Quatrième de couverture
On nous dit que l’amour rend aveugle. On nous dit que le romantisme est mort, que le discours amoureux est mièvre, que la passion, c’est de l’hystérie. Je dis qu’il n’y a rien de plus faux et de plus mensonger. Aimer, c’est connaître. L’amour ouvre les yeux, il est connaissance. Ce livre n’est pas la transcription ou la narration d’une histoire d’amour que j’aurais vécue dans ma vie, il est tout entier et à lui seul cette histoire d’amour.
O.S.
Mon avis
Normalement, j’attends un peu avant de faire un billet, pour ne pas être fatiguée, ne pas être dans l’impression immédiate (mais je n’attends pas trop car sinon il n’y a plus de cœur mais seulement du cerveau dans les billets), pour me rendre compte de ce qu’il me restera du livre. Je lis en apnée, tout le temps. Je me laisse portée très facilement car je suis bon public. Si je n’attendais pas, vous auriez toujours des avis positifs (c’est quand même souvent le cas).
Mais là je ne peux pas attendre parce que ce livre m’a subjugué pendant trois jours, quitte à me faire écrabouiller par le tram à Porte d’Orléans. J’ai eu l’impression de ne plus être seule, de ne plus être décalée, de ne plus être une extra-terrestre. Je me suis dit qu’il y avait d’autres gens qui vivaient dans l’extrême, à ressentir tout à l’extrême, la tristesse comme la joie, la déception comme le plaisir, l’amour aussi. Jérôme, un des personnages du livre, est devenu pour moi. Il habite Paris dans le livre et j’ai eu envie d’aller le voir, de le rencontrer comme si il était vraiment vivant.
Pourtant l’histoire n’est pas particulièrement réaliste. Un soir, Jérôme, un jeune homme « issu de l’immigration », homosexuel, qui aime la baise mais pas l’amour par peur de l’engagement, assiste à un opéra à Madrid. Il glisse dans la main du chef son numéro de téléphone comme une bouteille à la mer, sans lui parler. Cela marche. Pierre, hétérosexuel, marié, un enfant, le rappelle. S’engage une correspondance par mail, par SMS, par téléphone, par courrier, par fax. D’une relation sentimentale naît une relation amoureuse empreinte de désir. Pierre est à L.A. et Jérôme à Paris. J’ai moins cru au personnage de Pierre mais Jerôme étant omniprésent, cela ne m’a pas dérangé.
L’histoire est peu réaliste pourtant Olivier Steiner arrive à nous embarquer parce que son écriture est magnétique, envoutante. Il y a une voix dans le livre, l’impression que l’on ne nous cache rien, que l’on se livre complètement à nous. Pour mieux vous rendre compte, je vous signale que l’auteur a un blog qui peut vous aider à vous faire une idée. Un auteur qui écrit à propos d’Annie Ernaux
Elle traite la surface des choses pour dire la profondeur
ne peut qu’être formidable et à découvrir.
En conclusion, je remercierai mon libraire qui a écrit en très gros COUP de CŒUR parce que sans lui, je serais passé à côté d’un énorme bonheur de lecture.
Il y a au moins une personne qui est d’accord avec moi.
Un extrait
Bref, j’avale des pilules et le pire est que j’aime cette idée. J’ignore si ça me fait vraiment du bien mais ça me donne l’impression de me soigner, d’agir. Je vis en couple avec cette chimie. Certains amis me disent qu’il faut que j’arrête, que je suis camé, que je dois me secouer, qu’il faut faire gaffe avec une certaine « complaisance », que bien vivre est avant tout une question de volonté. Ils ne comprennent rien. Mais je ne leur en veux pas parce qu’ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne peuvent pas savoir que devant la dépression c’est toute la volonté qui se dérobe, elle n’est plus qu’un conte pour enfants, la volonté, un souvenir lointain, et le sujet, le moi, se désagrège. Il ne reste plus qu’à serrer les dents, attendre que ça passe, si ça passe, supporter l’idée que ça ne passera jamais. Mais parfois je sors du tunnel et ça me semble définitif, d’un coup tout va mieux, c’est merveilleux, le monde est à ma portée, si vaste et si accueillant, c’est de nouveau l’âge des possibles, mon énergie est immense, j’ai envie de tout embrasser, everything is absolutely beautiful, rien ni personne ne me résiste. Puis, catastrophe, les angoisses reviennent, l’inertie, la fatigue immense, cette obscure puissance qui emporte vers le fond, et la bêtise qui reprend sa place dans le cerveau … Chaque fois je crois que je vais crever, que je vais me jeter par la fenêtre par la fenêtre. J’ai des visions de défenestration au ralenti. Mais ça ne dure pas. Je ne crève pas. Je ne me jette pas dans le vide. Vous savez, Pierre, je crois que le grand mystère, ce n’est pas l’avenir, le destin ou le passé, le grand mystère, le truc vertigineux, c’est l’imminence, les dix minutes qui suivent. Tout le temps. Jérôme.
Références
Bohème de Olivier STEINER (Gallimard, 2012)
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