Quatrième de couverture
Un livre se penche sur son passé, de la sortie des presse à son départ plein d’espoir vers l’Afrique. Vingt ans d’une vie mouvementée. Il aime, est aimé, risque sa vie, rencontre des lecteurs et des lectrices, discute avec d’autres livres dans les librairies et les bibliothèques, s’interroge sur la marche chaotique du monde.
Tout cela donne un roman picaresque, une méditation drôle sur notre finitude, doublés d’une variation à la Queneau sur le mot « pilon ». L’humour, comme toujours, quand il n’est pas un confort, affleure au tragique.
Mon avis
Que dire à part que j’ai adoré bien évidemment : un lvre qui parle de livre, un lecteur passionné qui parle à des lecteurs passionnés. Les chapitres sont très courts, le propos est tendre : comme le dit la quatrième de couverture, le livre aime et le livre est aimé et tout cela se ressent dans le ton puisque c’est le livre qui parle.
Ce ton tendre cache bien sûr une réflexion sur le livre, ses amis livres (je vous confirme donc ici que les livres se parlent quand on dort), ses lecteurs, ses libraires, ses commerciaux, ses fabricants, ses destructeurs … Il y a aussi des idées plus larges sur le monde (avec lesquelles on peut être d’accord ou pas d’accord).
Un seul extrait, où le livre (qui ne dit jamais qui il est) parle d’un libraire chez lequel il a vécu, devrait suffire à vous convaincre (si ce n’est pas déjà fait) :
Pierre aime les livres et les choisit uniquement par goût, ce qui ne l’empêche pas, évidemment, de prendre une commande en dehors de son champ. En huit ans d’activité, il n’a jamais accepté un seul office et procédé à un seul retour. Il tient dix mille livres à la disposition du chaland. Il ne les a pas tous lu, mais il se fie à ses affinités et, ce qu’il a commandé, il s’efforce de le lire assez vite. Un libraire qui lit et non un libraire qui se contente de compter. Il lui arrive même d’offrir en prime des livres. Durant mon séjour, il donnait, autant qu’il vendait, Diadorim de João Guimarães Rosa, auteur brésilien, un roman éblouissant à ce qu’il disait.
Les personnes au bon sens épais comme il y en a tant vous prouveront, avec des arguments infaillibles, qu’un libraire de ce type va immanquablement à la faillite. Et pourtant, elle tourne. Pierre ne vend pas les livres à la mode. Il tient en réserve les dix huit titres de Gracq publiés par Corti auxquels s’ajoute la Pléiade. Char est toujours à l’honneur. Faulkner est tenu pour un grand. Le rayon poésie est bien pourvu. Beaucoup de beau monde : Borges, Tolstoï (Guerre et Paix), Jacques Roumain (Gouverneurs de la rosée), Cormac McCarthy, Octavio Paz, Ibn Khaldûn (Le livre des exemples), Leopardi (Zibaldone), Bohumil Hrabal (Les Noces dans la maison), Salinger, Michon (Vies minuscules), Georges Perros, Chalamov et bien d’autres que j’étais fier de fréquenter. Pas le genre de ce libraire d’une ville voisine qui répondit à un client lui demandant s’il avait le Pléiade de Char : C’est qui ça ?
Il est même arrivé à ce Pierre Landry hors du commun d’être à l’origine de la réédition d’un livre. On lui avait offert Les Coups de Jean Meckert chez Pauvert. Ce livre, alors épuisé, lui avait tellement plu qu’il dit à la représentante Gallimard pour le poche : « Vous expliquez à vos patrons qu’il y a un fou à Tulle qui en prend mille si vous le publiez en poche. » La belle Isabelle lut, fut convaincue, et défendant ce titre bec et ongles, réussit à convaincre le directeur de collection. Le livre est actuellement en Folio et Pierre n’y est peut-être pas tout à fait étranger. Il en a vendu plusieurs centaines.
Par contre, je vous le dis de suite le livre va mourir, mais d’une belle mort, beaucoup plus glorieuse que celle du pilon.
Références
Le Pilon de Paul DESALMAND – préface de Patrick Cauvin (Quidam éditeur, 2006)
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