait de toute manière aller pour choisir les marbres qui serviront pour le tombeau que le pape Jules II lui a commandé. Là-bas, il essaiera de comprendre pourquoi et comment Andrea est mort. Par les personnes qu’il rencontrera mais aussi par la nature qu’il côtoiera, il essaiera de retrouver sa sérénité perdue.

    La plupart du roman se passe donc à Carrare. L’auteur mêle habilement les descriptions des falaises de marbre et celles de la vie des ouvriers où la solidarité joue un grand rôle pour surmonter la mort. À la lecture, j’ai ressenti une grande sérénité comme si le temps allait plus lentement. Léonor de Résondo a un style qui mêle cela : de longues phrases avec de belles images et beaucoup de poésie. C’est ce que j’ai particulièrement aimé dans ce livre : le style !

    Je suis moins enthousiaste sur l’évolution du personnage principal au cours du roman. Au début, Michelangelo est avant-tout un artiste. La nature, ainsi ques les êtres humains, nous sont décrits par les sensations visuelles qu’ils apportent à Michelangelo. Je remercie l’auteur car n’étant pas artiste cela m’a appris beaucoup de choses sur le regard que d’autres peuvent poser sur le monde, des personnes qui font attention à la lumière, à la texture du monde. Par la suite, quand le sculpteur se rapproche des habitants, il s’ouvre au genre humain ainsi qu’à ses habitants, il s’ouvre au genre humain ainsi qu à ses sentiments. En fréquentant Michele un petit garçon de six ans qui vient de perdre sa mère, l’auteur retrouve l’image d’une morte qu’il avait pratiquement oubliée, sa propre mère qu’il a perdu au même âge (d’où la dédicace au début du livre à mon avis). On nous dit que la compréhension de la mort d’Andrea, ainsi que le souvenir retrouvé de sa mère, va lui permettre d’envisager la sculpture autrement. Je n’y ai tout simplement pas cru pour deux raisons : Léonor de Récondo ne change pas son mode de narration (il n’y a pas de rupture marquée alors que le changement de Michelangelo semble être une rupture du mode de pensée) ; cette métamorphose se faisant pratiquement à la fin du roman, ces conséquences ne sont pas décrites donc d’autant plus difficiles à imaginer.

    Mon dernier bémol vient du fait que je n’ai pas compris la finalité du livre. Pourquoi l’auteur s’est arrêtée là ? Quel est le message du livre ? On peut se le demander pour beaucoup de livres ; ce n’est donc pas un vrai bémol.

    Finalement, la lecture m’a beaucoup plu car elle m’a emmené ailleurs et elle m’a détendue. Cela me fera sans aucun doute lire le précédent livre. Mes bémols viennent d’une fin trop vite amenée qui m’a laissée un goût d’inachevé. Cette fin m’a donné l’impression que le but de l’auteur était plus personnel : rendre un magnifique hommage à sa mère.

    Références

    Pietra Viva de Léonor de RÉCONDO (Sabine Wespieser, 2013)

  • Silo1HughHoweyJ’ai entendu parler de ce livre pour la première fois mercredi dans l’émission de Augustin Trapenard, Le carnet du libraire. Le libraire avait l’air enthousiaste et A. Trapenard l’a aussi recommandé.

    J’avais juste entendu dire il y a quelque temps qu’Actes Sud allait ouvrir une nouvelle collection nommée Exofiction. Silo est le livre qui inaugure cette collection. Le livre est disponible en épisodes (en version numérique) et dans sa totalité (en numérique et en papier). Je ne lis jamais de SF (parce que le peu d’essais que j’ai fait ne m’a pas plu et que du coup j’appréhende un peu) donc j’ai choisi la lecture par épisode. Résultat : je suis accro.

    Ce premier épisode fait une cinquantaine de pages. On suit Holston, le sheriff du silo, tour enterrée de trente étages, dernier endroit sain sur terre (je suppose que c’est sur terre). L’épisode commence quand Holston, demande à sortir, ce qui est le crime suprême. Cela le condamne à la mort puisque dehors l’air est malsain. Pourtant, avant de mourir, il devra nettoyer les caméras qui permettent aux gens de l’intérieur de voir ce qui se passe à l’extérieur.

    L’épisode explique le pourquoi de cette demande saugrenue du sheriff, puisque rien ne l’oblige à mourir. On apprend que c’est dû à la mort de sa femme dans les mêmes circonstances il y a trois ans. Le récit alterne les deux périodes.

    Au cours de cet épisode, Hugh Howey pose quelques jalons de l’univers : on tire à la loterie le droit de faire des enfants, les morts servent d’engrais au jardin, les archives sont stockés sur ordinateur, le silo a déjà connu des insurrections qui sont le tabou de cette société.

    J’ai été accroché dès les premières lignes par la manière dont la voix de Holston m’a interpellé. J’ai tout de suite voulu savoir pourquoi cet homme voulait se suicider. L’histoire de sa femme est intéressante car elle travaille au service qui gère le stockage des données. C’est son histoire qui permet de poser son univers. Son apparition est trop courte pour que je me sois attachée à cette femme. Elle est par contre l’élément qui apporte le mystère, l’envie d’en savoir plus. Holston est l’élément humain et sa femme est l’élément qui rend avide de savoir.

