Mon premier roman moldave ! Il y a encore peu, je pensais que la Moldavie n’était pas un vrai pays, mais une région de Roumanie, et qu’elle avait servi de modèle pour la Syldavie et la Bordurie d’Hergé. Il fallait que je corrige mes lacunes en littérature moldave, et en apprendre un peu plus sur ce pays qui m’est complètement inconnu. À ma connaissance, il y a très peu d’auteurs de ce pays, traduits en français : je vois Savatie Bastovoi (chez Jacqueline Chambon) et Iulian Ciocan (aux éditions Belleville). J’ai choisi de commencer ma découverte par le second livre traduit du second auteur.
Dans ce roman, on fait la connaissance de Nistor Polobok, chef du cabinet Architecture-Urbanisme-Cadastre à l’Hôtel de Ville de Chişinău (capitale de Moldavie, pour rappel). Comme en France, c’est un des postes administratifs où il est le plus facile d’être corrompu. Et, cela n’a pas manqué, Nistor est un des personnages les plus corrompus de la mairie, toujours proche politiquement du plus influent. À force de travail et d’argent, il a réussi à s’offrir un véritable palais dans un quartier plutôt huppé de la ville : il a des voisins plutôt aisés, mais aussi des voisins plus pauvres, habitant dans des immeubles datant de l’Union soviétique. Avec ses sous, il s’offre des femmes et maîtresses, tout en gardant la sienne à la maison. Une mécanique qui, il le pense, ne peut pas s’arrêter de sitôt.
Sauf que si ! Il rentre, un jour, chez lui, et trébuche sur une petite fissure dans le trottoir. Il se fait mal, demande à la mairie de faire quelque chose. Les ouvriers de la mairie arrivent, réparent, repartent, mais quelques jours, plus tard la fissure est de nouveau là, mais plus grande. Les ouvriers rebouchent. La fissure revient. La mairie abandonne et la fissure s’agrandit jusqu’à engloutir le palais de Nistor (bien sûr, il s’était enfui avant). Pendant ses épisodes, Nistor fait des cauchemars, devient plus ou moins conscient du danger imminent pour la capitale. En effet, il pense que la fissure va devenir crevasse, qui va devenir faille. Il cherche à prévenir tout le monde, mais aussi à comprendre ce qu’il se passe. Pour cela, il est aidé par une voyante qui lui dit que tout est sa faute. Plus exactement, c’est l’affront fait à une femme qui est la cause du problème. Commence alors une quête effrénée de la femme …
Ce livre est plutôt une bonne découverte. Je trouve l’idée de la fissure qui engloutit tout (maisons, arbres, véhicules, population… sans faire de différences), symbole de la corruption, excellente. J’aurais aimé que le côté fable du texte soit accentué, mais là, l’auteur ne choisit pas entre le roman social, la fable … et au final, j’en ressors avec un sentiment de pas assez, d’une bonne idée à moitié exploitée. C’est mon reproche principal.
Un autre reproche que je ferais, qui est lié au premier : certains chapitres ont peu de lien avec l’histoire, parfois avec la fissure même. Ces chapitres sont souvent ceux présentant la situation actuelle de la Moldavie. Cela rend parfois difficile de voir où l’auteur veut en venir.
On peut cependant trouver plein de points positifs à ce texte. L’auteur a beaucoup d’humour, on peut le qualifier de caustique, un peu fataliste. Il dépeint une situation en très peu de mots. Certains chapitres ressemblent à de très courtes nouvelles : une description, des personnages caractérisés en quelques traits, une histoire assez simple, une chute superbe et imprévisible.
Le reproche que je faisais précédemment peut aussi se transformer en qualité. On apprend énormément sur la Moldavie contemporaine, celle d’après la chute de l’URSS. On découvre une population partagée, entre ceux qui se tournent vers la Roumanie, et plus généralement vers l’Union européenne, et ceux qui se tournent vers la Russie. Les rêves, les âges et les situations sociales sont très différents. L’auteur dépeint très bien la corruption politique, la manière non spontanée dont se créent des révoltes soi-disant spontanées. C’est mis en parallèle avec la situation plutôt misérable de la population.
À la fin de cette lecture, j’ai le sentiment d’une population isolée entre deux géants, pas vraiment aidée par une élite corrompue, plus soucieuse de son compte en banque que du bonheur de sa population. C’est finalement toutes ses informations que je retiens du livre, et qui font que c’est une belle découverte, puisqu’elle m’a permis de connaître, un peu, ce pays.
Le billet de Passage à l’Est.
Références
L’empire de Nistor Polobok – Portrait fêlé d’une Moldavie corrompue de Iulian CIOCAN (Éditions Belleville, 2019)
Laisser un commentaire