J’ai eu envie de lire un livre de cette auteur suite à un conseil de la librairie epagine. Je ne l’ai pas acheté en numérique car il était disponible à la bibliothèque
Par contre, j’ai pris ce livre par défaut. Madame Zou est le troisième tome d’une trilogie (de tomes indépendants), intitulée « Femmes en prison ». Le thème principal en est l’homosexualité féminine dans un camp de travail chinois pendant la Révolution culturelle. La quatrième de couverture prévient que c’est un thème extrêmement peu courant dans la littérature chinoise (euh, en France aussi, non ?) et donne l’impression que c’est ce qui fait la valeur du livre. Je n’étais donc pas attirée par cette quatrième de couverture, un peu racoleuse. Je voulais lire le second tome de la trilogie en fait. Le problème est que lorsque j’ai voulu le prendre, je ne l’ai jamais trouvé dans les étagères, la bibliothécaire non plus … Par défaut, j’ai pris celui que je ne voulais pas lire.
Et j’ai bien eu raison. Zhang Yihe, pour écrire sa trilogie, s’est basée sur son expérience personnelle. En effet, elle est « la fille de Zhang Bojun qui fut victime de la campagne anti-droitiste de Mao à partir de 1957 » et « a connu la prison elle-même ». J’ai lu quelque part que ce troisième volume était très personnel (c’est d’ailleurs confirmé par la quatrième de couverture).
L’histoire se passe donc dans un camp de rééducation par le travail, pendant la Révolution culturelle. Zhang Yihe fait le choix d’avoir deux personnages principaux, sans pour autant faire taire les autres femmes détenues.
Les deux personnages principaux sont donc deux femmes, Zhang Yuhe, qui a été condamné pour avoir dénigré le régime devant les gens de sa compagnie de théâtre (et a donc été dénoncé). Elle est très proche de sa famille, de sa mère en particulier, médecin dans un hôpital de région. Le livre est séparé en deux parties. Dans la première partie, on lit son apprentissage de la vie dans le camp, toujours dure, dans le travail mais aussi dans les relations entre femmes. Il y a une certaine solidarité mais qui a ces limites. L’autre personnage est Zou Jintu qui a elle été condamnée à 20 ans pour rien. Elle aussi, son histoire et celle de sa famille est racontée dans la première partie, en alternance avec l’apprentissage de Zhang Yuhe. On comprend bien l’arbitraire des décisions du régime ainsi que des tribunaux. La différence avec Zhang Yuhe est que Zou Jintu n’a plus de familles pour l’aider à survivre alors qu’elle est condamnée à une peine plus longue. Si vous avez envie de lire un bon livre sur la Chine pendant la Révolution culturelle, vous pouvez lire la première partie. Elle est absolument extraordinaire.
La deuxième partie est consacrée à la vie dans le camp et la fameuse homosexualité féminine. Zou Jintu est déjà avec quelqu’un et ses préférences sexuelles sont connues de toutes mais pas du tout admis. Sauf qu’on ne l’a jamais pris sur le fait. Quand Zou Jintu tombe amoureuse de Zhang Yuhe, elle n’hésite donc pas à le faire savoir à cette dernière, de manière directe. C’est une découverte pour Zhang Yuhe mais c’est une pause pleine de tendresse dans un univers rude. Clairement, l’auteur ne nous décrit pas une histoire d’amour. Il n’y a pas de grandes déclarations, d’éléments romanesques, de grands rebondissements faisant que l’histoire soit palpitante. Dans cette deuxième partie, on continue à découvrir la vie en camp de travail, au cours des saisons, la corruption, les sanctions et violences, la maladie, la hiérarchie. À tel point que je me suis demandée comment l’auteur allait finir le livre (je vous laisse découvrir la réponse en lisant le livre).
Finalement, on doit avoir peut être cinq scènes tendres dans tout le livre (chacune de quelques pages). Le thème de l’homosexualité n’est donc pas plus omniprésent que cela. En plus, ce sont de très bonnes scènes car l’auteur est très à l’aise pour décrire l’amour entre femmes. Mes craintes initiales ne se sont donc pas du tout vérifiées et tant mieux. J’ai donc trouvé ce que je cherchais dans ce livre : une plongée dans un monde inconnu de moi dans une période importante historiquement pour l’histoire chinoise, me permettant ainsi de mieux comprendre la vie dans un pays que je ne connais pas. Cette lecture a donc été une très bonne découverte. Le seul défaut (mineur) que je donnerai est une construction légèrement bancale : l’alternance entre personnages de la première partie ne trouve pas son pendant dans la seconde partie. Cela casse le rythme que l’on a pris au début de la lecture. Ce n’est pas franchement grave. Il suffit de s’adapter.
Avez-vous lu les autres tomes de la trilogie ? J’ai bien envie de me pencher dessus mais j’aimerais savoir s’ils sont personnels comme celui-ci, plus violents … c’est-à-dire quelles sont les différences par rapport à celui-ci. Merci d’avance !
Références
Madame Zou de ZHANG Yihe – traduit du chinois par François Sastourné (Ming Books, 2015)
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