    Finalement, je préfère la lecture en épisodes car on ne sait pas quand on aura la réponse à nos questions. C’est de plus le mode original de publication puisque au départ le livre est de l’auto-édition. L’auteur a mis en ligne une première nouvelle celle-ci et à donner quatre nouveaux épisodes à ses lecteurs qui lui demandait une suite.

    Références

    Silo – épisode 1 de Hugh HOWEY – traduit par Yoann Gentric (Actes Sud, 2013)

  • LaMaisonDesChagrinsVictorDelArbolJ’ai effectué une lecture chaotique de ce livre. J’ai lu d’abord les cent vingt premières pages. J’ai trouvé cela bien mais très très lent. Je n’ai pas aimé le fait que l’auteur fasse un chapitre = un personnage et que chaque chapitre soit déconnecté du précédent. J’étais prête à l’abandonner à son triste sort puis j’ai relu le billet de Sandrine qui m’a fait acheté le livre (il y a aussi le souvenir du billet de Dominique sur La Tristesse du Samouraï). J’ai alors remis en cause la lectrice plutôt que le livre. Je lisais sur mon reader dans le RER. Je me suis dit que ce n’était pas un livre pour cela alors le week-end dernier, j’ai décidé de m’accrocher et de mettre un coup de collier, soit ça passe soit ça casse. C’est donc passé (il faut dire que le rythme s’accélère et que l’auteur abandonne par la suite la construction qui ne plaisait pas) et je l’ai fini cette semaine.

    Au final j’ai plutôt beaucoup aimé. Ce qui m’a particulièrement plu c’est la complexité de l’histoire et comment l’auteur arrive à enchevêtrer tous ces personnages.

    Pour vous expliquer tout cela, j’ai fait un petit diagramme représentant les personnages principaux du livre. Les groupes et les flèches sont les relations qui existent dans les cent vingt premières pages. Les personnages qui n’apparaissent pas dans un groupe sont ceux qui apparaissent après. Ce qu’il faut voir, c’est qu’à la fin du livre, tous les groupes seront reliés par plusieurs flèches et en gros, il y en aura partout.

    PersonnagesMaisonDesChagrinsEduardo était un peintre célèbre jusqu’à il y a une quinzaine d’années, jusqu’à ce que sa femme et sa fille, Elena et Tania, meurent dans un accident de voiture, qu’il devienne infirme et qu’il tue le chauffard responsable de tout cela. Après avoir fini de purger sa peine de prison, il se retrouve suivi par une psychiatre, Martina, loge dans la pension de Graciela, qui a une fille, Sara, avec des problèmes psychiatriques. Il a aussi renoué avec Olga, son ancienne galeriste, qui lui propose une commande.

    Gloria A. Tagger, célèbre violoniste, veut qu’il fasse le portrait du chauffard qui a tué son fils Ian (il y a beaucoup d’accidents de voiture dans cette histoire). Elle ne s’en ai jamais remise (on la comprend). Depuis elle est divorcée de son mari, le célèbre réalisateur Ian Mackenzie, qui vit désormais en Australie.

    Arthur est le fameux meurtrier de Ian. Il est aussi le fils d’un « ancien combattant de l’OAS enrichi par le gaz et le pétrole d’Alger ». Lui aussi sort de prison au début du roman. Avant la prison, sa vie était occupée par de nombreuses femmes : Andrea, sa femme, qui est actuellement en hôpital psychiatrique suite à la disparition soudaine de leur fille Aroha ; ses maîtresses dont Diana est la principale. En prison, sa vie n’est bien sûr occupée que par des hommes : Ibrahim, son compagnon de cellule, « un mercenaire soufi », l’Arménien, le patron des prisonniers, qui veut la mort d’Arthur puisque celui-ci a tué sa fille dans le même accident qui a tué Ian. Comme c’était un accident, Arthur sort au bout de quatre ans et engage de suite Guzmán, « ancien agent de la police politique de Pinochet » pour retrouver Aroha et reconquérir Andrea.

    Là-dessus s’ajoute Mr. Who, jeune prostitué androgyne (qui a entre autre pour cliente une Graciela en manque d’amour), travaillant pour Mr. Chang et amoureux de Mei, qui travaille dans les ateliers clandestins du même Mr. Chang. Mr. Who habite avec sa mère adoptive, Maribel, ancienne danseuse clouée dans un fauteuil roulant, passant son temps à pleurer son mari Teo.

    Voilà donc un auteur à qui on ne peut pas reprocher de manquer de personnages et d’imagination. Tous les personnages que j’ai cité sont importants dans l’histoire ! J’ai trouvé fascinant et brillant que l’auteur arrive à s’y retrouver et surtout à ne pas nous perdre.

    Je mettrai encore quelques bémols (même si j’insiste j’ai beaucoup aimé). Le roman a le défaut de ses qualités. On s’attache aux personnages (Sara, Eduardo, Graciela et même Arthur pour moi) mais l’auteur n’a pas le temps de nous décrire toutes leurs psychologies. On ressent un certain manque comme s’ils n’étaient pas complets. On voudrait en savoir plus mais on les abandonne trop vite. L’exemple le plus frappant est la psychiatre de Eduardo, Martina, qui est peinte comme une femme très seule au niveau personnel (au niveau des situations dans lesquelles elle intervient) mais qui nous est décrite comme plutôt froide dans la vie professionnelle. On ne sait rien du pourquoi du comment de cette différence. Ce n’est pas un personnage principal mais elle est tout de même récurrente dans le roman. Je trouve qu’elle aurait mérité quelques pages supplémentaires. Des difficultés de Sara, on n’en saura pas beaucoup non plus alors qu’elle aussi intervient de manière récurrente.

