Quatrième de couverture
Middlemarch (1871-1872) est sans doute le plus beau roman de George Eliot, en tout cas son roman le plus complet (le sixième sur sept).
Deux intrigues sentimentales principales, l’histoire des deux mariages de Dorothea et le mariage malheureux de Lydgate, jeune médecin ambitieux, avec la vulgaire Rosamond Vincy, se détachent sur un fond foisonnant de personnages et d’évènements, d’épisodes intéressants, amusants, émouvants. Un des charmes de George Eliot est dans cette surabondance de détails.
Nous avons fait figurer en préface un beau texte de Virginia Woolf sur George Eliot : « L’issue fut triomphale pour elle, quel qu’ai put pu être le destin de ses créatures ; et quand nous nous rappelons tout ce qu’elle a osé, tout ce qu’elle a accompli, la façon dont, malgré tous les obstacles qui jouaient contre elle (le sexe, la santé, les conventions), elle a cherché toujours plus de savoir, toujours plus de liberté jusqu’au jours où le corps, accablé par son double fardeau, s’effondra épuisé, nous devons poser sur sa tombe toutes les brassées de lauriers et de roses que nous possédons. »
Mon avis
Le roman fait 1100 pages dans l’édition Folio (c’est un F17 !) alors forcément je ne sais pas par où commencé. D’après ce que Sylvère Monod explique, Middlemarch est né de la fusion de deux projets : décrire la vie d’un petite ville provinciale et parler des mariages d’une jeune femme qui voulait faire le bien autour d’elle. Tout de suite, cela m’a rappelé les deux livres d’Elizabeth Gaskell Cranford et Femmes et filles. Mais en réalité c’est très différent même si cela parle de la même chose.
Une partie du roman parle donc de la vie à Middlemarch, des hameaux et des domaines aux alentours. Ainsi, vous pouvez apprendre les méthodes pour combattre le cholera, comment était créé des hôpitaux, comment tout était financé, comment les médecins entre eux se faisaient la guerre (d’après ce que j’ai compris, c’est surtout parce que le cadre de leur profession n’était pas réellement défini) qui fréquentait les salles de jeu, comment choisir le meilleur cheval pour ne pas se faire arnaquer, comment certains propriétaires et fermiers craignaient le chemin de fer … Alors que dans Cranford, vous aviez un livre où n’apparaissait que des discussions de salons de thé et donnaient cette impression que tout ce jouait là, notamment les réputations des gens, dans Middlemarch, il y a une vraie vie de village ! Des décisions sont prises dans des conseils, les nobles demandent de l’aide à un homme spécialisé dans tout ce qui touche à la campagne (chaque propriétaire ayant son idée sur comment améliorer la vie des paysans vivant sur ses terres). Le roman de George Eliot vise à une description minutieuse et exacte de la vie de l’époque ; c’est un « roman-monde » (à l’échelle d’un village).
Pour ce qui est des histoires sentimentales, il y en a trois. D’abord, il y a celle de Dorothea, jeune femme qui souhaite par dessus tout faire le bien autour d’elle avec son argent, ou tout du moins que son existence ne soit pas vaine. Au début du roman, sir James Chettam est très amoureux d’elle (elle arrive même à lui faire construire des maisons neuves pour ses paysans) mais Dorothea le voit avec sa sœur Celia. Quand monsieur Casaubon, recteur de la paroisse de Lowick âgé d’une soixantaine d’années, arrive au domaine de Mr. Brooke, oncle de Dorothea, celle-ci en tomba folle amoureuse. Pas parce qu’il est beau, ou très sympathique ou quoi que ce soit du genre mais parce qu’il a un projet de livre hautement intellectuel, dont il rassemble la bibliographie depuis trente ans ! Dorothea l’épouse pour pouvoir aider le grand homme. Elle sera bien évidemment déçue par sa vie conjugale. Pourtant elle rencontrera Monsieur Ladislaw, cousin de Mr. Casaubon, avec qui elle aura beaucoup plus de point en commun mais qui déchaînera les passions à Middlemarch.
La deuxième histoire concerne Lydgate, médecin qui arrive à Middlemarch avec de hautes idées sur la médecine et la science, qui lui aussi rêve d’accomplir de grandes choses, et Rosamond Vincy, jeune fille élevée dans la haute idée d’elle-même et de ses mérites pourtant peu nombreux. Lydgate ne voulait pas se marier de suite car il voulait s’établir et se faire un pécule pour pouvoir se marier et surtout la femme qui lui apporterait tout son soutien . Rosamond elle tombe amoureuse du prestige qu’elle s’imagine que son mari a et pourra lui amener. Forcément elle sera déçue.
Il y a aussi l’histoire annexe de Fred Vincy, frère de Rosamond, et Mary Garth. Lui, au début du roman, est très dissipé, dépensier, joueur mais pour l’amour de sa belle il s’amendera. Celle-ci l’aidera a toujours resté dans le droit chemin.
On voit que George Eliot n’a pas cette vision idyllique du mariage qu’ont certains romanciers (elle s’attaque à mon avis de manière assez virulente à cette institution). Elle n’y voit pas forcément un accomplissement. La preuve en est que Dorothea est le plus à même de réaliser ses bienfaits quand elle est veuve et non remariée. Des mariages peuvent être heureux comme celui de Celia et sir James. Mais Celia s’épanouit en temps que mère et non en tant que femme. Elle est docile et reste soumise à son mari. Dans Middlemarch, George Eliot nous montre quand même deux couples très mariés.
Le seul défaut que l’on peut donner à mon avis à ce roman c’est la maladresse dans les transitions qu’Elizabeth Gaskell n’a pas à mon sens dans ses romans. George Eliot en général à la fin du chapitre (ou au début) se met à faire un discours très abstrait. Puis tout à coup, elle met une phrase en rapport avec ses personnages (lien plus ou moins lointain avec le discours qui précède) et hop voilà la transition.
En conclusion, je ne regrette pas d’avoir pris le temps de lire ce gros roman !
Livre lu dans le cadre du challenge English Classics de Karine:)
D’autres avis
Celui de George (pas Eliot), de Cuné. Celui d’une autre Cécile.
Références
Middlemarch de George ELIOT – préface de Virginia Woolf – édition (traduction nouvelle de l’anglais) de Sylvère Monod (Folio, 2005)
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