Je ne connaissais pas du tout Ryoko Sekiguchi. C’est en entendant La dispute (France Culture) de la semaine dernière que j’ai eu envie de lire ce texte. C’est lui aussi un très petit livre. Le thème principal en est l’importance de la voix après la mort d’un proche. N’importe qui ayant déjà vécu cette situation sait comme on peut regretter de ne pas avoir enregistré la voix de l’être aimé. Nous avons des photos de ma mère, nous avons gardé toutes ses affaires, des extraits de son écriture. J’ai un sac où j’ai enfermé son soutien-gorge car il sentait encore son odeur, celle d’avant sa maladie (et il sent encore). La seule chose que nous n’avons pas, c’est sa voix. Mon frère a acheté une caméra quelques mois après sa mort. C’est pour vous dire comment ce texte pouvait me toucher et pourquoi j’ai eu envie de le lire.
Suite au décès de son grand-père alors qu’elle habite en France, Ryoko Sekiguchi couche ses pensées sur la voix des défunts et à l’importance qu’elle peut avoir pour les expatriés. Ses réflexions ne portent pas que sur ce cas particulier, bien sûr. Elle compare les différentes souvenirs que l’on peut garder des morts, l’importance des cassettes de répondeur pour garder la voix, la temporalité aussi. Une image, photo ou autre, renvoie au passé tandis que la voix est toujours présent. Elle s’inscrit dans le présent quand on écoute un extrait de la voix. J’ai aimé le parallèle qu’elle fait avec les voix de radio. C’est pratiquement comme les voix de proches, d’intimes. On les reconnaît tout de suite (je suis toujours un peu déçue quand je vois le visage des voix). Quand cette voix meurt, on peut l’écouter et la réécouter. Elle est dans le présent.
Il y a des réflexions que j’ai trouvées obscures, d’autres que j’ai trouvées passionnantes, d’autres très vraies. C’est un livre très personnel et intelligent.
J’ai lu ce livre en deux fois et clairement ce mode de lecture ne correspond à la structure du livre. Ce n’est pas un essai, ni un récit. Ce sont des pensées, séparées par trois petites étoiles. Mon esprit n’a pas vu les trois petites étoiles et donc cela donne une structure décousue, la pensée précédente est en encore dans l’esprit quand on lit la suivante. Cela ne va pas. J’ai fini de lire ce livre au début de la semaine. Je l’ai repris plusieurs fois pour chercher des extraits, relire des pensées. C’est de cette manière qu’il fallait lire ce livre. Se donner du temps. Lire une pensée, réfléchir dessus… reprendre le livre. Cela permet d’apprécier plus le discours, je trouve.
Extrait
Pourquoi vouloir à tout prix distinguer la voix du regard ? Le caractère de la voix est de toucher directement les tympans, c’est un fait. Le regard, lui, ne « touche » pas, si fort qu’il nous frappe; c’est aussi vrai des vivants que des morts.
À part la peau, par quoi nous pouvons toujours celle d’un autre, seule la voix, émise en forme d’ondes, peut toucher directement nos tympans, échauffer nos oreilles.
Deux territoires où le toucher peut exister.
Leur nature propre reste inchangée, même après la mort. Les seuls organes encore capables de « toucher » après le départ d’une personne, on s’y accroche comme à la dernière partie de cet être.
Références
La voix sombre de Ryoko SEKIGUCHI (P.O.L., 2015)
Laisser un commentaire