    Le deuxième bémol est que parfois Víctor Del Árbol est un peu trop bavard avec des considérations psychologiques trop vagues pour être intéressantes. Je viens d’apprendre un mot en anglais pour décrire cela : psychobabble. Je trouve que parfois ces digressions sont inutiles et hors propos, le roman étant suffisamment touffu et bien construit pour être apprécié.

    Finalement, une bonne lecture même si pour l’apprécier, j’ai du m’accrocher et si j’ai moins aimé certains passages. Je suis curieuse maintenant de découvrir La Tristesse du Samouraï (surtout qu’il est sorti en poche).

    Références

    La Maison des Chagrins de Víctor DEL ÁRBOL – traduit de l’espagnol par Claude Bleton (Actes Sud, 2013)

  • viva-vida-1424417-616x0Pino Cacucci est un auteur italien qui écrit sur le Mexique. Dans ce livre-ci, il essaye de faire revivre devant nous la figure de Frida Khalo. Le livre en lui-même est peu épais puisqu’il fait moins de 100 pages. Il est divisé en trois parties :

    • un monologue, celui de Frida Khalo au seuil de sa mort ;
    • un texte intitulé Frida : moments, images, souvenirs épars qui reprend les éléments biographiques donnés dans le premier texte ;
    • un texte intitulé Amores y desamores qui explique la genèse du texte. On y apprend notamment qu’originellement le te texte devait être une pièce de théâtre où aurait joué quatre personnages. La pièce ne s’étant pas monté, l’auteur a décidé d’en faire un monologue.

    Ce livre ne m’a pas trop plu pour parler franchement.

    Déjà, je trouve que sa construction est étrange. Le deuxième texte explique le premier comme s’il n’avait pas été assez clair et le troisième sert de justification à l’ensemble. Cela donne l’impression d’un auteur peu convaincu par son travail.

    De plus, quand j’ai lu le livre, j’ai cru que les deux derniers textes n’étaient pas de Pino Cacucci. Je ne l’ai compris qu’en lisant la troisième partie. Ce n’était même pas indiqué sur la première page.

    D’un point de vue littéraire, seul le premier texte compte donc. J’ai été plutôt déçue car l’auteur rappelle les éléments importants de la biographie mais il n’arrive pas à incarner le personnage. On n’entend pas Frida Khalo prononcer ce monologue mais par contre on lit les sources documentaires de Pino Cacucci. Le contenu de la première partie est identique à celui de la deuxième et j’ai préféré celle-ci car paradoxalement, Pino Cacucci m’a semblé plus présent et sincère que dans le faux monologue de Frida Khalo, ce qui à mon avis n’était pas son intention.

    Références

    Viva la vida ! de Pino CACUCCI – traduit de l’italien par Benito Merlino (Christian Bourgois, 2013)

  • LInconstanceDelEspeceJ’ai lu ce livre il y a quelques temps déjà, à la fois en papier (pris à la bibliothèque) et en ebook (parce que je ne l’avais pas fini quand j’ai du le rendre). Mon avis est qu’il faut le lire en livre papier car le ebook ne reproduit pas le haut des pages, qui sont pourtant très drôle.Typiquement, l’histoire n’est pas des plus fascinantes. Une prof de sport et de biologie entame sa dernière année scolaire dans un lycée qui devrait se reconvertir à la fin de l’année, faute d’élève (bonjour, madame la répétition). J’ai oublié de préciser que l’on était en ex-RDA et que la région se vidait de sa population. Elle ne veut pas participer à cette reconversion qu’elle voit comme une décadence comme à peu près tout. Pendant cette année, on voit suivre les réflexions de cette prof sur ces élèves, sur son mari qui s’est reconverti dans l’élevage d’autruches, sur sa fille partie aux États-Unis au temps de la RDA et qui n’est jamais revenu. On la sent très seule. Cela fait de la peine. Donc en soit, je dirais que je me fiche un peu de cette histoire (des fois, je suis insensible).

    Sauf que cette prof est prof de BIOLOGIE et de SPORT. Judith Schalansky a pris le parti de donner à cette prof le regard d’un entomologiste. Elle voit ses élèves, sa vie en générale, comme des êtres biologiques dont il faut disséquer le comportement. Il ne faut pas oublier qu’elle est déprimée donc cela peut être très méchant, mais aussi très juste et très lucide. J’ai ricané tout au long de ma lecture.

    Un petit extrait (je n’ai pas noté ceux où elle parlait de ses élèves puisque le livre appartenait à la bibliothèque). Celui-ci donne quand même une idée du ton du roman.

    Seule une chose parfaite ne poursuit pas son développement. L’évolution n’est rien d’autre qu’un aveu d’imperfection. […] Le seul fait que l’homme aille à l’école témoigne de l’insuffisance de sa constitution. La plupart des autres animaux étaient achevés dès la naissance. Pour la vie. À la hauteur. Ils tenaient sur leurs pattes au bout de quelques heures. Tandis que les hommes restaient toute leur vie inachevés. Créatures déficientes.

