Quatrième de couverture (qui sont en fait les premières lignes de la première nouvelle)
Comment s’était formée cette rue flottante ? Quels marins, avec l’aide de quels architectes, l’avaient construite dans le haut Atlantique à la surface de la mer, au-dessus d’un gouffre de six mille mètres ? Cette longue rue aux maisons de briques rouges si décolorées qu’elles prenaient une teinte gris-de-France, ces toits d’ardoise, de tuile, ces humbles boutiques immuables ? Et ce clocher très ajouré ? Et ceci qui ne contenait que de l’eau marine et voulait sans doute être un jardin clos de murs, garni de tessons de bouteilles, par-dessus lesquels sautait parfois un poisson ?
Mon avis
La première fois que j’ai entendu parler de Jules Supervielle, c’est chez Dominique et d’ailleurs comment aurait-il pu en être autrement ! Alors quand Matilda a proposé son challenge La tête en friche où il y avait cet auteur, j’ai sauté dessus rien que pour ça. Ce livre en fait est un recueil de huit nouvelles (je le dis parce que je ne le savais pas avant de voir ce billet).
Ce livre est juste magnifique. Jules Supervielle nous montre des mondes silencieux et/ou invisibles. On ressent pratiquement toujours une impression de légèreté (voir l’impression d’être dans un monde onirique) et pourtant il touche souvent à la mort et à la vie après la mort. En parlant de l’enfant de la haute mer :
Alors une vague vint la chercher qui s’était toujours tenue à quelques distances du village, dans une visible réserve. C’était une vague énorme et qui se répandait beaucoup plus loin que les autres, de chaque côté d’elle-même. Dans le haut, elle portait deux yeux d’écume parfaitement imités. On eût dit qu’elle comprenait certaines choses et ne les approuvait pas toutes. Bien qu’elle se formât et se défît des centaines de fois par jour, jamais elle n’oubliait de se munir, à la même place, de ces deux yeux bien constitués. Parfois, quand quelque chose l’intéressait, on pouvait la surprendre qui restait près d’une minute la crête en l’air, oubliant sa qualité de vague, et qu’il lui fallait se recommencer toutes les sept secondes.
Dans la plupart de ces nouvelles, il y a cette attente mais aussi cette légèreté et pourtant les chutes nous remettent sur terre (une terre de violence et/ou de mort) : on retombe souvent brutalement (notamment avec la nouvelle L’enfant de la haute mer dont la chute m’a laissé estomaquer). Une nouvelle fit cependant exception dans ce recueil (on y voit juste un monde horrible) : c’est La piste et la mare. Un marchand ambulant arrive dans une maison dans la pampa et se fera tué par le chef de famille car il voulait lui vendre un rasoir trop cher.
Jules Supervielle est surtout poète mais il a écrit d’autres livres (publié aussi par Gallimard) et je pense que je les lirais sans réserve (il me donne pratiquement envie de me mettre à la poésie). Merci à Matilda et Dominique !!!
Pour le challenge, on doit donner la définition d’un mot. Pour moi, la mer est un de ces mots que l’on ne peut pas expliquer (comme la neige). Le langage ne peut pas traduire une telle beauté mais il y en a qui s’y sont essayé :
- l’Académie française nous livre une définition pleine de bon sens : « la grande étendue d’eau salée qui couvre la majeure partie de la surface du globe » (cela aide beaucoup je trouve).
- Bernard Giraudeau (un marin donc) : « La mer enseigne aux marins des rêves que les ports assassinent ».
- Alessandro Barricco : « La mer est sans routes, la mer est sans explications ».
Références
L’enfant de la haute mer de Jules SUPERVIELLE (Folio, 2008)
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