J’ai entendu parler de ce livre pour la première fois dans l’émission du samedi après-midi, animée par Christophe Ono-Dit-Biot, sur France Culture. L’auteure parlait très bien de son livre. En plus, je l’avais beaucoup vu passer sur la blogosphère, sans jamais avoir découvert sa plume.
Comme je le vous disait dans un précédent billet, je suis plutôt déçue mais je pense que cela vient surtout de la manière dont j’ai découvert le livre et qui a façonné ma manière de le lire.
L’histoire est très tentante. Un journaliste, qui couvre les évènements culturels pour son journal, découvre lors de son passage au Havre un livre d’un auteur qui lui est complètement inconnu, Antoine Sorel. Il le lit dans la nuit subjugué par sa découverte et décide d’écrire un livre sur lui, lui qui n’a toujours écrit des articles. Il veut le rencontrer mais le problème est que l’auteur vient juste de se défenestrer. Le journaliste part alors à la rencontre de ses proches pour savoir qui était l’auteur en réalité.
Antoine Sorel était un homme particulier, qui buvait beaucoup, que de vivre dans la pauvreté ne dérangeait pas, écrire était son seul mode de survie. C’était donc un solitaire, mais qui a toujours gardé le contact avec ses deux frères. Il a par contre rompu les ponts avec son père, fils d’un immigré vietnamien, qui ne supportait pas les « jaunes » et dont le seul but est d’être un bon Français. Il a aimé, plusieurs fois, s’est même marié avec une femme qu’il n’aimait pas mais qui voulait le sauver de ses démons. À travers cette approche rapide de la personnalité d’Antoine Sorel, il est facile à mon avis de se rendre compte que le journaliste n’arrivera pas à saisir qui était vraiment Antoine Sorel. Secret, l’auteur a tout mis dans ses livres. Il suffit de lire et on peut savoir qui il était. Il faut juste savoir lire.
Même en faisant cela, on (le journaliste entre autre) n’arrive pas à comprendre comment l’auteur peut le toucher autant. Il croit le comprendre mais la manière dont est rédigé le livre, on sent que ce n’est pas vrai. Pour cela, le livre de Linda Lê est vraiment sublime. Elle offre un magnifique roman sur le lien entre l’auteur et son œuvre, entre le lecteur et l’œuvre et entre le lecteur et l’auteur. Elle montre tout le côté magique de l’affaire : un inconnu arrive à toucher un inconnu, même à marquer sa vie, mais cette relation entre deux hommes est toujours par l’intermédiaire du livre. Si vous cherchez un livre sur la littérature, ce livre est vraiment excellent.
J’en viens à ce qui m’a déçue maintenant. Je n’ai entendu qu’une voix, celle du journaliste. Les témoins dont ils rassemblent les souvenirs ne s’expriment qu’à travers lui, n’ont pas réellement de vie concrète pour le lecteur alors que certaines paroles sont censées être directes. On a toujours l’impression d’une retranscription. Ce qui me fait dire cela, c’est que pendant tout le livre, la narration est faite avec un style emphatique, trop joyeux ou trop déprimé, qui sonne faux la plupart du temps car il donne l’impression que le journaliste se regarde avoir des sentiments, et écrire même. C’est un journaliste parisien, mais quand même. Ce style là, je l’associe à la manière dont Christophe Ono-dit-Biot présente ses émissions de radio (quand il était chroniqueur au Bateau Livre, je ne me rappelle pas qu’il était comme cela). Il est toujours trop à mon goût. Ce qui fait que je n’ai pu m’empêcher d’entendre sa voix et pas celle de Linda Lê. Cela m’a donné l’impression de lire un roman autobiographique (en plus, lors de l’émission radio, il a dit qu’il était du Havre). J’ai eu l’impression de voir un côté fabriqué, que je n’aurais pas vu si j’avais découvert le livre autrement. En tout cas, je le pense.
Linda Lê a cité au cours de l’émission un livre de Nabokov qui m’intéresse bien, La vraie vie de Sebastian Knight, qui porterait sur le même thème.
Références
Œuvres vives de Linda LÊ (Christian Bourgois, 2014)
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