    Un autre extrait (plus en rapport avec l’Histoire que la biologie) :

    La vie était sans but et fortuite, mais nécessaire. Tout était possible en théorie. Mais pas en pratique. On se faisait des films. Et puis, finalement, c’était tous les jours la même chose. À condition de s’adapter. S’adapter aux conditions. Fallait toujours que le changement mette si longtemps à arriver. Et quand cela venait à changer, ce n’était pas dans le bon sens. Et puis tout allait alors bien trop vite. Il était impossible de décider rétrospectivement si un système était pire qu’un autre. L’un d’entre eux s’était montré le mieux approprié. La nature ne fait pas de sauts. L’histoire, si.

    Je vous conseille vraiment ce livre (qui n’est pas du tout déprimant) très original pour son texte plutôt que pour son histoire.

    Références

    L’inconstance de l’espèce de Judith SCHALANSKY – roman traduit de l’allemand par Matthieu Dumont (Actes Sud, 2013)

  • Je viens de prendre ma douche et au cours de celle-ci, je réfléchissais à comment je pouvais intitulé ce billet pour vous donner envie de le lire jusqu’à la fin. La semaine dernière, j’ai lu deux livres dont le sujet principale était la famille ; les deux livres étaient en langue allemande. J’en ai tiré beaucoup d’enseignements :

    1. Ne pas se marier avec un allemand ;
    2. Et / Ou Ne pas faire d’enfant avec lui ;
    3. Et / Ou Ne pas aller habiter n’importe où en Allemagne (je l’ai déjà dit plusieurs fois mais je suis en train d’apprendre l’allemand et donc, je lis aussi des livres simplifiés où la famille allemande est plutôt un père blond avec un chapeau tyrolien, des chaussettes longues et un short, une mère nourricière et blonde, une petite fille avec des nattes et un garçon blond, le tout formant un très grand paquet d’amour) (je vous laisse le choix de la couleur de cheveux de la fille) .

    J’aurais pu intituler ce billet de manière intellectuelle « Analyse comparée de deux romans de langue allemand dont le sujet principale est la famille dans la société post-68 ». J’ai réfléchi à tout cela dans ma douche et je commençais à rédiger dans ma tête un billet extrêmement bien construit comme d’habitude.

    Et là, le drame s’est produit. Je suis remontée dans mon bureau et je me suis rendue compte que l’un des romans était autrichien. Donc, j’avais trois possibilités :

    1. Renommer mon billet (trop difficile de faire œuvre d’imagination à cette heure-ci) ;
    2. Généraliser les enseignements ci-dessus décrits ;
    3. Clairement indiquer que j’étais une menteuse et une usurpatrice (j’ai choisi cette troisième possibilités parce que même pas peur).

    Devoirs d’école de Jakob Arjouni

    On va commencer par le roman allemand (parce que quand même il y a le titre). Il s’agit de Devoirs d’école de Jakob Arjouni. Vous pouvez trouver un excellent avis sur le blog de Cachou. On suit Joachim Linde, professeur d’allemand, qui à la veille d’un grand week-end où il a prévu d’aller dans les environs de Berlin, termine un cours sur « les écrivains allemands d’après-guerre et leurs prises de position sur le Troisième Reich ». La discussion dégénère. On en vient à parler de la relation que doivent entretenir les Juifs et les Allemands après le génocide de la Seconde Guerre mondiale et les prises de position qui doivent être celles de l’Allemagne vis à vis d’Israël. La discussion reste dans la bien-pensance et les pensées non personnelles (on cite l’opinion publique) . Tous les élèves voient le noir de l’autre côté de la rue (les camps sont partagés). Dans cette scène d’ouverture, Jakob Arjouni dénonce une société où le débat ne peut pas être serein. Chacun s’emporte mais personne ne réfléchit. Pour le pédagogue qu’il se prétend, ce cours se termine donc sur un échec.

    DevoirsDEcoleJakobArjouniJoachim rentre donc chez lui pour prendre ses affaires et prendre le train pour Berlin. Il tombe sur le petit ami de sa fille venu chercher ses affaires. Elle ne vit plus dans la maison familiale depuis quelques mois. Le petit ami accuse clairement le père d’être responsable de ce départ, suite au harcèlement (à caractère sexuelle) qu’il a fait subir à sa fille.

    Il faut bien voir que tout au long du roman, on a uniquement le point de vue de Joachim même si l’histoire est racontée par un narrateur extérieur. En tant que lectrice, j’étais encore dans la première scène et je pensais que ce n’était pas possible mais bon, quand même … si elle le disait. Pourtant, il se prétendait un pédagogue (et sur cela qu’il va insister tout au long du livre). L’édifice commence à se fissurer. On voit Joachim comme un homme et non plus comme un personnage de roman. Là-dessus, le téléphone sonne. C’est la mère d’une de ses élèves qui l’engueule comme une harpie à la suite du cours, qui menace de le faire virer, de prévenir les journalistes … Joachim garde son calme, se montre raisonnable en plus. Quand j’ai lu le livre, je me suis demandée si le livre allait tourner au Dr Jekyll / Mr Hyde (un personnage publique et un personnage privé) parce que je commençais à avoir des doutes sur l’homme Joachim. D’autant que je venais de faire la connaissance du fils de la famille, membre actif d’Amnesty International, jeune et emporté comme il sied à son âge, cette connaissance se faisant à travers les yeux de Joachim (j’espère que mon père ne pense pas cela de moi ou en tout cas en ces termes). Joachim ne semble pas capable d’offrir un quelconque amour au sien. Ainsi, on apprend que sa femme est en hôpital psychiatrique parce qu’elle est en dépression.

