J’ai décidé d’écrire aujourd’hui un billet sur une BD, encore … Il s’agit d’une adaptation d’un roman que j’avais lu en français il y a quelques années : Le poisson mouillé de Volker Kutscher, qui était le premier tome des enquêtes de Gereon Rath. J’en gardais un bon souvenir, mon billet m’indique que ma lecture avait été très bonne (pour ne rien cacher, j’ai le tome 2 dans ma PAL et depuis il y a d’autres tomes qui sont sortis et qu’il me plairait beaucoup de lire) et donc quand j’ai vu qu’une adaptation en bande dessinée était sortie, je me la suis offerte et elle a attendu un an dans ma PAL… Comme le titre vous l’indique peut-être, elle n’est pour l’instant disponible qu’en allemand.
Dans la BD, l’action me semble beaucoup plus resserrée que dans le livre (qui faisait tout de même plus de 500 pages alors que la BD n’en fait que 200). Je vais donc raconter l’histoire (de nouveau) mais comme elle est racontée dans la BD. Gereon Rath est envoyé à Berlin, après avoir tué lors d’une intervention un forcené qui était (aussi) le fils d’un notable de la ville. Son père, grâce à ses relations, lui retrouve une place à la police des mœurs de Berlin, ce qu’il vit comme un déclassement après avoir travaillé à la criminelle, d’autant que la police criminelle de Berlin est connue pour son taux de résolution proche de 100%. En attendant, il doit se contenter de ce qu’il a. Son supérieur Bruno l’accueil avec cordialité, l’invite à une fête où il rencontre des anciens de la Première Guerre mondiale, où il apprend une histoire à peine croyable : beaucoup de monde (des malfrats mais aussi la police) est à la recherche du trésor d’une famille russe immigrée après la Révolution russe, la famille Sorokine. Là-dessus, sa logeuse, avec qui il a une aventure dès les premiers jours de son arrivée, lui demande de retrouver son ancien locataire, un russe aussi, qui a disparu depuis deux semaines. Gereon Rath commence à enquêter, se retrouve rapidement à marcher sur les plates-bandes de pas mal de monde. Poursuivi, il en vient lui-même à tuer mais ce n’est rien, car il va y avoir bien d’autres cadavres dans cette histoire … Je rappelle qu’un poisson mouillé est une affaire criminelle non résolue. Ici, ce sera la version officielle mais pourtant le lecteur connaître toute l’histoire. Tout se passe en sous-main dans cette histoire, Gereon Rath enquête de manière officieuse, cela lui permet d’utiliser des méthodes peu conventionnelles.
Arne Jysch a choisi de concentrer son scénario sur les personnages et l’action, laissant aux dessins la reconstitution de la période. Ce choix m’a fait voir des points que je n’avais pas forcément vus à la lecture du roman. L’action est extrêmement complexe et demande beaucoup d’attention à cause du rythme soutenu, dû au resserrement justement ; il y a beaucoup de machinations, de retournements de situations et changement d’alliance entre les différents clans. C’est d’autant plus compliqué qu’ici, la transcription des noms russes est en allemand, que le lettrage ne favorise pas la reconnaissance des noms propres (surtout quand on n’est pas germanophone). Le dessin est ici cependant d’une aide précieuse car les personnages sont dessinés avec précision et sont reconnaissables au premier coup d’œil.
Pour son dessin, l’auteur a adopté les codes du roman noir des années 30 (on le voit bien sur la couverture). Les dessins, en noir et blanc, les postures, les mimiques des visages, les habits, la manière d’agir avec les femmes, la manière d’enquêter, tout est repris d’auteurs comme Raymond Chandler. La reconstitution de ces années va même jusqu’au lettrage des bulles. Le texte, hors dialogue, est écrit en police de vieille machine à écrire.
J’aime beaucoup le personnage de Gereon Rath, avec son caractère ambigu. Sûr de lui, arriviste, ambitieux, manipulateur, il est prêt à tout pour retrouver une (sa) place, quitte à lutter contre la corruption en utilisant des moyens qui ne sont pas hors de critiques. Le caractère est plus marqué par le dessin que par le scénario et le texte. Les personnages secondaires masculins sont plus crapules les uns que les autres. Entre les dealers, les malfrats russes, les policiers véreux, ceux qui vivent dans l’attente d’une prochaine guerre, le lecteur est servi. Les femmes, avec par exemple la logeuse ou la collègue enquêtrice de Gereon Rath, sont-elles extrêmement libérées.
Finalement, Arne Jysch offre une adaptation personnelle, équilibrée et efficace du roman, tant au niveau du scénario que des dessins.
Pour ce qui est du vocabulaire, j’ai compris la plupart du texte, je dirais 85% (mon niveau est en gros B2+). Et le reste, je l’ai compris en regardant les dessins. C’est donc un bon choix de lecture pour les personnes souhaitant pratiquer leur allemand, tout en apprenant du nouveau vocabulaire, sans pour autant être stoppé tous les trois mots dans la lecture.
Références
Der nasse Fisch de Arne JYSCH – nach dem Roman von Volker Kutscher (Carlsen / Graphic Novel, 2017)
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