Présentation de l’éditeur
Ce sont les années de l’Occupation. Jérôme Bourdaine est un dandy, un « bavard et joueur, buveur et coureur, adepte de la vie considérée malgré tout comme une valse ». Un jour il décide de s’installer dans un hôtel niché sur les hauteurs de Monte-Carlo. Il se retrouve dans un lieu au charme désuet et suspendu où il est accueilli par un étrange couple d’aubergistes, gardiens des fantômes d’une époque révolue. Après des journées solitaires et rêveuses, l’arrivée inattendue de deux nouveaux hôtes change la donne.
Mon avis
C’est le libraire qui m’a dit que ce livre était bien. Il est tout timide mon libraire alors quand il me voit regarder la table des coups de cœur et qu’il s’arrête dans son travail pour m’en parler, je trouve cela trop gentil. Enfin, maintenant, je commence un peu à le connaître, il est timide et contemplatif, il regarde beaucoup, réfléchit mais n’en pense pas moins. Il rêve d’évasion aussi. Je l’aime beaucoup mon libraire, en tout cas l’image que ses goûts littéraires donnent de lui.
J’ai lu récemment que ce qui faisait fuir un blogueur c’était les digressions. Il aimait qu’un blog de lecture ne parle que de lectures. J’en suis bien incapable parce que je pense qu’un livre ne s’apprécie pas forcément de la même manière suivant les différents moments de la vie, vacances, travail, stress, malheur et bonheur, mais aussi suivant l’endroit où on le lit, dans les transports (avec la folle qui parle au téléphone juste en face de vous et qui s’étonne que vous fermiez votre livre parce que vous n’arrivez pas à vous concentrer un minimum), dans votre lit, dans le silence, dans le bruit, dans le jardin. Il n’y a que les gens dont c’est le métier qui peuvent prétendre à reconnaître le « niveau » d’un livre de manière objective, sans tenir compte des contraintes extérieures. J’ai la chance d’être lectrice et non journaliste littéraire ou critique universitaire alors j’en profite.
Et c’est là où je voulais en venir. Je crois que Hôtel de la solitude est un livre qui ne s’apprécie pas n’importe où et où il faut être dans un certain état d’esprit. J’ai donc lu ce livre hier après-midi (il ne fait que 120 pages) dans mon jardin (je suis toujours en vacances) et au soleil (sous le parasol tout de même), allongée sur ma chaise longue. J’ai la chance d’avoir un jardin de bonne taille pour la région parisienne, d’avoir des voisins de droite au travail, une voisine de gauche discrète (c’est ma marraine si vous voulez tout savoir), qui m’a dit bonjour et qui après s’est occupé de son jardin en ne faisant qu’un clac-clac très régulier avec son sécateur avec son sécateur. Je n’ai pas de vis-à-vis car je suis juste derrière une ligne de RER. La nationale est suffisamment loin et il y a suffisamment d’arbres entre nous pour que je n’entende pas le bruit des voitures et que celui-ci soit couvert par les oiseaux. Je me suis donc mise sur le ventre sur ma chaise longue et j’ai commencé à lire, un peu comme dans un rêve, à moitié endormie, à moitié rêveuse (les lectures dans le jardin, c’est aussi des souvenirs d’enfance), en pleine torpeur. Je crois que c’est l’état d’esprit idéal pour aborder ce livre.
Ce court roman de René Laporte a paru pour la première fois en 1944 et est aujourd’hui republié par Le dilettante qui a pris cette excellente habitude de nous faire redécouvrir des écrivains du XXième siècle légèrement oublié (ou inconnu dans mon cas).
On est en plein dans les années d’Occupation. Jérôme Bourdaine, « bavard, « joueur » et « coureur » décide de prendre le vert dans un hôtel de La Turbie. La Turbie est apparemment, d’après les photos, un très joli petit village qui surplombe le rocher de Monaco et qui donne donc sur la mer. L’hôtel est un ancien palace déserté par les grands de ce monde. Depuis l’occupation ? Non pas du tout. Depuis que le chemin de fer à crémaillère que l’on prenait depuis Monte-Carlo s’est cassé : un chaînon de la crémaillère a cassé, le train est redescendu, a défoncé la gare. Bilan : 2 morts. Pour les deux personnes qui s’occupent de l’hôtel, c’est cela la catastrophe et non la guerre ou l’occupation. Ils ne semblent même pas s’en rendre compte (il n’achète pas au marché noir par exemple) car ils vivent dans leurs souvenirs de princes, de princesses, de roi, de reine, de riches joueurs. Tout l’hôtel semble vivre comme cela. On comprend que cela amène à Jérôme Bourdaine un sacré dépaysement. Il a l’impression de revivre son enfance (certains éléments du décor lui y font penser) mais aussi de s’échapper de la guerre. Un jour arrive deux nouveaux clients arrivent (Jérôme était seul jusqu’à présent). Un couple de slaves. Le mari n’est jamais là : il travaille en bas et la femme prend ses repas seule. Une histoire d’amour d’un autre temps commence (il n’aurait pu en être autrement dans un tel décor). En même temps, la guerre s’infiltre lentement dans le paysage.
J’ai mis un peu de temps avant de rentrer dans le livre, le temps qu’il m’a fallu pour me rendre compte de l’état d’esprit du livre : celui de torpeur. Pourtant, j’étais prévenu dès le premier paragraphe :
Dès le premier soir, la porte poussée, il était devenu citoyen d’un autre monde. Il y avait maintenant cinq jours qu’il habitait là et qu’il prenait le même incroyable plaisir à se sentir absent. Qui viendrait le chercher ici ? Cette impression qu’il dépistait toutes les polices de l’univers, qu’il compliquait les enquêtes sentimentales de ses maîtresses, qu’il contrariait les perquisitions intéressées de ses amis, comme elle était agréable ! Elle emplissait béatement le creux vaste de sa torpeur.
Ce n’est pas évident car l’écriture de René Laporte au début du livre est en soubresaut. Il y a des phrases que j’ai du relire deux fois car le rythme m’avait échappé, la chute aussi d’ailleurs (cela m’a fait cela jusqu’à ce que Jérôme prenne ses marques dans sa chambre). J’ai trouvé que lorsque l’histoire s’installe, le style s’uniformise. De manière générale, celui-ci est très classique et élégant, ni sec ni redondant.
J’espère que Le Dilettante proposera d’autres livres de cet auteur (il a une sacré bibliographie en plus).
Références
Hôtel de la solitude de René LAPORTE (Le dilettante, 2012)
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