    On découvre une famille de quatre personnes complètement disloquée, des individus qui n’ont plus rien à voir les uns avec les autres. Ce Joachim est pourtant le même que le pédagogue.

    Le roman va parler de la famille mais surtout de comment le scandale du harcèlement va éclater en un week-end et avoir des répercussions dans la vie intime et professionnelle de Joachim.

    Jakob Arjouni nous décrit un homme dans toute sa complexité et sa dualité, d’autant qu’ici on a accès à toutes ces pensées (après moi je ne sais pas si tous les hommes allemands n’ont pas les mêmes pensées). Un thème important du livre est la dénonciation de l’hypocrisie de bons nombres de notables : bien sous tout rapport mais avec un grands nombres de secrets et de cadavres dans les placards.

    Cependant, la force du roman à mon avis (même si c’est contradictoire avec ce que j’ai dit précédemment) est de nous mettre en position de juge de l’affaire. Dans la scène d’ouverture, on ne peut qu’être d’accord : le débat ne doit pas être noir ou blanc, qu’il doit être réfléchi et éclairé. Quand dans la suite du roman, on doit, en tant que lecteur, se poser la question de savoir si Joachim est coupable du harcèlement sur sa fille, on est pris entre deux positions : le harcèlement (même si il est mental et pas physique) est une chose des plus horribles qui peut arriver à une femme / à une fille / à une fillette (on prend le parti de la mère et de la fille, puis du fils) et la défense de Joachim (je n’ai pas su rendre ma famille heureuse et oui j’ai des torts mais qu’en pensée -> c’est le mal quand même à mon avis) (c’est pour cela que je n’aimerais pas être dans la tête d’un homme allemand ou pas). On se dit que la situation n’est pas aussi claire que cela. Personnellement, il m’a été impossible de conclure mais au cours de la lecture, je n’ai pas arrêté de changer d’avis entre compassion, rejet … c’est-à-dire entre des sentiments qui ne permettent pas de se faire une idée sereinement (je rappelle aussi que je suis quelqu’un de naïf et que j’ai tendance à un peu croire tout le monde). Pour moi, cela ressemble à une démonstration magistrale même si je trouve que le fait que le narrateur suive uniquement Joachim biaise tout.

    Le tout est servi par une écriture / traduction très fluide qui fait que les pages se tournent toutes seules (le livre ne fait que 150 pages en plus).

    Nous avons tué Stella de Marlen Haushofer

    J’ai lu aujourd’hui ce court roman / longue nouvelle de Marlen Haushofer, auteure autrichienne (1920-1970).

    Encore une famille bourgeoise, un homme « fait pour prendre du plaisir », une femme qui aurait pu jouer dans Desperate Housewives, une petite fille et un adolescent : Richard, Anna, Annette et Wolfgagng. Le père n’a d’yeux que pour sa fille à qui il cède tout et la mère n’a d’yeux que pour son fils (là encore, j’ai trouvé que la relation était très malsaine). Le père « fait pour prendre du plaisir » enchaîne les maîtresses comme les saucisses (si c’était en France, j’aurais dit comme des baguettes de pain parce que cliché un jour, cliché toujours).

    NousAvonsTueStellaMarlenHaushoferL’équilibre précaire de cette famille est complètement perturbé quand Louise, une « amie » d’Anna, lui demande de prendre en pension sa fille Stella (qu’elle ne supporte pas). Trois ans après, Stella est morte sous les rues d’un camion. On dit que c’est un accident même s’il y a peu de doutes sur le suicide. Les 70 pages de ce livre sont la confession de Anna sur comment on en est arrivé à cette situation.

    Je spoile beaucoup : l’homme « fait pour prendre du plaisir » a pris du plaisir avec la jeune fille et la femme qui savait n’a rien fait quand l’homme a rompu (ni même avant pour empêcher le tout).

    Ce qui ressort du livre, c’est la solitude de tous les personnages : Anna regarde son jardin depuis que Wolfgang l’a délaissé depuis qu’il a compris le souci de ne surtout pas faire de vague. Le père continue ses conquêtes et de vivre sa vie de manière effrénée. Je trouve personnellement cela toujours très suspect.

    Là encore, l’auteur dénonce l’hypocrisie, la bien-pensance, les adeptes du « surtout ne pas faire de vague ». Jakob Arjouni est plus ambitieux puisque lui parle de la société alors que Marlen Haushofer reste dans le couple.Pourtant Marlen Hashofer assure une conclusion simple, la prise de conscience d’Anna :

    Et tandis que la chair de Stella se détachant des os imprègne les planches du cercueil, le visage de son meurtrier se reflète dans le ciel bleu des yeux innocents d’une enfant.

    Je n’ai pas choisi de lire ce livre par hasard. Il y a quelques mois j’ai lu L’Inondation de Evgueni Zamiatine, paru aux éditions Sillage :

    Dans le Saint-Pétersbourg des années 1920, Sofia et Trofim, couple sans enfant, voient leur union se fissurer peu à peu. Sofia décide d’adopter une jeune orpheline du voisinage, Ganka. Ce qui devait préserver son mariage va amener la catastrophe : Trofim cède au charme de l adolescente. Anéantie, Sofia s enferme dans le mutisme. Les eaux de la Neva commencent à monter…

    J’avais lu que le thème du livre de Marlen Haushofer se rapprochait de celui de la nouvelle de Zamiatine et comme vous pouvez le juger au résumé ce n’est pas faux même si le livre de l’Autrichienne reste plus terre à terre à mon avis. Je ne vais pas en parler plus car mon billet n’est pas sur la famille allemande.

