Elisabeth Laureau-Daull situe l’action de ce livre, La jument de Socrate, dans la Grèce de Socrate, c’est-à-dire au Vième siècle avant Jésus-Christ. Plus exactement, on est le jour où Socrate doit avaler la ciguë puisqu’il a été condamné à mort par le tribunal.
Cette journée si particulière n’est pas racontée du point de vue de ses élèves, dont on peut lire par ailleurs les récits, mais de celui de sa femme, Xanthippe, que l’on peut traduire par « jument jaune » en grec. Mais que sait-on de la femme de Socrate me direz-vous, si votre culture grecque est au niveau de la mienne (c’est-à-dire au ras des pâquerettes). Personnellement, je ne me suis pas posé la question quand j’ai acheté le livre mais uniquement quand j’ai ouvert le livre. Wikipédia nous éclaire quelque peu sur la question. Visiblement, Xanthippe est l’incarnation même de la mégère. Plus exactement, c’est la version qui a été propagée par les élèves du philosophe. Ici, l’auteur en fait un tout autre portrait, celui d’une femme extrêmement moderne, attaché à son mari dont elle admire l’intelligence et qu’elle remercie infiniment de tout ce qu’il lui a apporté mais aussi pour la liberté de paroles et d’actions qu’il lui laisse.
La narration se déroule en une journée, à Athènes. Le livre commence par la vie de Xanthippe à son mari, celui-ci entouré de ses élèves qui ne demandent qu’à l’écouter une dernière fois (un seul veut essayer de le sauver). Xanthippe s’emporte, est donc congédiée par son mari et décide de faire quelque chose pour sauver Socrate. Elle veut aller voir le juge pour discuter avec lui (une femme discutant avec un homme de justice était quelque chose d’impensable à l’époque). En chemin, toute sa vie lui revient mémoire : sa vie de fille, sa vie de femme, ses enfants, son mari … Comme je le disais, l’auteur a fait de Xanthippe une femme moderne avec toute la liberté de parole que cela implique. On a son avis sur la place de la femme dans la Grèce antique, sur la place de celle-ci dans le couple … tout ce à quoi Xanthippe aspire à ne pas obéir. C’est ce qui fait d’elle un très bon personnage. On s’identifie facilement à cette femme qui aimerait être considérée comme l’égal des hommes ; elle a adopté cette position grâce à l’ »éducation » que lui a donnée son mari.
Après, je dirais que le livre a le défaut de ses qualités. Ici, on fait parler une femme sur qui on ne dispose que de témoignages à charge. Comme le dirait Julian Barnes, c’est un matériel très intéressant pour un écrivain sans aucun doute. De là à lui prêter les idées du féminisme modernes. C’est une mauvaise expression formulée comme cela. Plus simplement, prêter des pensées et/ou des idées contemporaines à des personnages vivants un siècle en arrière est quelque chose qui peut-être déjà compliqué (par exemple, on se doute qu’à l’époque victorienne on se doute qu’il y avait des femmes avec un caractère fort, vu les mouvements qu’il y a eu pendant et après dans la société), mais ici à l’époque de Socrate, j’ai plus de mal à voir où on peut piocher les informations sur des idées féministes. Sur internet, on peut trouver des informations sur la place des femmes dans la Grèce antique, sur la place des femmes dans la vie (sentimentale) de Socrate mais je ne suis pas sûre qu’il existait déjà des féministes à l’époque.
Tout cela pour dire qu’il ne faut pas chercher à voir dans ce livre quelque chose d’historique malgré un contexte très bien reconstitué (je dis cela car c’est justement ce qui m’avait poussé à acheter le livre). Sans aucun doute le caractère moderne du personnage est voulu. Dans ce cas-là, je pense plutôt qu’il faut lire le livre comme une image ou un exemple inspirant sur la place que peut avoir l’éducation et la confiance dans la volonté d’émancipation d’une femme. Je trouve que c’est déjà pas mal, même si ce n’est pas ce que je cherchais au début. Je ne voudrais pas que cela apparaisse comme un commentaire négatif pour ce roman car je l’ai avec grand plaisir. C’est en le renfermant et en voulant écrire ce billet que je me suis demandée quelle était l’intention de l’auteur et qu’est-ce qu’aurait pu être le roman si l’auteur avait voulu faire un roman historique parce que le sujet et la thématique choisis sont vraiment très intéressants.
En conclusion, une bonne lecture, dans un contexte original sans aucun doute.
L’avis de Niki.
Références
La jument de Socrate de Elisabeth Laureau-Daull (Éditions du Sonneur, 2017)
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