    LInondationZamiatineJ’ai aussi lu au mois de juillet un autre livre où la famille allemande était mise à mal : L’inconstance de l’espèce de Judith Schlansky. Je ne vous fait pas un commentaire ici car je ferais un billet avec les extraits les plus dans un billet hautement intellectuel intitulé : « Tu as toujours voulu savoir pourquoi ta prof de biologie te disait que tu descendait du singe ; rentre dans ses pensées et tu apprendras pourquoi mais gare à toi ! »

    Références

    L’Inondation de Evgueni ZAMIATINE – traduction de Marion Roman (éditions sillage, 2013)

    Nous avons tué Stella de Marlen HAUSHOFER – roman traduit de l’allemand par Yasmin Hoffman et Maryvonne Litaize (Actes Sud / Babel, 2010)

    Devoirs d’école de Jakob ARJOUNI – traduit de l’allemand par Marie-Claude Auger (Christian Bourgois, 2007)

    Une siècle de littérature européenne – Année 1985
  • BurialRitesHannahKent

    J’ai trouvé ce livre à Gibert quand je trainais dans le rayon des livres en anglais (j’aime beaucoup depuis qu’ils ont mis ce rayon au deuxième étage ; c’est beaucoup moins étouffant qu’au quatrième). Ce qui m’a attiré, ce n’est pas la couverture (qui pourtant est très jolie maintenant que je la regarde) mais le fait que la tranche du livre est bleu foncé. C’est absolument superbe. Quand on ouvre le livre, la première sensation que l’on a, c’est d’avoir à faire à un très beau papier. Même la couverture est particulière au toucher ! Voilà pourquoi j’ai pris ce livre. Parce que futile un jour, futile toujours !

    J’ai quand même regardé la quatrième de couverture parce que bon, je les achète tout de même les livres … J’ai vu trois éléments qui m’ont tout de suite accroché : Islande, 1829 et auteure australienne (je l’ai vu à l’intérieur du livre). J’ai trouvé fascinant qu’une auteure australienne puisse se passionner pour l’Islande. Apparemment, cette passion lui vient d’un voyage qu’elle a fait là-bas au cours d’un échange. En plus, d’écrire sur l’Islande, elle parle islandais.

    Elle en a eu besoin pour faire ses recherches dans le but d’écrire ce livre car elle est partir d’une histoire vraie, l’histoire de la dernière personne condamnée à mort à avoir été exécuté en Islande. Il s’agit d’Agnes Magnúsdottir, servante à la ferme d’Illugastadir. Elle a été condamnée pour les meurtres de son patron Natan Ketilsson et Pétur Jónsson. Deux autres personnes ont été condamnées avec elle, Fridrik (un jeune voisin) et Sigga (une jeune fille de 15 ans qui sera graciée).

    En 1830, l’Islande est danoise et est donc une petite province isolée. Le meurtre sauvage de deux habitants (suivi de l’incendie du bâtiment) choque volontiers tous les habitants, surtout quand cela ne se passe pas dans la capitale. La justice souhaite faire un exemple pour que cela ne se reproduise pas. Le tribunal a donc condamné les trois coupables à la mort par décapitation (si j’ai bien compris). Les condamnations doivent être confirmées par le tribunal suprême à Copenhague. Agnes croupit en prison dans le Nord alors que les autres accusés ne sont pas en prison pour pouvoir être suivi religieusement. Le roman début quand Agnes, elle-aussi, va aller dans une famille où elle pourra être visitée par le Tóti, qu’elle a choisi pour l’accompagner spirituellement dans ces derniers mois.

    La famille est composée par le père Jón, Margrét la mère (qui est atteinte aux poumons car l’air n’est pas suffisamment sain pour elle), et les deux filles, Steina (l’ainée, un peu gauche mais très gentille) et Lauga, toutes deux ayant dans la vingtaine. Bien sûr, au début, personne n’ose approcher la meurtrière. Au fur et à mesure qu’Agnes sait se montrer indispensable tout en restant humble, que les besoins en main d’œuvre se font ressentir, la famille se détend. Steina reconnaît en Agnes la dame qu’il leur a fait un présent le jour de leur arrivée à la ferme. Margrét apprécie l’aide qu’Agnes lui apporte lors de la récolte. Jón admire la manière dont elle a aidé à l’accouchement de la voisine. Seule Lauga reste sur la réserve.

    Ces passages sont entrecoupés par la manière dont Agnes s’est retrouvé dans cette situation. On commence par l’enfance, avec une mère qui fait des enfants illégitimes avec tous ses patrons, son abandon au bord d’une route à l’âge de 6 ans avec pour pour seul ami un caillou qu’elle doit mettre sous sa langue pour pouvoir parler aux oiseaux. On continue avec les différentes fermes qu’elle a fait, jusqu’au jour où elle fait la connaissance de Natan, homme charismatique et différent, apprenti sorcier jouant au médecin, qui va l’emmener à Illugastadir où son destin sera celé.

    Typiquement, il ne se passe pas grand chose dans ce livre : le mystère étant comment Agnes a-t-elle pu tuer deux hommes alors qu’elle ne semble pas capable de cela (cela devient un peu excitant au bout de 280 pages). Il s’agit plutôt d’un roman d’atmosphère, de remémoration de souvenirs.

    J’ai passé deux semaines de lectures formidables avec ce livre (les deux semaines venant du fait que j’ai tapé un peu haut pour mon niveau d’anglais). Hannah Kent arrive à nous transporter dans son Islande de 1830 (conditions de vie, organisation de la vie sociale aussi). En plus, Hannah Kent fait des descriptions des paysages islandais, des variations de conditions météo qui m’ont fait rêver, qui m’ont transportés complètement ailleurs que dans le RER. La psychologie de ses personnages est parfaitement fouillée et réaliste. Ils ne semblent pas mystérieux, incompréhensibles.

    Je ne sais pas pourquoi mais je dois mieux me débrouiller dans mon choix de livres en anglais qu’en français. J’ai lu 6 livres de la rentrée littéraire et aucun ne m’a plu comme celui-là (cela m’a d’ailleurs plombé le moral). Ce qui est à noter aussi, c’est qu’il s’agit d’un premier roman.

    Comme vous l’aurez compris, c’est un livre que je vous conseille vivement (en traduction si elle arrive un jour ou en langue originale).

    P.S. : on nous précise dans la postface que l’on peut encore voir la tombe commune de Agnes et Fridrik, la ferme en ruine de Natan mais aussi une plaque sur le site de l’exécution des deux meurtriers.

    Références

    Burial Rites de Hannah KENT (Picador, 2013)

  • LesFragmentsSolanderPierreCendors

    Présentation de l’éditeur

    Avant de perdre la mémoire à la suite d’un accident, l’écrivain Paul Fauster travaillait à la biographie de l’une des figures poétiques les plus mystérieuses du XXe siècle : Endsen, disparu à Prague dans les années cinquante sans laisser de trace. Résolu à dénouer les fils qui lient son propre passé à celui du poète, Fauster découvre peu à peu l’étrange complot qui, de Prague à Berlin, de Petrograd à Moscou en passant par Budapest, a failli lui coûter la vie.

    Mon avis

    J’ai lu ce livre il y a quelques mois. J’ai donc beaucoup hésité avant d’écrire ce petit billet. Ce qui m’a décidé c’est que comme toujours avec Pierre Cendors ce livre est remarquable (de quoi vous réconciliez avec la littérature française).

    Pour ne pas mentir, j’ai du relire la quatrième de couverture pour me remettre en mémoire l’histoire. Pierre Cendors reprend dans ce livre l’idée de l’écrivain mystérieux, celui que l’on croit mort, que l’on croit retiré ou muet… Cet écrivain est bien sûr talentueux (sinon on ne le rechercherait pas). Pierre Cendors tisse donc sa trame autour d’une énigme littéraire avec des doubles de chair et d’os et de papier. En écrivain ce livre, l’auteur répond à quelques questions ouvertes dans L’Homme caché. En effet, Cendors rédige une œuvre plus qu’une série de livres : chaque ouvrage renvoie à un autre qui renvoie à un autre… (cela aussi est rare en littérature française).

    Pour autant, l’histoire n’est pas la qualité la plus remarquable de ce livre. Pour moi, c’est l’atmosphère qui ressort de ce livre. À la lecture vous êtes hypnotisé. Le bruit autour de vous n’existe plus. Vous êtes en Europe de l’Est, au milieu d’une rue embrumée. Vous êtes seul (toujours au moins intérieurement dans les romans de Pierre Cendors). Vous êtes toujours au bord d’une abîme. Plus exactement on ne peut pas lire ce livre en n’utilisant que son cerveau. Entre en jeu les sens, le cœur. Vous êtes comme oppressé mais jamais vous ne tombez dans une relation malsaine avec l’auteur, le livre, l’histoire. C’est cela pour moi être au bord de l abîme avec un livre. Je n’ai ressenti cela, en littérature française, qu’avec Pierre Cendors. C’est ce qui fait pour moi l’absolu nécessité de lire ce livre.

    Ce qui ne gâche rien : ke soin apporté par La dernière goutte pour la création de ses livres. Le format, le papier, la police font que le livre est très agréable à lire.

    Références

    Les fragments Solander de Pierre CENDORS (La dernière goutte, 2012)

  • TheLifeAndDeathOfHarriettFreanMaySinclairMay Sinclair a publié ce texte en 1922. Il a été réédité en 1980 dans la collection Virago Modern Classics, qui rassemble toutes les auteures anglophones du 20ième siècle que l’on aime tant sur les blogs francophones, Rosamond Lehmann ou Molly Keane en sont ainsi de dignes représentantes.

    Ce livre est très court 150 pages écrites en gros caractères avec pelin de pages blanches. Cela s’explique par le fait que le livre est constitué de 15 chapitres de moins de 10 pages décrivant les moments clés de la vie d’Harriett Frean. Sur 70 ans, on va de la naissance à la mort.

    Harriett est née au 19ième sicècle (fin du siècle) dans une famille aisée. Elle est la seule enfant d’un père travaillant dans la finance et d’une mère aimante. Ils forment tous les trois une famille très soudée. La petite fille vit pour ne pas décevoir ses parents ; elle est donc une petite fille modèle pour qui la fréquente. Elle agit toujours bien. Autour de ses vingt ans, le fiancé de sa meilleure amie tombe amoureux d’elle. Elle le refuse pour ne pas perdre son amie et surtout parce qu’elle agit toujours bien, pour ne pas contrarier ses parents.

    Plus tard, sa famille sera ruinée, son père ayant fait de mauvais investissements. Pourtant son univers ne s’écroule pas car il lui reste sa mère. Quand à son tour elle mourra, Harriett découvrira au fur et à mesure les conséquences de ses toujours « bonnes actions », tout en devenant une vieille dame respectable.

    Ce qu’il y a de remarquable dans ce livre, c’est la manière dont May Sinclair fait passer 70 ans. Comme par magie, vous assistez à toute la vie de Harriett, pas seulement aux moments clés. Le texte n’est pas du tout décousu. Parfois le passage du temps est explicitement fait (une année passe, deux années passent…) mais en général le passage se fait naturellement. Pourtant on sait toujours à quelle moment de la vie de l’héroïne on est.

    L’écriture de May Sinclair n’est qu’économie de moyen. À la findu livree, cependant, on a l’impression qu’Harriett a vraiment existé. L’auteure arrive à nous la rendre très proche en décrivant tout au long du livre ses pensées et sentiments.

    May Sinclair a été traduite en français dans les années 80. Ce n’est pas un auteur si mineur qu’on pourrait le penser (même George Orwell avait repéré ce livre). Par exemple, elle est la première à avoir utiliser le terme de « stream of consciousness » dans un contexte littéraire. C’était pour une critique du livre de Dorothy Richardson, Pilgrimage. Connaissez-vous Dorothy Richardson ? Je n’en avais jamais entendu parler avant…

    Références

    The Life and Death of Harriett Frean de May SINCLAIR (Virago Modern Classics, 2012)

    Un siècle de littérature européenne – Année 1922
  • RueDesVoleursMathiasEnard

    Présentation de l’éditeur

    À Tanger, un adolescent libre penseur, assoiffé de liberté, connaît ses premiers émois avec sa cousine Meryem. Surpris par ses parents, pudibonds, obsédés par les questions d’honneur, de morale et de qu’en dira-t-on, il se fait rouer de coups, ce qui le décide à fuir et à vivre dans la rue, puis à traverser la Méditerranée.

    De Tanger à Barcelone, un roman d’apprentissage contemporain, l’épopée d’un jeune homme sauvé par son amour des polars noirs et des poètes orientaux.

    Mon avis

    Je vais séparer mon avis en deux, une pour le texte en lui-même et une pour le livre audio.

    J’ai choisi d’écouter ce livre parce que c’est un livre qui me faisait peur. Pour moi, Mathias Énard est un style difficile. En plus, c’était sur le printemps arabe. Je me disais que personne n’avais assez de recul pour écrire un roman qui ne soit pas du journalisme. Que nenni ! Il ne fallait tout simplement par croire les critiques que j’avais lu.

    Mathias Énard a choisi comme héros un jeune marocain, vivant au Maroc, pays où justement il y a eu très peu de manifestations. Le roman se passe donc pendant le printemps arabe mais ce n’est qu’un arrière fond. Il sert surtout de catalyseur à la réflexion du narrateur sur son avenir. Ce que j’ai particulièrement aimé, c’est que le héros est un homme qui choisit. Il ne subit jamais même dans des situations très difficiles. Les peronnages autour de lui sont plus passifs et ont plus une tendance marquée. Ils tendent vers l’islamisme radical, le militantisme. Ils sont moins complexes car ils ne sont décrits que par ces choix qui semblent inamovibles.

    J’ai trouvé que Mathiaas Énard avait été très intelligent de situer une partie de son roman en Espagne où le narrateur retrouve une jeune fille rencontrée au Maroc. En présentant un tableau de la jeunesse européenne et maghrébine, il écrit un roman générationnel sur la quête d’un but, d’un idéal aussi, dans un monde qui s’effondre. Il échappe ainsi, à mon avis au cliché, et au fameux roman sur le printemps arabe que « tout le monde attendait ». En cela, il est bien écrivain et non un journaliste. Il nous présente une vision du monde plutôt qu’un fait journalistique.

    Quand j’ai écouté la première piste du CD, je me suis dit que la voix de Othmane Moumen était beaucoup trop mature pour interpréter les « mémoires » d’un jeune homme d’une vingtaine d’années d’autant plus qu’au début du livre on peut penser qu’il s’agit d’une narration classique (on commence quelques mois, semaines, jours avant les évènements marquants du roman). AU fur et à mesure de l’écoute on se rend compte que le narrateur ressasse des évènements. Il y a des réflexions qui reviennent par exemple. La voix mature du comédien permet de poser le discours. On comprend que le jeune homme est un vieil  homme , dans le sens d’homme qui a beaucoup vécu.

    Pour être plus claire, le livre audio m’a permis de ne pas me tromper de rythme. Je sais que si j’avais lu le livre par moi-même, j’aurais lu trop vite et j’aurais pensé que le style n’était pas adapté à l’histoire. Avec la lecture audio, j’ai pu me concentrer sur le contenu du texte car le comédien avait fait le travail d’adaptation pour moi. Ce sera plus facile maintenant pour moi de découvrir le texte en papier, de regarder plus précisément le style de Mathias Énard qui me faisait si peur.

    Merci à Chloé des éditions Audiolib qui m’a envoyé le livre mais aussi un extrait en mp3 du livre. C’est plus simple pour voir si la voix du lecteur vous convient.

    En résumé, un très bon livre audio à mon avis.

    L’avis de Kathel

    Références

    Rue des voleurs de Mathias ÉNARD – texte intégral lu par Othmane Moumen (Audiolib, 2013)